Notre constat : Droits LGBTI : un quinquennat de reculades
Le quinquennat qui s’achève a été marqué par un inquiétant renouveau réactionnaire que la frilosité d’Emmanuel Macron, malgré ses promesses de campagne, n’a rien fait pour combattre.
Si les droits des lesbiennes et des gays ont connu une progression réelle avec la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe en 2013, puis l’ouverture de la PMA aux femmes lesbiennes et célibataires en 2021, l’égalité entière des droits reste à conquérir.
Les personnes LGBTI continuent de subir le déchaînement de violences verbales et trop souvent physiques. Les violences intrafamiliales ont notamment connu une forte hausse lors des confinements successifs, avec un manque cruel de moyens pour l’hébergement et l’accompagnement des jeunes mis à la rue par des parents LGBTI-phobes. Les personnes transgenres et intersexuées continuent de subir des discriminations violentes.
Comme en 2013 avec le mariage pour tous, le débat sur la PMA puis celui sur les thérapies de conversion ont ouvert la porte à un renouveau du courant conservateur et réactionnaire dans le pays.
Depuis cinq ans, l’action du gouvernement en matière de droits individuels et sociaux des personnes LGBTI a été surtout marquée par les reculades et les promesses non tenues.
En témoigne ainsi de la loi Bioéthique : l’ouverture de la PMA à toutes aurait pu être une nouvelle conquête pour l’égalité de toutes et tous. Elle restera incomplète : la PMA reste inaccessible aux personnes trans, et le gouvernement a renoncé à la réforme de la filiation pour tous les couples, introduisant ainsi une nouvelle inégalité de traitement.
Malgré la mobilisation constante des collectifs et les condamnations régulières de la France à ce propos, la majorité LREM a constamment refusé de légiférer clairement pour interdire les opérations et les traitements non consentis sur les personnes intersexes.
Les personnes trans n’ont obtenu aucun droit nouveau, Emmanuel Macron ayant choisi délibérément le maintien du statu quo de la loi Justice du XXIe siècle de 2016, qui a maintenu la judiciarisation du changement de genre alors même qu’elle déjudiciarisait le divorce et le changement de prénom à l’état civil.
Pire encore : la loi « Asile immigration » de 2018 a permis l’expulsion sans recours des personnes venant de pays considérés comme « sûrs », dont certains criminalisent pourtant l’homosexualité.
Les discriminations contre les personnes LGBTI sont loin d’avoir disparu. Les agressions au travail sont la réalité d’un·e salarié·e LGBTI sur quatre. La moitié des personnes continue de cacher son identité sexuelle ou de genre à leur entourage professionnel. Aucun plan d’action sérieux n’a été mis en œuvre en cinq ans pour y remédier.
Dans ce contexte déjà lourd de déceptions et d’hypocrisie, la droite et l’extrême droite ont refait des paniques morales, notamment vis-à-vis des personnes transgenres, un de leurs chevaux de bataille.
De Valérie Pécresse à Éric Zemmour, nombreux sont les appels du pied aux vestiges de la « Manif pour tous » et les complaisances avec les milieux réactionnaires, religieux et intégristes, qui n’ont jamais renoncé à s’attaquer aux conquêtes émancipatrices : les familles homoparentales, la filiation, l’égalité femmes-hommes, et même le droit à l’interruption volontaire de grossesse.
L’élection présidentielle de 2022 sera décisive pour les droits des personnes LGBTI. Le nouveau président et sa majorité seront-ils aux côtés des personnes LGBTI pour faire face à l’offensive réactionnaire et faire progresser les droits, ou les laissera-t-il faire ? Tel est l’enjeu de l’élection.
LGBTI : qui est qui ?
Mais que signifient ces lettres LGBTI ? Certaines lettres se réfèrent à diverses orientations sexuelles :
- « L » comme lesbienne ;
- « G » comme gay, pour homosexuels masculins ;
- « B » comme bisexuel·le.
D’autres se réfèrent à l’identité sexuée ou de genre des personnes :
- « T » comme trans ou transgenre : personne qui a adopté un parcours de transition d’un genre à un autre ;
- « I » comme intersexué·es : personne naissant avec des attributs physiques ou biologiques appartenant aux deux types de sexe, que la médecine ne reconnaît dans aucun des deux sexes, femme ou homme.
Notre projet : de nouvelles conquêtes pour l’égalité
Projet d’égalité et de liberté, la 6e République marquera une nouvelle étape pour l’égalité et l’émancipation de chaque personne.
