Notre constat : une diplomatie alignée sur les États-Unis d’Amérique et le néolibéralisme international

La pandémie a surgi dans un monde marqué par la crise de domination des États-Unis d’Amérique, l’affolement du capitalisme et la catastrophe écologique. Loin d’inverser ces tendances, le choc sanitaire a exacerbé la compétition généralisée, les tensions à l’intérieur des nations et entre elles. 

La lutte des États-Unis d’Amérique, dépassés économiquement par la Chine, pour préserver leur domination, reste la principale menace pour la paix. Cette domination repose sur un maillage de 700 bases militaires et apparentées dans le monde. Elle est maintenue par un budget de défense proche de 730 milliards de dollars en 2020, contre environ 200 milliards pour la Chine. Elle tient également par le dollar, qui demeure la première monnaie mondiale d’échange et de réserve. Les États-Unis d’Amérique utilisent ce privilège exorbitant en s’endettant aux dépens du reste du monde pour relancer leur économie. Ou en imposant leurs vues via des sanctions extraterritoriales, dont le dollar est un outil central. Mais sa valeur repose sur la croyance que ses détenteurs placent dans cette monnaie, pas sur l’économie productive étasunienne dont il est déconnecté. La décision de certains pays de s’éloigner du dollar pour leurs échanges, comme le font la Chine et la Russie, inquiète les États-Unis d’Amérique. Ceci explique, bien plus que la soi-disant défense des « valeurs démocratiques » ou la menace militaire que représenteraient ces deux pays, les tentatives des États-Unis d’Amérique de constituer un nouveau « bloc » face aux ennemis désignés. 

La pandémie a surgi après des décennies de libéralisation et de financiarisation des économies, qui ont alimenté des bulles financières pouvant éclater à tout moment. Les réponses néolibérales à la crise sanitaire ne peuvent qu’aggraver cette situation, dès lors qu’aucun règlement collectif de la question des immenses dettes publiques et privées accumulées dans le monde n’est mis en œuvre. La pandémie a également exacerbé les inégalités et la pauvreté. Des centaines de millions d’emplois ont été détruits. Plus de 120 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans la pauvreté depuis début 2020. Dans le même temps, les dix hommes – aucune femme – les plus riches du monde ont vu leur fortune augmenter de plus de plus de 500 milliards de dollars. 

Enfin, l’environnement stratégique est bouleversé par l’incertitude écologique. L’effondrement de la biodiversité, la raréfaction des ressources et le changement climatique modifient l’ordre des événements naturels auxquels nous nous sommes adaptés depuis des millénaires. La pandémie a montré l’absurdité du système qui l’a générée, puisque les zoonoses sont rendues plus fréquentes par la destruction des milieux d’habitat naturel des animaux et les élevages intensifs. Sans transformation des modes de production, d’échanges et de consommation, les conflits pour l’accès à l’eau, l’alimentation, l’énergie iront croissant. Comme ceux liés aux déplacements forcés de populations : l’ONU prévoit 250 millions de personnes déplacées à cause de phénomènes climatiques extrêmes d’ici 2050. 

Tant que l’on ne bifurquera pas, les sources de conflits se multiplieront. Il n’y a rien à attendre du système capitaliste pour résoudre les défis communs de l’humanité. Il est non seulement incapable de régler les catastrophes géopolitiques, écologiques et sociales qu’il engendre, mais il en tire de nouveaux profits. 

Dans ce contexte, Emmanuel Macron a consommé le réalignement de la France sur la « famille occidentale » et le « leadership étasunien ». Après avoir voulu « réinventer le monde libre » avec Donald Trump, il s’est enthousiasmé pour les menées étasuniennes dans l’« indopacifique ». Après le camouflet de l’alliance AUKUS (Australie, États-Unis d’Amérique, Royaume-Uni) bâtie sur le dos de la France, il a quémandé une place plus importante dans la stratégie d’endiguement de la Chine, un soutien logistique à une guerre au Sahel dont la France aurait tout intérêt à s’extirper, l’appui à une défense européenne « complémentaire de l’OTAN ». Cet épisode résume cinq ans de politique étrangère alignée. 

