« L’histoire est nôtre, ce sont les peuples qui la font. »
Salvador Allende, 11 septembre 1973.
« Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. »
Article 28, Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de la Constitution du 24 juin 1793.
« La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. »
Article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
Notre constat : la Ve République loin du peuple, contre le peuple
La Ve République est organisée pour tenir les citoyen·nes loin des institutions. Ce régime n’est pas cohérent avec la République sociale, celle de la souveraineté populaire et de l’intervention démocratique des citoyen·nes.
Nous vivons dans une monarchie présidentielle. Dans ce régime de pouvoir personnel, la présidente ou le président de la République cumule les fonctions de chef·fe de l’État et celles de chef·fe de facto du gouvernement et de la majorité parlementaire, en particulier depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral sur décision de Jacques Chirac et de Lionel Jospin en 2001.
La monarchie présidentielle de la Ve République garantit l’irresponsabilité politique du Président de la République. Élu pour cinq ans, il n’est responsable devant personne, n’a de compte à rendre à personne pendant son mandat. L’article 68, qui prévoit une procédure de destitution en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », est impraticable et n’a d’ailleurs jamais été mis en œuvre. Le président de la République peut très bien bafouer tous ses engagements de campagne, sachant qu’il n’encourt aucune sanction. Le sommet a été atteint par Emmanuel Macron et son usage inapproprié du Conseil de défense pendant la crise sanitaire : toutes les décisions sont prises sous le sceau du secret défense et sont donc hors de portée de tout mécanisme de responsabilité.
Cette culture de l’impunité politique, renforcée par la satisfaction du pouvoir personnel, se reproduit trop souvent à tous les niveaux de la République, et nourrit un éloignement, et même un dégoût croissant des citoyens à l’égard des gouvernants.
Il est urgent de replacer le peuple au centre de nos institutions. C’est le seul souverain en République. Le reniement du vote de 2005 par Nicolas Sarkozy a été un assaut violent contre notre démocratie : les Français·es ayant refusé le Traité constitutionnel européen, ils ont vu deux ans après leur Parlement voter un texte presque identique. La souveraineté populaire ne peut être ainsi bafouée sans laisser des marques profondes.
Comme si cela ne suffisait pas, tout semble fait pour exclure encore davantage le peuple de la représentation politique, en particulier parlementaire. Compte tenu du mode de scrutin aux élections législatives, des formations politiques qui obtiennent 5 %, 10 % et parfois même 15 % des suffrages des électrices et électeurs au premier tour de cette élection peuvent se retrouver sans représentation à l’Assemblée nationale. Cela mine la légitimité de nos institutions.
Ce régime se caractérise en outre par son instabilité politique et constitutionnelle. La Constitution de la Ve République devait, selon ses promoteurs, garantir la stabilité institutionnelle du pays. Mais cette Constitution prétendument stable masque un indigent jeu de chaises musicales au niveau du Gouvernement, dont la composition ne paraît plus obéir qu’aux caprices et impératifs d’une communication présidentielle impulsive.
La Constitution a été révisée 24 fois depuis sa promulgation, le plus souvent en l’absence du peuple, sans compter toutes les tentatives de révisions inabouties. La dernière a opportunément échoué sur le scandale lié à la bastonnade infligée par Alexandre Benalla à des manifestant·es : Macron a échoué à renforcer le pouvoir présidentiel au moment où son abus était manifeste, et les logiques de nervis à l’œuvre évidentes. En effet, à la suite du scandale produit par l’affaire Benalla, la révision constitutionnelle prévue pour ce quinquennat a été abandonnée.
À cette instabilité politique et constitutionnelle s’ajoute une instabilité sociale. La majorité présidentielle étant sourde aux demandes de l’opposition et des citoyen·nes, elle tend à se renfermer sur elle-même. La Ve République n’organise pas le dialogue avec le peuple, et nous l’avons cruellement vu sous ce quinquennat : le secteur associatif a été ravagé, du fait de la suppression des contrats aidés notamment, les travailleurs et travailleuses ont continué à pâtir d’une faible rémunération de leur travail, les soignant·es de la destruction de l’hôpital public, les enseignant·es et AESH de la dégradation des conditions d’enseignement, et nous pourrions mentionner encore d’autres secteurs.
