Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.
ONE est un mouvement mondial qui fait campagne pour en finir avec l’extrême pauvreté et les maladies évitables d’ici 2030. Il nous demande de présenter nos propositions détaillées sur ces trois grands axes.
L’ONG ONE nous demande de présenter nos propositions détaillées sur ces grands axes :
Mettre fin à la pandémie partout sur la planète
Mettre fin à la pandémie partout sur la planète suppose d’une part de combattre le virus du Covid 19, d’autre part de prévenir l’émergence de nouvelles pandémies.
La moindre virulence du variant Omicron ne doit pas faire oublier que la pandémie est toujours là. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) on ne peut écarter l’apparition de variants plus graves. Seul un taux de couverture vaccinale de 70 % à l’échelle mondiale permettrait d’endiguer cette pandémie, en réduisant les formes graves et les risques de mutations du virus. Les inégalités d’accès à la vaccination font obstacle à cet objectif. Seulement la moitié de la population mondiale est complètement vaccinée, et les bénéficiaires sont répartis de manière très inégale. En Afrique, le taux global de vaccinés ne dépasse la moitié de la population qu’au Maroc. Cette situation découle d’abord du fait que les principaux producteurs et détenteurs de vaccins ne respectent ni les promesses de dons, ni les annonces sur la levée des brevets.
En juin 2021, quand l’OMS réclamait en urgence 11 milliards de doses, les membres du G7 promettaient un don cumulé de deux milliards de doses… d’ici fin 2022. La levée des brevets sur les vaccins, qui figure dans notre programme et à laquelle Jean-Luc Mélenchon avait appelé dans une tribune internationale dès début 2021, est essentielle. Depuis qu’Emmanuel Macron s’y était dit favorable en mai 2021, pour se rallier à la position exprimée par Joe Biden, rien n’a été fait pour que la levée des brevets devienne effective. Au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Union européenne et les États-Unis font barrage en coulisse. Ils considèrent le vaccin comme une marchandise comme les autres, non comme un bien commun. Cette position est encore plus inacceptable depuis que l’un des principaux arguments utilisés contre la levée des brevets, à savoir que le défi de la production serait plus dur à relever que celui du droit de propriété, a été balayé mi-décembre 2021 dans une étude menée par plusieurs ONG. Ces dernières ont recensé au moins 100 compagnies en Afrique, en Asie et en Amérique Latine en capacité de produire des vaccins y compris à ARN messager.
À plus long terme, il faut prévenir l’émergence de nouvelles pandémies. Nous pouvons agir pour limiter le risque d’émergence de nouvelles pandémies, qui découlent souvent des modes de production, d’échanges et de consommation. Les élevages intensifs, la déforestation, la destruction de la biodiversité, le déménagement permanent du monde induit par le libre-échange etc., sont autant de facteurs favorisant le déclenchement de pandémies. Seule la planification écologique et le protectionnisme solidaire permettront de lutter à long terme contre l’apparition de nouvelles pandémies de ce type. Précisons que tant que les causes des pandémies n’auront pas été réglées, et puisqu’en tout état de cause le risque ne sera jamais nul, nous devons nous tenir prêts à des répliques de même nature que le Covid-19. Il nous faudra le faire de la manière la plus efficace et humaine, c’est-à-dire en choisissant, au niveau national comme international – inextricablement liés ici – le « tous ensemble » plutôt que le « chacun pour soi », et en sauvegardant nos libertés. L’État planificateur sera l’instrument principal de notre adaptation à l’ère des pandémies.
Soutenir la relance des pays africains et créer des opportunités pour toutes et tous / Agir d’égal à égal en tant que véritable partenaire du continent africain
Beaucoup d’annonces ont été faites lors du quinquennat autour du soi-disant « new deal » pour l’Afrique. Lors de son discours de présentation de la Présidence française de l’Union européenne, Emmanuel Macron a dit que la « relation entre l’Afrique et l’Europe est le grand projet géopolitique des prochaines décennies ». Mais le sommet Union européenne – Union Africaine qui s’en est suivi n’a porté aucune initiative de rupture avec la politique actuelle. Auparavant, le sommet Afrique – France, organisé à Montpellier en présence du chef d’Etat français sans que ses homologues africains n’aient été invités, avait vu à l’œuvre une vision paternaliste des relations entre la France et les pays africains.
En définitive, ce changement de décor, et parfois de mots, aura été de pair avec une continuité néolibérale et sécuritaire. On peut en juger par le maintien d’accords commerciaux inégaux qui détruisent les cultures vivrières et la pêche artisanale, et empêchent tout développement économique endogène ; par la persistance de certaines pratiques accablantes de l’Agence française de développement (AFD) rappelées par le média Disclose ; par la réduction de la politique au Sahel à une vision purement sécuritaire au demeurant inefficace ; par le soutien zélé à certains des pires régimes autoritaires du continent, comme l’a montré l’adoubement par Emmanuel Macron en personne du fils d’Idriss Déby, signal qui n’aura pas échappé aux apprentis putschistes passés depuis à l’action, par exemple au Mali ou au Burkina Faso, etc. Le gouvernement français s’est donc accroché à une vision affairiste et militariste des relations avec l’Afrique, qui l’amène à soutenir des régimes détestés. La fuite en avant militaire au Sahel a gravement détérioré l’image de notre pays, sans rien régler à la crise sécuritaire.
