Notre constat : l’eau en danger
L’eau est un élément essentiel à toute vie sur Terre, elle-même composée à 70 % d’eau. C’est de ce bien commun que dépend notre survie quotidienne : 3 jours sans eau et nous sommes mort·es. C’est aujourd’hui le défi numéro un de l’humanité.
En effet, l’accès à l’eau n’est pas garanti. Dans le monde, 2,2 milliards de personnes vivent sans accès à une eau saine et 144 millions boivent une eau non traitée. Près d’une personne sur deux vit sans pouvoir accéder à des toilettes et à un système d’assainissement sûr.
Or l’eau est indispensable à la vie, à l’hygiène et au développement des sociétés. Les conséquences sanitaires d’un manque d’eau ou d’une eau insalubre sont dramatiques. 3 milliards d’individus ne peuvent se laver les mains à leur domicile. Ils sont plus fortement exposés aux maladies et aux épidémies en cours et à venir, dont le Covid-19. Les maladies « hydriques » (diarrhée, choléra) sont responsables de sous-nutrition, d’absentéisme scolaire, de pertes économiques mais aussi de nombreux décès : 6 millions de personnes (dont 2 millions d’enfants) meurent chaque année de diarrhée, due principalement à la mauvaise qualité de l’eau et au manque d’assainissement.
En France hexagonale, 1,4 million de personnes n’ont pas accès à une eau potable gérée en toute sécurité et plus de 870 000 personnes n’ont qu’un accès limité à des installations sanitaires. 90 % des cours d’eau sont pollués aux pesticides tandis qu’on trouve des micro-plastiques dans l’eau potable. Deux millions de personnes ont des factures d’eau et d’assainissement qui représentent plus de 3 % des revenus. Les Outre-mer sont particulièrement concernés : la moitié de l’eau part en fuites dans des canalisations vétustes.
Il ne s’agit pas seulement d’un problème de qualité. C’est aussi un problème de quantité. Le réchauffement climatique perturbe le cycle de l’eau. Sécheresses et pluies diluviennes s’alternent. L’eau vient à manquer. Or, celle-ci est inégalement répartie sur le globe : 9 pays se partagent 60 % des réserves mondiales d’eau. 40 % de la population mondiale souffre déjà de pénuries d’eau au moins une fois par an, selon l’ONU. D’ici 2030, la moitié de la population mondiale, soit quatre milliards de personnes, vivra dans des régions en manque d’eau. 30 % de la population européenne vivra dans des régions où l’eau sera rare toute l’année. La guerre de l’eau est commencée.
Malgré les alertes, l’eau est gérée comme une marchandise, faisant l’objet de spéculations toujours plus fortes. Ce système tire profit de la catastrophe qu’il provoque. Ainsi, l’eau est déjà cotée en bourse en Californie tandis que les sécheresses et les incendies géants deviennent la norme. L’eau potable est accaparée par les multinationales, tandis que l’assainissement est rarement une priorité des gouvernements. La prédation humaine sur l’eau se vérifie par le concept “d’eau virtuelle”. Il s’agit de la quantité d’eau utilisée pour fabriquer un bien de consommation. En France notre « empreinte sur l’eau » par habitant·e est ainsi de 5000 litres par jour dont seulement 150 l/j pour l’eau domestique. Environ un cinquième de l’eau consommée dans le monde est de l’eau “virtuelle”, échangée entre les pays sous forme de produits agricoles ou industriels.
Elle est pourtant indispensable à l’ensemble de nos activités. En moyenne dans le monde, l’eau est utilisée à 69 % pour l’agriculture, 19 % pour l’industrie, 12 % pour les usages domestiques. Le droit à l’eau et à l’assainissement de qualité a été reconnu comme un droit humain fondamental par les Nations unies en 2010. L’initiative citoyenne européenne Right to Water (droit à l’eau) a rassemblé en 2014 plus de 1,6 million de signatures. Mais la directive européenne sur l’eau potable qui en découle ne reconnaît pas le droit à l’eau et ne contraint pas les États membres. Il y a pourtant urgence à agir en France et sur le plan international. La maîtrise du cycle de l’eau s’impose comme une priorité. Ce bien commun doit être préservé des pollutions et de l’épuisement. Il doit donc être géré comme tel.
