Notre constat : la forêt est en danger

La France est une grande nation forestière. Avec 25,2 millions d’hectares, nous sommes parmi les 25 pays les plus forestiers au monde en superficie et le deuxième massif de l’Union européenne, derrière la Suède. Les forêts françaises sont surtout présentes dans l’Hexagone, où 17 millions d’hectares recouvrent près du tiers du territoire, et en Guyane, avec 8 millions d’hectares. Il y a également 98 000 hectares de forêt à la Réunion, 72 000 hectares en Guadeloupe, 52 000 hectares en Martinique, 14 000 hectares à Mayotte. Notre pays doit donc jouer un rôle important dans le devenir des forêts de la planète et a une responsabilité immédiate, parce que les forêts sont en danger.

Depuis plus de trente ans, des scientifiques du monde entier, des forestier·es, des lanceur·ses d’alerte et des collectifs citoyens alertent sur la rupture des équilibres naturels que l’humanité a provoquée par la prédation démesurée qu’elle exerce sur les ressources de notre planète. La biodiversité s’effondre, nos activités libèrent plus de carbone dans l’atmosphère que ce que la nature, à commencer par les océans et les forêts, ne peut en absorber. De rapport en rapport, de COP en COP, les conséquences de l’inaction des gouvernants sont à présent visibles. Des forêts brûlent, dépérissent, sont victimes de ravageurs, insectes et pathogènes, dont la prolifération est favorisée par le réchauffement ou introduite par la mondialisation. L’Institut national de l’information géographique et forestière a estimé à 104 millions de mètres cubes le volume d’arbres morts sur pied entre 2015 et 2019, soit une augmentation de 30 % notamment dues aux sécheresses extrêmes ! 

Nous émettons toujours plus de carbone, ce qui aggrave le réchauffement et menace la santé des forêts et donc leur capacité à atténuer le changement climatique. Sortir de ce cycle infernal est une urgence absolue. 

Pourtant, la France est loin d’avoir pris en compte cette urgence : la forêt française continue d’être considérée d’abord comme une ressource pour l’industrie du bois, comme si ces écosystèmes qui abritent l’essentiel de la biodiversité terrestre, stockent et filtrent l’eau, captent du carbone, pouvaient être réduits à des mètres cubes de bois.

Cette vision étriquée a conduit à orienter la forêt vers une industrialisation à marche forcée, dont « le temps court » fait de considérables ravages : on est ainsi passé de la sylviculture à une ligniculture capitaliste, c’est-à-dire à une culture des arbres intensive dans une logique court-termiste qui épuise les sols, comme dans les champs de blé ou de maïs soumis à une agriculture productiviste. Au lieu de garantir la survie des forêts, on les remplace par des usines à bois où se succèdent à une cadence en accélération constante des plantations industrielles et des coupes rases. Nous commençons à en voir les conséquences : les récoltes de bois sont passées de 42,4 millions de mètres cubes par an de 2005 à 2013, à 50,1 entre 2011 et 2019. 

Dans le plan de relance d’Emmanuel Macron et son gouvernement, les 200 millions d’euros qui ont été alloués sans aucune conditionnalité à la filière forêt bois ouvrent la voie à des financements massifs de plantations et de coupes rases, désastreuses pour les écosystèmes. 

Le productivisme accéléré est en outre économiquement inefficace. Le secteur forestier français a perdu des entreprises par milliers et des emplois par dizaines de milliers : en 50 ans, on est passé de 15 000 à moins de 1 500 scieries. Il en disparaît encore plusieurs dizaines par an et la part du secteur forêt-bois-papier-ameublement dans les emplois à temps plein français a été divisée par deux en 20 ans. Même l’industrie du bois en pâtit, puisque les exportations massives de bois brut assèchent l’approvisionnement de nos scieries. Alors que le prix des matières premières connaît une envolée sur les marchés, le déficit commercial de la France dans ce secteur atteint des records (7 milliards d’euros en 2020), bien que les subventions affluent pour favoriser la marchandisation de la forêt et que la fiscalité de la propriété forestière soit particulièrement avantageuse.

Pendant ce temps, le service public indispensable pour faire face au défi écologique est démantelé. L’Office national des forêts (ONF) a perdu presque la moitié de ses effectifs, notamment de fonctionnaires, ces 35 dernières années. Dans une privatisation rampante, l’ONF a vu ses missions de service public sacrifiées au profit de logiques de rentabilité. Son budget actuel ne lui permet pas d’assurer efficacement ses missions régaliennes, telles que la surveillance du territoire et du foncier, la protection de la biodiversité, l’accueil du public ou la police de la nature. Les conséquences humaines sont désastreuses : 54 agent·es de l’ONF se sont suicidé·es depuis 2005.

Notre projet : une forêt multifonctionnelle, respectée et créatrice d’emplois 

Face aux logiques marchandes qui détruisent le climat, les écosystèmes, les ressources, les emplois et, parfois, les vies humaines, nous ferons de la forêt un lieu, à la fois :

Les êtres humains qui vivent en forêt sont des acteurs de ces écosystèmes. Qu’ils appartiennent aux peuples autochtones des Outre-mer ou qu’ils résident dans un espace rural forestier métropolitain, ils sont directement impactés par la gestion forestière et doivent être associés à son élaboration.

