« Dans le sport, nous devons choisir entre deux conceptions :

– la première se résume dans le sport spectacle et la pratique restreinte à un nombre relativement petit de privilégiés ;

– selon la seconde conception, tout en ne négligeant pas le côté spectacle et la création du champion, c’est du côté des grandes masses qu’il faut porter le plus grand effort.

Nous voulons que l’ouvrier, le paysan et le chômeur trouvent dans le loisir la joie de vivre et le sens de leur dignité ».

Léo Lagrange, discours du 10 juin 1936.

Notre constat : le sport malade de l’argent

Clubs de football surendettés, mécènes milliardaires, marchandisation des sportives et sportifs, affaires de dopage, paris truqués, publicités aux montants mirobolants : le « sport business » est à la fois le signe et le promoteur de l’évolution néolibérale de notre société. 

La politique sportive est aujourd’hui souvent réduite à une course aux médailles et à l’accueil des grandes compétitions internationales. Paris s’est engagée pour organiser les Jeux olympiques de 2024. Mais pour quoi faire ? Dépenser à perte des milliards d’euros dans des infrastructures et offrir quinze jours de publicité aux multinationales sponsors ? Alors que pendant ce temps, tant d’associations sportives populaires luttent pour leur survie ! Plus que jamais, la pratique des activités physiques et sportives pour toutes et tous est remise en cause par leur marchandisation et par l’imposition du paradigme néolibéral.

La rigueur budgétaire encourage le mélange de financements publics et privés dans l’investissement ou le fonctionnement de certaines structures sportives. Ce phénomène s’effectue au détriment des citoyen·nes et au bénéfice des firmes sous la forme du « nommage » (naming en anglais), nouvelle ingérence de la finance consistant à donner le nom d’une marque ou d’une entreprise à un équipement sportif en contrepartie d’une redevance. Les multinationales profitent du sport pour faire des profits, imposer leurs règles et signer des contrats juteux, les risques étant toujours assumés par la puissance publique (État et collectivités) : c’est le modèle inefficace du « partenariat » public-privé, outil d’expropriation masquée des citoyen·nes. Nous assistons bien à une privatisation des bénéfices et à une socialisation des pertes, de tels montages conduisant en outre à transformer les équipements d’intérêt général en centres commerciaux rentables où le sport ne tient qu’une place secondaire.

Cette dynamique ne concerne pas seulement quelques grands stades, mais le cœur même du mouvement sportif. C’est ce dont témoigne l’exemple de l’Insep, l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, dont la rénovation et une partie de la gestion ont été confiées aux groupes Vinci, Accor et Casino, et dont les missions ont été recentrées sur le seul très haut niveau. Le mouvement sportif est en voie d’être dépossédé de ses meilleurs outils de formation et déconnecté de ses missions éducatives et sociales.

L’inégalité entre les femmes et les hommes est un autre fait marquant dans le monde du sport. 82 % de la couverture médiatique télévisuelle est dédiée aux sports masculins et les femmes sont sous-représentées dans les instances dirigeantes du sport : 16 d’entre elles seulement sont à la tête d’une fédération sportive, elles représentent moins d’un conseiller·e technique sportif·ve sur cinq. 

En outre, l’urgence écologique s’impose aujourd’hui dans le sport. Empreinte carbone, consommation d’eau et d’énergie, production de déchets, perturbations des écosystèmes, le sport doit s’adapter aux bouleversements climatiques et prendre sa part dans l’atténuation du changement climatique. 

Dans le même temps, le sport pour toutes et tous est à bout de souffle : 

Pourtant, le mouvement sportif est la seconde plus grande force associative française avec ses 16 millions de licencié·es sportif·ves, son réseau de clubs, ses salarié·es, ses 3,5 millions de bénévoles dans 180 000 associations affiliées à des fédérations membres du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Il représente 286 000 emplois, 317 000 associations, soit 24 % des associations françaises. 66% des Français·es de plus de 15 ans déclarent avoir pratiqué au moins une activité physique durant l’année.

Cependant, de plus en plus de personnes sont écartées de la pratique sportive. 11% des personnes âgées de 15 ans indiquent n’avoir pratiqué aucune activité physique lors des douze derniers mois (hors confinement) et 14% sont peu pratiquantes avec une activité par semaine au plus. Elles sont plus âgées que la moyenne, et il s’agit le plus souvent de femmes. Ces personnes sont plus fréquemment issues des groupes socioprofessionnels plus précaires et disposent d’un capital scolaire plus modeste. Enfin, elles connaissent davantage de difficultés financières et jugent plus souvent que leur état de santé est mauvais ou très mauvais.

