Notre constat : la laïcité est un pilier de la République une et indivisible

On ne peut défendre la laïcité sans en donner une définition claire et dépourvue d’ambiguïté. 

La laïcité est un pilier de la République une et indivisible. Elle est aussi un principe vivant et porteur de droits inaliénables, garantis à tout membre de la société, français ou étranger. Ces droits sont la liberté de conscience et de culte. L’égalité des citoyen·nes en tout domaine sans discrimination aucune. Et enfin la séparation du politique et du religieux, l’un dans la sphère publique, l’autre dans la sphère privée, sans emprise de l’un sur l’autre. De cette séparation découle la neutralité de l’État à l’égard de toutes les convictions philosophiques, religieuses ou politiques. 

La laïcité lie ainsi de manière indissociable trois principes qui assurent l’unité du peuple. Le premier principe est la liberté de conscience. Elle permet à chaque citoyen·ne de trouver sa place dans l’espace public quelles que soient ses convictions. Le deuxième est l’égalité des droits de tou·tes les citoyen·nes, qui leur garantit notamment un droit égal à participer à la délibération publique. Le troisième est la dévolution de la puissance publique à l’intérêt général.

Les articles capitaux de la loi de 1905 : 

Article 1 :

La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

Article 2 :

La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.

Mais la laïcité est désormais utilisée dans le débat public pour cacher d’autres buts. Le principe de laïcité est malmené d’une part par les tenants des petits arrangements qui ont organisé au fil des années démissions et compromissions. Et d’autre part par ceux qui travestissent le principe en ciblant une religion et une seule, stigmatisant nos concitoyen·nes de confession musulmane. Seulement utile à masquer les échecs sociaux, ce cléricalisme déguisé n’appartient pas qu’à l’extrême droite. La plupart des partis politiques sont contaminés. Ces discriminations sont reprises au plus haut de l’État par la loi « séparatisme », affirmant renforcer la laïcité et les principes de la République, alors qu’elle n’a qu’un but, désigner une religion à la vindicte.

Fragilisée par le capitalisme, la société se fragmente et se communautarise sous les coups des extrémistes religieux de tous bords. Certains revendiquent même le pouvoir politique. Pour eux, la recherche de boucs émissaires ou le repli « identitaire » permettrait de tout régler. D’autres semblent penser que la laïcité est un sujet qui divise quand on veut la justice sociale et qu’on lutte contre les inégalités.

Les tenants du « choc des civilisations » alimentent et utilisent les fanatiques religieux qui revendiquent le pouvoir temporel. Les puissants ont toujours cherché des arguments et des alliés pour justifier le partage inégal des richesses… Ainsi, ils peuvent faire accepter qu’un petit nombre d’individus possède autant que des millions d’autres. Leur croisade ne sert qu’à détourner l’attention des véritables responsables des injustices dont les peuples sont victimes. 

La laïcité est aussi attaquée par les institutions européennes. Le préambule du traité de Lisbonne déclare même s’inspirer « des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit ». Croire que certains héritages religieux seraient à l’origine de la liberté, de la démocratie, de l’égalité est une lecture biaisée et erronée de l’Histoire. L’héritage laïque de la France remonte aux penseurs des Lumières ! La France doit construire un projet commun avec toutes celles et ceux qui la font vivre.

Le traité de 2005, rejeté par référendum par le peuple français et dont le traité de Lisbonne est une copie quasi-conforme, allait encore plus loin. Ce texte voulait reconnaître les représentants cultuels comme un interlocuteur dans le processus normatif du droit européen : c’est l’exact contraire de la séparation des Églises et de l’État à la française. En 2014, le chef de l’Église catholique est invité au Parlement européen. Son président, Martin Schulz, défend alors le « rôle de premier plan de l’Église pour limiter les dégâts, matériels et immatériels, de la crise économique ». La charité chrétienne appelée à la rescousse pour atténuer les désastres des politiques européennes d’austérité ! 

La laïcité est aussi foulée aux pieds au sommet de la République. Des représentant·es de l’État n’hésitent plus à assister à des cérémonies religieuses à grand renfort de communication pour flatter les ressorts communautaristes en rupture totale avec le principe de la loi de 1905. Dans le fil des gouvernements de Hollande, Emmanuel Macron a fait pire que Nicolas Sarkozy. Sitôt élus présidents de la République, tous trois se sont fait ordonner chanoine de Latran, survivance bigote et inutile d’un privilège jadis accordé aux rois de France. 

