Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Quelles mesures envisagez-vous par voie parlementaire et/ou par décret porté par l’exécutif que vous dirigerez, pour mettre fin à ces injustices économiques et sociales ?

« L’Avenir en commun » propose une vision du monde basée sur l’harmonie des humains entre eux et avec la nature. Ceci implique de mettre fin aux injustices économiques et sociales et aux écocides tant en France que dans le monde.

Ce que nous voulons pour nous-mêmes, il faut aussi le souhaiter pour les autres. Avec un gouvernement de l’Union Populaire et avec Jean-Luc Mélenchon, la France conduira une politique africaine guidée par l’intérêt général humain. 

Vous évoquez plus précisément la question des ressources africaines. Redonner aux peuples d’Afrique le contrôle sur ces ressources implique de revoir la place du continent dans la division internationale capitaliste du travail. Celle-ci cantonne le continent à un rôle de périphérie pourvoyeuse de matières premières vendues au bénéfice de quelques multinationales et d’oligarchies locales prédatrices. 

C’est aussi dans ce cadre qu’il faut comprendre l’arrivée (ou le retour) récent de nouveaux acteurs comme la Chine ou la Russie, venus concurrencer les positions occidentales en prenant des parts importantes dans l’extraction et le commerce des matières premières dont regorge les sols africains. Il est indéniable que la France profite également de matières premières puisées en Afrique. Que l’on pense, entre autres exemples, à l’uranium du Niger qui alimente en partie les centrales nucléaires françaises. Que de nombreux autres pays occidentaux ou non fassent de même, ou que certaines affirmations soient à ce jour difficiles à démontrer (il n’est par exemple pas démontré que le nord du Mali regorge de ressources) ne constituent en aucun cas une excuse : au contraire, à nous de montrer la voie. 

Plusieurs leviers peuvent être utilisés pour mettre progressivement fin à cette situation d’exploitation néocoloniale. La planification écologique en France permettra de rendre notre pays moins dépendant en ressources énergétiques importées sans tenir compte des besoins et intérêts des peuples. Il faut remettre en question les accords commerciaux inégaux, qui détruisent les cultures vivrières, la pêche artisanale, et empêchent tout développement économique endogène comme alternative à l’exportation des matières premières. Si un changement de la politique de la France est essentiel, il ne sera pas suffisant. Les bifurcations françaises en matière politique, économique, écologique et sociale n’auront en Afrique qu’un impact superficiel si elles ne s’articulent pas à un changement politique dans les pays africains eux-mêmes. Des dynamiques en ce sens sont à l’œuvre, comme l’ont montré les nombreuses mobilisations citoyennes sur le continent ces dernières années, que nous appuyons sans réserve. La souveraineté des peuples africains, entre autres sur leurs ressources, sera d’abord le fruit de leurs mobilisations. 

Par quels mécanismes politiques et diplomatiques envisagez-vous de mettre fin à cette mise sous tutelle insultante et dégradante des compétences diplomatiques dont regorgent ces Etats africains ?

Notre programme prône une diplomatie altermondialiste, basée notamment sur la souveraineté des peuples. Nous pensons que l’ONU, en dépit de ses insuffisances, est le seul cadre légitime, car universel, pour assurer la sécurité collective un monde où les effets du changement climatiques touchent des centaines de millions de gens. Ceci implique de renforcer la crédibilité de l’ONU, parfois entamée par des manœuvres comme celles, utilisées par la plupart des grandes puissances, consistant à faire pression sur tel ou tel pays lors de tel ou tel vote à l’ONU. On sait que la France a par exemple usé de pression lors du vote du Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires par l’Assemblée Générale de l’ONU. Si notre conception de la diplomatie implique de mettre en œuvre des coalitions internationales autour de projets de renforcement de la paix où elle est menacée, de mesures de rupture avec le néolibéralisme, de projets écologiques etc., la participation à ces coalitions doit toujours se faire volontairement et sans arrières pensée des uns ou des autres. Nous mettrons fin aux pratiques contraires. 

Êtes-vous prêt(e) à prendre le décret qui supprimera le franc CFA et d’en tirer toutes les conséquences ?