Cet alignement va de pair avec l’enfermement néolibéral. Au Sommet de Davos, Emmanuel Macron s’est fait le chantre de l’écologie, et a appelé à « repenser le capitalisme » et le libre-échange à la lumière d’une pandémie qui a « exacerbé les inégalités ». Mais, « en même temps », il a laissé se poursuivre au niveau européen les processus de négociations, de ratification ou d’application de 12 accords de libre-échange. Il a œuvré avec les autres dirigeants européens à réduire le taux de la taxe internationale sur les multinationales. Il ne s’est rallié qu’à reculons à la levée des droits de propriété sur les vaccins contre le Covid-19, lorsque Joe Biden a soutenu cette mesure, sans rien faire pour son application. Il a revu à la baisse des objectifs déjà insuffisants au regard de l’accord de Paris de 2015 sur le climat. Tout en parlant de « New deal » pour l’Afrique, il n’a rien fait ou presque pour l’accès des pays africains aux vaccins contre le Covid-19. Les « annulations de dettes » publiques africaines ont été conditionnées à la mise en œuvre de « contrats de désendettement et de développement » qui ne bénéficient qu’aux multinationales. Le nouveau sommet Union européenne–Union africaine, prévu lors de la présidence française de l’UE, ne changera rien aux accords inégaux qui détruisent les agricultures vivrières et le secteur de la pêche artisanale en Afrique, à l’absence de souveraineté monétaire ou au soutien à des régimes qui accaparent les richesses nationales. 

Notre projet : une France indépendante au service de la paix

Décidée par un homme seul, l’action internationale de la France doit redevenir l’affaire du peuple souverain. La configuration dangereuse qui caractérise le monde actuel appelle pour la France une politique fondée sur l’indépendance, autre nom de la souveraineté et condition de la liberté, et mettant les moyens de la puissance au service de l’intérêt général du peuple humain. Seules l’entraide et la coopération internationales peuvent endiguer les menaces qui pèsent sur l’humanité. Tels seront les principes qui guideront la rédaction, dès notre arrivée au pouvoir, d’une nouveau Livre blanc sur l’action extérieure de la France. 

Les piliers de cette action internationale reformulée sont : l’indépendance diplomatique de la France ; le refus du libre-échange et de la guerre économique généralisée ; l’instauration d’un protectionnisme solidaire et écologique ; la solidarité avec les peuples qui, aux quatre coins du monde, réaffirment leur souveraineté avec des revendications universalistes. 

La condition première de cette nouvelle action internationale est que la France parle de sa propre voix. L’heure est à la sortie de l’OTAN, et à l’abandon de son corollaire, « l’Europe de la défense ». Son économie, sa souveraineté militaire, son réseau diplomatique, sa géographie et, surtout, son rayonnement scientifique et culturel font de la France une puissance mondiale. Quitter l’OTAN ne veut pas dire que nous arrêterons d’avoir de bonnes relations avec ses membres, dont les États-Unis d’Amérique. Mais ces relations devront être d’égal à égal. En sortant du carcan atlantiste, la France ne se retrouvera pas isolée, mais non alignée. La rupture avec la condescendance du « camp occidental » accroîtra la portée de ses messages. Cette démarche pacifique est impossible quand on s’enferme dans un camp ou un autre. 

Ce redéploiement de l’action internationale de la France se fera dans plusieurs espaces stratégiques. Les pays du petit bassin méditerranéen, partenaires naturels de coopération puisque nous partageons ensemble un écosystème fragile. La francophonie populaire, qui offre l’opportunité de construire avec les peuples africains une relation libérée des restes du colonialisme. Les États dits « émergents » du Sud, en Amérique latine, en Asie, dans l’océan Indien, qui sont les voisins de la France d’Outre-mer. L’ONU, enfin, seule instance légitime à œuvrer à la sécurité collective, où la France occupe un rôle de premier plan. 