Dans son discours de Latran en 2007, Nicolas Sarkozy s’est livré à une relecture orientée et caricaturale, des relations entre l’État et les Églises. Reprenant la rhétorique traditionnelle des cléricaux, il s’est mis à réclamer une « laïcité positive ». Or la laïcité n’a pas besoin d’être « positive » ; il lui suffit d’être la laïcité. Son discours fut une vigoureuse attaque contre l’enseignement public et laïque en France en osant déclarer que « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé ». 

Emmanuel Macron est allé plus loin encore. Lors de son audition au Collège des Bernardins, il a renoncé à l’esprit de la loi de 1905 : celle-ci instaure une séparation des Églises et de l’État, il a voulu réparer le lien entre eux. Sous sa direction, les cultes se sont vus octroyés de nouveaux cadeaux. La pandémie a étendu la proportion de défiscalisation des dons aux cultes, ces derniers se sont même vus accorder un statut officiel de réconfort moral officiel.

Rebaptisée loi confortant le respect des principes de la République, la loi « séparatisme » cache mal ses principales orientations : aucune trace du renforcement des principes de la République ne s’y trouve. Elle ne promeut en rien la laïcité, et elle ne comporte que des dispositions contraignantes, des interdits et des contrôles portant notamment atteinte à la liberté d’association garantie par la grande loi de 1901. En dénonçant le « séparatisme », le gouvernement pointe du doigt les musulman·es, jamais les dispositions spéciales du Concordat et des statuts dérogatoires dans les Outre-mer, qui se séparent pourtant de la République, les arrangements des riches et des puissants qui s’organisent, par l’évasion fiscale par exemple, pour se séparer de la République. Il faut abolir la loi « séparatisme ».

Le bal des hypocrites

Tou·tes n’ont plus que le mot « laïcité » à la bouche ! Le plus souvent d’ailleurs pour stigmatiser nos compatriotes de confession musulmane. Les hypocrites ! 

La République en panne

Les député·es LREM votent sans sourciller toutes les dispositions proposées par le gouvernement. Ils ont porté atteinte à la liberté d’association avec la loi « séparatisme », et nul n’a contredit le président de la République dans ses diverses déclarations visant à se rapprocher des instances religieuses. 

L’imposture de l’extrême droite

Éric Zemmour et Marine Le Pen défenseurs la laïcité ? Il n’y a pas de plus gros mensonge ! Dans les collectivités territoriales, les élu·es d’extrême droite passent leur temps à chercher à augmenter les financements publics aux écoles privées, au-delà de ce que fixe la loi. Nombre de soutiens des commandos anti-avortement et anti-IVG (interruption volontaire de grossesse) sont des soutiens affichés de Marine Le Pen et Éric Zemmour. Certains veulent rétablir le délit de blasphème sur tout le territoire. Éric Zemmour s’est revendiqué de la tradition chrétienne, en refusant, avec le « vicomte » De Villiers, les dispositions de la loi de 1905 qui interdisent de nouveaux monuments religieux en place publique. 

Cela ne peut faire illusion. Il s’agit seulement d’exprimer l’obsession anti-immigration de l’extrême-droite française. 

LR ou le retour en arrière 

Avec la droite LR, c’est le grand retour en arrière sur les principes républicains. Les uns courent derrière le discours xénophobe de l’extrême droite en utilisant la laïcité pour stigmatiser. Les autres attaquent l’école laïque en privilégiant l’école privée. Leur objectif est idéologique : ils veulent que la logique de compétition de chacun·e contre tou·tes prenne le pas sur celle de coopération et de mise en commun. 

Le PS ou les reniements 

François Hollande déclarait en mars 2015 que « la République reconnaît tous les cultes ». Le Président de la République contredit ainsi les termes mêmes de la loi de 1905 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Il proposait ainsi de subventionner les cultes ! Dans le même temps, il a passé son mandat à casser notre modèle social et retirer les moyens d’action aux services publics.

La laïcité n’est pas un acquis qui va de soi dans notre pays. Tout d’abord, le fait est peu connu, mais le principe de séparation des Églises et de l’État ne s’applique pas sur l’ensemble de notre territoire national. Les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle sont soumis à un régime concordataire, avec quatre cultes reconnus. Cela coûte plus de 55 millions d’euros d’argent public par an. Les cours de religion y sont obligatoires, sauf en cas de dérogation. Le régime concordataire est contraire à l’égalité dans l’exercice des cultes, et à celle des citoyen·nes plus globalement. Beaucoup doivent payer pour des cultes qu’ils ne pratiquent pas ou qu’ils réprouvent. La liberté de conscience, qui comprend celle de n’avoir aucun culte, est mise à mal. Certaines collectivités d’Outre-mer sont également exclues du bénéfice de l’application de la séparation des Églises et de l’État. 

