Notre constat : la mer, nouvel horizon de l’humanité

La Terre est la seule planète de notre système solaire à être habitable en raison de la présence massive d’eau à sa surface. Les 70 % de sa superficie recouverts d’eau permettent la survie de l’humanité. Les deux tiers de la population mondiale vivent à moins de 100 kilomètres d’une côte. Dans l’Hexagone, c’est le cas de la moitié de la population. Les Outre-mer sont autant de fenêtres sur l’Océan mondial.

Pourtant, la mer nous reste largement inconnue. Les grandes profondeurs sont pour l’heure moins connues que la surface de la Lune. Et alors même que la mer n’a pas révélé l’ensemble de ses secrets, elle subit déjà de plein fouet les conséquences des activités humaines. 

Outre la surpêche, les océans sont devenus un déversoir de pollutions de toutes sortes : substances chimiques, pesticides, métaux lourds ou encore déchets plastiques. L’ensemble de la chaîne alimentaire marine est contaminé, jusqu’à 10 kilomètres sous la surface et dans les plus petits échantillons de krill. Or, tout ce qui se trouve dans la mer finit par nous revenir sous une forme ou une autre, sur nos plages, dans nos assiettes ou par la pluie sur nos têtes. Par ailleurs, l’Océan mondial, en tant que régulateur climatique, est au bord de l’asphyxie. Toutes les études scientifiques recensées constituent désormais un faisceau de preuves concordantes sur l’ampleur du désastre. 

Les effets du changement climatique sur l’Océan mondial 

D’une part, la composition chimique des océans se modifie à mesure que la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère augmente. Pour l’heure, les océans absorbent 30 % du CO2 émis à l’échelle mondiale. Mais un rapport de l’Unesco estime que les océans risquent de bientôt contribuer à l’effet de serre. Ils ne joueraient alors plus leur rôle de “puits de carbone” mais participeraient au contraire du réchauffement global.

D’autre part, la hausse globale des températures accélère la fonte des glaces. Entre 1994 et 2017, celle-ci a augmenté de 65 %. L’Antarctique pourrait même atteindre un point de non-retour en 2060. Cette fonte des glaciers et banquises fait monter le niveau de la mer ; elle augmente aussi la densité de l’eau, ralentissant ainsi les courants océaniques, notamment le Gulf stream. 

Les océans deviennent plus acides, plus chauds et leur teneur en oxygène diminue. La vie marine toute entière, dont dépendent des milliers d’êtres humains pour se nourrir, est menacée. La montée du niveau des mers s’opère à un rythme jamais observé depuis 3000 ans. L’ensemble des activités et installations humaines en sont ainsi menacées. 

Le peuple humain se définit par sa dépendance absolue à l’Océan mondial. Nous avons donc un intérêt collectif à agir pour protéger ce bien commun. Loin de cette vision, il est devenu un nouvel enjeu pour les capitalistes et les intérêts privés : urbanisation sans contrôle des littoraux, pollutions, pêche intensive, course à l’extraction des minerais, pétrole et gaz offshore (au large des côtes), etc. C’est aujourd’hui un bien commun essentiel gravement menacé : par les conséquences du changement climatique, le productivisme, l’appropriation privée, les tensions entre nations et les conflits d’usages que les océans suscitent et subissent. La préservation et la dépollution de l’Océan nécessitent au contraire une coopération mondiale et un droit international contraignant. 

La France doit se mettre au service d’une telle diplomatie écologique universaliste. Avec 11 millions de kilomètres carrés d’espace maritime, notre pays dispose du deuxième territoire maritime du monde. C’est un trésor, une opportunité fantastique pour notre peuple au 21e siècle. C’est aussi une responsabilité particulière de la France. En effet, elle est présente dans tous les océans du globe, y compris aux pôles. Notre pays se situe donc à tous les points de perturbation de l’Océan mondial. Pourtant, nous disposons seulement de l’équivalent de deux voitures de police pour surveiller notre territoire maritime. Or, la mer est indispensable à l’écosystème qui rend possible la vie humaine. La question n’est donc pas de savoir s’il faut s’intéresser à elle, mais comment et pour quoi faire ? C’est un nouvel horizon de l’humanité : politique, écologique, culturel et scientifique. L’économie de la mer pourrait représenter 1 million d’emplois en France d’ici 2030. Encore faut-il planifier une stratégie : en fixer les grands objectifs et se donner les moyens de les atteindre. Il est urgent de faire entrer la mer dans la politique. La France peut agir de façon décisive. Elle ira en tête de ce nouvel âge de l’histoire humaine. 

Notre projet : la mer a le goût du futur

Notre relation à la mer s’inscrit pleinement dans l’idée de la règle verte : nous voulons faire bifurquer l’ensemble des moyens de production, de consommation et d’échange afin qu’il ne soit pas prélevé sur la nature davantage que ce que l’écosystème peut reconstituer ou absorber.

L’économie de la mer que nous portons est le support de ce nouveau paradigme. Elle sera à la fois un levier d’entraînement de l’activité et un outil de la bifurcation à opérer pour rompre avec les logiques productivistes, le pillage des ressources et le saccage de l’environnement. Modèle à construire avec ambition et méthode, l’économie de la mer pose les bases d’une recomposition destinée à rayonner et à refonder notre rapport à la nature.

Face au modèle dominant d’une croissance sans finalité autre que la multiplication des biens de consommation, nous proposons une entrée en mer raisonnée, nouveau chemin de développement et de progrès, matrice à même de redonner le goût du futur. Ambition en partage pour un pays qui doute de lui-même, de ses capacités et de son destin, l’économie de la mer trace une voie pour sortir du marasme.