Le cycle de l’eau perturbé par le changement climatique, une menace majeure pour l’accès à l’eau et sa gestion
Les risques de sécheresse et d’incendies
En 2021, l’ONU alertait : « la sécheresse est sur le point de devenir la prochaine pandémie et il n’existe aucun vaccin pour la guérir ». Madagascar a ainsi vécu la première famine directement liée au dérèglement climatique, faisant souffrir 1 million de personnes de la faim. Les incendies géants se multiplient et la France n’est pas épargnée par la menace.
Nous avons connu 62 épisodes de sécheresse en France entre 1991 et 2015, alors qu’il n’y en a eu que 13 entre 1964 et 1990. L’irrigation représente 48 % de la consommation d’eau. Face à l’assèchement des cours d’eau, l’agriculture intensive préfère construire des milliers de bassines plutôt que de changer de modèle, ce qui augmente le risque de sécheresses.
La raréfaction de la ressource est aggravée par l’artificialisation qui empêche l’eau de s’infiltrer dans les sols, par la mauvaise gestion des forêts qui limite les capacités de rétention d’eau et d’évapotranspiration et par la sur-utilisation de la ressource par l’agriculture intensive.
Les risques d’inondations
Près d’un·e Français·e sur quatre est exposé·e aux inondations. Le réchauffement climatique engendrera une alternance de sécheresses et de pluies diluviennes. La capacité d’absorption des sols agricoles se dégrade et le ruissellement augmente d’autant plus, du fait des pratiques de l’agriculture intensive. Par ailleurs, les zones humides s’assèchent (ou sont asséchées), alors qu’elles jouent un rôle majeur de stockage d’eau. Enfin, l’artificialisation des sols – entre 20 000 et 30 000 hectares chaque année en France – conduit à leur imperméabilisation et à l’endiguement des rivières.
Une qualité de l’eau dégradée et en danger
En France, on prélève gratuitement dans la nature près de 5,4 milliards de mètres cubes pour la potabilisation d’eau. En 2015, seules 44,2 % de l’eau de surface est en bon ou très bon état écologique et 62,9 % en bon état chimique. 90 % des cours d’eau sont pollués aux pesticides et leurs métabolites.
Potabiliser l’eau se fait au prix d’investissements importants et de coûts insupportables pour certains usager·es. La disponibilité d’une source d’eau de qualité et abondante exige des milieux aquatiques vivants et un fonctionnement harmonieux de la biodiversité. La terre et la nature filtrent naturellement et gratuitement l’eau, ce sont des biens communs à protéger.
Un modèle d’agriculture intensive polluant
L’utilisation de produits phytopharmaceutiques est la principale cause de la dégradation de la ressource. Seulement 206 pesticides sur les 750 existants dans la nature sont recherchés dans l’eau potable par les autorités sanitaires. 450 000 consommateur·ices boivent une eau dépassant les normes maximales en pesticides. La France a aussi été condamnée plusieurs fois pour le non-respect de la directive « Nitrate » par l’Union européenne, aux ambitions pourtant insuffisantes.
Des rejets d’eaux usées mal organisés et insuffisamment contrôlés
Les cas de pollution des écosystèmes sont nombreux : boues rouges près de Marseille, activités industrielles des groupes Cristalline et Lactalis, etc. La législation environnementale est peu respectée, faute de moyens de contrôle. Il y a un·e agent·e de l’Office français de la biodiversité pour 1 000 kilomètres de rivières en France, et l’équivalent de 2,5 agent·es de contrôle par département. Cette absence de police de l’eau organise l’impunité des pollueurs. Il revient souvent moins cher aux industriels de payer les amendes que de changer leurs pratiques.
La pollution plastique, fléau majeur
Chaque année, 20 millions de tonnes de déchets dont 8 à 18 millions de tonnes de plastique se déversent dans les océans via les cours d’eau. Dans les océans, 90 % de ces déchets deviennent des microplastiques ingérés par les poissons et les mammifères marins. Cela est extrêmement néfaste pour leur santé, leur reproduction et pour l’alimentation humaine. Les causes sont une gestion des déchets et des eaux pluviales déficiente, une prévention inadéquate et de nombreux dépôts sauvages.
