Notre constat : des citoyen·nes oublié·es et malmené·es

Aller à l’école, se former, travailler, se soigner, se loger, se déplacer, vivre décemment est encore inaccessible pour bon nombre de citoyennes et citoyens. Chaque personne qui est confrontée au handicap peut se sentir isolée, seule, face au regard des autres et à la dureté du monde qui l’entoure. 

La perte d’autonomie est une question de solidarité républicaine. Plusieurs millions de personnes déclarent avoir des difficultés importantes dans leurs activités quotidiennes. À ce chiffre, il faut ajouter non seulement les enfants, mais aussi les personnes âgées dont la perte d’autonomie rejoint souvent les besoins des personnes en situation de handicap.

Le handicap n’est pas une caractéristique individuelle des personnes qui sont concernées. Il est provoqué par l’environnement inadapté. Ainsi, l’Organisation des Nations unies précise que « le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

L’universalisme républicain accorde des droits égaux à toutes les personnes, en tant qu’êtres humains. C’est ce grand principe qui fonde notre action. Il est tiré de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Les hommes naissent libres et égaux en droits » et se retrouve dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » (article 10) et « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » (article 11).

A l’heure actuelle, il n’y a pourtant pas de volonté politique d’une réelle inclusion de ces citoyen·nes dans la solidarité nationale. La France est constamment signalée par les instances internationales en raison de violations répétées aux accords internationaux sur le handicap. Plus de 100 000 saisines auprès du Défenseur des droits en 2019 montrent ainsi l’urgence de la situation, en matière de discriminations, d’accès aux services publics ou encore de droits des enfants.

Pourtant, le nombre de personnes en situation de handicap ne cesse de croître : plus de 12 millions de Français·es sont ainsi concernés, dont près de 230 000 enfants. Que cela soit à la naissance ou à la suite d’accidents du travail, de la route ou domestiques, ou encore de maladies invalidantes, nombre de nos concitoyen·nes découvrent chaque année la réalité du quotidien des multiples situations de handicap.

Les inégalités sont criantes en matière d’éducation, de formation professionnelle, de logement et de travail. Ce à quoi s’ajoutent l’alourdissement du coût de la vie et le défaut de prise en charge adaptée. 

Pour les enfants en situation de handicap, le manque de moyens financiers et de personnels pour les accompagner ainsi que le manque de places dans les unités spécialisées comme les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ne permettent pas une réelle prise en charge pour tous ceux qui en ont besoin.

En matière d’accessibilité des lieux publics, les objectifs fixés par la loi du 11 février 2005 sont loin d’être atteints, en particulier pour l’accès aux transports en commun ou aux commerces. 

En ce qui concerne les travailleur·ses en situation de handicap, le quotidien aussi est difficile. Elles et ils sont deux fois plus au chômage que les autres travailleur·ses (taux de chômage respectifs à 16 % et 18 %).

Quand il est difficile de trouver un salaire, la solidarité essaie d’assurer un niveau de vie décent en proposant des revenus de remplacement via les minima sociaux. L’Allocation aux adultes handicapés (AAH), dont le montant maximal s’élève désormais à 903,60 euros, reste inférieure au seuil de pauvreté. 

Le rejet de la déconjugalisation de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) durant le mandat d’Emmanuel Macron témoigne d’une vision caritative et médicale de la question du handicap. En considérant le handicap comme un problème individuel, l’actuelle majorité ne remet pas en cause le fonctionnement de la société et les inégalités qu’elle génère. La déconjugalisation aurait permis aux personnes en situation de handicap de vivre dignement sans faire peser le poids de l’absence d’accessibilité du monde du travail sur leur conjoint et leur famille.