Dans ces espaces, la France pourra pousser à des coopérations d’intérêt général humain qui répondent aux crises du système de sécurité collective, écologique, sociale et sanitaire. Il faut en finir avec les formules creuses : l’objectif des coopérations internationales doit être de répondre à des besoins et problèmes concrets en portant des alternatives au néolibéralisme. Ces objectifs convergent avec les révolutions citoyennes qui ont marqué la décennie écoulée. Celle-ci a vu les peuples revenir sur le devant de la scène mondiale pour revendiquer le droit de contrôler leur vie quotidienne, en accédant notamment aux réseaux collectifs et biens communs comme l’eau ou l’électricité. De la Tunisie à l’Irak, de la France au Soudan, en passant par l’Algérie, l’Égypte, le Liban, l’Équateur, le Chili, la Thaïlande, Hong-Kong, la Biélorussie, le Mali, et même les États-Unis d’Amérique, les peuples ont réaffirmé leur volonté de souveraineté à travers des revendications universelles pour le renforcement des droits sociaux et démocratiques. 

La clef est la relance de la coopération internationale : d’une part au service d’une démondialisation ordonnée de ce qui doit être démondialisé, et d’autre part, pour ce qui restera mondialisé, elle doit permettre de bâtir une réglementation collective émancipée du néolibéralisme. Seul un monde où la loi précède l’ordre peut être un monde où la paix progresse. L’ampleur de la tâche et la complexité du système international ne doivent pas servir de prétexte à l’inaction. L’échelle étatique, nationale, reste ici un niveau d’action essentiel en articulation avec l’échelle internationale. Cela implique de mettre en oeuvre, comme l’écrivait Thomas Piketty en 2020, un « modèle internationaliste dans ses objectifs ultimes mais souverainiste dans ses modalités pratiques, au sens où chaque pays, chaque communauté politique doit pouvoir fixer des conditions à la poursuite des échanges avec le reste du monde, sans attendre l’accord ultime de ses partenaires »

Nos propositions : une diplomatie indépendante et altermondialiste

S’émanciper de l’OTAN et de l’occidentalisme

Sarkozy, Hollande et Macron ont enfermé la France dans l’OTAN. Seule alliance militaire intégrée au monde, l’OTAN est un outil d’inféodation aux États-Unis d’Amérique. C’est également une organisation archaïque. Elle aurait dû être dissoute à la fin de la guerre froide. Au contraire, elle n’a fait depuis qu’étendre son action avec des résultats néfastes pour la paix et notre sécurité. Désormais, l’OTAN menace la Chine. Il est possible et nécessaire d’en sortir, pour promouvoir en toute indépendance la paix et la coopération. En 1966, le général de Gaulle avait retiré la France du commandement intégré de l’OTAN. Les atlantistes, dont les arguments n’ont pas évolué depuis, avaient garanti l’affaiblissement de notre pays. Au contraire, la diplomatie non alignée qui s’en est suivie lui a permis de voir son influence progresser. 

Une fois au pouvoir :

Renforcer l’ONU pour faire vivre un monde ordonné

Quelles que soient ses imperfections, l’ONU est la seule organisation universelle reconnaissant l’égalité entre États et entre peuples, donc la seule instance légitime à œuvrer à la sécurité collective. Pourtant, elle est sapée de l’intérieur, par des manques financiers qui la rendent dépendante du bon vouloir de sociétés privées « partenaires », et de l’extérieur, par les superpuissances qui s’affranchissent du droit international. Les conflictualités de tous types doivent y être mises en discussion et réglées avant de dégénérer en guerres. À rebours de l’enfermement dans la diplomatie de clubs oligarchiques symbolisée par le poids des G7, G20, OCDE, OMC, Banque mondiale, la France doit œuvrer au retour en force de l’ONU. Nous proposons : 

Redéployer l’action internationale de la France 

L’indépendance est le contraire de l’isolement. En sortant du carcan atlantiste, la France ne sera pas isolée mais non alignée. C’est la condition du redéploiement de son action internationale. Celui-ci se fera dans plusieurs directions. 