Les conséquences sur la santé sont importantes : 54% des hommes et 44% des femmes de 18 à 74 ans, 17% des enfants de 6 à 17 ans sont en surpoids ou obèses. Depuis 50 ans, les jeunes de 9 à 16 ans ont perdu 25% de leur capacité physique, 66% des 11-17 ans présentent un risque sanitaire préoccupant avec plus de 2 heures d’écran et moins de 60 minutes d’activité par jour, 49% présentent un risque sanitaire très élevé avec plus de 4 heures 30 d’écran et/ou moins de 20 minutes d’activité physique par jour.

Or, remplacer 30 minutes de sédentarité quotidienne par 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée réduit de 17% la mortalité prématurée (35% avec une activité physique d’intensité élevée) et réduit le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) de 30% en moyenne.

Cette mise à l’écart de la pratique sportive et les conséquences qu’elle engendre sont une conséquence directe de la politique sportive dans le pays.

La redéfinition progressive des missions des Creps (Centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, anciens centres d’éducation populaire et de sport), créés pour être à la fois des lieux de formation des cadres de l’éducation populaire, d’entraînement des sportifs de haut niveau, de recherche et de développement, devenus simples campus de l’excellence olympique, est le symbole d’une telle évolution, dont la conséquence ne pourra être que de couper l’élite de haut niveau de la masse des pratiquant·es, c’est-à-dire de sa base et de son vivier.

Le ministère des Sports est d’ailleurs lui-même de plus en plus soumis aux intérêts du privé depuis la création de l’Agence nationale du sport (ANS) en 2019. En effet, ce groupement d’intérêt public, dont la gouvernance est partagée entre l’État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et le monde économique – représenté notamment par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – est chargé de définir et de mettre en œuvre la politique sportive nationale pour le haut niveau et pour le développement des pratiques. L’État, pourtant seul financeur de ce groupement, abandonne ainsi une partie de son pouvoir à une agence qui mène une politique ultra-élitiste visant à obtenir des résultats à court terme, au détriment de la structuration d’un ensemble diversifié de disciplines sportives, véritable ADN du sport en France. Cette agence symbolise le désengagement de l’État dans la politique sportive nationale et rend le financement du sport pour tou·tes en partie dépendant de trois taxes : une première sur la cession de droits de retransmission d’événements sportifs se déroulant en France (taxe Buffet), une seconde sur les paris sportifs et jeux exploités par la Française des Jeux et une troisième sur les montants encaissés par les opérateurs de paris sportifs en ligne. 

Or, comme nous l’avons vu avec le fiasco Ligue de Football Professionel-Mediapro, lorsque le groupe audiovisuel espagnol s’est vu en incapacité de payer les droits de diffusion mirobolants du championnat de France, mettant en péril l’ensemble du football français, ces ressources ne sont pas garanties. En outre, il s’agit d’un cercle vicieux qui exige que la politique sportive de l’ANS soit financée en partie par une taxe sur les paris sportifs, alors que le développement exponentiel de ces derniers depuis leur légalisation, notamment en ligne, fait des ravages auprès des jeunes et des personnes déjà en difficulté économiquement.

 Notre projet : la pratique sportive populaire et émancipatrice

La pratique sportive est au cœur du projet éducatif d’émancipation individuelle et collective que nous portons pour la mise en œuvre d’un avenir en commun. La grande popularité du sport et sa médiatisation, ainsi que les enjeux de politique éducative, diplomatique et économique dont il est porteur, lui confèrent une place centrale dans notre projet de bifurcation de la société.

Le sport et les activités physiques donnent vie aux principes de solidarité et d’émancipation collective. Fidèles à cela, nous voulons construire une politique sportive ambitieuse pour tous et toutes, quelles que soient nos origines sociales ou culturelles.

Le sport jouera un rôle positif dans la société de l’entraide que nous voulons bâtir s’il est réinvesti par le peuple. Ce changement profond nécessite un État résolument engagé dans l’ensemble du milieu sportif avec des objectifs d’éducation, de santé, d’accessibilité, de proximité, d’égalité femmes-hommes, d’ouverture intergénérationnelle et de fraternité. Il nécessite de mettre à contribution tou·tes les acteurs et actrices du sport sur les territoires, dans le respect de la voix de tou·tes les usager·es, adhérent·es et licencié·es.

À rebours de la logique libérale, qui sanctifie la compétition et fétichise le résultat, nous considérons le sport comme relevant d’une mission de service public. La France est d’ailleurs la seule grande nation européenne à avoir construit le sport comme un service public, l’État se donnant pour mission de contrôler et de mettre les activités des fédérations au service de l’intérêt général.

