Notre constat : cette oligarchie qui parle le dollar

En France, les situations quotidiennes où le libéralisme impose l’anglais sont nombreuses : industrie du divertissement, publicités, documents de travail dans les grandes entreprises, ou encore pratique de « naming » de produits, etc.

Le français dans le monde

En 2020, on estimait à 313 millions le nombre de locuteur·ices du français (francophones et francophones partiel·les confondu·es) réparti·es sur les cinq continents. S’y ajoutent 133 millions de personnes qui apprennent le français ou font leurs études en français. Le français est la 5e langue la plus parlée dans le monde, la 3e langue des affaires et la 4langue d’Internet.

Les projections démographiques montrent que, en 2050, le nombre de locuteur·ices du français s’élèvera à 820 millions sur une population mondiale de 9,7 milliards, soit une personne sur douze. Environ 85 % de ces francophones seront en Afrique.

Le français est la langue officielle ou coofficielle de vingt-neuf pays. Il a également le statut de langue officielle ou de langue de travail dans la quasi-totalité des grandes organisations internationales, dont toutes celles de la famille de l’Organisation des Nations unies (ONU). L’exception la plus notable – et elle est significative – est le Fonds monétaire international (FMI) où seul l’anglais a droit de cité, alors même que, traditionnellement, les directeur·ices du FMI sont français·es et nommé·es par la France.

Que ce soit en Suisse alémanique où certains cherchent à remplacer à l’école le français par l’anglais, en Wallonie ou au Québec, l’anglicisation progresse dans les zones francophones. En Algérie, le gouvernement remplace l’enseignement du français par celui de l’anglais dans le supérieur. La francophonie est donc un bien commun culturel et politique en constante évolution.

Une langue est plus qu’un simple code pour l’échange d’informations : elle constitue le creuset même de l’identité de chacun·e. Nombreuses sont même les personnes qui en maîtrisent plusieurs. On ne voit pas et on ne pense pas le monde, pas plus que l’on ne crée ou n’invente de manière identique à travers le prisme du norvégien ou à travers celui du quechua ou du chinois. Ce qui est vrai des individus l’est aussi des communautés et des nations. 

Pourtant, en France, les « élites » ont tôt fait de qualifier de « nationalisme » l’attachement des peuples à leur langue, alors que c’est parfois tout ce qui leur reste pour « faire société » et s’inscrire dans une histoire partagée.

Les institutions actuelles de la Francophonie

L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) est l’institution centrale des États ayant le français en partage. Elle a été créée en 1970 à Niamey (Niger) sous l’appellation d’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT). Son siège est à Paris et compte actuellement 88 membres.

Ses quatre grandes missions sont les suivantes : promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique ; promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’homme ; soutenir l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche ; développer la coopération au service du développement durable.

L’OIF dispose notamment sous sa tutelle de quatre opérateurs : l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), la chaîne francophone internationale de télévision TV5 Monde, l’Association internationale des maires francophones (AIMF), et l’Université Senghor d’Alexandrie en Égypte.

Un exemple affligeant entre mille de la démission de ces « élites » est le choix d’un slogan en anglais (Made for sharing), projeté sur la Tour Eiffel, pour le dossier de candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, et cela, dans la patrie de Pierre de Coubertin, initiateur des Jeux olympiques modernes dont le français est la langue officielle ! Les exemples se sont multipliés sous le dernier quinquennat : sommet annuel Choose France, utilisation récurrente de l’expression We Are One par Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux, etc. Pire encore, en choisissant de basculer leur documentation interne vers l’anglais, des entreprises s’affranchissent de la loi Toubon qui stipule pourtant que « le français est la langue du travail et des échanges ». C’est même le cas dans des entreprises au sein desquelles des représentant·es de l’État siègent au conseil d’administration. C’est une souffrance au travail supplémentaire pour des francophones d’être contraints de travailler dans une langue qu’ils ne maîtrisent pas aussi bien que leur langue maternelle. Le ridicule va jusqu’à mener des réunions en anglais en France, dans des firmes françaises, très souvent entre des salarié·es qui sont tou·tes francophones ou français. De fait, il s’opère une sélection sociale à l’embauche entre les personnes maîtrisant très bien l’anglais, originaires bien souvent de l’élite, et les autres.

