Notre constat : la libéralisation contre la santé

Notre système de soins subit depuis trente ans les conséquences des politiques libérales et austéritaires.

Les soignant·es, en ville comme à l’hôpital, ne cessent d’alerter sur la dégradation de leurs conditions d’exercice, la casse de nos hôpitaux publics et les dangers ainsi encourus pour les patient·es. Des mouvements sociaux inédits dans le secteur de la santé ont émergé dans tout le pays sans jamais être entendus des gouvernements successifs. La pandémie de coronavirus a fait éclater au grand jour la crise annoncée de notre système de soin.

La France est caractérisée par des inégalités sociales de santé parmi les plus hautes en Europe (13 années d’écart d’espérance de vie entre les plus riches et les plus pauvres). Notre taux de mortalité prématurée est très élevé. Les causes environnementales de cancers se multiplient et le taux de renoncement aux soins pour raisons financières ou éloignement géographique est en augmentation constante.

La France n’a plus de politique de santé, car elle a été réduite à sa seule dimension budgétaire. On ne parle de la Sécurité sociale que pour dramatiser un soi-disant « trou de la Sécu ». Celui-ci sert à justifier une privatisation croissante de notre système de protection sociale : la prise en charge par la branche maladie de la Sécurité sociale n’a cessé de reculer pour passer sous les 70 % pour nombre de soins courants (hors affections de longue durée et hospitalisations). Dans ces conditions, il est souvent impossible d’accéder aux soins sans disposer d’une « complémentaire santé », de plus en plus coûteuse et foncièrement inégalitaire.

Cette privatisation rampante est plus coûteuse par son double financement des mêmes soins et générant des frais de gestion parmi les plus élevés des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Elle est aussi inefficace. L’exemple des États-Unis d’Amérique, dont le système de santé est majoritairement privé, le démontre. En 2018, les dépenses de santé y atteignent 17,8 % du PIB (11,3 % en France). Pour autant, l’espérance de vie y est moins grande, les inégalités de santé plus élevées, et des millions de gens se ruinent et hypothèquent leur domicile pour se soigner. Privatiser la santé est donc plus cher, inégalitaire et improductif ! 

Sans réflexion stratégique ni vue de long terme, le seul objectif des libéraux à été de faire des économies, notamment via l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) qui constitue une enveloppe fermée annuelle fixée à l’avance. Celui-ci est depuis sa création inférieur aux besoins réels de dépenses de santé, étranglant chaque année un peu plus les établissements.

L’ensemble de ces politiques a entraîné des effets désastreux : 

Le capitalisme et le productivisme nous ont fait entrer dans l’ère des zoonoses dont la pandémie de Covid-19 n’est qu’un début. Les enjeux sanitaires sont immenses et les menaces se multiplient. 47 000 décès par an sont associés à la pollution de l’air. L’usage généralisé des pesticides et l’absence de restriction des perturbateurs endocriniens sont le prix du productivisme le plus aveugle. 

Dans les prochaines décennies, nous serons également confrontés à l’augmentation des maladies chroniques due au vieillissement de la population déjà engagé. Notre système de santé n’y est pas préparé. Les personnes âgées isolées, abandonnées sur des brancards aux urgences ou dont les aidant·es sont épuisé·es en témoignent déjà.

Dans ces conditions, deux faiblesses majeures de notre système doivent être résorbées : 

Enfin, notre système de santé souffre de son caractère bien peu démocratique. Pourtant, les citoyen·nes et les professionnel·les du soin ne demandent qu’à s’impliquer : les Français·es sont profondément attaché·es à leur système de santé et à l’hôpital public qui sont des symboles de l’excellence française.

Les médecins généralistes et les urgences dans la tourmente

La médecine de ville souffre d’une surcharge d’activité dans un contexte de diminution constante de la densité médicale. La fausse suppression du numerus clausus en 2019, sans anticipation des capacités d’accueil et de formation des facultés et hôpitaux universitaires, n’est qu’un plan de communication. Les généralistes croulent sous le nombre de demandes, dont une part croissante est plus administrative que médicale. Les délais de consultation du médecin traitant ne cessent de s’allonger malgré l’énergie déployée par ceux-ci. Le paiement à l’acte incite les médecins à conduire des consultations plus courtes et prescriptrices, au détriment de l’éducation à la santé et de la prévention. 

Ces barrières, en sus du manque de structures d’accueil médico-sociales, conduisent de nombreux·ses patient·es à recourir aux urgences ou aux structures de soins non programmés. Or, les urgences des hôpitaux publics sont sous pression budgétaire et se voient sommées, du fait de la mise en place de la tarification à l’activité et de l’application des techniques de gestion du secteur privé, de devenir des entreprises et de « faire du chiffre », aux dépens des conditions de travail des soignant·es et de la qualité des soins délivrés aux patient·es

Tout ce qui ne relève pas de la technique (prévention, éducation thérapeutique, médico-social) y est marginalisé et fragilisé. C’est la mission sociale et de santé publique de l’hôpital qui est atteinte. En aval, il n’existe pas assez de lits d’hospitalisation générale, de soins de suite et de réadaptation, de psychiatrie, d’EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) entraînant le fameux encombrement des services d’urgences. 