Tous ces secteurs se sont mobilisés. Aucun n’a été entendu. La seule réponse du gouvernement a été sécuritaire et violente, ce dont le préfet de police Lallement est devenu un symbole particulièrement inquiétant et malveillant. L’éloignement entre institutions et citoyen·nes est donc matérialisé par la brutalité de l’exercice du pouvoir sous Macron : mains arrachées et yeux perdus. Les Gilets jaunes, les jeunes pour le climat et l’ensemble des mouvements sociaux ont souffert de la violence des institutions de la Ve République.
En conséquence, le peuple est en situation de grève civique. Le dégoût conduit à l’abstention massive, qui arrange la concentration du pouvoir et des richesses. Près d’un quart de nos concitoyen·nes sont non-inscrit·es ou mal inscrit·es sur les listes électorales. Les électeur·ices inscrit·es ne se rendent quant à eux presque plus aux urnes. En 2020, les élections municipales ont vu près de 60 % des inscrit·es s’abstenir au second tour. Pour le second tour des élections régionales, 66 % des citoyen·nes se sont abstenu·es. 50 millions de Français·es seraient en âge et en droit de voter. Pourtant, la non-inscription sur les listes électorales, l’abstention, le vote blanc et nul sont les signaux puissants d’une insatisfaction populaire à propos de nos structures de pouvoir.
Le droit de vote est un droit individuel mais aussi collectif, un droit qui fait de nous un tout : le corps électoral. Quand une partie de ce corps manque à l’appel, c’est la démocratie elle-même qui est en souffrance.
Notre constat est clair : la Ve République est à bout de souffle. Elle ne répond plus aux aspirations populaires ni aux exigences fondamentales d’organisation d’une société démocratique. La France de 2022 n’est plus la même que celle de 1958.
Notre projet : une Assemblée constituante pour la 6e République
Puisque la Ve République est à bout de souffle, il faut renouveler profondément nos institutions. C’est le sens de notre proposition d’une 6e République par et pour le peuple. Par le peuple : c’est la Constituante et l’intervention populaire. Pour le peuple : ce sont de nouveaux droits et libertés.
Pour sortir de la crise civique et démocratique, il faut changer les règles du jeu. Mais qui peut changer ces règles, si ce n’est le peuple lui-même, qui est seul titulaire du pouvoir constituant ?
L’ensemble des citoyennes et des citoyens doivent pouvoir s’impliquer personnellement dans la réécriture collective du pacte qui fonde notre peuple. Et pour faire cette refondation républicaine, nous appelons à un acte solennel, audacieux mais aussi respectueux de notre histoire : convoquer une Assemblée constituante dont le seul mandat sera le rappel et l’actualisation des droits humains reconnus par la Nation ainsi que la refonte des règles du jeu politique au regard des enjeux de notre temps.
La victoire à l’élection présidentielle permettra la convocation de la Constituante et l’amélioration de notre vie démocratique. Nous y présenterons des listes résolument engagées pour une République de la responsabilité des élu·es et du pouvoir citoyen. La victoire permettra également la mise en place de dispositifs permettant de renforcer immédiatement la participation citoyenne.
Une ambition historique
Une Assemblée constituante est une assemblée dont les membres sont chargé·es de rédiger et de proposer l’adoption d’un nouveau texte constitutionnel. L’ambition de se donner une constitution par ce moyen s’inscrit dans une filiation historique.
L’Assemblée constituante permet au peuple de reprendre en main les leviers de sa propre souveraineté. C’est de cette manière qu’il fera valoir sa volonté. Cette méthode a des précédents dans l’histoire de France. Les Première (via la Convention), Deuxième et Quatrième Républiques sont issues des travaux d’une Assemblée constituante ; tel est aussi le cas, d’un certain point de vue, de la Troisième République (c’est en effet l’Assemblée nationale qui a adopté les lois constitutionnelles de 1875).
Lorsque les Français·es ont écrit des constitutions par une délibération d’assemblée, elles et ils ont forgé de nouveaux droits. À l’inverse, lorsque les normes suprêmes ont été rédigées par un petit groupe, comme en 1958, cela a provoqué un recul des droits et libertés.
Les assemblées constituantes : une tradition républicaine en France
21 septembre 1792
- La Convention reçoit un mandat constituant et proclame la Première République.
4 novembre 1848
- L’Assemblée constituante instaure la Seconde République.