L’élaboration de la nouvelle Constitution par le peuple tout entier sera l’occasion de consacrer des droits nouveaux, collectifs et individuels, civils et politiques. En les inscrivant dans sa loi fondamentale, le peuple assure ainsi aux sien·nes que leurs droits et libertés ne seront pas constamment remis en cause.
Nous proposerons dans le cadre de l’Assemblée constituante de consacrer des droits qui sont pour nous fondamentaux :
- La libre disposition de soi, de son corps et de son esprit, et ce, de la naissance à la mort, c’est-à-dire le droit de définir sa propre identité de genre et de la voir reconnue par les pouvoirs publics et dans tous les aspects de la vie quotidienne, mais aussi le droit de choisir sa fin (« le droit d’éteindre la lumière »).
- L’accès pour toutes et tous à des soins et des politiques de santé publique qui permettent de mener sa vie de manière autonome.
- La lutte contre les discriminations dans l’accès aux droits fondamentaux, et notamment au travail et au logement.
- L’égalité entre les femmes et les hommes.
- La protection des amours entre personnes, dans leur diversité : c’est le consentement qui fait loi.
- La laïcité, condition de la liberté de conscience de chacun, de l’égalité et de la fraternité entre tou·tes les citoyen·nes quelle que soit leur option philosophique ou spirituelle, y compris l’athéisme.
- L’inscription de ces droits dans un projet plus large d’émancipation sociale, dans le travail, la culture, les loisirs, le sport, l’éducation tout au long de la vie… au travers de services publics de qualité.
Nos propositions : l’égalité des droits, de la naissance à la mort
Droit de vivre dans la dignité, sans discrimination
- Créer un Commissariat de l’égalité reprenant notamment les missions de l’actuel Délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). Le Commissariat de l’égalité combattra toutes les discriminations racistes, sexistes, contre les personnes LGBTI ou en situation de handicap, en lien avec les préconisations du Défenseur des droits. Il sera doté d’un corps d’inspecteur·rices avec pouvoir non seulement d’alerte, mais aussi de sanctions (judiciaires, économiques)
- Mettre en place un plan d’éradication des violences à l’encontre des personnes LGBTI : formation et instructions claires données à la police et à la gendarmerie, avec sanction des comportements homophobes, visant notamment à permettre systématiquement le dépôt de plainte et la poursuite des auteurs
- Lutter contre les discriminations en milieu scolaire : favoriser les agréments pour les associations LGBTI en milieu scolaire, garantir les moyens nécessaires pour la tenue effective des programmes de lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre
- Lutter contre les discriminations en milieu professionnel : doubler les moyens de l’Inspection du travail pour permettre une intervention systématique et efficace ; multiplier les campagnes de sensibilisation aux discriminations au travail ; organiser des formations professionnelles intégrant les luttes contre les discriminations pour la police, la justice, les intervenant·es sociaux·les, les éducateur·rices, l’administration pénitentiaire, etc.
- Prévenir les suicides des personnes LGBTI par une campagne active des agences de santé publique
- Étendre le droit à la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les personnes en capacité de procréer, avec prise en charge par la Sécurité sociale, et permettre l’utilisation des gamètes pour les femmes transgenres et l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) pour les hommes transgenres en capacité de le faire
Garantir la santé sexuelle et reproductive
Le SIDA n’est pas « derrière nous ». En France, il y aurait près de 30 000 personnes séropositives qui ne connaissent pas leur statut sérologique.
Pourtant, selon tou·tes les expert·es, il est possible de mettre fin à l’épidémie de VIH, même sans vaccin. Pour cela, il faudrait que :
- 90 % des personnes qui vivent avec le VIH connaissent leur statut sérologique,
- 90% des personnes infectées aient accès à un traitement antirétroviral durable,
- 90% des personnes sous traitement aient une charge virale durablement supprimée.
L’ONUSIDA, l’organisation mondiale de lutte contre le SIDA, a fait la démonstration que cet objectif, appelé « 90-90-90 », est atteignable et qu’il mettrait fin à la progression de l’épidémie.
La France a les moyens d’atteindre ces objectifs et de mettre fin à l’épidémie : en 2027, nous visons une France sans SIDA. Il ne manque que la volonté politique pour accorder les moyens nécessaires à la santé, à une politique de dépistage de grande ampleur et à une politique d’éducation, dès l’école, à la santé sexuelle.