Par ailleurs, le nombre de demandes de prestations de compensation du handicap croît régulièrement, traduisant la volonté des citoyen·nes en situation de handicap, y compris très lourdement, de vivre à domicile. Le placement en institution ne devrait relever que d’un choix

L’austérité généralisée, à l’échelle nationale comme à l’échelle départementale, conduit à remettre en cause le droit à la vie la plus autonome possible de ces personnes. Et les suppressions d’aides conduisent certain·es à être orienté·es en institution médicalisée, contre leur volonté première. Il arrive même que certain·es enfants ou adultes n’aient aujourd’hui aucune solution, au point de devoir s’exiler en Belgique. 

Aujourd’hui, la majorité de la recherche liée aux questions de handicap est non seulement cloisonnée, mais aussi centrée sur une vision médicalisée et réhabilitatrice. Ainsi, l’emploi des personnes en situation de handicap est trop souvent vu sous l’angle médical. En réalité, le handicap n’est ni une maladie ni un mal que l’on soigne. Le handicap est une situation. Pas une essence !

Qu’est-ce que le validisme ?

C’est l’ensemble des préjugés ou des discriminations effectives à l’encontre des personnes en situation de handicap. Ils sont rarement intentionnels et souvent émis par des personnes qui n’imaginent pas être violentes dans leur propos. Ces préjugés sont étroitement liés à ce que les militant·es pour les droits appellent le « capacitisme », c’est-à-dire subordonner les droits des personnes à leurs capacités physiques, sensorielles, émotionnelles ou intellectuelles – l’idée qu’une personne réfléchissant différemment pourrait légitimement avoir moins de droits. En somme, les personnes en situation de handicap sont alors perçues comme des versions amoindries des personnes valides, au d’être des citoyen·nes au même titre que les autres.

Notre projet : la citoyenneté pleine et entière pour toutes et tous 

Non, le handicap n’est pas une affaire privée. 

Après des années de retards, d’immobilisme, la situation doit changer pour les personnes en situation de handicap, il est grand temps qu’elles disposent de leurs droits dans une société sans entraves. Il convient donc de se doter d’une politique ambitieuse respectueuse des droits humains. 

La Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU réaffirme que toutes les personnes doivent bénéficier de tous les droits et libertés fondamentaux : respect de la dignité, de l’autonomie individuelle et de l’indépendance de la personne, non-discrimination, participation et intégration pleines et effectives à la société, respect de la différence et acceptation des personnes en situation de handicap comme faisant partie de la diversité humaine, égalité des chances, accessibilité, égalité entre les hommes et les femmes, respect du développement des capacités de l’enfant handicapé et respect du droit des enfants à préserver leur identité. Elle est donc notre boussole.

Le plan de lutte contre les obstacles au travail et dans les espaces publics a été trop de fois repoussé. La prise en compte du handicap est trop souvent reléguée au second plan ou noyée parmi d’autres thèmes comme la dépendance ou la maladie. 

Une personne en situation de handicap n’est pas plus que quiconque réductible à son handicap.

Instaurer la citoyenneté pleine et entière, c’est donc insister sur le lien avec l’environnement. Pour garantir cette cohérence, il faut choisir ses mots. Nous préférons œuvrer « pour l’autonomie » qu’aider à résoudre la « dépendance », c’est-à-dire substituer à la notion de « prise en charge » celle de « prise en compte ».

Nos objectifs fondamentaux appellent ainsi la nécessité de lutter contre les obstacles environnementaux, c’est-à-dire culturels, sociaux, législatifs, réglementaires, et architecturaux afin de favoriser l’accès des personnes en situation de handicap aux droits généraux de tout·e citoyen·ne, et notamment le droit à la liberté effective de circuler avec une autonomie maximale, de s’instruire, de travailler, et le droit à pouvoir bénéficier d’un revenu décent.

Pourquoi la vie autonome ?