31 août 1871
- L’Assemblée nationale récemment élue se proclame constituante. La Troisième République sera définitivement instaurée en 1875.
21 octobre 1945
- L’Assemblée constituante est élue. La Constitution de la Quatrième République sera adoptée par référendum.
De même, dans les révolutions citoyennes d’Amérique latine, la convocation d’une Assemblée constituante a été pour le peuple un puissant moyen de réappropriation de la démocratie politique. Le Chili en est un exemple inspirant aujourd’hui, alors que les travaux de la Constituante sont en cours. On peut également citer l’Assemblée constituante islandaise de 2011 ou l’Assemblée constituante tunisienne élue la même année, à la suite du Printemps arabe. Dans tous les cas, la finalité était identique : appeler chaque citoyenne et citoyen à s’engager personnellement dans l’élaboration du contrat qui unit le peuple et la Nation.
« Ceci est un message pour la France, pour la France insoumise, pour vous dire que c’est possible de faire une assemblée constituante pour une nouvelle constitution. Ce que nous faisons n’est pas facile, c’est dur, car nous nous battons pour changer les structures de pouvoir. C’est un apprentissage constant. Et bien qu’il y ait des incertitudes, je crois que le résultat sera toujours meilleur que de rester avec la constitution de Pinochet. Il s’agit d’un exercice démocratique, avec des forces politiques issues de partis et d’autres qui ne viennent pas des partis. C’est un apprentissage de chaque jour. Avec des sièges réservés aux peuples originaires et la parité femmes-hommes. Alors voilà, je vous dis : Force et courage ! Il est possible de réussir à changer un pays depuis l’intérieur ! »
Beatriz Sánchez Muñoz, membre de la Convention constituante chilienne.
Une démarche cohérente et juridiquement fondée
Certain·es tentent d’opposer à cette exigence démocratique un contre-argument juridique, clamant qu’il serait juridiquement impossible de convoquer une Assemblée constituante. C’est évidemment faux !
L’article 11 de la Constitution de 1958 permet au président de la République de soumettre au référendum un projet de loi « portant sur l’organisation des pouvoirs publics », sans passer par un vote à la majorité qualifiée des deux chambres du Parlement. Le président Charles de Gaulle l’a fait deux fois, sans que le Conseil constitutionnel n’ait trouvé à y redire, le peuple assurant lui-même la sanction de cette initiative par son vote souverain (un rejet de la réforme proposée valant, en pratique, « motion de défiance » à l’égard du chef de l’État). Une fois élu, notre candidat disposera donc des moyens constitutionnels de proposer officiellement la convocation d’une Assemblée constituante.
Focus : la jurisprudence sur le recours à l’article 11 pour initier une révision constitutionnelle
Saisi en 1962 par Gaston Monnerville, président du Sénat, pour contrôler la loi référendaire soumettant au suffrage universel direct l’élection du président de la République, le Conseil constitutionnel affirme que l’esprit de la Constitution de 1958 fait de lui un organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics. Il rappelle également que les articles 11 et 60 de la Constitution sur la soumission d’une loi au référendum par le président de la République et les compétences du Conseil constitutionnel en matière de référendum ne prévoient aucune formalité entre l’adoption d’un projet de loi par le peuple et sa promulgation. Il en déduit que l’article 61 définissant le contrôle préalable de constitutionnalité des lois ne vise que celles votées par le Parlement et non point celles qui, adoptées par le peuple à la suite d’un référendum, constituent l’expression directe de la souveraineté nationale. Il se déclare donc incompétent pour se prononcer sur cette loi.
Cet argument est d’autant plus valide en l’espèce que le président de la République fait usage du pouvoir conféré par l’article 11 pour que le peuple puisse exercer son pouvoir constituant primaire. En effet, c’est le peuple qui changerait la Constitution, et non le Président ou sa majorité parlementaire.
Sur ces fondements, nous proposons d’engager un processus en trois temps :
- Dans la foulée de son élection, le nouveau président de la République soumet au référendum un projet de loi de convocation d’une Assemblée constituante.
