« Agis dans ton lieu, pense avec le monde »

Édouard Glissant

Notre constat : les Outre-mer, territoires abandonnés de la République 

La République compte 2,5 millions d’habitant·es hors de ses frontières hexagonales. Un tiers d’entre eux a moins de vingt ans.

Si la France possède le deuxième territoire maritime mondial en superficie, et le premier pour sa biodiversité, c’est grâce aux territoires ultramarins. Les Outre-mer rendent notre pays plus universaliste qu’européen. En effet, nous partageons des frontières maritimes ou terrestres avec des pays aussi divers que l’Australie, Madagascar, les îles Samoa, la Barbade ou encore le Canada. La plus longue frontière terrestre de la France est avec le Brésil, sa plus longue frontière maritime avec l’Australie. 

Pourtant, les Outre-mer sont considérés comme des territoires de seconde zone. Leurs économies sont dominées par des monopoles commerciaux, groupes privés appuyés par le gouvernement français. Ainsi, les Outre-mer sont un terrain de jeu pour les grands projets inutiles « offerts » aux multinationales de l’équipement et du bâtiment. Cette prédation des grandes entreprises condamne les cinq départements français d’Outre-mer à une dépendance toujours accrue aux importations, à la vie chère et au chômage de masse. Ainsi, le niveau de vie de La Réunion est inférieur d’un tiers à celui de l’Hexagone, celui de la Guyane de moitié, et celui de Mayotte de plus de 80% ! La pauvreté frappe un tiers des Guadeloupéen·nes et Martiniquais·es, et trois quarts des Mahorais·es.

Les Ultramarin·es et leurs terres ont subi l’empoisonnement pendant des décennies. Dans les Antilles, le chlordécone entraîne des taux records de cancers et des malformations congénitales. Le glyphosate intoxique les populations de La Réunion. En Guyane, le mercure contamine les humains et les écosystèmes. Enfin, il n’est pas possible d’oublier les 193 essais nucléaires pratiqués dans les eaux des atolls de Mururoa ou de Fangataufa entre 1966 et 1996. Les conséquences sont toujours désastreuses pour la population polynésienne et l’environnement. 

Des centaines de milliers de personnes subissent des coupures intermittentes ou incessantes d’eau (en Guadeloupe ou en Martinique), voire n’y ont pas accès du tout (comme à Mayotte ou en Guyane). Les systèmes de santé dans les Outre-mer sont dans un état désastreux : les structures hospitalières sont en ruine et en manque chronique de moyens, de matériel, de personnel, etc. La crise sanitaire a démontré la faiblesse des réseaux de soins dans toute la France, mais particulièrement dans ces territoires où les cancers, le diabète, l’obésité, l’hypertension, l’asthme ou les maladies cardio-vasculaires sont plus répandus qu’ailleurs. Les habitant·es des Outre-mer ressentent l’existence d’un régime d’apartheid social dans une ambiance de préférence hexagonale.

L’abandon de ces territoires a provoqué des révoltes sociales historiques. De grands mouvements sociaux émaillés de manifestations violemment réprimées, relayant les aspirations et revendications des populations, ont été menés en 2009 dans les Antilles, en Guyane, mais aussi à La Réunion. Des émeutes ont secoué Mayotte en 2011, La Réunion en 2012, et Mayotte, encore, en 2016. En 2018, une grève générale a paralysé Mayotte durant plusieurs mois tandis que le mouvement des Gilets jaunes a bloqué La Réunion pendant plus de 3 semaines, préfigurant ainsi la vague de contestation sociale qui submergea l’Hexagone en 2019. Le gouvernement n’en est venu à bout qu’avec de fausses promesses et une répression sévère. De nouveaux mouvements sociaux ont vu le jour en 2020 et 2021, dans le contexte de la crise sanitaire. 

Ces secousses témoignent des vents de révolte qui soufflent sur cette France du grand large, encore attisés par les espoirs déçus et les promesses non tenues qui ont émaillé les mandats de Nicolas Sarkozy, de François Hollande et d’Emmanuel Macron.

Notre projet : les Outre-mer, pionniers du progrès écologique et social 

Partout, les territoires ultramarins peuvent devenir des exemples de développement respectueux de l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. Ainsi, le développement des énergies renouvelables, surtout dans les territoires insulaires, permettrait d’assurer la production énergétique. Le plan d’autonomie énergétique de Paul Vergès pour La Réunion est un exemple du niveau d’ambition que nous devons avoir pour les Outre-mer. 