« La France dispose du deuxième territoire maritime du monde

“Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée.” Cette phrase de Richelieu porte toujours. (…) La mer est pourtant le nouvel horizon de l’humanité. Elle est aussi un bien commun essentiel, gravement menacé. Et la France ? Son devoir est fixé par son rang. C’est une opportunité fantastique pour notre peuple dans le siècle qui commence. La mer a le goût du futur pour les Français. » 

« La France, puissance maritime qui s’ignore », Jean-Luc Mélenchon (Revue internationale et stratégique, 2014, n°95

Nos propositions : faire de la mer un bien commun pour le progrès humain 

Faire de la mer un bien commun de l’humanité

Pour une diplomatie écologique universaliste, en mer aussi 

Développer les coopérations maritimes de la France avec ses voisins

Agir pour l’environnement littoral et marin

La Loi Littoral, fruit de la prise de conscience collective autour de la mer et votée à l’unanimité en 1986, sera préservée et son impact sera évalué. Il nous faudra aussi :

D’ici 2050, si rien ne change, il y aura plus de plastique que de poissons dans la mer Méditerranée. Ce que nous ferons pour l’éviter :

Renforcer la protection de nos espaces maritimes et littoraux 

Il est urgent de protéger les mers et océans du pillage de leurs ressources et des tensions militaires. Il est nécessaire de sanctuariser les écosystèmes marins.

Planifier et investir dans les énergies marines renouvelables

Au plus vite, dans le cadre du Conseil à la planification écologique, une conférence des énergies marines renouvelables réunira les industriels du secteur, les professionnel·les de la mer et les ONG. L’équilibre entre les potentialités énergétiques des sites et la limitation des conflits d’usage sera systématiquement recherché dans un objectif de planification d’un développement fort des énergies marines renouvelables (EMR). Un contrat d’objectif fixera le programme de développement qui sera intégré à la Programmation pluriannuelle de l’énergie révisée. D’autres mesures seront nécessaires :

Pour un pôle public de l’énergie intégrant les EMR

L’industrie française dans l’éolien offshore a été bradée. Nous reconstruirons une filière industrielle nationale des énergies marines renouvelables notamment de l’éolien offshore afin d’assurer le développement et la maîtrise publique des réseaux et installations de production au sein du pôle public de l’énergie prévu dans l’Avenir en commun. Pour cela, nous nationaliserons l’ancienne branche énergies marines d’Alstom cédée à General Electric et l’ex branche éolienne offshore d’Areva (cédée à Siemens et Gamesa) pour reconstituer un fleuron industriel national.

Développer et imposer la pêche durable 

Inventer la « pêche durable » implique de revoir de fond en comble le modèle d’exploitation des ressources marines. Qui dit pêche durable dit aussi réduction de la consommation de poisson : il faudra diviser par deux la consommation moyenne en France. Nous mettrons en œuvre les mesures suivantes :

Soutenir l’aquaculture extensive et écologique 

Soutenir une aquaculture écologique passe par la diminution de notre demande de poissons carnivores d’élevage. Nous nous positionnons donc contre la création de fermes aquacoles géantes et hyper-intensives, et proposons les mesures suivantes :

Marine marchande : défendre et renforcer le pavillon français contre le dumping social

Défendre le pavillon français de premier registre. (Le régime d’immatriculation des navires français comprend plusieurs registres. Seul le premier implique le respect du code des transports et du code des douanes.)

Mettre fin au dumping social sur les liaisons intérieures

Construire mieux, déconstruire propre

Développer la construction navale en France

Créer une véritable filière industrielle du démantèlement

Lutter contre les particules fines, développer l’usage du gaz naturel liquéfié :

Rendre plus écologique le transport maritime

Élaborer une stratégie portuaire nationale cohérente et offensive

Développer les pôles multimodaux, fluviaux et ferroviaires, afin de réduire la part modale de la route

Moderniser les infrastructures portuaires

Développer l’éducation et la formation aux métiers de la mer

 Faire de la France le leader mondial de la recherche maritime

Le territoire maritime de la France abrite 10 % de la biodiversité mondiale, ce qui donne à notre pays une responsabilité à l’égard de la préservation du vivant.

Renforcer les moyens de la recherche publique pour la connaissance des milieux

Poursuivre le programme Extraplac

Renforcer la recherche dans les biotechnologies marines

Accorder des moyens publics au service de l’ambition maritime

Mettre fin à l’austérité, renforcer les investissements publics et mobiliser l’épargne privée

Mener une politique maritime intégrée

Europe : pour la mer aussi, appliquer notre programme quoi qu’il en coûte

Pour les questions maritimes comme le reste, les règles économiques libérales qui privilégient la concurrence immédiate sur l’intérêt général, le long terme, les droits sociaux et la préservation de l’écosystème seront un obstacle à l’application de notre programme.

Les exemples sont légions : pavillons de complaisance au sein même de l’UE, libéralisation de l’énergie et des transports empêchant une planification écologique forte, travailleur·ses détaché·es exploité·es dans les chantiers navals ou pour la construction d’éoliennes, accords économiques qui organisent le pillage des ressources halieutiques, etc. 

Notre politique maritime ne pourra voir le jour sans s’affranchir des traités européens. Pour la mer aussi, il faudra appliquer une stratégie de désobéissance pour refonder la politique maritime et les coopérations.

Développer un tourisme maritime respectueux de l’environnement et des professionnel·les