La vie autonome signifie que les personnes en situation de handicap ont les mêmes choix, possibilités et libertés que n‘importe quel·le autre citoyen·ne à domicile, sur le lieu de travail et comme membre de la Nation. Cela ne signifie pas nécessairement qu’elles doivent pouvoir tout faire par elles-mêmes – qui fait tout par soi-même dans nos sociétés complexes ? – mais que l’accompagnement doit être à leur demande, pour leur permettre de réaliser leurs choix et leurs ambitions. C’est parce que l’on nie l’autonomie des personnes qu’on les regroupe dans des centres fermés sur la base de leur diagnostic médical, comme si différents individus avec la même vulnérabilité éprouvaient forcément les mêmes besoins. Ce serait inimaginable dans d’autres situations, par exemple en plaçant toutes les personnes avec une jambe cassée dans une seule structure ! L’autonomie implique donc de disposer de l’assistance dont on a besoin, quand on en a besoin.

En premier lieu, réduire les situations de handicap vécues au quotidien par plusieurs millions de nos concitoyen·nes impose une politique interministérielle parfaitement coordonnée, en lien permanent avec les associations et collectifs de personnes en situation de handicap et avec des relais à toutes les échelles territoriales, ce qui n’a jamais été le cas. 

La deuxième mesure immédiate sera la réforme de la loi du 11 février 2005 pour redéfinir les mesures visant l’accès à une citoyenneté pleine et entière. 

Enfin, il s’agit de prévenir les situations de handicap tout en garantissant les services publics au même niveau que pour le reste de la population. Éducation, emploi, déplacements, prestations sociales, vie politique : il s’agit d’égaliser toutes les dimensions de la citoyenneté.

Nos propositions : dignité et autonomie pour toutes et tous

Prévenir le handicap

Assurer le droit à l’éducation

Garantir le droit à l’emploi

Respecter la vie privée

Répondre aux besoins quotidiens de l’accompagnement

Permettre l’accès aux droits sociaux et à un niveau de vie décent

Garantir l’accessibilité partout

Encadré : Pour une politique de conception et d’accessibilité universelle !

Selon le Conseil de l’Europe, « La conception universelle (universal design) est une stratégie qui vise à concevoir et à composer différents produits et environnements qui soient, autant que faire se peut et de la manière la plus indépendante et naturelle possible, accessibles, compréhensibles et utilisables par tous, sans devoir recourir à des solutions nécessitant une adaptation ou une conception spéciale ». 

L’accessibilité concerne tout autant les personnes handicapées, quelles que soient leurs déficiences, incapacités, différences et leur environnement, que les personnes âgées qui ont des problèmes de mobilité et de dépendance plus ou moins importants, ainsi que les familles avec de jeunes enfants, des poussettes, les femmes enceintes, et plus largement les personnes qui ne parlent pas notre langue, les livreurs et personnes chargées de bagages, etc.

Pour qu’un objet, un mobilier ou un concept architectural soit de conception universelle, il doit répondre à sept principes :

  • Utilisation égalitaire : utile et commercialisable auprès de personnes ayant différentes capacités
  • Flexibilité d’utilisation : conciliation à une vaste gamme de préférences et de capacités individuelles
  • Utilisation simple et intuitive : compréhension facile de l’utilisation, indépendamment de l’expérience, des connaissances, des compétences linguistiques de l’utilisateur·ice ou de son niveau de concentration au moment de l’utilisation
  • Information perceptible : communication efficace de l’information nécessaire vers l’utilisateur·ice, quelles que soient les conditions ambiantes ou les capacités sensorielles de la personne
  • Tolérance pour l’erreur : réduction au minimum des dangers et des conséquences adverses des accidents ou des actions involontaires
  • Effort physique minimal : utilisation efficace et confortable, générant une fatigue minimale
  • Dimensions et espace libre pour l’approche et l’utilisation : une taille et un espace adéquats pour s’approcher, saisir, manipuler et utiliser le bien, quelles que soient la taille, la posture ou la mobilité de l’utilisateur·ice

Il s’agit bien d’un concept « universel ». Toute la population est concernée, dans tous les domaines : transport, voirie, bâtiment, biens et services, nouvelles technologies, produits de la vie quotidienne, culture, éducation, etc.

Pour la citoyenneté pleine et entière