La colonisation a reposé sur suffisamment de crimes contre l’humanité pour ne pas avoir besoin d’être comparée au nazisme (NDLR : des développements préalable à la question incluaient la phrase suivante : « Après la guerre et la survenue des « indépendances » des colonies françaises, De Gaulle a affiné le mécanisme du franc CFA en s’inspirant du système de domination monétaire imposé durant la guerre par les nazis dans les pays occupés »). Le sort fait aux soldats noirs de l’armée française par les nazis pendant la seconde guerre mondiale est un indicateur de la différence de nature entre les projets coloniaux et le nazisme. 

Pour le reste, cette mise au point ne relativise aucun crime, aucune des injustices et inégalités générés par le colonialisme ou le néocolonialisme. Nous pensons qu’il faut en finir avec la vision affairiste répondant aux seuls intérêts bornés des oligarchies, française et africaines. De même que nous prônons l’annulation des dettes odieuses, de même il faut permettre aux pays africains des zones CFA de recouvrer leur souveraineté monétaire, dans les conditions de leur choix. En proposant, avec le président ivoirien, le remplacement du Franc CFA par l’Éco dans la zone CFA Ouest, Emmanuel Macron n’a rien changé aux fondamentaux d’une monnaie indexée sur l’euro, et ne répondant pas aux intérêts des peuples africains, dont le dynamisme démographique implique des investissements, notamment publics, contraints par la vision monétariste actuelle. Mais n’oublions pas que le CFA reste aussi un outil des oligarchies africaines s’accaparant, avec les oligarchies extérieures concernées, l’essentiel des retombées du commerce des matières premières ou autres. 

Plaçant une part substantielle de leurs ressources dans des comptes à l’étrangers, elles ont intérêt à une monnaie stable, dont la valeur est garantie par un pays comme la France. Au cours des cinquante dernières années, l’Afrique a vu 1000 milliards de dollars – l’équivalent sur la même période de l’Aide publique au développement… – s’évaporer dans des comptes offshores de banques opaques pour certaines au cœur du système financier international. Ces flux financiers illicites étaient estimés pour l’an dernier à 88,6 milliards, soit une augmentation estimée de 77 % en cinq ans. 

C’est en partie en raison de cela, et des désaccords entre Etats africains de la zone CFA ouest sur le sujet, que l’entrée en vigueur de l’Éco a été retardée. Il est donc illusoire de croire que tout peut se décider depuis Paris, en matière monétaire ou autre. Mais nous ferons tout ce qui sera possible pour contribuer à la souveraineté monétaire des peuples concernés.       

Êtes-vous prêt(e) à renoncer aux visées hégémoniques de la francophonie en arrêtant le soutien d’Etat à ses organes dédiés (agence, médias) et ne rien entreprendre pour saper l’idée d’une africanophonie de plus en plus revendiquée par les générations africaines montantes ?

Notre programme est rigoureusement cohérent. L’intérêt des peuples en est la clef de voûte. Et partant la francophonie que nous appelons de nos vœux ne peut pas être une francophonie aux visées hégémoniques pour reprendre votre expression mais bel et bien une francophonie des peuples. Comme le disait Thomas Sankara, « la francophonie peut être un instrument de notre libération ». Il entendait par là que ce n’est pas la francophonie (le fait de parler français) qui est en soi un problème mais les usages ou les mésusages qu’on en fait.

Une francophonie populaire, pour nous, veut dire une francophonie qui ne saurait être confisquée par un cadre officiel inaccessible à la majorité des auditeurs, des lecteurs et spectateurs francophones. La langue française n’est plus, depuis des décennies, la propriété exclusive des Français. Elle ne peut pas être le jouet dans les mains de quelques institutions parisiennes. Nous avons toute une série de mesures et de projets pour renforcer la francophonie des peuples tant sur le plan éducatif, universitaire, culturel ou encore télévisuel que nous pouvons détailler si nécessaire. Enfin, notre concept de la francophonie des peuples n’est en opposition avec la pleine expression des magnifiques cultures qu’un Amadou Hampâté Bâ aurait qualifiées de« traditionnelles ». Le dialogue des idiomes, les échanges des savoirs et des intelligences seront suscités par notamment des projets de coopération, de traduction et de recherche très novateurs et audacieux. Je pense ici à la création d’une université francophone de l’espace proposant un cursus universitaire commun d’accès à tous les métiers relatifs au secteur spatial. 

