Notre constat : la fracture territoriale

L’égalité des citoyen·nes est indissociable de l’idéal républicain. Mais alors qu’un·e Français·e sur trois réside en zone rurale, la fracture entre les populations ne cesse de croître dans notre pays.

Métropolisation, mise en concurrence des territoires, productivisme, course à la rentabilité financière sont les maîtres mots des politiques menées ces dernières décennies. Les gouvernements successifs, soumis aux injonctions du marché et de l’Union européenne, ont creusé un déséquilibre toujours plus grand entre populations urbaines et rurales. Ces politiques aveugles ont créé des territoires oubliés de la République.

Les réformes territoriales ont été motivées par une logique purement gestionnaire et menées dans un contexte d’austérité budgétaire. Elles limitent les compétences et les moyens des communes en matière d’équipement et d’aménagement du territoire. Leurs capacités d’action de proximité sont réduites, diluées quand elles ne sont pas transférées aux communautés de communes. 

La loi NOTRe, la récente loi 3DS, la dotation deux fois inférieure des communes rurales (64,46€ par habitant·e) vis-à-vis de leurs homologues urbaines et la suppression de la taxe d’habitation affaiblissent nos principes républicains fondamentaux. Elles réduisent l’autonomie fiscale et la capacité d’investissement des communes et renforcent leur dépendance vis-à-vis de l’État.

Les départements, outils institutionnels indispensables et échelon pertinent d’accompagnement des politiques publiques, environnementales et sociales ont également été dépossédés de l’essentiel de leurs compétences et moyens d’action.

Les intercommunalités et les régions sont finalement les grandes gagnantes de la désorganisation de notre cadre républicain, éloignant encore davantage les citoyen·nes des décisions. Cela s’est traduit par un taux d’abstention record aux dernières élections régionales.

Élaborés sans réelle information ni participation de la population, les programmes d’État pour l’aménagement du territoire s’inscrivent depuis des décennies dans la logique de l’Europe libérale et de ses traités et directives. L’État a ainsi géré ses investissements à l’aune de stratégies austéritaires et productivistes. La Nation entière et ses valeurs républicaines payent au prix fort cet asservissement aux exigences de l’Union européenne.

Les conséquences de ces politiques se font particulièrement sentir dans les zones rurales où les services publics connaissent un vrai démantèlement, entraînant la disparition de nombreux lieux de vie. Écoles, lieux et réseaux de création culturels, hôpitaux, médecins, bureaux de poste, Trésor public, transports publics, dessertes ferroviaires : tous les secteurs sont touchés. 

À la disparition des services publics s’ajoute la perte des commerces de proximité : les boulangeries, épiceries et bars-tabac se font de plus en plus rares dans les petites villes et villages. Cette désertification des centres-villes et bourgs au profit de grosses zones d’activités commerciales a remplacé les anciens lieux de vie par des lieux de consommation.

Résultat : les services indispensables à la vie sont de plus en plus éloignés, concentrés dans les villes et métropoles qui regroupent centres économiques, sociaux, culturels et institutionnels. Nombre d’habitant·es de ces zones rurales et périurbaines doivent passer toujours plus de temps en voiture pour chaque acte de la vie quotidienne. Cette mobilité subie est liée directement à une politique qui a favorisé l’étalement urbain et la séparation des fonctions d’habitation, d’emploi, de commerce et de loisirs. 

Les conséquences sont sans appel. Les ruraux ont une espérance de vie inférieure de 2 ans aux urbains, des dépenses de carburants 40 % plus élevées, et 40 % des jeunes ruraux renoncent aux études supérieures. La liste des inégalités est longue. Ces territoires à l’abandon subissent de plein fouet une désertification alarmante, frein à leur développement économique et à l’installation de nouveaux habitant·es. 

La situation est aggravée par l’expansion d’une agriculture productiviste ou, selon les territoires, par la régression de l’agriculture. La politique agricole commune est responsable d’une inégale répartition des subventions. Elle est allée de pair avec l’effondrement du nombre des exploitations agricoles, la baisse des revenus, la délocalisation des productions et des activités de transformation.