Résultat des réformes : tous les acteurs du système de soins souffrent et chaque compartiment cherche à transférer ses coûts sur les autres afin de ne pas voir sa propre enveloppe budgétaire diminuée. Les plus jeunes professionnel·les ne veulent plus de l’exercice libéral individuel en ville, devenu quasi sacrificiel. L’épuisement des étudiant·es et du personnel soignant entraîne un fléchissement de l’attractivité. La solidarité des équipes de soins est mise à mal par les modes de management inspirés du privé. Les patient·es voient, au final, l’accès et la qualité des soins se dégrader. 

Notre projet : rendre au peuple son système de santé 

La refonte progressiste et démocratique de notre système de santé est une urgence. L’héritage du Conseil national de la Résistance (CNR) a été l’objet d’attaques pernicieuses mais résolues depuis trente ans. 

Il est impératif de réaffirmer les principes d’égalité et de solidarité. Nous entendons donc procéder à une révolution citoyenne de notre système de santé qui s’appuiera sur quatre piliers :

Nos propositions : une santé accessible, publique et gratuite

Priorité à la prévention 

Il faut adopter une approche intégrée des politiques publiques et réorienter le système de santé vers la prévention. La santé n’est pas réductible aux soins techniques mais doit prendre en compte les composantes physique, psychologique et sociale qui définissent un bon état de santé. Les inégalités sociales, le taux de pauvreté, la précarité, les conditions de travail, le système éducatif, les conditions d’alimentation ou la qualité du lien social influent de façon déterminante sur la santé. Un programme de santé cohérent doit être articulé avec des mesures sociales et environnementales qui contribuent à l’amélioration de l’état de santé de la population. C’est ce que propose l’Avenir en commun via notamment la promotion de l’agriculture écologique et paysanne, l’éradication de la pauvreté, la sécurisation des postes de travail ou encore la réduction des inégalités socio-économiques. 

Dans le cadre du plan de prévention nous défendons donc les propositions suivantes :

Un système de soins complet et de qualité

Une réforme progressiste et globale de l’offre de soins s’impose. Il nous faut stopper la désertification médicale et relever le défi des maladies chroniques. La coopération doit remplacer la concurrence entre les différents compartiments de l’offre de soins.

Ceci suppose de :

Pour enrayer la désertification médicale, un plan national de court, moyen et long terme doit être mis en place. Nous proposons de :

Pour que l’hôpital public redevienne humain et attractif, la priorité est l’amélioration des conditions de travail pour tous les corps de métiers. Nous proposons donc de :

Faire de la santé mentale une des priorités du prochain quinquennat :

20 % de la population souffre de troubles psychiques dans sa vie. La psychiatrie représente le premier poste de dépense de l’assurance maladie et la première cause d’attribution de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH). Les dispositifs de confinements et de couvre-feux durant la pandémie de Covid-19 ont fait exploser les troubles d’ordre psychiques alors que notre système de soins public a été très affaibli. La logique de la médicalisation à outrance de la « santé mentale » est un échec et la source de drames humains silencieux. Toutes les démarches de certification déshumanisent les processus de soins et doivent être supprimées. La psychiatrie de secteur doit avoir les moyens humains et financiers de fonctionner. Pour répondre à ces enjeux, nous proposons un plan national de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie avec le renforcement de ses moyens financiers et humains dans les services hospitaliers et extra-hospitaliers, la simplification des parcours de soins en santé mentale et l’augmentation du temps alloué à la psychiatrie dans les formations aux métiers du soin.

Des médicaments et des produits de santé au service de l’intérêt général 

La France se distingue par une consommation de médicaments parmi les plus élevées au monde (anxiolytiques et antibiotiques notamment). Cela provient de la prééminence du soin sur la prévention et des stratégies commerciales des laboratoires pharmaceutiques. De plus, notre souveraineté pharmaceutique est mise à mal. Nous importons 80 % des médicaments remboursés et des filières industrielles disparaissent malgré leur importance stratégique, comme celles des bouteilles d’oxygène de Luxfer. Cette situation conduit fréquemment à des ruptures d’approvisionnement sur des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.

La recherche pharmaceutique française a également été mise à mal. Lorsqu’une découverte est accomplie grâce aux financements publics, les parties de production, commercialisation et profits sont privatisées par la création de start-up et de brevets, souvent rachetés en bout de chaîne par des multinationales pharmaceutiques. 

Malgré les dispositifs fiscaux dont il a bénéficié, le groupe Sanofi a multiplié les plans sociaux tandis qu’il versait 48,4 milliards d’euros de dividendes sur la période 2009-2018. La privatisation de la recherche et la réduction des crédits de budget aux structures publiques comme l’institut Pasteur ont participé de l’échec de la France à commercialiser un vaccin contre le Covid 19. 

Pour sortir de l’influence des laboratoires pharmaceutiques, il faut changer le rapport de force en créant un pôle public du médicament, première brique d’un pôle public des industries de santé, pour s’assurer une indépendance et garantir la transparence à toutes les étapes du parcours du médicament et des produits de santé.