À ce titre, nous voulons définitivement sortir le sport des logiques de marché, de concurrence et de marchandisation extrême, afin de permettre à chacun·e de développer ses capacités créatrices et son estime de soi dans le respect des autres. Cette ambition n’est d’ailleurs aucunement incompatible avec un enthousiasme authentique pour les joies et beautés du spectacle sportif ; mais nous sommes convaincu·es que la réussite de champion·nes ne peut s’enraciner que dans une pratique populaire et massive.

L’accès au sport et à l’activité physique de son choix doit être garanti à chacun·e, et ce, tout au long de la vie, quels que soit ses revenus, son sexe, son âge, sa couleur de peau, sa religion. Sans relâche, nous agirons contre le sexisme, les discriminations à l’égard des personnes LGBTI, le racisme et la xénophobie, qui n’ont pas leur place dans notre société. Le sport doit être reconnu par la République comme un droit pour toutes et tous, de la même façon que les droits à la culture, à la santé, au travail ou au logement. L’accès aux services publics dans d’égales conditions, un des fondements de l’État républicain, doit aussi concerner les équipements sportifs.

Notre projet sera de faire du « sport santé » un élément essentiel du bien-être de l’humain. Ainsi, nous promouvrons le sport sur ordonnance et soutiendrons le développement des pratiques sportives faisant l’objet d’une prescription médicale. La construction et la rénovation publiques d’équipements sportifs devront en outre désormais répondre à des contraintes environnementales fortes, en termes de consommation d’énergies renouvelables notamment.

Notre projet est en rupture avec les politiques d’austérité des gouvernements successifs, qui ont mis à genoux les collectivités locales, la baisse sans précédent des dotations qui ne permettent plus aux communes d’assurer l’effectivité de ce droit fondamental. Nous garantirons l’accès égal aux activités sportives, en concentrant l’effort d’équipement aux abords des établissements scolaires. L’accès au sport et aux activités physiques ne doit pas être une question de chance mais doit être un droit véritable.

Les spectateur·ices et les supporter·ices sont les vecteurs incontournables d’un sport populaire. La vitalité du sport français passe aussi par ses tribunes ! Loin des caricatures et à rebours des mesures liberticides qui les visent, nous entendons nous appuyer sur les associations de supporter·ices en leur donnant un vrai statut et une capacité d’action dans les institutions sportives, tout en réprimant les propos racistes et LGBTIphobes. 

Pour des Jeux olympiques au service de l’humain et de l’éducation populaire

Paris accueillera les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. Nous regrettons que cette décision ait été prise de manière non-démocratique, sans consultation des citoyen·nes, qui seront pourtant les seul·es à subir les effets néfastes de l’organisation d’un tel événement. En outre, à deux ans et demi de l’événement, le constat est implacable : malgré l’utilisation majoritaire d’équipements existants, les coûts financiers (plusieurs milliards d’euros d’argent public) mais aussi sociaux et écologiques sont importants et nuisent aux territoires concernés, en premier lieu le département de la Seine-Saint-Denis.

Considérant l’enjeu diplomatique que représente l’organisation de ces Jeux olympiques et paralympiques ainsi que les investissements déjà effectués, il paraît aujourd’hui impossible de remettre en cause leur tenue même si nos critiques restent d’actualité. Mais nous les soumettrons à un cadre écologique et social bien plus exigeant qu’il ne l’est actuellement. Ainsi, nous abrogerons la loi d’exception dite « loi olympique » qui permet au Comité d’organisation de bénéficier de nombreuses dérogations au droit commun, notamment au droit environnemental et de l’urbanisme. Elle permet ainsi la construction d’infrastructures anti-écologiques (destruction des Jardins d’Aubervilliers, échangeur autoroutier Pleyel, etc.), et déroule le tapis rouge aux multinationales qui pourront s’afficher sur les bâtiments de Paris, monuments classés, bâtiments historiques, etc. pendant plusieurs mois. De même, nous veillerons à ce que les habitations et infrastructures prévues dans le cadre de l’héritage des JO servent bien les populations actuelles des territoires concernés et ne soient pas mises au service de leur gentrification au moyen de l’augmentation des prix du logement.

Enfin, alors que ces Jeux sont actuellement le prétexte à la mise en place d’une politique sportive nationale tournée vers l’élitisme et qui abandonne le sport pour toutes et tous, ils seront pour nous au service de la politique sportive émancipatrice que nous porterons, qui défendra l’humain et l’éducation populaire. 

Nos propositions : vive le sport populaire !

Remettre l’humain au centre des institutions sportives

Généraliser la pratique sportive

Construire l’égalité dans le sport

En finir avec le dopage et les dérives

Libérer le sport de l’argent