Les instances européennes cherchent à casser les jugements contre les délinquants linguistiques condamnés en France au titre de la loi Toubon et qui allèguent au niveau européen la « concurrence libre et non faussée ». 

Tout en prétendant faire de la francophonie une priorité, dans son discours du 20 mars 2018, le président Macron a en réalité abandonné toute ambition, en allant jusqu’à supprimer le ministère délégué à la francophonie. Remplacé pour la galerie par la romancière Leïla Slimani, promue représentante personnelle d’Emmanuel Macron pour la francophonie.

Pire, la mise en place du dispositif « Bienvenue en France » multipliant par dix les frais d’inscription pour les étudiant·es non issus de l’Union européenne a mis un coup d’arrêt aux échanges universitaires avec le continent africain et plus particulièrement l’Afrique francophone. Les candidatures africaines ont baissé de 30 à 50 % dès 2019, selon la Conférence des présidents d’université. Alors que ces étudiant·es forment le creuset des futurs échanges commerciaux, culturels et diplomatiques entre notre pays et l’espace francophone.

L’un des rares projets annoncés par le président en 2018, à savoir les travaux de restauration du château de Villers-Cotterêts (Aisne) et sa transformation en une Cité internationale de la Langue française, n’est toujours pas achevé, encore moins inauguré quatre ans plus tard.

Régression, élitisme, court-termisme, voici comment nous pouvons résumer le bilan d’Emmanuel Macron.

Pourtant, la place du français est fragile. Malgré un nombre de locuteurs en constante augmentation, sa maîtrise s’est dégradée et son statut est parfois contesté. Le nombre de locuteurs réels est en diminution.

Notre projet : la géopolitique du français en partage

La France n’est pas une nation occidentale, mais une nation universaliste, présente dans tous les océans. Elle a une responsabilité particulière, eu égard à son histoire et à son poids économique au sein de la diplomatie mondiale. En ce sens, la position que défend l’Avenir en commun est celle d’une nation non alignée et en capacité d’avoir une place singulière dans le monde.

Dès les origines, la francophonie a été un concept ambigu, prenant parfois les atours d’un projet universaliste aux accents utopiques, d’autres fois celui de la mission civilisatrice, partout conquérante.

Il est urgent de donner corps à une francophonie des peuples dans le monde, articulée avec une dimension souvent oubliée, une francophonie populaire à l’intérieur du territoire national. Car les Français·es ignorent trop souvent qu’ils sont des francophones.

Trop souvent, le sentiment d’appartenance fondé sur la langue est sous-estimé. Nous le réaffirmons au moment où se déploient des espaces géoculturels autour d’autres grandes langues (arabe, anglais, chinois, espagnol, portugais, russe, turc). Ces espaces ont vocation à se transformer en acteurs géopolitiques avec lesquels nous voulons poursuivre un dialogue égalitaire, sans relations de domination. Nous voulons défendre notre langue commune dans tous les pays où elle est contestée ou fragilisée comme la Suisse, l’Algérie, certains pays d’Afrique subsaharienne… dans lesquels les milieux dirigeants veulent désormais privilégier l’anglais. Il s’agit de bâtir une aire – ou un archipel d’aires – d’interactions et d’échanges privilégiés débouchant sur des coopérations, des réalisations et des créations dans tous les domaines : recherche, formations universitaires et professionnelles, mobilité des étudiant·es et des enseignant·es, soutien aux quelque 900 000 professeur·es de français dans le monde, culture, économie, commerce solidaire, etc.

L’article 2 de la Constitution (« La langue de la République est le français. ») doit être respecté. La loi Toubon, votée par le Parlement à la quasi-unanimité en août 1994, doit être sensiblement renforcée et respectée. 

Vingt-neuf pays ont le français comme langue officielle ou co-officielle. Il faut y ajouter les cinquante autres où le français est utilisé dans des proportions très variables, et qui sont, eux aussi, membres de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Nous faisons nôtre ce qu’écrit l’association Courriel (Collectif unitaire républicain pour la résistance, l’initiative et l’émancipation linguistique) : le français est le « premier service public de France, la mémoire vive de notre histoire nationale dans ses contradictions, le socle de l’existence nationale, le ciment de la Francophonie internationale dans sa diversité, le support d’une littérature, d’une chanson, d’un cinéma, d’une science, d’une philosophie, qui appartiennent au patrimoine mondial de l’humanité ».