Ce projet de loi référendaire et constitutionnel, premier jalon d’une transition organisée de la Ve République vers la 6e et fondement de la légitimité juridique de cette dernière, n’est pas anodin : son contenu fixe en effet les modalités d’élection des membres de la future constituante, préfigure son organisation et son fonctionnement interne, et pose le cadre indispensable à la conduite de ses travaux (délais, textes préparatoires, financement, ressources humaines et matérielles, quorum, conditions d’adoption et de ratification référendaire du projet de constitution, dispositions transitoires, délégations pour les actes d’application de la future constitution, organisation de la suite en cas de rejet du premier projet de constitution).
Ce texte permet au peuple, le souverain, d’exercer le pouvoir constituant primaire qui le détient de droit en démocratie. Il est donc fondamentalement démocratique.
- En cas de vote positif à l’issue de ce premier référendum, le peuple est appelé à désigner les membres de l’Assemblée constituante, par voie d’élection et par tirage au sort.
- Enfin, à l’issue des travaux de l’Assemblée constituante, le texte ainsi rédigé est soumis à un référendum et, en cas de vote positif, est promulgué en tant que Constitution de la 6e République.
Le calendrier du processus constituant
À la suite des élections du printemps 2022 (présidentielle en avril et législatives en juin), le nouveau président de la République soumet aux Français·es, par référendum, un projet de loi de convocation de l’Assemblée constituante
En cas de réponse favorable à ce projet, l’élection pour en désigner les membres est organisée au cours du second semestre 2022, pour que l’Assemblée constituante entre en fonction au plus tard le 1er janvier 2023.
Cette Assemblée a alors deux ans pour élaborer un projet de texte constitutionnel, en concertation avec le pays entier (cahiers de doléances, mécanismes d’interpellation citoyenne des membres de l’Assemblée constituante, forums citoyens, etc.).
À l’issue de ce processus, le texte constitutionnel ainsi rédigé est soumis au référendum au plus tard début 2025 puis, en cas de vote positif, promulgué dans la foulée comme Constitution de la 6e République. En cas de vote négatif, l’Assemblée constituante se remettra au travail.
Des règles claires et vertueuses
Afin d’éviter que la future Assemblée constituante ne soit instrumentalisée par les élu·es et les pratiques de la Ve République, il est nécessaire de fixer un certain nombre de règles, notamment sur sa composition et les modalités de désignation de ses membres.
En premier lieu, il paraît pertinent de combiner élection, pour permettre au peuple de trancher entre des orientations programmatiques distinctes, et tirage au sort, pour renforcer la diversité interne et la représentativité de cet organe. Afin de déterminer les parts respectives de membres élu·es et de membres tiré·es au sort, nous proposons de s’en remettre à la sagesse et à la volonté populaires : le jour du scrutin, chaque citoyenne ou citoyen de plus de 16 ans pourra choisir soit de voter pour des candidates ou candidats (chaque liste obtient un nombre de sièges proportionnel aux suffrages qu’elle a recueillis), soit d’exprimer sa préférence pour une désignation par tirage au sort. Ainsi, si 20 % optent pour le tirage au sort, 20 % des sièges sont pourvus de cette manière.
En outre, afin de prévenir d’éventuels conflits d’intérêts, aucun·e parlementaire présent·e ou passé·e ne pourra siéger au sein de l’Assemblée constituante, dont les membres ne pourront d’ailleurs pas se porter candidates ou candidats aux fonctions politiques qu’elles et ils auront instituées lors des premières élections nationales qui suivront.
Les institutions pendant la Constituante
Durant les mois de travail de l’Assemblée constituante, le gouvernement issu des élections du printemps 2022 gouverne avec les règles en vigueur.
Jean-Luc Mélenchon, président de la République, s’appuie donc sur un gouvernement dont la tâche est de mettre en œuvre le programme L’Avenir en commun et sur une majorité parlementaire.
Le gouvernement de l’Union populaire s’inspirera utilement des travaux en cours à la Constituante, tout en respectant son autonomie et son indépendance institutionnelle.
L’intervention populaire et la Constituante
2022 doit être le début du renouvellement démocratique attendu par la majorité des citoyennes et citoyens, méprisé·es par nos gouvernants dans le cadre de ces institutions dépassées.
La Constituante est le pivot de la démocratisation des institutions. Elle permet un exercice effectif de la souveraineté populaire.
Cependant, certaines dispositions garantiront, avant même l’adoption de la Constitution, une démocratisation de la pratique du pouvoir : interdiction du pantouflage, renforcement des droits sociaux, mise en place du référendum d’initiative citoyenne, ou encore obligation de présenter systématiquement au bureau de l’Assemblée nationale les propositions émises dans le cadre de conventions citoyennes ou d’assemblées créées à cet effet.