Plus globalement, questionner les conditions d’une relance économique au service du grand nombre implique de remettre en cause la place de l’Afrique dans la division internationale capitaliste du travail. L’Afrique reste à cette heure cantonnée à un rôle de périphérie pourvoyeuse de matières premières vendues au bénéfice des quelques multinationales et d’oligarchies locales prédatrices. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’arrivée (ou le retour) récent de nouveaux acteurs comme la Chine ou la Russie, venus concurrencer les positions occidentales en prenant des parts importantes dans l’extraction et le commerce des matières premières dont regorge les sols africains. Pour autant, il n’y a pas eu besoin que telle ou telle puissance s’en mêle pour que l’image de la France au Sahel s’érode au fur et à mesure que notre armée s’y est enlisée dans une guerre dont Jean-Luc Mélenchon avait dès le départ pointé les failles. Plus globalement, l’Afrique ne peut pas être résumée au nouveau théâtre d’un « grand jeu » entre puissances étatiques. C’est oublier les peuples africains, qui font preuve d’impressionnantes capacités de mobilisation et réaffirment leur souveraineté. C’est oublier également que les relations de prédation entretenues entre certains secteurs économiques français et certains pays africains ne profitent qu’à une poignée d’oligarques de part et d’autre. Le peuple français n’a lui non plus aucun intérêt à ce que ces relations perdurent en l’état. Ni évidemment les peuples africains, puisque ce « modèle » condamne à une croissance sans développement économique, où l’essentiel des gains est capté par des oligarchies les détournant. Au cours des cinquante dernières années, l’Afrique a vu 1000 milliards de dollars – l’équivalent sur la même période de l’Aide publique au développement… – s’évaporer dans des comptes offshores de banques opaques pour certaines au cœur du système financier international. Ces flux financiers illicites étaient estimés pour l’an dernier à 88,6 milliards, soit une augmentation estimée de 77 % en cinq ans.
« Soutenir la relance des pays africains et créer des opportunités pour toutes et tous » implique donc, en premier lieu, de rompre avec une vision néolibérale et sécuritaire des relations avec le continent africain. En Afrique, les peuples dénoncent de mille manières l’impossibilité d’accéder à tout ou partie des réseaux et ressources essentiels à la vie, pointent les oligarchies autoritaires et les inégalités, et veulent exercer leur souveraineté. Nous proposons donc, pour notre part, de construire avec les peuples africains une relation libérée des restes du colonialisme réinventé via le néolibéralisme et l’interventionnisme militaire. Cette rupture peut s’opérer, notamment, dans le cadre d’une francophonie mise au service des peuples et nourrie de projets concrets autour des grands enjeux de l’humanité. Comme le disait Thomas Sankara, « la francophonie peut être un instrument de notre libération ». Il est dans l’intérêt des peuples français et africains que la France adopte une politique africaine guidée par l’intérêt général humain. L’adaptation au réchauffement climatique des pays africains, la lutte contre la désertification, et la préservation de la biodiversité seront un axe central de cette action. L’accès à la santé et les enjeux écologiques sont ici inséparables des impératifs de réduction de la pauvreté et des inégalités, d’éducation, de souveraineté dans tous les domaines essentiels de la vie d’une nation (alimentaire, monétaire, énergétique, etc.). Enfin, l’Afrique ne doit pas être exclue de la course aux nouvelles frontières de l’humanité (espace, mer, numérique).
Entre autres mesures, dont le détail se fera dans le cadre de leur mise en œuvre une fois au pouvoir, nous proposons donc de refonder les relations avec l’Afrique :
- En cessant tout soutien politique, militaire et financier aux dictateurs ;
- En transformant l’aide publique au développement apportée par l’Agence française de développement (AFD). Consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement est nécessaire mais insuffisant car il ne nous dit rien du contenu des politiques menées. Cet objectif ne doit pas être atteint à l’aide d’artifices comptables, et l’APD ne doit plus servir les intérêts des régimes oligarchiques et des multinationales. Nous déciderons de son allocation avec les sociétés civiles sur place, dans un objectif de renforcement des droits humains et des souverainetés populaires, et non de mise en dépendance néocoloniale ;
- En dénonçant les accords commerciaux inégaux entre l’Union européenne et l’Afrique, qui détruisent les agricultures vivrières, et les accords de pêche communautaires, qui détruisent la pêche artisanale ;
- En favorisant par là-même les conditions politiques et économiques permettant de réduire les flux migratoires qui privent l’Afrique de sa jeunesse et de main-d’œuvre qualifiée ;
- En annulant l’explosion décidée par Emmanuel Macron des frais d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers ;
- En laissant les pays africains des zones CFA (dont la partie ouest est censée devenir à terme zone ECO) libres d’avoir une monnaie dont ils soient les seuls maîtres et dont ils puissent définir les contours ;
- En annulant les dettes « odieuses », notamment contractées par des dictatures dans le seul but d’enrichir le clan au pouvoir ou de financer des politiques qui n’ont profité qu’à l’oligarchie locale ;
- En révisant les accords de défense passés avec les pays africains, pour qu’ils soient conclus dans l’intérêt des peuples, en décidant d’un calendrier de retrait de l’opération militaire Barkhane au Sahel, et en proposant une approche globale et non plus exclusivement militaire de lutte contre les groupes armés dans la région ;
- En défendant la création d’une université francophone de l’espace, proposant un cursus universitaire commun d’accès à tous les métiers relatifs au secteur aérospatial.