Sauf exceptions encadrées par la loi, le français doit rester la seule langue d’enseignement. Ce qui ne doit évidemment pas empêcher de développer le plurilinguisme véritable, notamment avec les langues officielles des Nations Unies et celles de nos voisins européens et méditerranéens dans le système éducatif. Car si l’anglais devient de fait la seule langue étrangère enseignée dans toute l’Europe dès l’école primaire, les langues nationales seront rapidement dénaturées, reléguées et éliminées au détriment de la diversité culturelle de l’Europe et du monde.

Il faut se féliciter que la francophonie ne se contente pas (ou plus) de défendre et illustrer la langue française ; elle se veut la championne de la diversité linguistique, en premier lieu en son sein

Grâce aux francophones, la langue française devient un creuset des expressions culturelles et de la diversité linguistique, et une des matrices de la « civilisation de l’universel » qu’appelait de ses vœux Léopold Sédar Senghor.

La francophonie agit ainsi comme un espace culturel de créolisation, fruit de la rencontre singulière entre la différence et l’équivalence, c’est-à-dire entre la diversité d’expérience et la similarité des revendications de causes communes. Cette rencontre est productrice d’inattendu et d’identité collective.

Cette diversité linguistique se doit de valoriser les métiers de la traduction et d’interprétariat et de promouvoir les méthodes d’intercompréhension des langues d’une même famille, en premier lieu celle des langues latines.

Le champ des possibles est immense et il peut donner à la France une nouvelle perspective historique, celle d’œuvrer à la réalisation d’une ambitieuse francophonie politique, dirigée notamment vers l’Afrique, tout aussi importante que la construction européenne.

« La francophonie peut être un instrument de notre libération puisque c’est à travers la langue commune que nous accédons à tel ou tel domaine de la vie »

Thomas Sankara

Il ne s’agit pas de contourner l’OIF, mais à partir du premier cercle de ses vingt-neuf États ayant le français comme langue officielle ou co-officielle, de constituer un « noyau dur » – quelle que soit sa formalisation juridique – disposé à s’affirmer comme tel dans le monde et à mobiliser des moyens humains et financiers pour développer des politiques communes, sans jamais oublier la promotion de la langue commune. Dans la terminologie des traités européens, voilà quelles seront nos « coopérations renforcées ».

La France pourrait être l’un des États clés à l’origine de ce projet qui aurait l’avantage de rassembler des pays du Nord et du Sud et de mettre en place des formes d’organisation, de coopération et de solidarité généralisables à l’ensemble de l’OIF, voire des Nations unies. Ce serait un ciment puissant pour une géopolitique non alignée, à la fois souveraine et altermondialiste.

Les propositions qui suivent visent donc à créer les conditions d’émergence d’une véritable communauté politique francophone excluant tout lien de dépendance ou de sujétion entre ses membres tout en défendant bien plus fortement l’usage du français en France même, faute de quoi c’est toute la Francophonie qui sera déstabilisée.

Nos propositions : l’ambition de la francophonie

Notre objectif est de faire de la langue française le ciment d’un nouvel acteur géopolitique, notamment par le renforcement et l’élargissement du socle des actions déjà en cours aux niveaux national, bilatéral et multilatéral.

En élargissant les missions actuelles de l’OIF, une fois débarrassée de ses velléités néolibérales, la communauté politique de la francophonie doit pouvoir prendre position sur les grands dossiers internationaux, et en particulier sur les migrations, la lutte contre le changement climatique, la défense de biens communs comme l’énergie ou l’eau. Elle serait une des potentialités et une des formes de dépassement de la Constitution française qui, dans son article 87, dispose que « la République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage ». Après un audit de l’OIF et de ses opérateurs, l’enjeu serait de réorganiser les institutions de la francophonie en agissant pour son recentrage sur les atouts de la langue française, sur les liens historiques avec les francophones du monde, les idéaux en partage.

Face à l’hégémonie de l’anglais, promouvoir le plurilinguisme

L’éducation et la culture francophones

Partager les savoirs

Assurer le rayonnement du français