Substances chimiques et perturbateurs endocriniens au robinet
Pesticides, biocides, métaux lourds, hydrocarbures, perturbateurs endocriniens, médicaments, reliquats de l’activité industrielle, agricole ou encore domestique, pollutions diffuses dues au transport routier : les produits chimiques présents dans les masses d’eau sont multiples. Leur diversité, leur présence à faible concentration, leurs métabolites de dégradation et leurs possibles interactions sont de réelles menaces pour la vie aquatique et la santé humaine.
L’assainissement ne peut pas tout
L’assainissement est essentiel afin de garantir que les milieux naturels soient les moins pollués possible et pour préserver les populations des épidémies. Pourtant, 12,4 millions d’habitant·es sont desservi·es par des systèmes d’assainissement non collectif dont 60 % n’étaient pas conformes en 2016. Les travailleur·ses de l’assainissement subissent l’un des plus forts taux de mortalité et de morbidité de France, du fait de la pénibilité, de l’humidité et des matières polluantes respirées. Leur espérance de vie est de 17 ans inférieure à celle de la moyenne de la population française.
En Outre-mer, le droit à l’eau et à l’assainissement bafoué
Mayotte
Un tiers des familles mahoraises n’ont pas d’accès à l’eau courante. L’île manque d’eau disponible et ses infrastructures de potabilisation ne répondent pas à la demande. La qualité de l’eau est impactée par l’absence d’un assainissement de qualité et d’une gestion effective des déchets. La facture d’eau représente 17 % des dépenses des ménages alors que 77 % de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté. 150 fontaines publiques payantes assurent l’approvisionnement en eau à un tarif élevé.
La Réunion
À La Réunion, l’eau est abondante mais 56 % des masses d’eau souterraines ou en bordure littorale ne sont pas en bon état. Or, toutes les installations de production d’eau potable ne sont pas pourvues des technologies nécessaires. Un·e réunionnais·e sur deux est alimenté·e par un réseau dont la sécurité sanitaire est insuffisante. Le réseau est vétuste : un tiers des canalisations a plus de 30 ans et 40 % de l’eau est perdue en fuites. 85 % des abonné·es dépendent d’un réseau géré par un des 4 opérateurs privés (Veolia, CISE, Sudeau et Derichebourg). Le prix moyen de l’eau potable a augmenté de 35 % entre 2008 et 2017.
Guadeloupe
En Guadeloupe, malgré une ressource disponible par habitant·e deux fois plus importante qu’en Hexagone, les habitant·es vivent au rythme des tours d’eau, une violation du droit à l’eau selon l’ONU. Des enfants ne vont plus à l’école un mois et demi par an car l’eau y manque. L’assainissement est défaillant : risques de maladies et de pollutions, présence de matières fécales au robinet à cause de débordements, etc. La facture d’eau est la plus élevée de France : 800 euros par an contre 550 au niveau national. Les habitant·es sont contraints d’acheter des bouteilles d’eau en raison du chlordécone et d’aménager des citernes. 70 % de l’eau prélevée part en fuite. Pour les compenser, les exploitants prélèvent davantage d’eau, ce qui crée un risque de surexploitation et de salinisation des nappes. La majorité des installations n’est pas aux normes.
Martinique
En Guadeloupe comme en Martinique, le fléau numéro un s’appelle le chlordécone. Malgré sa dangerosité connue depuis les années 70, ce pesticide utilisé dans les bananeraies n’a été interdit qu’en 1993. Les sols et l’eau sont contaminés pour plusieurs siècles. 90 % de la population est contaminée. La Martinique possède le record du monde du nombre de cancers de la prostate. Le lien avec le chlordécone est établi. Le réseau est également vétuste : 40 % de l’eau part en fuites, les coupures et les tours d’eau sont le quotidien. Le changement climatique achève le tableau : la Martinique a subi en 2021 sa quatrième année de déficit de pluies.