Ensuite, il existe un financement public déguisé des cultes. Un certain nombre de niches fiscales permettent de diminuer l’impôt sur le revenu des dons aux associations cultuelles. Le président Emmanuel Macron a d’ailleurs profité de la pandémie pour le rendre plus favorable aux cultes. Certaines collectivités locales s’engouffrent dans des failles juridiques pour financer la construction de lieux de culte. Ce faisant, les barons locaux peuvent assouvir leurs penchants communautaires électoralistes. 

Enfin, une part importante du financement public qui devrait aller à l’école publique et laïque va aux écoles privées, majoritairement confessionnelles. C’est le cas des subventions des communes conséquentes à la loi Carle. Surtout quand l’État, au nom des économies de budget, n’assume plus complètement sa mission fondamentale d’Éducation nationale. Le ministère de l’Éducation nationale, sous la direction de Jean-Michel Blanquer a permis par l’obligation scolaire dès deux ans, en fait déjà très largement effective, de donner droit à de nouvelles subventions des écoles privées. Il a aussi permis des expérimentations avec des organismes privés, au nom de l’école de la deuxième chance, ou ouvert la porte à des associations de méditation aux buts confus.

Notre projet : la République laïque émancipatrice

Pour affronter de telles mises en cause d’un pilier de la République, nous avons besoin d’oser une refondation démocratique, laïque, sociale, écologique, féministe et émancipatrice.

Le respect de la laïcité, principe constitutionnel indispensable à la paix civile, suppose de mettre un terme aux renoncements passés. Ils ont contribué à bafouer un idéal et des principes conquis contre un système de contraintes et de privilèges. 

Un bien commun 

Notre vision de la laïcité vise l’émancipation politique et sociale. Pour cela, elle s’appuie sur un double principe : liberté de conscience et égalité. La laïcité n’est pas anti-religieuse, elle n’est pas athée non plus. Mais comme une religion n’engage que ses croyant·es, la République n’a pas à privilégier un culte par rapport à un autre. En effet, nos principes républicains, Liberté, Égalité, Fraternité, ne se soucient que de ce qui est commun à tou·tes. L’intérêt général de la République sociale à laquelle nous aspirons, c’est par exemple l’accès de tou·tes à ce qui rend possible une vie digne et émancipée : la culture, le logement décent, l’eau potable, l’énergie, etc.

Promouvoir la justice sociale et la laïcité simultanément, c’est permettre l’application du principe républicain selon lequel la loi est la même pour tou·tes. C’est à ce titre qu’il est possible de construire un droit émancipateur, fondé sur l’intégration sociale par la solidarité et le combat contre toute forme de discriminations, à commencer par celles qui résulteraient de la religion.

La République française est un creuset. Elle rejette toute conception de l’identité nationale destinée à exclure. Elle rattache l’identité commune à la tradition universaliste, celle des luttes pour la liberté et l’égalité, et aux acquis législatifs qui en ont résulté. C’est ainsi que la République laïque et sociale fournit par elle-même une identité fraternelle, tournée vers l’universel et l’internationalisme. C’est le choix de l’émancipation. Il refuse un traitement différencié entre les options spirituelles particulières de certain·es citoyen·nes. Tout comme l’enfermement communautariste qui nuit au lien social et collectif.

Une laïcité garantie par l’État

La liberté de conscience appelle l’abstention et la neutralité stricte des représentant·es de l’État dans l’exercice de leurs fonctions concernant les différentes options spirituelles. Elle implique le refus d’une reconnaissance publique des religions et le refus de les financer. Les fonds publics ont une seule destination légitime : l’intérêt général. Les options philosophiques ou spirituelles relèvent du ressort personnel et donc de l’individu. Chacun·e est donc libre de critiquer une religion ou une option spirituelle dans le respect des lois de la République. Débattre des croyances et de la liberté de conscience ne permet pas de stigmatiser ou discriminer des individus d’après leurs options spirituelles. Mais chacun·e doit pouvoir exprimer librement les points de vue qu’il adopte sur n’importe quelle religion ou choix philosophique.