Nous proposons de :
- Renforcer les moyens consacrés au dépistage du VIH et des infections sexuellement transmissibles (IST)
- en multipliant les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CEGIDD) aujourd’hui trop souvent surchargés ou éloignés
- en rendant le dépistage des IST en laboratoire anonyme et gratuit, sans avance de frais.
- Garantir les droits des patient·es : rembourser à 100 % les soins de santé prescrits par la Sécurité sociale ; instaurer un pôle public du médicament pour faciliter l’égal accès aux traitements face aux laboratoires privés ; former les soignant·es pour délivrer des soins appropriés et non-stigmatisants
- Développer une politique d’éducation à la santé sexuelle de l’école à l’université, avec des formations spécifiques pour les personnels qui assurent cette éducation et des campagnes diffusées dans tous les établissements.
- Développer la prévention VIH et l’éducation à la santé sexuelle sur les publics les plus à risque (en prison, prostitué·es, migrant·es, usager·es de drogues avec seringues…), et notamment leur permettre d’accéder à la prophylaxie pré-exposition (PrEP), stratégie de prévention du VIH basée sur la prise d’un médicament antirétroviral qui empêche les contaminations
- Lutter efficacement contre les infections sexuellement transmissibles (IST), en prenant en compte la diversité des orientations et des comportements sexuels ou amoureux. Il faut s’adresser aux hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) qui ont des taux d’incidence au VIH très supérieurs à la moyenne, notamment chez les jeunes
- Garantir les droits des patient·es : rembourser à 100 % les soins de santé prescrits ; instaurer un pôle public du médicament pour faciliter l’égal accès aux traitements face aux laboratoires privés
- Augmenter la sécurité transfusionnelle par des critères d’ajournement au don de sang fondés rationnellement et scientifiquement
- Mettre en œuvre une stratégie de prévention spécifique aux usager·es de chemsex par un renforcement des moyens alloués par les pouvoirs publics aux associations communautaires, en favorisant la consommation maîtrisée par l’accompagnement et l’éducation aux risques liés à chaque pratique, et s’appuyant sur le dépistage régulier pour le VIH, les hépatites et les IST avec traitement immédiat des usager·es
Permettre le changement d’état civil libre et gratuit
L’identité de genre se réfère au genre auquel une personne éprouve le ressenti profond d’appartenir (Principe de Yogyakarta, Organisation des Nations unies, 2006).
C’est une construction sociale et une expérience intime pouvant conduire les personnes transgenres à opérer des transitions sociales et corporelles. Des textes de l’ONU, du Conseil de l’Europe et, en France, du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) prônent le principe de liberté et d’autodétermination par et pour les personnes, sans intervention médicale, mais aussi sans verrou judiciaire.
Pourtant, la France reste aujourd’hui bien loin d’assurer la liberté et l’autodétermination, contrairement à l’Argentine, le Danemark ou encore la Norvège.
Nous défendons les propositions suivantes :
- Inscrire le droit à l’autodétermination du genre dans les droits humains inaliénables protégés par la Constitution de la 6e République.
- Dès maintenant, garantir le droit au changement de la mention du sexe à l’état civil, librement et gratuitement devant un officier d’état civil, sans condition médicale
- Reconnaître le libre choix des parcours médicaux de transition, sur la base du consentement éclairé, avec le maintien des remboursements en France et à l’étranger
- Rembourser à 100 % par la Sécurité sociale les soins de transition, sans devoir passer par une procédure de reconnaissance d’affection de longue durée (ALD)
Permettre la filiation universelle
Les fondements du droit de la filiation doivent être l’engagement et le projet parentaux. Le mode de procréation, les liens génétiques, le genre et le lien matrimonial des parents ne seront plus des conditions de reconnaissance des droits parentaux. Nous soutiendrons les propositions suivantes :
- Généraliser le mode existant de la reconnaissance comme critère pour établirmoyen d’établissement de la filiation, que les parents soient unis par un mariage, un PACS, en concubinage ou pas, et quelque soit leur sexe
- Mettre fin à la « présomption de paternité » dans le cadre du mariage
- Simplifier les règles de filiation pour reconnaître le rôle des parents sociaux sans passer par une procédure d’adoption complexe
- Parce que les enfants n’ont pas à subir les décisions de leurs parents, compléter la liste des discriminations visées à l’article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 et aux articles 225-1 et 225-2 du Code pénal, pour que soient ajoutés un 24e et un 25e critère prohibant la discrimination en raison des conditions de conception et des conditions de naissance
- Créer une adoption sociale : ce partenariat civil consistera à un engagement d’entraide matérielle réciproque. Les règles pour l’héritage entre adopté·es sociaux·les seront les mêmes que celles de la filiation directe
Dès la naissance, défendre le droit à l’intégrité physique et à l’autodétermination des enfants intersexes
Les personnes intersexuées sont des personnes nées avec des caractères sexuels (génitaux, gonadiques, chromosomiques) qui ne correspondent pas aux définitions binaires types des corps masculins ou féminins. Elles représentent entre 0,5 et 1,7 % de la population mondiale selon l’ONU, soit plus de 13 000 naissances par an en France.