Les pays du petit bassin méditerranéen (France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Algérie, Maroc, Tunisie, Libye) sont des partenaires naturels de coopération puisque nous partageons ensemble un écosystème fragile. L’espace méditerranéen constitue une zone prioritaire d’action internationale. Nous ne nous résignons pas à voir la mer Méditerranée devenir un cimetière pour migrant·es. La France doit contribuer à son union autour d’objectifs communs de progrès : 

Notre pays dispose de frontières terrestres ou maritimes sur tous les continents. Il a vocation à renforcer ses coopérations avec les puissances (ré)émergentes d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. Ces dernières sont les voisins immédiats d’une France d’Outre-mer qui demande à être prise en compte et constitue un formidable atout stratégique pour notre pays. Il faut former avec les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) les bases de coopérations altermondialistes, ouvertes à tous et fondées sur l’indépendance de chacun et des partenariats d’intérêt général humain. Nous proposons : 

Revoir les relations entre la France et l’Afrique

Une francophonie au service des peuples et nourrie de projets concrets autour des grands enjeux de l’humanité offre l’opportunité de construire avec les peuples africains une relation libérée des restes du colonialisme. Comme le disait Thomas Sankara, « la francophonie peut être un instrument de notre libération ». En Afrique sahélienne et subsaharienne, les peuples pointent l’impossibilité d’accéder à tout ou partie des réseaux et ressources essentiels à la vie, dénoncent les oligarchies autoritaires et les inégalités, et veulent exercer leur souveraineté. Ignorant ces réalités, le gouvernement français s’accroche à une vision affairiste et militariste des relations avec l’Afrique, qui l’amène à soutenir des régimes détestés. La fuite en avant militaire au Sahel a gravement détérioré l’image de notre pays, sans rien régler à la crise sécuritaire.

Il est dans l’intérêt des peuples français et africains que la France adopte une politique africaine guidée par l’intérêt général humain. L’adaptation au réchauffement climatique des pays africains, la lutte contre la désertification, et la préservation de la biodiversité devront être un axe central de cette action. L’accès à la santé et les enjeux écologiques sont ici inséparables des impératifs de réduction de la pauvreté et des inégalités, d’éducation, de souveraineté dans tous les domaines essentiels de la vie d’une nation (alimentaire, monétaire, énergétique, etc.). Enfin, l’Afrique ne doit pas être exclue de la course aux nouvelles frontières de l’humanité (espace, mer, numérique). Pour refonder les relations avec l’Afrique : 

Refuser le libre-échange, instaurer un protectionnisme solidaire et écologique, et étendre les protections du droit international aux biens communs planétaires

La mondialisation actuelle est synonyme de globalisation de la finance, de concentration des pollutions, de propagation des maladies et d’un libre-échange au seul profit des multinationales. Elle crée désindustrialisation, pandémies, chômage et émigration forcée. Le protectionnisme écologique et solidaire est une condition du codéveloppement et de l’avènement du progrès humain partout. Pour le mettre en oeuvre, nous porterons au sein du FMI, de la Banque mondiale et de l’OMC des propositions de rupture avec le néolibéralisme international, et réinvestirons la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et l’Organisation internationale du travail (OIT) : 

La rupture avec le néolibéralisme implique d’élargir le domaine des biens publics mondiaux ou bien communs mondiaux. Il s’agit notamment des grands cycles, de l’eau, de l’air, des océans, et de leurs points les plus importants sur le globe. Les biens communs incluent aussi l’ensemble des biens et services dont l’humanité dépend pour sa survie et pour le bon fonctionnement de ses structures sociales. La pandémie offre ainsi un autre exemple de défi dont les solutions sont forcément en partie mondiales. 