Nos propositions : ouvrir le champ des possibles et garantir la souveraineté du peuple
La possibilité ouverte par la Constituante : une nouvelle déclaration des Droits
Les constitutions modernes sont généralement précédées ou introduites par une déclaration de droits fondamentaux. La réunion d’une Assemblée constituante rendrait ainsi possible la constitutionnalisation, et donc la protection, de nouveaux droits.
Deviendrait ainsi envisageable l’inscription dans notre loi fondamentale de la règle verte, selon laquelle on ne doit pas prélever sur la nature plus que ce qu’elle peut reconstituer, ni produire plus que ce qu’elle peut supporter. La constitutionnalisation pourrait aussi être synonyme de réappropriation collective des biens communs : l’air, l’eau, l’alimentation, le vivant, la santé, l’énergie, la monnaie, qui ne sont pas des marchandises et doivent être gérés démocratiquement.
Cette nouvelle déclaration de droits fondamentaux ne viendrait pas supplanter, mais au contraire compléter celles qui figurent déjà dans notre bloc de constitutionnalité.
La Constituante ne se borne pas à déclarer des droits et libertés : elle en définit également les conditions et modalités d’exercice. À ce titre, le droit de propriété doit être soumis à l’intérêt général.
En matière écologique, le droit de propriété des actionnaires en particulier ne peut prévaloir sur les mesures nécessaires pour atténuer l’extinction massive des espèces, l’érosion des sols et le changement climatique.
En matière sociale, les droits des travailleur·ses seront placés au premier plan, par exemple en garantissant un droit de préemption des salarié·es sur leur outil de travail en cas de délocalisation. Les droits au travail et au logement seront inscrits dans la Constitution.
Puisque l’émancipation collective ne peut être dissociée de l’émancipation individuelle, des droits personnels seraient également constitutionnalisés. Le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) doit être inscrit dans la Constitution et protégé de celles et ceux qui souhaitent remettre en cause le droit des femmes à disposer de leurs corps. Le droit à mourir dans la dignité doit l’être également, car il y a là une liberté fondamentale qui éviterait bien des souffrances physiques et morales.
Libérer les médias des forces de l’argent (comme le prévoyait le Conseil national de la Résistance) est également à l’ordre du jour de l’Assemblée constituante, comme corollaire de la liberté de la presse et du droit à l’information.
La Constituante concerne tous les territoires de la République. Les Français d’Outre-mer et de Corse participent au processus constituant à travers un congrès général des territoires éloignés et insulaires, qui définit les formules communes les plus adaptées à leurs situations particulières, avec comme boussoles le plein respect de la souveraineté populaire et l’objectif d’une égalité réelle.
Contre les nouvelles féodalités et l’éloignement du pouvoir des citoyen·nes, il faudra refonder l’organisation territoriale de la République, en confirmant la place des échelons décentralisés mais en mettant fin à la superposition d’échelons technocratiques (métropoles, intercommunalités géantes), et en défendant les libertés communales et leur liberté d’association.
Enfin, la nouvelle Constitution serait l’instrument idoine pour rappeler la principale vocation de la République française devant le reste de l’humanité : être une nation universelle qui défend la paix partout dans le monde.
Pour ne plus jamais revivre le traumatisme du vote non respecté de 2005, la Constitution pourra décider que la ratification ou la dénonciation de traités internationaux, y compris les traités européens, seront obligatoirement soumises à référendum.
Cette nouvelle déclaration des droits sera un signal envoyé au monde entier que la France renoue avec son histoire républicaine et sa capacité d’invention et de protection de droits universels. À l’heure du changement climatique et de l’extinction de masse des espèces, une nouvelle déclaration des droits, à la hauteur de la situation, s’impose.
Une constitution a également pour objet de définir la forme politique choisie par la nation pour la gestion de ses affaires et l’organisation institutionnelle qui la matérialise.
À cet égard, la convocation d’une Assemblée constituante rend possible l’abolition de la monarchie présidentielle que nous dénonçons. Elle permettra de réfléchir et de débattre sur une règle du jeu politique autre que ce système, dans lequel un individu seul, le plus souvent élu par défaut, accapare tous les pouvoirs sans en assumer les responsabilités, à commencer par celle de rendre régulièrement des comptes.