La destruction des services publics en est une cause mais la désindustrialisation et les délocalisations en sont également fortement responsables. Fonderies, Alstom, Luxfer, on ne compte plus les fermetures et délocalisations ces dernières années, fortement accélérées sous l’ère Macron, entraînant une perte massive d’emplois et plongeant de nombreux·ses habitant·es dans le chômage et la précarité. 

Les habitant·es des territoires ruraux et périurbains se retrouvent mis à l’écart et apparaissent comme les oublié·es du développement économique.

Pour les personnes âgées, pour les moins mobiles et les plus précaires, les liens sociaux se relâchent et l’isolement augmente. Les jeunes ruraux, confrontés à la pauvreté de la vie sociale et culturelle, à l’éloignement des formations, à la précarité des emplois locaux sont nombreux à quitter les zones rurales. Pourtant ils et elles sont les plus conscient·es de la nécessité d’une transformation profonde de la société, en particulier d’une bifurcation écologique.

En plus d’être inefficace économiquement, cette politique libérale exacerbe la colère que l’on voit s’exprimer par la montée de l’abstention, du vote d’extrême-droite ou à travers des mouvements sociaux.

Le mouvement des Gilets Jaunes, déclenché par la hausse des carburants, a mis en évidence la tension de ces zones oubliées. En imposant les problématiques rurales sur le devant de la scène, il a permis aux citoyen·nes de s’apercevoir qu’ils et elles étaient nombreux·ses à subir cette situation et a contraint nos dirigeants à ne plus détourner les yeux.

Du “Grand Débat” aux Cahiers de Doléances (qui ont d’ailleurs disparu), les élu·es et les citoyen·nes ont pu exprimer leur mal-être, leur besoin de reconnaissance, d’égalité et de se réapproprier la politique, notamment avec la proposition du référendum d’initiative citoyenne. 

L’Agenda rural, mis en place en 2019 pour accompagner le développement des territoires ruraux dans les domaines de la mobilité, du numérique, de la santé, de la jeunesse, des services publics et de proximité, est loin de répondre aux attentes et aux enjeux de la société. 

Ses 181 mesures s’inscrivent dans le cadre des politiques actuelles et ne remettent pas en cause les logiques de métropolisation et de décentralisation. Une grande partie d’entre elles se base uniquement sur le développement du numérique et la dématérialisation. Or cela ne correspond pas du tout aux besoins des rurales et ruraux et se heurte aux zones blanches. Cet agenda ne fait aucunement mention de certains enjeux importants de société comme l’égalité hommes/femmes ou l’égalité des droits pour les personnes LGBTI, dont les difficultés sont décuplées en ruralité. Enfin, cet agenda se met en place de manière totalement inéquitable au bon vouloir des préfets. 

Eau, forêt, biodiversité, espaces… Les territoires ruraux regorgent de ressources naturelles et sont le berceau de nombreuses initiatives en faveur de la bifurcation écologique. Celles-ci dépendant cependant souvent de choix individuels et locaux. Faute d’ambition et de planification nationale, bon nombre d’initiatives ne peuvent voir le jour, que ce soit par manque de moyens financiers, matériels ou humains. Beaucoup d’élu·es se retrouvent dépourvu·es devant le millefeuille administratif, la logique de compétition des appels d’offres et ne trouvent pas d’interlocuteurs pour les aider. 

Nos territoires ruraux sont également des témoins précieux des problèmes environnementaux majeurs qui nous préoccupent : biodiversité, ressources en eau, forêt… tous sont fortement impactées par nos modes de production, de consommation intensifs et par un tourisme de consommation destructeur. Il est urgent de mettre nos territoires et leurs ressources au service de la bifurcation écologique.

Notre projet : une nouvelle organisation du territoire au service de la planification écologique

Le changement climatique est indéniable et ses effets ont des conséquences qui nécessitent de redéfinir la politique de notre pays pour planifier la bifurcation écologique. Cet impératif doit être une opportunité pour repenser nos modes de production, d’échange et de consommation. Cela ne pourra se faire qu’en repensant notre organisation territoriale : nous devons sortir des logiques de métropolisation, de décentralisation et penser ce nouvel aménagement avec et depuis les territoires ruraux, avec ceux qui y vivent.