Guyane
La Guyane abrite la troisième réserve d’eau douce par habitant·e au monde. Pourtant, 15 % de la population n’a pas accès à l’eau courante tandis que la pression est basse pour celles et ceux qui habitent les hauteurs. 1 litre sur 3 est perdu en fuites, ce qui a fait tripler les factures. Sur 22 communes, 4 seulement sont en régie publique, le reste est géré par une entreprise privée. L’accès à l’eau est un défi majeur : la population guyanaise a quadruplé en 40 ans et va à nouveau doubler d’ici 2040. Il faudrait investir 7 fois plus qu’actuellement pour renouveler le réseau, rattraper le retard et faire face à l’augmentation de la population.
Une mainmise sur l’eau croissante mais contestée
Par les multinationales de l’eau potable et de l’assainissement
43 % de la population française, soit 28 millions d’habitant·es, bénéficient d’une gestion publique de l’eau potable. Elle représente les deux tiers des services. La gestion privée est inférieure en nombre de contrats, mais couvre plus de monde. Les multinationales opèrent surtout dans les zones urbaines où les chiffres d’affaires sont plus importants. La gestion de l’eau potable par des entreprises privées génère des frais supplémentaires pour les usager·es : marges commerciales, publicité, marketing, rémunération des actionnaires, fiscalité locale et nationale. À périmètre identique d’intervention, la gestion publique est en moyenne 25 % moins chère que la gestion privée.
L’OPA de Veolia sur Suez risque de conduire à la suppression de 2500 suppressions de postes à Suez et à une forte augmentation des tarifs de l’eau potable en raison du quasi-monopole de Veolia.
Par les multinationales de l’eau en bouteille
Dans maints territoires, les multinationales de l’eau en bouteille ont pris le contrôle de la ressource. En France, bien que tous les ans les communes de Volvic et Vittel soient touchées par des sécheresses, Danone et Nestlé peuvent continuer à puiser toujours plus pour envoyer des bouteilles d’eau en majorité à l’étranger. Nestlé surexploite les nappes de Vittel, en prélevant 2,5 millions de mètres cubes d’eau chaque année au détriment des habitant·es et des écosystèmes. Par ailleurs, l’eau en bouteille est à quantité égale 100 fois plus chère que l’eau du robinet et l’empreinte écologique est extrêmement élevée à cause de l’utilisation des matières plastiques pour la production des bouteilles.
Le risque pesant sur Saint Gobain
Saint-Gobain Pont-à-Mousson est le leader européen de la production de fonte ductile (capable de se déformer sans se rompre) pour les canalisations d’eau potable et d’assainissement. Plus de 50 % des canalisations européennes sortent de cette usine. En 2019, Saint-Gobain PAM a failli être racheté par un groupe chinois. Perdre Saint-Gobain PAM reviendrait à perdre la capacité du bon approvisionnement en eau. C’est un enjeu de souveraineté.
La gestion publique avance pour mettre fin au mauvais accès à l’eau
Des canalisations fuyardes
Le réseau de canalisations françaises, long de 850 000 kilomètres et dont dépendent la qualité de l’eau et de l’environnement, est vétuste. Le taux de pertes, de 20 % en moyenne, peut localement monter à 40 %, voire 60 % dans les Outre-mer. Au-delà du coût supporté par les usager·es, ces fuites représentent l’équivalent de la consommation annuelle de 18 millions d’habitant·es. Pour compenser ces fuites, les opérateurs prélèvent davantage d’eau et augmentent la pression dans les tuyaux, ce qui peut localement créer des affaissements de terrain ou des assèchements de nappes. En milieu urbain, l’eau peut stagner longtemps en surface sans parvenir à s’infiltrer dans les sols artificialisés, ou à s’évacuer par des réseaux d’évacuation saturés. Par ailleurs, jusqu’à 340 000 kilomètres de canalisations en PVC, vieilles de plus de 40 ans, peuvent se décomposer et relarguer un cancérogène avéré dans l’eau potable. 600 000 personnes pourraient en être affectées.