Ainsi, l’égalité en droits nécessite d’adopter un statut juridique identique pour les différents types d’options spirituelles, religieuses ou non. Toutes ces options sont privées car elles n’engagent que les personnes qui les choisissent. Elles ne relèvent donc d’aucun traitement de faveur l’une par rapport à l’autre. Seule l’universalité de l’action publique ne pratiquant aucune discrimination transcrit dans la pratique les exigences laïques.

Pour l’école laïque !

Dans la conception républicaine, l’école est d’abord une institution où l’on apprend la liberté. C’est bien leur liberté de citoyen·nes que les élèves doivent y construire, et en premier lieu la liberté de leur conscience. Celle-ci est le fruit d’un processus complexe entre la construction de l’esprit critique et éclairé et l’acquisition des connaissances scolaires. L’émancipation intellectuelle ainsi conçue n’a pas pour but de faire disparaître les croyances, religieuses ou non, inhérentes au monde social ; elle vise à faire émerger l’esprit critique et rendre capable de se forger ses opinions et développer sa pensée.

L’école de la République n’a pas à inculquer des mythologies ou prôner des croyances cultuelles. D’ailleurs, laquelle choisir ? Et s’il fallait en proposer plusieurs, qui choisirait : les parents, les directeur·ices d’école, les gouvernements ? Ce n’est pas sérieux ! L’école universelle de l’émancipation doit promouvoir la faculté de réflexion et d’examen critique. Elle doit donc bannir toute expression d’allégeance à un dogme : elle est donc laïque, obligatoire, gratuite et publique.

Nos propositions : à l’offensive sur la laïcité !

Non au Concordat et aux régimes dérogatoires

Nous réaffirmons le bien-fondé et l’actualité de la loi de 1905 sur la laïcité. La grande loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État doit être applicable sur l’ensemble du territoire de la République, grâce aux mesures suivantes :

La République irréprochable

Nous garantirons la liberté de conscience et l’égalité de toutes les options spirituelles devant la loi, en combattant tous les communautarismes et l’usage politique des religions.

Pas de financement public des institutions religieuses

Il faut mettre fin à l’utilisation illégitime de fonds publics par l’enseignement privé, souvent confessionnel. Par ces financements, la République favorise ceux qui choisissent de déroger aux outils collectifs de l’école publique. Nous faisons les propositions suivantes :

Un vaste plan de formation à la laïcité et ses principes juridiques

Force est de constater que par-delà les fantasmes, bien des malentendus concernant la laïcité naissent d’une méconnaissance de ses principes juridiques qui font qu’elle peut être confondue avec une vague tolérance ou un œcuménisme, quand elle ne se transforme en rejet des religions, contrairement à l’esprit de la loi qui garantissait déjà en 1789 la liberté d’opinion, même en matière religieuse. Un vaste plan de formation des fonctionnaires tourné vers les principes juridiques et la résolution de cas pratiques devra être mis en place.

Relancer la pédagogie de la laïcité dans l’éducation nationale

Au lieu de faire vivre la laïcité à l’école, en éveillant chaque année les élèves de tous niveaux aux principes de la charte de la laïcité, les ministères successifs ont eu une approche répressive en créant des formes de brigades intervenant en cas de soucis. Il vaut mieux encourager une pédagogie constante mettant l’accent sur la liberté de conscience et la coexistence pacifique conformément à la loi.

Rendre férié le 9 décembre, journée de la laïcité 

L’institution de la laïcité en 1905 a été un élément décisif pour la paix sociale et la République, qui mérite, au même titre que le 1er mai et le 14 juillet, d’être rappelé chaque année par un jour férié.

Créer un service public laïc et gratuit des obsèques

La laïcité assure l’égalité devant la loi et devant la mort. Il a été mis fin en par la loi sur la liberté des funérailles du 15 novembre 1887 à l’ancien monopole religieux de droit concernant les obsèques, et les cimetières sont devenus des espaces publics accessibles à toutes et tous, quelle que fussent les options spirituelles du temps du vivant. Il reste cependant très difficile de pouvoir avoir droit à une cérémonie gratuite et digne en dehors des services religieux. La mise en concurrence des obsèques en 1993 fait porter le coût des indigents aux communes, tandis que le coût des obsèques reste souvent faramineux. Il faut un service public laïc et gratuit des obsèques.

Laïcité, condition de la paix

Dans les relations internationales comme dans notre pays, la laïcité est une condition de la paix, car elle permet le respect de chaque peuple et de chaque être humain indépendamment de ses convictions religieuses. Nous débarrasserons donc la politique internationale de la France de ses références à la théorie étasunienne du « choc des civilisations » qui cherche à diviser le monde en fonction des appartenances religieuses.