Ces territoires sont à la fois des lieux de forte consommation énergétique (habitats énergivores), d’émissions de carbone (recours important à la voiture) et de pollutions (agriculture) mais ils sont également des ressources pour mettre en place la bifurcation écologique. Ce sont des îlots de fraîcheur, des dépollueurs, des puits de carbone, et leurs espaces offrent un potentiel important pour la production d’énergies renouvelables, le changement de modèle agricole, la relocalisation d’entreprises…

Mais pour que ces territoires jouent leur rôle de moteur pleinement, il est nécessaire de répondre aux inégalités démocratiques et sociales qu’ils subissent. 

L’aménagement du territoire ne doit plus être considéré sous l’angle de la concurrence économique. Au contraire, la diversité des territoires permet une complémentarité dont nous devons tirer parti afin de mettre en place de véritables coopérations. Coopération entre territoires ruraux évidemment mais aussi avec les villes qui ont besoin des ressources rurales, comme l’eau ou l’alimentation, pour fonctionner.

Pour que ces coopérations puissent se mettre en place, l’égalité entre les citoyen·nes doit être assurée, notamment par une égalité d’accès aux services publics. Nous reconstruirons un maillage territorial des services afin que chacun·e puisse accéder à chaque service public essentiel en 15 et 30 minutes maximum, et, pour accompagner au mieux chaque usager·e, nous rouvrirons des guichets et des accueils physiques.

L’égalité concerne également l’accès à l’emploi, ce qui implique de répartir équitablement sur le territoire les activités économiques. Dans le cadre de la bifurcation écologique, il est nécessaire de rapprocher bassins de vie et bassins d’emplois afin de réduire les déplacements pendulaires consommateurs d’énergie, d’argent, de temps et générateurs de pollution. 

Nous devrons à la fois relocaliser des activités, revaloriser les emplois de service aux personnes, soutenir les dynamiques locales, les PME/TPE, les nouvelles formes d’économie collaborative, les lieux culturels et ouvrir de grands chantiers créateurs d’emplois. Un grand chantier de rénovation de l’habitat ancien et des bâtiments publics sera mis en place. Nous passerons d’un modèle agricole productiviste et polluant à une agriculture relocalisée, diversifiée, écologique, créatrice d’emplois, organisée au sein de circuits courts. Nous redéploierons nos compétences et savoir-faire industriels aujourd’hui en danger afin de retrouver la maîtrise de secteurs industriels stratégiques pour la bifurcation énergétique.

Accès aux réseaux, maillage de services publics, plein emploi : c’est en répondant à ces trois problématiques que nous pourrons en finir avec la pauvreté et refaire de nos territoires ruraux des territoires où il fait bon vivre. Rompre l’isolement et redonner du pouvoir d’achat permettront à chacun de trouver sa place et de vivre dignement. . 

De tels changements ne sauraient se faire sans la participation des populations locales, car ce sont elles que ces transformations concernent au premier chef. À tous les niveaux de décision, l’implication citoyenne (consultation, droit de regard, mise en œuvre des politiques) est nécessaire. Il faut donc revoir le cadre institutionnel de notre organisation territoriale afin de rapprocher les instances de décision des populations et de leurs lieux de vie. 

L’articulation entre la planification nationale de l’aménagement du territoire et les institutions locales est nécessaire. Cette organisation démocratique doit s’appuyer sur les communes et les départements qui, par leur taille, sont les échelons les plus aptes à organiser efficacement la vie démocratique dans tout le pays.

Nos propositions : des territoires ruraux dynamiques, moteurs de la bifurcation écologique

Remettre les communes au centre de l’organisation territoriale

Nous devrons tout d’abord refaire des communes les cellules de base de notre démocratie. Pour cela, il faudra leur redonner leur autonomie et leurs pouvoirs de décision en abrogeant les lois de décentralisation et en leur donnant plus de moyens humains et financiers. 