Ces variations du développement sexuel sont saines et ne représentent aucun danger pour les personnes qui en sont porteuses. Pourtant, sous prétexte de rendre leur corps « normal », les personnes intersexuées subissent des discriminations dans leur vie quotidienne, et des atteintes à leur intégrité physique (mutilations imposées à la naissance, traitements hormonaux non consentis…) et psychologique (imposition du secret, violences sexuelles, honte de son corps…). En effet, l’institution médicale considère et traite encore souvent ces variations du vivant comme des pathologies.
La France a reçu trois condamnations de l’ONU pour ces mutilations et traitements non consentis, mais échoue encore à agir réellement. La mobilisation récente des associations et d’élu·es, notamment insoumis·es, lors des débats sur la loi Bioéthique, a permis pour la première fois de mettre en lumière ces traitements inhumains, sans parvenir à une interdiction claire des pratiques médicales incriminéesen cours.
Nous proposons de :
- Interdire les mutilations des enfants intersexués à leur naissance, les traitements hormonaux et les stérilisations non consenties sur les personnes intersexuées
- En finir avec la notion pathologique de « trouble du développement sexuel » légitimant les interventions médicales irréversibles non consenties
- Mettre en place une information complète des personnes intersexes et de leur entourage, dans un cadre non pathologisant, avec un accès complet à leur dossier médical, favorisant l’échange et la rencontre avec d’autres personnes concernées
- Former le personnel médical, juridique, scolaire et social susceptible d’être en contact avec des personnes intersexes de tout âge
Personnes LGBTI étrangères : non aux discriminations croisées !
Les personnes LGBTI étrangères qui arrivent en France subissent des discriminations racistes et LGBTIphobes ainsi qu’une précarité et des difficultés accrues dans toutes les étapes de leurs parcours.
Nous voulons d’abord faire cesser les inégalités de traitement subies dans l’accès aux droits et aux services publics et créer les conditions d’un accueil respectueux et adapté.
Pour cela, nous proposons de :
- Former l’ensemble des intervenant·es de l’accueil aux questions LGBTI et créer des référent·es médiateur·rices dans tous les services mobilisés
- Ne pas entraver dans les consulats l’octroi de visa pour les membres des couples binationaux en union libre ou désireux de se lier par un PACS ou un mariage
- Développer l’asile pour les personnes LGBTI persécutées dans leurs pays
- Faire avancer au niveau européen la directive globale et universelle contre toutes les discriminations, bloquée depuis 2004 par les gouvernements conservateurs
- Harmoniser le traitement de dossiers dans les consulats et les préfectures et veiller aux bonnes pratiques (confidentialité en cas de risque de persécutions, respect du nom et du genre choisis par les requérant·es, etc.)
- Mettre fin à la situation des personnes transgenres « deux fois sans-papiers », condition nécessaire pour permettre leur intégration sociale et économique
Droit de mourir dans la dignité : l’ultime liberté
Pouvoir choisir sa propre mort répond à un souci de dignité et à un choix philosophique personnel. Tant que le dispositif est encadré pour garantir un jugement conscient, réitéré et sans contrainte, c’est la dernière des libertés que peut exercer un être humain. Il est ainsi appliqué en Suisse.
Les différentes « lois Leonetti » sur la fin de vie depuis 2005 n’ont pas mis les personnes au centre de la décision, en se content de dispositifs de dénutrition et de déshydratation, soit une euthanasie qui ne dit pas son nom.
Nous proposons les mesures suivantes :
- Constitutionnaliser le droit de mourir dans la dignité.
- Instaurer dans la loi le droit à l’aide à mourir.
- Rendre les directives anticipées opposables au corps médical.
- Développer les moyens pour l’hôpital public et l’aide sociale : l’effectivité de ce droit et l’absence d’abus dépendent aussi de la qualité du service public de la santé.
- Étendre le bénéfice de la pension de réversion au conjoint survivant des couples pacsés.
- Le droit à « pourvoir aux funérailles » du partenaire survivant sera sécurisé.