Les Outre-mer sont des membres à part entière de notre République, même s’ils aspirent également à faire reconnaître leurs spécificités ultramarines. Nul séparatisme, nul repli dans cette affirmation. En 1946, les « quatre vieilles » — la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion — ont choisi de sortir du statut colonial en accédant au rang de département français. Ce fut une conquête majeure du camp progressiste emmené par Aimé Césaire, Léon de Lépervanche, Raymond Vergès, Léopold Bissol et Gaston Monnerville. En 2011, ce fut au tour de Mayotte de compléter la liste. Dix ans après, il convient de parachever la départementalisation en lui ouvrant l’accès au droit commun. 

Réussir le développement de nos territoires d’Outre-mer passe aussi par le retour d’une politique de production responsable et relocalisée. Il faut mettre fin aux économies de dépendance du continent européen dans lesquelles les Outre-mer ont été enfermés. Ce sera aussi l’occasion de conclure des accords commerciaux honnêtes et équilibrés, respectant les impératifs sociaux et écologiques et refusant la concurrence déloyale avec les pays voisins de chaque territoire.

Il y a urgence à engager un plan pluriannuel d’investissement et de développement des services publics (transports, éducation, santé, logement, culture), dont la possibilité a été dessinée dans les propositions des mouvements sociaux notamment en Guyane, à Mayotte, en Guadeloupe et en Martinique. Pour garantir le droit à l’eau, la rénovation et l’adaptation des infrastructures s’imposent.

Les territoires ultramarins doivent rejoindre les accords régionaux de coopération, afin de bénéficier d‘un appui diplomatique, matériel et technique important. La France pourrait apporter sa contribution sur le plan technique, scientifique ou commercial. Notre pays sera aussi capable de fournir une assistance médicale d’urgence et de génie civil en situation de catastrophe.

Nous proposons, par l’émancipation des territoires ultramarins contre la mainmise des accapareurs de toute nature, une voie de développement endogène et d’enrichissement mutuel des relations internationales. La République doit vivre partout et pour toutes et tous !

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Nos propositions : L’égalité pour les Outre-mer

En finir avec l’abandon des Outre-mer 

Les Outre-mer sont maintenus dans un système de dépendance économique et de mal-développement, générateur de pauvreté et d’inégalités. Les habitant·es subissent le recul des services publics, les retards accumulés en matière d’investissements publics, le poids des situations d’oligarchie ou de monopoles dans l’économie, et les effets durables des pollutions comme celles dues au chlordécone. Nous refusons une telle rupture d’égalité. Il faut déclarer l’état d’urgence sociale avec pour objectif l’éradication de la pauvreté ultramarine. 

Un plan d’urgence sociale pour vivre décemment

Un plan d’urgence pour garantir l’accès à l’eau potable 

Un plan d’urgence sanitaire et de développement des services publics

Un plan d’urgence pour dépolluer et désempoisonner 

Les Outre-mer, avant-postes de la planification écologique

Les Outre-mer vont prendre de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique : manque d’eau potable, montée des eaux, sécheresses, multiplication des catastrophes naturelles. La prédation des multinationales nous mène à la catastrophe. Il faut réagir vite et fort. Les Outre-mer pourraient être les pilotes de la planification écologique et du progrès humain. Il existe déjà des « plan pays » bâtis par les Ultramarin·es. Ils doivent servir de grands objectifs écologiques fixés à partir des besoins essentiels : autonomie énergétique, relocalisation de la production alimentaire, déploiement d’une économie de la mer.

Conquérir l’autonomie énergétique et atteindre le 100% renouvelables 

Aller vers l’autosuffisance alimentaire par le protectionnisme écologique 

Développer les transports publics écologiques, repenser la mobilité individuelle

Préserver les territoires des pratiques mortifères et des grands projets inutiles et protéger la biodiversité

Égalité et justice sociale : unir pour bien vivre dans les Outre-mer 

La vie chère est provoquée par les marges abusives des monopoles qui mettent en coupe réglée les économies des Outre-mer. Il faut lutter contre les féodalités économiques et développer partout la solidarité et l’entraide. Il est temps de s’engager sur la voie de l’égalité réelle dans les Outre-mer. 

Lutter contre les féodalités économiques et remettre l’économie au service de l’humain

L’éducation pour toutes et tous 

La République partout et pour toutes et tous 

Préserver et valoriser la culture et le patrimoine ultramarins

Les Outre-mer, fer de lance d’une diplomatie altermondialiste 

Grâce aux Outre-mer, la France est présente dans tous les océans. Elle possède le deuxième domaine maritime au monde. La Guyane française partage avec le Brésil la plus longue frontière terrestre de notre pays. Le devoir de la France est fixé par ses responsabilités et son voisinage. Elle doit être le fer de lance d’une diplomatie universaliste dont les Outre-mer seront le point d’appui.

Reconquérir la souveraineté

Construire des politiques internationales et des partenariats régionaux à partir des Outre-mer