Nos propositions : la planification forestière

Respecter l’écosystème 

La bifurcation écologique de la sylviculture

La fin des « grands projets inutiles » 

Le bois est une source de chauffage mais, abandonné aux logiques productivistes aveugles, son usage est néfaste et peu efficace. Il ne peut être considéré comme une énergie renouvelable de la même manière que le vent ou le soleil, puisque son renouvellement nécessite des dizaines d’années. Ainsi, nous ne ferons pas feu de tout bois ! C’est pourquoi nous proposons de :

Un lieu ouvert et éducatif

Nous voulons que la forêt soit un espace ouvert, éducatif,  lieu de loisirs, de sport, de promenades :

Préserver le rôle protecteur de la forêt

La forêt a des fonctions essentielles pour l’ensemble de l’environnement : purification de l’air et de l’eau, stockage du CO2, préservation des biotopes, etc. En aucun cas des intérêts privés ne doivent menacer ces fonctions vitales. La règle verte, inscrite dans la Constitution, sera l’assurance de cette protection.

Toute forêt, qu’elle soit publique ou privée, devra bénéficier d’une gestion multifonctionnelle pour optimiser : 

La fonction économique sera définie par des objectifs (essences, modes de traitement, critères d’exploitabilité…) compatibles avec l’optimisation des fonctions environnementales, sociales et de protection contre les risques naturels.

Les agent·es de l’ONF garantiront les missions de restauration des terrains de montagne et du littoral, permettant ainsi de limiter les départs d’avalanches, d’éboulements, de glissements de terrain, de recul des dunes, et ceci, en totale indépendance d’éventuelles recherches de rentabilité.

La fiscalité forestière sera réformée : imaginée à l’origine pour favoriser le rôle de production de bois de la forêt, elle devra tenir compte de la multifonctionnalité des forêts en intégrant des critères associés à la préservation de la biodiversité, de la ressource en eau, au stockage de carbone, à la question des litières au sol ou à la dépollution atmosphérique.

Enfin, nous accroîtrons la coopération internationale afin de lutter contre les pratiques illégales qui détruisent les forêts (trafic de bois, orpaillage et mines). C’est un enjeu central notamment pour la protection de la forêt amazonienne en Guyane.

Relocaliser l’activité forestière

Appliquer un protectionnisme forestier

Un chêne sur quatre exploités en France est exporté non transformé. Parmi ceux qui sont exportés, un sur trois part en Chine. Un protectionnisme forestier est nécessaire : 

Cela permettra aux sylviculteur·ices de vendre leur bois sur le territoire, là où la matière première fait souvent cruellement défaut. Ces principes viseront à favoriser la relocalisation de l’activité. Depuis la crise de 2008, la filière bois française souffre de la baisse de la construction. C’est pourquoi nous proposons de : 

Une filière forestière intégrée 

L’État moteur de la politique forestière

Accorder des moyens au service public de la gestion forestière

Les effectifs de l’ONF sont passés de 16 000 travailleur·ses en 1985 à moins de 8 400 en 2021. Nous augmenterons les moyens humains et financiers de l’Office national des forêts et stopperons sa privatisation pour lui permettre d’assurer ses missions, y compris d’accueil du public. Le budget de l’ONF sera augmenté afin de recruter le personnel technique de terrain nécessaire à une bonne gestion des forêts françaises, soit un doublement des effectifs. Le budget de l’ONF ne doit pas dépendre des ventes de bois. Le passage d’un statut d’Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) à un Établissement public à caractère administratif (EPA) sera débattu. Cette transformation de l’ONF permettrait de décorréler totalement la gestion forestière du budget de l’ONF et promouvoir ainsi une gestion plus multifonctionnelle des forêts. 

Afin de permettre ces acquisitions et soutenir des projets d’intérêt général, l’investissement public sera mobilisé. Il s’agira d’amener, en cinq ans, 100 000 hectares de forêts de la gestion privée à une gestion publique. Si on veut aussi une gestion respectueuse de l’environnement dans les propriétés privées, il faut doubler les moyens du Centre national de la propriété forestière pour atteindre 5 à 6 agent·es par département. 

Nous renforcerons également les moyens humains et matériels de lutte contre les feux de forêt, aujourd’hui notoirement insuffisants face à un risque qui va s’accroître à mesure que le climat se réchauffe.

Une formation ambitieuse, une connaissance partagée

Nous avons besoin de plus de savoirs scientifiques concernant l’écologie forestière pour mieux éclairer les débats entre les citoyen·nes et les professionnel·les de la filière bois. Les différents acteurs du service public de la recherche forestière (universités, CNRS et INRAE) doivent travailler de concert sur les effets du changement climatique sur nos forêts et proposer des voies pour une adaptation qui préserve leur multifonctionnalité. Les chercheur·ses doivent être indépendant·es de tous les lobbys, ce que garantit le statut de fonctionnaire et des financements pérennes. C’est aussi grâce à un meilleur partage de la connaissance, que les différents acteurs pourront mieux travailler ensemble. 

Créer un droit de préemption public 

La forêt publique ne s’appuie pas sur une logique de rentabilité. C’est pourquoi nous accroîtrons la surface gérée par l’ONF en favorisant, par un droit de préemption, l’acquisition de forêts privées par les collectivités publiques et la réquisition des parcelles abandonnées. De plus, nous veillerons au strict respect du Code forestier en matière de gestion des forêts publiques et étudierons sa refonte globale.