Non-raccordement et coupures d’eau
La défaillance des collectivités et de l’État, que les jugements des tribunaux obligent à la fourniture d’eau potable, est indéniable. Seulement 32 % des lieux d’accueil des personnes sans-abri ou mal logées offrent un accès à l’eau potable. En France, la grande majorité des campements n’y ont pas accès.
Les besoins vitaux en eau
L’OMS fixe à 15 litres par jour et par personne les besoins en eau en situation d’urgence. En France, la consommation de base pour mener une vie digne est jugée à 75 litres d’eau par jour pour un ménage de deux personnes. Notre pays compte 300 000 sans-abri et 20 000 personnes en bidonvilles. Leur situation sanitaire est très précaire. Dans les Outre-mer, la situation est souvent catastrophique.
Depuis la loi Brottes qui l’interdit, seuls les opérateurs privés continuent sciemment de couper l’eau pour impayés. Depuis 2015, des décisions de justice les ont condamnés. Mais les pénalités restent insignifiantes. Des coupures d’eau illégales, ou diminution de la pression, sont encore constatées.
La gestion publique progresse
Le modèle dominant, en nombre de services sur le territoire, est le modèle public de la régie directe. Ce nombre croît également aussi. Plusieurs métropoles sont passées ou passent en régie publique : Lyon, Bordeaux, Est Ensemble et Grand Orly Seine Bièvre (au sein du Grand Paris), La Rochelle, Pays de Gex etc. Cette lame de fond a été initiée au début des années 2000, avec le passage en régie de Grenoble, puis de Paris, Viry-Châtillon, Nice, Montpellier, etc.
Sur le plan international, la privatisation de l’eau et les conflits augmentent
Les tensions géopolitiques ayant l’eau pour origine sont de plus en plus nombreuses : entre l’Éthiopie et l’Égypte, entre la Turquie, la Syrie et l’Irak, entre l’Inde et la Chine… Ces conflits soulignent la nervosité des États quant aux risques de manque d’eau douce nécessaire pour assurer leur développement.
Dans ce contexte, les majors de l’eau développent les contrats privés, profitant de la rareté croissante de l’eau : il s’agit d’exploiter et de rentabiliser un énorme marché opérant sur tout le cycle de l’eau. Ces compagnies ne gèrent que les segments les plus profitables ou signent des partenariats public-privé (PPP) très coûteux pour les États. Des dirigeants des ces multinationales pilotent des organisations de lobbying public-privé comme le Conseil mondial de l’eau. Dans ces conditions, le droit à l’eau potable est subordonné aux exigences de rentabilité. Les populations sont exclues des décisions et la gestion des installations est souvent néfaste pour la biodiversité.
De la marchandisation à la financiarisation
37 États ont attribué à certains acteurs une forme de propriété privée de droits d’utilisation et de stockage de l’eau et des infrastructures hydriques, dont des États qui souffrent de pénuries d’eau aggravées par le changement climatique.
Au Chili, les droits d’eau sont entre les mains des grandes fortunes et des industries extractivistes. Les populations s’élèvent contre la surexploitation, la pollution, des nappes et des eaux de surface et les paysan·nes luttent pour l’accès à l’eau. L’élaboration d’une nouvelle Constitution devrait permettre de modifier le Code de l’eau.
Fin 2020, un indice boursier a même été créé en Californie. Ainsi, les bourses américaines lanceront des contrats à terme sur l’eau californienne, sur le même principe que le pétrole ou le blé. La finance risque de tirer les prix de l’eau à des niveaux très élevés.
Notre projet : garantir le droit à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène
Notre objectif est de reconnaître et de garantir le droit à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène et d’assurer la maîtrise du cycle de l’eau.
Il est indispensable de refonder la politique de l’eau et de la doter d’un cadre national fort : des principes directeurs, un haut-commissariat dédié, une organisation territoriale adéquate, une solidarité nationale et un financement repensé, des contre-pouvoirs institutionnels et citoyens. Ce cadre unifié permettra de construire une culture de l’eau au sein de l’État et dans les territoires et de s’atteler aux enjeux majeurs que sont :
- La préservation et la reconstitution du cycle de l’eau, de la qualité écologique et chimique des masses d’eau
- La limitation du changement climatique et l’adaptation de nos territoires à ses effets
- Le déploiement et le renforcement de la gestion publique, locale et citoyenne
- Le renouvellement urgent du patrimoine de production et des canalisations
- L’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène pour toutes et tous
- La promotion du droit à l’eau et de sa gestion publique à l’international
La politique de l’eau sera co-élaborée avec les agences de l’eau, les gestionnaires, les associations citoyennes, les usager·es et les syndicats.