L’État se doit d’assurer l’égal financement des communes partout sur le territoire. Le système des dotations sera revu et équilibré afin que chaque commune reçoive sa juste part. Il n’est pas normal qu’une commune urbaine reçoive une dotation par habitant deux fois plus importante qu’une commune rurale, les rurales et ruraux ne sont pas des citoyen·nes de seconde zone !

La mise en place d’un véritable statut de l’élu permettant à chacun de pouvoir s’investir pleinement dans sa mission sera nécessaire tout comme celle d’outils permettant la participation et l’implication citoyenne.

Affirmer le rôle des communes

Donner les moyens aux communes et mettre en place un véritable statut de l’élu 

Qu’est ce que la DGF et à quoi sert-elle ?

La DGF ou Dotation globale de fonctionnement est un concours financier de l’État au budget des collectivités territoriales (commune, communauté de communes ou établissement public de coopération intercommunale, département, région).La DGF constitue la principale dotation de fonctionnement de l’État aux collectivités territoriales. Elle est globale et libre d’emploi. Elle vise à compenser les charges supportées par les collectivités, à contribuer à leur fonctionnement.

Permettre la participation citoyenne

Désenclaver les territoires ruraux 

Tout cela implique de désenclaver de toute urgence nos zones rurales. À l’État de reconstruire un maillage de réseau de transports permettant à chacun d’avoir une alternative locale à la voiture. Il est également indispensable de connecter nos territoires ruraux au reste du monde, il faut en finir avec les zones blanches et les connexions capricieuses.

Nous créerons un commissariat de l’aménagement qui interviendra comme financeur, coordinateur et conseiller technique dans les projets des collectivités.

La reconstruction d’un réseau de transports publics sera une priorité. L’impératif écologique rend nécessaire de repenser la mobilité individuelle, mais ne pourra se faire ni sans, ni contre, celles et ceux qui sont aujourd’hui contraint·es d’utiliser leur voiture au quotidien.

Il n’est plus possible que tant de nos concitoyen·nes soient exclu·es de la révolution numérique. Nous garantirons le droit d’accès à internet et le rendrons effectif pour toutes et tous.

Garantir l’égalité et redéployer les services publics

L’État doit garantir l’accès et la prise en charge médicale à toutes les générations et combler les déserts médicaux. Pour cela il faudra : 

Entre 2005 et 2019, plus de 5 000 écoles publiques ont été fermées, essentiellement en zone rurale. Nous redonnerons à l’école de la République la place qu’elle mérite, partout et pour toutes et tous :

Les difficultés des femmes victimes de violences en ruralité sont accrues à cause de l’isolement et l’éloignement des services. Il nous faut donc développer des réponses spécifiques : 

Vivre, s’épanouir et s’émanciper en ruralité

Les habitant·es de la ruralité ne sont pas épargné·es par le chômage, en particulier les plus jeunes. Il nous faudra atteindre le plein emploi partout, pour réussir la bifurcation écologique dont notre économie a besoin. La défense du petit commerce face aux grandes surfaces y prendra sa part :

La relocalisation de notre agriculture et sa transition vers un modèle paysan créera près de 300 000 emplois. C’est dans la ruralité que se trouvent les forces vives de cette tâche majeure dans le cadre de la planification écologique. 

Les associations tiennent une place essentielle en milieu rural. Elles participent du dynamisme des communes et pallient les manques des gouvernements depuis des années. De plus, elles sont parfois le seul lien social pour certain·es habitant·es. 

Enfin, une politique de l’habitat est primordiale pour permettre à toutes celles et ceux qui le souhaitent de bien vivre en ruralité : aider les communes pour la réhabilitation de logements vacants, mettre en œuvre un plan de financement massif des projets de rénovation écologique de l’habitat, construire massivement des logements publics.

Se doter d’outils spécifiques pour assurer la planification écologique

C’est à partir des territoires ruraux que nous pourrons instaurer la règle verte qui exige de ne pas prendre plus que la nature ne peut donner. La planification écologique permettra de transformer les modes de production et de consommation des produits agricoles, d’engager la maîtrise publique de l’utilisation des fonciers agricole, forestier, urbanisé et touristique et de relocaliser les productions utiles et créatrices d’emplois.