Voilà donc l’occasion d’instaurer, par exemple, la séparation des pouvoirs avec un authentique régime parlementaire, stable, efficace et un exécutif réellement responsable devant le Parlement.
Un régime parlementaire digne de ce nom suppose aujourd’hui un Parlement réellement représentatif : c’est la raison pour laquelle nous sommes également favorables à la généralisation du scrutin proportionnel à l’issue du processus constituant. Dans le nouveau régime que la Constituante proposera d’instaurer, l’indépendance de la Justice sera mieux garantie et effectivement assurée.
Enfin, dans le monde du travail, le pouvoir est également confisqué. La question du pouvoir des travailleur·ses dans les entreprises, du développement des entreprises coopératives et du renforcement du pouvoir des représentant·es des syndicats est essentielle à la démocratisation de notre société : elle aura toute sa place dans la Constituante.
Jean Jaurès écrivait que la Révolution avait fait des citoyens des rois dans la Cité mais les avait maintenus en servitude dans l’entreprise. La République de l’intervention populaire est, sans aucun doute, une République sociale.
Une garantie d’exercice effectif de la souveraineté populaire
Certains cherchent à imposer l’idée nauséabonde selon laquelle le peuple ne doit pas trop voter, ou qu’il faudrait « laisser décider les experts ». Cette idée s’est malheureusement répandue parmi les cercles de pouvoir.
Au contraire, une constitution doit aussi garantir, entre chaque échéance électorale, le contrôle des citoyennes et citoyens sur leurs représentantes et représentants. Nous chercherons à généraliser les outils démocratiques permettant l’expression de la souveraineté du peuple. Le débat et le vote créent la conscience !
La 6e République de l’intervention populaire sera fondée sur les principes suivants : droit aux informations complètes et contradictoires, rotation fréquente des personnes en situation de pouvoir, vigilance contre les intérêts privés et les lobbys.
Le référendum d’initiative citoyenne est une proposition centrale dans la mise en place de cette 6e République de l’intervention populaire. Il doit permettre de :
- Proposer des mesures et sujets à mettre à l’ordre du jour d’une assemblée (initiative populaire des lois).
- Révoquer, en cours de mandat, des élu·es qui n’appliquent pas le programme sur lequel ils et elles ont été élu·es, pour en finir avec la culture de l’impunité propre à la monarchie présidentielle. Ainsi, à l’issue du premier tiers du mandat et jusqu’à un an avant la dernière année, un certain pourcentage de signatures d’électeur·rices permettra de provoquer un référendum qui décidera soit de révoquer l’élu·e, soit de lui laisser poursuivre son mandat.
- Abroger une disposition ponctuelle ou une loi. Le référendum abrogatif est déclenché à partir d’un pourcentage de signatures d’électeur·rices.
L’hypocrisie de l’initiative citoyenne actuelle
La Constitution de 1958 prévoit dans son article 11 §3 la possibilité de propositions de loi initiées en partie par les citoyen·nes. Il faut que celle-ci soit « à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement » (soit 185 parlementaires), et « soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales » (soit plus de 4 millions de personnes). Si la proposition de loi n’a pas été examinée (et possiblement enterrée) par les deux assemblées dans un délai de six mois, elle est soumise au référendum.
Malgré plus d’un million de signataires contre la privatisation des Aéroports de Paris en 2019-2020, aucun référendum n’a pu être lancé. Les limites du dispositif ont été concrètement éprouvées lors du dernier quinquennat.