Nos propositions : maîtriser le cycle de l’eau
Refonder l’organisation et les objectifs de la politique de l’eau en France
Définir des grands principes et assurer leur applicabilité
- Consacrer une « règle bleue », application de la « règle verte » (ne pas prendre à la nature davantage qu’elle ne peut reconstituer) à l’eau pour son usage et pour la protection de sa qualité
- Reconnaître le droit à l’eau, à l’assainissement de qualité et à l’hygiène pour toutes et tous comme un droit humain fondamental et l’inscrire dans la Constitution
- Reconnaître l’eau et la protection de l’ensemble de son cycle, y compris les nappes phréatiques, comme un bien commun devant être géré de manière collective
- Créer un défenseur des biens communs chargé de l’eau, devant produire et publier un rapport annuel sur les modèles du Défenseur des droits et du rapporteur spécial des droits de l’homme à l’eau et à l’assainissement
- Privilégier les solutions de gestion équilibrée de la ressource en eau plutôt que d’augmenter les prélèvements par une fuite en avant technologique inutile et dangereuse (osmose inverse basse pression, usine de dessalement quand la ressource en eau douce est abondante, etc.)
Créer un cadre pour une politique de l’eau nationale et des outils de gestion locale, citoyenne et publique
- Créer un haut-commissariat du droit à l’eau, à l’assainissement et à la protection du cycle de l’eau dont les missions couvriront l’eau potable, l’assainissement, la prévention des sécheresses et des inondations, la gestion des bassins, la qualité de l’eau, la gestion des eaux souterraines, la navigation fluviale et la coopération internationale
- Tout en respectant la libre administration des collectivités et en concertation avec les acteurs de l’eau, ce haut-commissariat organisera la politique de l’eau du pays, en fixant les principales règles, en organisant une solidarité entre territoires et en impulsant les transformations nécessaires
- Constituer sous l’égide du haut-commissariat un parlement de l’eau indépendant, rassemblant tous les types d’usager·es et des scientifiques, rendant des avis consultatifs au gouvernement
- Intégrer les métiers de l’eau dans les cadres d’emplois des fonctions publiques territoriale et d’État, en prenant le meilleur de chaque situation professionnelle acquise dans le secteur privé ou dans la fonction publique. Cette unification assurera les mutations professionnelles entre haut-commissariat, opérateurs, services d’eau potable et d’assainissement, syndicats de rivières etc. Une véritable filière publique de recherche et de formation aux métiers de l’eau sera créée
- Réorganiser les Régions pour leur confier la coordination des politiques publiques de maîtrise du cycle de l’eau à partir des bassins versants (de rivières et de fleuves). Elles auront notamment la charge d’atteindre l’objectif de « zéro pollution et zéro épuisement de la ressource en eau ».