Dogmatiques, les néolibéraux prétendent que le marché dérégulé est à même de gérer les biens communs. Nous affirmons au contraire qu’ils doivent échapper aux mécanismes de marché, par l’intervention des puissances publiques. Le peuple humain tout entier est intéressé à leur gestion. Mais tous ne peuvent pas être soustraits à la souveraineté nationale. Il faut donc inventer un ordre international dans lequel des règles communes et écologiques sont décidées par l’ensemble des États et leur mise en œuvre confiée à leurs gouvernements. Nous défendons pour les biens communs mondiaux la progression d’un droit international, avec : 

Stopper l’érosion de l’outil diplomatique français et son alignement sur la diplomatie de l’Union européenne 

Aucune de ces ambitions ne sera réalisable sans le rétablissement de notre outil diplomatique. Le réseau diplomatique de la France, troisième du monde après ceux de la Chine et des États-Unis d’Amérique, a été mis à mal par des décennies de coupes budgétaires. Le ministère des Affaires étrangères a subi la pire cure d’austérité de tous les ministères. Il a perdu la moitié de ses effectifs en trente ans. Les personnels du réseau de la coopération culturelle, essentiel à l’influence française, ont le plus souffert, tout comme le réseau éducatif français à l’étranger. Au niveau géographique, la zone Afrique et océan Indien, qui devrait être considérée comme une priorité stratégique, a été la plus sévèrement touchée. Or, avoir la connaissance d’une zone géographique implique d’avoir des personnels qualifiés sur le terrain. Les moyens matériels ont également été amputés : 188 emprises immobilières françaises à l’étranger ont été bradées depuis 2007. Enfin, les moyens de coopération du ministère des Affaires étrangères ont été transférés pour l’essentiel à l’Agence française de développement (AFD), qui agit avant tout comme une banque autonome du Quai d’Orsay. Cet affaiblissement général a parfois été opéré au nom d’une « mutualisation » des moyens au niveau européen, alors que l’UE, qui n’a aucune unité de vue en matière d’action extérieure, n’est pas une puissance géopolitique. 

Le gouvernement actuel prétend avoir « stoppé l’hémorragie » via une timide hausse budgétaire pour l’Action extérieure de l’État en 2022. Mais il a continué à supprimer des centaines de postes entre 2017 et 2021 et le budget voté pour 2022 n’atteint même pas celui de 2017. Pire, au prétexte « d’ouvrir » l’accès à la haute fonction publique, Emmanuel Macron a décidé la suppression du corps diplomatique, appelé à être dissout dans celui des administrateurs de l’État. Cette réforme n’est autre que la destruction d’un savoir-faire diplomatique d’excellence hérité d’une longue histoire de relations internationales de l’État français.

Une fois au pouvoir, nous rendrons à l’État tous les moyens nécessaires à la planification et à la mise en œuvre d’une action extérieure indépendante et cohérente :

Guerre en Ukraine : intervention de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale le 1er mars 2022

« Prenons de la hauteur pour mesurer le désastre dans lequel nous sommes plongé ce moment.

Le GIEC annonce des changements irréversibles dans le climat : la moitié de l’humanité et de la biodiversité sont menacés. Mais nous sommes cloués dans un conflit qui peut dégénérer en guerre nucléaire détruisant plus vite encore toute l’humanité.

James Webb, le plus puissant télescope que l’humanité ait jamais construit, est entré en fonction aux limites de l’orbite de notre planète.

Mais il nous faut avoir pour priorité de surveiller depuis l’Espace des mouvements de camions militaires.

L’humanité est ainsi plongée dans une régression consternante.