Nous défendrons également les propositions suivantes :
- Reconnaissance du droit de pétition numérique, encadré par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui pourra accorder une carte électorale numérique sécurisée. Généraliser la conception collective des textes de loi via les outils numériques
- Reconnaissance des votes blancs et nuls, avec la possibilité qu’une élection soit invalidée faute de suffrages exprimés suffisants (seuil de représentativité). Corollaire, le vote sera rendu obligatoire
- Droit de vote à 16 ans, sans qu’il soit obligatoire jusqu’à 18 ans, pour agrandir le corps électoral et permettre aux jeunes générations d’être mieux impliquées dans les choix qui déterminent leur avenir
- Droit de vote aux élections locales pour les résident·es étranger·es en situation régulière, comme en bénéficient déjà les ressortissant·es des pays de l’Union européenne
Des mesures de vitalité démocratique pour rompre avec l’exclusion civique
- Rendre effectif le principe du non-cumul des mandats et des indemnités afin d’ouvrir largement l’accès aux fonctions électives et exécutives (un seul au même moment, deux mêmes mandats consécutifs maximum)
- Créer un statut de l’élu·e pour démocratiser l’accès aux responsabilités politiques en permettant à chacun·e de prendre un congé républicain, sans risque pour son emploi ou ses droits quels qu’ils soient, en vue de se présenter à des élections
- Rendre inéligibles les élu·es condamnés pour des faits de corruption et détournement de fonds publics
- Développer les projets de gouvernement ouvert (transparence, participation citoyenne et collaborative) et systématiser la publication en open data (données ouvertes) des données publiques détenues par les collectivités territoriales
- Encadrement des sondages d’intention de vote, afin de contrôler leurs modalités de fabrication en toute transparence, sans le paravent du « secret des affaires »
- Mettre en place un partenariat durable avec les associations aux différents niveaux institutionnels décisionnaires afin de stabiliser leurs moyens humains, matériels et financiers : banque solidaire (pour le monde associatif, les coopératives et l’économie sociale et solidaire), aide à la gestion administrative, etc.
- Établir des contrats pluriannuels afin de leur donner une visibilité à moyen terme et afin de les mettre à l’abri du chantage à la subvention
- Soutenir la création d’associations à but non lucratif, de coopératives (Scop, Scic, etc.) dans tous les domaines économiques afin de favoriser l’intervention populaire directe et le développement des coopératives de production
Créer des conventions de citoyen·nes
L’objectif est de faire participer les citoyen·nes aux décisions sur des sujets qui font controverse, par exemple en matière de technique et de sciences (bioéthique, robotique par exemple). Cela pourrait être fait via des conventions citoyennes dont la procédure exacte de convocation et de fonctionnement serait à définir par la Constituante. Certains éléments sont indispensables pour garantir l’utilité et le pouvoir d’une telle instance :
- Les citoyen·nes tiré·es au sort qui la composent recevront une information complète et contradictoire.
- La convention sera dissoute dès le rendu de son avis.
- Ses travaux seront protégés des influences des lobbys, accessibles à tou·tes et devront être pris en compte par les législateur·ices.
Un plan de séparation de l’argent et de l’État
- Combattre l’influence des lobbys dans le débat parlementaire, interdire l’entrée du Parlement aux lobbyistes et leurs cadeaux aux parlementaires, aux membres du gouvernement et à leurs cabinets
- Durcir les règles contre les conflits d’intérêts et interdire le pantouflage : tout haut fonctionnaire souhaitant travailler dans le privé devra démissionner de la fonction publique et rembourser le prix de sa formation s’il n’a pas servi au moins dix ans
- Allonger à dix ans les périodes d’interdiction d’exercice d’une fonction privée après avoir exercé une activité dans la fonction publique relative au même secteur
- Mettre fin au monopole de la parole des patrons par le Medef et fonder la représentativité des organisations patronales sur la base d’élections des chef·fes d’entreprise, comme c’est le cas pour les syndicats de salarié·es
- Réformer le financement de la vie politique et abaisser à 200 euros le plafond des dons individuels aux partis politiques
- Interdire la sous-traitance des opérations de propagande électorale à des entreprises privées
- Cesser de sous-traiter et de surfacturer la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques à des cabinets de conseils privés
Conclusion
Jean-Luc Mélenchon peut être le prochain et le dernier président de la Ve République. En 2022, c’est bien la monarchie présidentielle elle-même qu’il nous faut abolir, toutes et tous ensemble, dans un élan généreux et même patriotique. Les forces de division et de haine sont puissantes, mais le peuple français est plus fort encore.
Faire gagner Jean-Luc Mélenchon en 2022, c’est ouvrir le chemin d’un règlement pacifique des conflits et des blocages causés par des institutions renfermées sur un château, l’Élysée, forteresse de plus en plus assiégée et de plus en plus violente. La Ve République ne survivra que dans l’aggravation des tensions et de la répression. À l’inverse, la Constituante pour la 6e République permet d’envisager un avenir de paix et d’harmonie.
C’est notre Histoire, et nous l’écrivons nous-mêmes.