- Conforter et renforcer les agences de l’eau pour mettre en œuvre la règle bleue et intégrer l’impact du changement climatique. Leurs moyens humains et financiers seront augmentés. Leurs conseils d’administration seront rééquilibrés pour donner plus de place aux usager·es domestiques et aux associations environnementales
- Augmenter les effectifs de la police de l’eau pour contrôler plus strictement les prélèvements et empêcher les pollutions industrielles ou agricoles
- Revenir sur les dispositions de la loi NOTRe obligeant les communes à déléguer aux intercommunalités la gestion de l’eau potable. Dans chaque bassin de vie verront le jour des comités locaux de co-gestion publique et citoyenne de l’eau comme seuls opérateurs. Nous accompagnerons une sortie en 5 ans des 6 300 contrats privés de délégations de service public
- Stopper la fusion de Veolia et de Suez. Nous organiserons le transfert des salarié·es vers les comités de cogestion publique et citoyenne et nationaliserons les actifs restants (sièges sociaux, prises d’eau, centres de recherche). Leurs dettes seront renégociées et les contrats à l’étranger seront au cas par cas rétrocédés aux collectivités ou gouvernements ou gérés par le haut-commissariat jusqu’à expiration
- Garantir la transparence des données. Le secret des affaires ne sera pas applicable à la gestion de l’eau et de l’assainissement. Les informations relatives à l’état de la ressource, la qualité de l’eau, les prélèvements, la gestion seront librement accessibles
- Abandonner l’ouverture à la concurrence des barrages hydro-électriques et décider d’un système proche de la régie, permettant d’octroyer sans mise en concurrence des délégations à un opérateur public unique
- Systématiser le recours au fret fluvial dès que possible, en cohérence avec la protection de la biodiversité
Définir un financement écologique et juste de la politique de l’eau
- Engager un débat sur le financement de la politique de l’eau
- Créer une taxe sur la vente de l’eau en bouteille pour financer les mesures en faveur du droit universel à l’accès à l’eau potable
- Diminuer la TVA sur l’usage domestique de l’eau pour aller vers un taux nul
- Organiser une péréquation nationale pour harmoniser les tarifs de l’eau potable et de l’assainissement qui peuvent diverger en raison des situations géographiques différentes et de l’état des canalisations et proposer un tarif maximum cible par mètre cube
- Interdire les ponctions financières sur le budget des agences de l’eau
- Instaurer une redevance pour la biodiversité afin de financer les nouvelles responsabilités des agences de l’eau
- Imposer des pénalités financières lourdes aux entreprises se rendant coupables d’écocides
Garantir l’accès à l’eau potable et à l’assainissement
- Rendre effectif le droit à l’eau par la gratuité des mètres cubes indispensables à la vie digne et la gratuité des compteurs aux domiciles principaux en supprimant les abonnements. Ces mesures seront financées par le renchérissement des usages de luxe et l’usage de l’eau qui concourt à un chiffre d’affaires
- Établir une tarification progressive et différenciée pour pénaliser les mésusages. L’usage de l’eau ne sera pas tarifé dans les mêmes conditions selon qu’il s’agisse d’une résidence principale ou secondaire, du logement familial ou d’une entreprise ou d’un usage administratif
- Lancer un plan d’investissement dans le patrimoine de production et le renouvellement des canalisations qui se fera progressivement à raison de 1 à 2 % du réseau en tenant compte de la durée de vie des matériaux par le concours financier de l’État et des banques publiques (co-financement, prêt garanti et à taux zéro etc.) pour les gestionnaires publics
- Exiger des délégataires qu’ils mènent les investissements prévus avant la fin de leur contrat, sous peine de recouvrement par les collectivités. En cinq ans, nous comptons diviser par deux le volume des fuites
- Réprimer durement les coupures d’eau illégales aux domiciles principaux
- Faire installer des fontaines à eau, des bains-douches, et des sanitaires publics, gratuits et accessibles à toutes et tous sur leur territoire, et notamment dans les bidonvilles (en attente de leur résorption) par les services publics d’eau potable
Assurer un assainissement sûr et public sur tout le territoire
- Sortir des modèles imposés en matière d’assainissement non collectif qui laissent 12 millions de personnes seules pour régler leur problème en la matière, sous maîtrise d’ouvrage public
- Lancer un grand programme de phyto-épuration pour en finir avec le « tout station d’épuration » qui coûte cher. Les services publics d’assainissement non collectif (SPANC) et les ouvrages individuels seront financés par la redevance dans la facture d’eau comme pour l’assainissement collectif