Car en une nuit d’invasion le gouvernement nationaliste de la Russie vient de nous ramener au 19éme siècle, quand les différents entre les puissances se réglaient par la guerre. De nous ramener au 20eme siècle quand toute guerre en Europe devenait mondiale.

Quelles que soient les causes de l’invasion de l’Ukraine, rien ne peut l’excuser. Ni la relativiser.

La menace que contient cette invasion – celle d’une guerre mondiale totale. Et cela en fait un crime contre l’intérêt général humain de notre temps. Le gouvernement de monsieur Poutine en porte la totale responsabilité puisque c’est lui et personne d’autre qui est passé à l’acte.

De la sorte, la politique est faite de réalité. De fait, l’honneur de la condition humaine est dans la résistance des ukrainiens. Mais elle est aussi dans celle des Russes eux-mêmes, qui manifestent contre la décision de guerre de leur propre pays.

Ils témoignent pour l’aspiration universelle à la paix. Leurs manifestations nous donnent un modèle d’action. Elles minent politiquement la cohésion de l’appareil du gouvernement russe.

Dès lors ne l’oublions jamais : le peuple russe n’est pas notre ennemi. Nous, français, ne le confondons pas avec le régime nationaliste qui est en place.

Nous savons désormais dans quelle alternative nous sommes enfermés.

Aucune participation à la guerre ne pourrait rester limitée. Action et réaction s’enchaineraient implacablement et sans limite.

Face à une puissance nucléaire comme la Russie, la destruction nucléaire générale serait l’horizon prévisible. D’ailleurs monsieur Poutine n’a pas hésité à en menacer lui-même le monde. Dès lors, si frustrant que cela soit, le seul chemin rationnel est celui de la paix. Il porte un nom clair: la désescalade.

Si frustrant que ce soit, l’alternative reste simple : ou bien la diplomatie ou bien la guerre totale. Tout doit aller à la diplomatie et rien – si peu que ce soit – à la guerre.

Méfions-nous des solutions improvisées et des conforts de postures. Les moyens que nous employons ne doivent jamais pouvoir se retourner contre nous.

· Pourtant je regrette que l’union européenne a décidé de, je cite, « fournir des armements nécessaires à une guerre » selon les termes du commissaire Josep Borrel chargé des relations extérieures. Cette décision ferait de nous des co-belligérants. Un engrenage s’enclenche. Avec quelle légitimité ? Quand notre parlement l’a-t-il décidé ? Pourquoi avoir rompu ce que le commissaire Borrel a lui-même qualifié de « tabou de l’histoire de l’union » à savoir « ne jamais fournir d’armes à des belligérants » ?

· Orienter ces armes à partir de la Pologne, terre d’OTAN, n’est-ce pas se mettre à la merci de toutes les provocations des parties prenantes au conflit ?

· Couper le circuit financier Swift n’est-ce-pas engager une escalade mondiale en poussant russes et chinois à utiliser désormais exclusivement leur propre circuit ? Quel avantage pour la paix ?

Mieux vaudrait plutôt prendre une initiative diplomatique radicale.

C’est-à-dire accepter de traiter franchement, directement le fond du problème posé : la sécurité de chaque nation en Europe. Cette question est restée ouverte après l’implosion de l’URSS, puisque pour la première fois dans l’histoire contemporaine un empire s’est effondré sans qu’on discute les nouvelles frontières.

C’est possible. L’outil existe. Il faut pour cela ouvrir une session extraordinaire de l’Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe (OSCE) organisation créée pour cela par les accords d’Helsinki en 1975. Ce moyen existe. Déclenchons le.