Il aura pour principales missions de : 

Il sera nécessaire de réorganiser les entités chargées de la régulation et de la fixation du prix des médicaments. Les conflits ou liens d’intérêts privés en seront exclus. En cas de nécessité impérieuse, l’utilisation de licences d’office permettra à ce pôle de nous fournir à prix coûtant les médicaments et produits de santé essentiels.

Pour parvenir à cette indépendance vis-à-vis des lobbys pharmaceutiques, la publicité sur les médicaments et les visiteurs médicaux (hospitaliers ou ambulatoires) seront interdits. Une reconversion dans le public leur sera proposée.

Il faudra aussi revoir le système d’autorisation de mise sur le marché de dispositifs médicaux, afin d’en finir avec la certification par des organismes privés au niveau européen, qui a prouvé son inefficacité.

Un système de santé 100 % solidaire 

Considérer les dépenses de santé comme un coût à comprimer est un contresens. 

L’austérité budgétaire dégrade l’état de santé de la population et coûte in fine plus cher à la collectivité. Il convient donc de sanctuariser les moyens, d’assurer un financement solidaire de notre système de santé tel qu’était l’objectif initial de la création de la Sécurité sociale.

Il faut garantir une prise en charge intégrale des prestations de soins et de prévention tout en veillant à éviter les dépenses inutiles (les assuré·es sociaux ont financé pendant des années un médicament toxique comme le Mediator). 

Inflexibles sur les principes de solidarité et d’égalité, nous le serons aussi concernant la bonne utilisation de la dépense publique, en particulier pour des raisons de sécurité et de qualité des soins

Une telle approche passera par :

Le « 100 % Sécu », une mesure solidaire, efficace et simple à financer

Le passage au 100 % Sécu, c’est la garantie d’une prise en charge intégrale par l’Assurance maladie des dépenses de santé. Une telle mesure est :

  • Solidaire : le financement et le niveau de couverture des complémentaires sont inégalitaires (cotisations qui peuvent dépendre de l’âge, niveaux de prise en charge très disparates selon les contrats, contrats très coûteux pour les retraité·es et les indépendant·es) alors que l’Assurance maladie propose le même niveau de couverture pour tou·tes et est financée par des cotisations sociales et la CSG, liées aux revenus. 
  • Économique : cette mesure permettra d’économiser une grande partie des frais de gestion et dépenses marketing astronomiques des complémentaires, pour les diriger vers le remboursement des soins. C’est une mesure qui rapporte de l’argent à l’Assurance maladie.
  • Simple à financer : la transformation des primes versées aux complémentaires en cotisations sociales, les économies réalisées sur les frais de gestion, la suppression des dépassements d’honoraires et la régulation de prix aujourd’hui excessifs, permettent de financer cette mesure.

Le 100 % Sécu ne se traduira par aucun licenciement :

  • Les salarié·es des complémentaires dont les activités sont concernées par le « 100 % Sécu » se verront proposer une intégration au sein de l’Assurance maladie ou une reconversion professionnelle prise en charge financièrement
  • Les mutuelles pourront réorienter leurs autres salarié·es et leurs réserves financières vers les mutuelles dites du Livre III (les centres de santé mutualistes, par exemple).

Un système de santé démocratique

La démocratie sociale d’après-guerre a été progressivement neutralisée à compter des années 1970 avant d’être purement et simplement enterrée. L’entrée dans l’ère des pandémies, le défi de la santé environnementale et le souhait des populations d’être davantage associées à la décision publique supposent d’élargir le tour de table. La création d’une démocratie sanitaire réelle permettra d’amplifier la remobilisation citoyenne que nous appelons de nos vœux dans le cadre de la future 6e République. 

Il convient pour cela de revoir toute l’organisation des différentes instances de gouvernement de notre système de santé :

L’État garant de l’organisation face aux pandémies

Début 2020, la pandémie de Covid-19 a frappé de plein fouet la France comme le reste du monde. D’autres répliques de même nature que cette pandémie sont à prévoir. Nous savons désormais combien il est vital d’avoir un système de soins et de protection sociale sans faille pour absorber les vagues épidémiques sans mise en péril de celui-ci (épuisement du personnel, déprogrammation de soins, souffrance psychique massive des usager·es, etc…)

Le gouvernement actuel gère la pandémie à huis clos en conseil de défense de façon anti-démocratique et calamiteuse. Son impréparation a conduit à une série de mensonges et de contradictions, instillant la défiance dans la population. La discipline nécessaire à une politique sanitaire efficace, nécessite de retrouver la confiance de la population par la mise en place de solutions intelligibles et cohérentes.

Afin de pouvoir vivre au temps de la pandémie permanente, nous proposons de :

Pour des données de santé protégées

Les utilisations du numérique en santé sont désormais partout : applications de santé sur téléphone, sites de prises de rendez-vous, téléconsultations et intelligence artificielle. La crise du Covid-19 a été un important accélérateur de cette numérisation aux dépens de la sécurité de nos données de santé et de notre souveraineté numérique. 

Pour empêcher la marchandisation de nos données de santé et lutter contre l’uberisation de la santé, nous proposons de :