- Imposer aux constructions neuves et aux opérations de renouvellement de disposer d’un système de captage de l’eau de pluie pour satisfaire les besoins en eau non potable
- Développer le recyclage des eaux grises (eaux de douches, de bains et de lavabos)
Assurer le droit à l’eau dans les Outre-mer
- Garantir l’accès à l’eau courante potable à tou·tes les habitant·es des Outre-mer, quoi qu’il en coûte, en rétablissant une distribution d’eau de bonne qualité et en volume suffisant là où le service public de l’eau est défaillant
- Déclencher, en cas de pénurie, un plan visant à la distribution de bouteilles d’eau (plan ORSEC-eau) et plafonner leur prix dans tous les endroits où le service public de l’eau potable et de l’assainissement est défaillant
- Mettre en œuvre un plan massif de renouvellement des canalisations et accélérer en priorité les travaux déjà engagés en Outre-mer
- Annuler la dette des usager·es résultant du problème de facturation des anciens opérateurs et/ou résultant d’impayés pour service non rendu et en cesser le recouvrement forcé
- En Guadeloupe et en Martinique, reconnaître le statut de crise sanitaire et écologique concernant l’eau potable et son assainissement, et la contamination au chlordécone
- Établir un plan d’urgence pour la dépollution rapide des eaux durablement polluées, dont en priorité la Guadeloupe et la Martinique victimes du chlordécone
- À Mayotte, mettre en place plusieurs points de vente pour les cartes permettant d’utiliser les bornes monétiques d’eau potable, tant que les travaux d’adduction d’eau potable ne sont pas terminés
Protéger le cycle de l’eau et dépolluer
- Agir sur l’ensemble du territoire pour favoriser l’infiltration de l’eau et ainsi sa disponibilité : désimperméabilisation des surfaces, restauration et préservation des zones humides, plantations massives de haies et arbres
- Soutenir le passage à une agriculture écologique et paysanne avec le concours des communes et des comités locaux de co-gestion publique de l’eau afin de faire disparaître la pollution de l’eau
- Interdire les nouveaux forages sur les champs de captage, fixer des périmètres de protection renforcée autour en concertation avec les communes et les usager·es et mettre fin à l’abandon programmé des sources d’eau, patrimoine de la Nation
- Établir une carte crédible de cours d’eau, de toutes natures, pour lesquels s’appliqueront les dispositions environnementales, notamment en matière de rejets et de distanciation d’épandage. Nous abrogerons l’arrêté du 4 mai 2017 qui déclasse le réseau hydrologique « chevelu » en amont des bassins versants et l’expose ainsi aux molécules chimiques, industrielles ou agricoles
- Viser le très bon état écologique et chimique des cours d’eau en interdisant les pesticides et les plastiques à usage unique, en appliquant strictement le principe préleveur-pollueur-payeur et en augmentant les redevances payées par les acteurs économiques
- Suspendre les constructions de bassines de rétention d’eau pour l’irrigation et interdire toute nouvelle bassine qui reposerait sur le captage en nappe phréatique
- Se préparer au changement climatique en planifiant à l’échelle locale et nationale la gestion de la ressource, des eaux pluviales, les aménagements des cours d’eau. Les collectivités réaliseront un diagnostic des conséquences de leur développement sur la politique de l’eau
- Fortement limiter et interdire en période de sécheresse les prélèvements d’eau pour la vente d’eau en bouteille à l’exportation
- Encourager la sensibilisation à la préservation du cycle de l’eau
Promouvoir le droit à l’eau à l’international
- Faire du droit à l’eau et de sa protection un enjeu de la politique internationale et de coopération de la France
- Promouvoir une diplomatie écologique altermondialiste pour préserver le cycle de l’eau mondial
- Nommer un·e ambassadeur·ice thématique dédié·e à l’eau
- Défendre la mise en place d’une instance dédiée à l’eau et à l’assainissement au sein du système onusien
- Défendre un traité d’interdiction des plastiques, un traité pour contraindre les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement ou encore la reconnaissance du crime d’écocide
- Renforcer la gestion démocratique dans le secteur de l’eau à l’échelle mondiale et la mise en œuvre effective du droit à l’eau et à l’assainissement avec des mécanismes de solidarité envers les peuples les plus défavorisés. Pour l’aide publique au développement concernant l’eau et l’assainissement, flécher les prêts de l’Agence française de développement vers ces objectifs et privilégier les dons bilatéraux en particulier envers les pays les plus pauvres. Développer la coopération décentralisée de chaque collectivité et ne pas financer les partenariats publics-privés