La solution existe aussi. C’est la proclamation de la neutralité de l’Ukraine. Le président Zelensky s’y est dit officiellement prêt. D’ailleurs cette neutralité avait été adoptée par le parlement de l’Ukraine en 1990 le jour du vote de sa déclaration de souveraineté par 339 voix contre 5. Cette déclaration dit, je cite que l’Ukraine « déclare solennellement son intention d’être un État perpétuellement neutre qui ne participe à aucun bloc militaire. «

A cette heure, il s’agit de rendre la diplomatie plus profitable que la guerre. Il s’agit de contraindre à la négociation. Et si l’offre était faite, la contrepartie pourrait être le cessez-le-feu immédiat pour que cesse le martyr des ukrainiens.

Disons encore qu’une telle négociation est de notre intérêt le plus direct comme français. Car nous aussi nous avons des revendications de sécurité. La première est de voir interdire l’installation de missiles de moyenne portée capable d’atteindre la France depuis le sol de la Russie ou de ses alliés.

En toute hypothèse, nous venons de toucher du doigt les limites de la doctrine de dissuasion nucléaire « terrestre », je dis bien “terrestre”, face à un adversaire résolu car le « tout ou rien » enferme clairement dans le « rien » si on n’est pas prêt à se faire sauter soi-même. La guerre d’Ukraine nous oblige donc à repenser beaucoup sur nous-mêmes.

La dénucléarisation du monde doit redevenir un objectif concret de notre diplomatie puisque la surenchère nucléaire ne peut pas avoir de sens concret. La guerre d’Ukraine vient de le prouver. Et souvenons-nous à cet instant du nombre des conflits de frontières qui s’expriment encore d’une façon ou d’une autre sur le sol du vieux continent. Aujourd’hui, 13 pays sont concernés. Soit le quart des nations du vieux continent.

Cela prouve combien il vaudrait mieux convoquer à temps une conférence européenne des frontières qui permette de définir les modalités de règlement de chaque cas, et d’établir ainsi une doctrine partagée par tous.

La crise que nous vivons interroge toutes les certitudes et les doctrines passées. A l’ONU, dans le vote sur la résolution à propos de l’Ukraine, notant l’abstention de l’Inde et de la Chine, c’est-à-dire de 50 % de l’humanité.

C’est un signal d’une extrême importance. Un autre ordre géopolitique du monde s’installe déjà, à partir de l’Asie.

Il est temps alors d’actualiser nos conceptions. Le régime nationaliste russe actuel agit comme un capitalisme oligarchique autoritaire. L’invasion de l’Ukraine signe une nouvelle carte d’identité après trente ans de mutations continues.

De même, s’en est terminé du « nouvel ordre mondial » annoncé par George Bush en 1991. Le moment est entré dans le temps d’une réorganisation générale. Poussés dans les bras l’une de l’autre par la stratégie des USA, Russie et Chine font émerger un nouveau bloc. Hélas nous avons été incapables de promouvoir l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ! Est-il trop tard ?

Dans ce nouveau contexte, les automatismes et les allégeances du passé ont-ils un intérêt pour nous français ? Je ne le crois pas.

Le non alignement est notre intérêt. Dans la situation mouvante de notre temps, nous ne devons être les obligés de personne. La sortie de l’OTAN, organisation inefficace, participe par sa volonté d’expansion aux tensions guerrières sur notre continent.

« Non alignement » ne signifie pas neutralité. Le choix de la France la met du côté du droit international. Et ce droit est du côté de l’Ukraine.

Non alignés, nous serons libres pour mener une diplomatie vraiment altermondialiste.

D’une faiblesse, d’un malheur, faisons une force. La crise en cours comporte tous les risques mais aussi tous les moyens d’un rebond positif.

Attention ! Les postures de « va-t-en guerre » pullulent toujours autour des conflits.

Mais l’action politique démocratique à toutes les échelles n’est rien d‘autre qu’un effort toujours recommencé pour régler par la discussion et la décision collective la violence des conflits qui divisent la société.

La démocratie reste un choix d’optimisme politique.

A cette heure, c’est la démonstration que nous devons en faire à propos de la crise de l’Ukraine. »