Êtes-vous prêt(e) à ordonner la fermeture des bases militaires françaises en Afrique en produisant à l’appui de cette intention un calendrier précis de désengagement ?

La coopération entre les peuples est la méthode qui permettra de construire la meilleure avec une Afrique basée sur la souveraineté des peuples. Si ces derniers le demandent, il est impératif de réviser les accords de défense passés avec les pays africains pour qu’ils soient conclus dans l’intérêt des peuples et empêchent toute ingérence dans les affaires intérieures des pays africains. Et, nous le disons clairement, comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon lors de sa conférence à Ouagadougou en juillet 2021, si les gouvernements concernés demandent la fermeture des bases françaises, nous les fermerons. 

Ajoutons que les questions de sécurité ne sont pas seulement d’ordre militaire. Le dérèglement climatique, l’émergence de nouvelles pandémies sont des défis colossaux qui sont devant nous et qui demandent une nouvelle approche, et par seulement militaire. Je prends l’exemple de la levée des brevets sur les vaccins, qui figure dans notre programme et à laquelle Jean-Luc Mélenchon avait appelé dans une tribune internationale avec Lula mais également les anciens ministres maliens Aminata Traoré et Cheikh Oumar Sissoko dès février 2021, qui me paraît essentiel pour notre discussion. Contrairement aux libéraux comme Macron, nous considérons que le vaccin n’est pas une marchandise comme les autres mais un bien commun. Dans cette tribune, les cinquante signataires s’insurgeaient contre les leviers juridiques qui assurent la privatisation du vaccin, pourtant un “bien commun” selon l’OMS. Ils appellent à construire “une société de l’entraide” à l’échelle internationale. Voilà là où nous plaçons la question de la défense et de la sécurité à l’âge de nouvelles pandémies planétaires

Face à ce constat, êtes-vous prêt(e) à diligenter un Audit indépendant de l’AFD, première étape vers sa dissolution et son remplacement par un vrai levier économique de coopération ?

Comme étayé précédemment, c’est l’intérêt général, le respect de la souveraineté des peuples et des sociétés qui dictent notre action. Une nouvelle relation reconstruite de fond en comble et reposant sur le respect, l’écoute, la coopération et la solidarité. Il est dans notre intérêt commun aussi de renforcer l’aide au développement dans les pays du Sahel et de la conditionner au respect des droits humains, démocratiques, sociaux et écologiques. 

Nous transformerons l’aide publique au développement (APD) gérée par l’Agence française du développement (AFD) et nous ne tolérerons pas la persistance de certaines pratiques accablantes de l’Agence Française de Développement (AFD) rappelées par le média Disclose. Nous réintégrerons au ministère des affaires étrangères les moyens humains et matériels de la coopération technique, scientifique et culturelle massivement transférés à l’AFD.

Consacrer 0,7% du revenu national brut à l’APD est nécessaire, mais insuffisant pour nous. Cet objectif ne doit pas être atteint à l’aide d’artifices comptables et l’APD ne doit plus servir les intérêts oligarchiques ou des multinationales. Nous déciderons de son allocation avec les sociétés civiles sur place, dans un objectif de renforcement des droits humains et des souverainetés populaires et non de mise en dépendance néocoloniale. 

Êtes-vous prêt(e), après une claire remise en cause des termes et du contenu actuel des APE, à prendre des dispositions pour l’instauration de rapports économiques plus équitables ? Si oui, lesquelles ?

Comme indiqué plus haut, il est dans l’intérêt des peuples africains et français que la France dirigée par Jean-Luc Mélenchon adopte une politique d’intérêt général humain. L’adaptation au réchauffement climatique des pays africains, la lutte contre la désertification et la protection de la biodiversité doivent être un axe majeur de notre action. L’accès à la santé et les enjeux écologiques sont ici inséparables des impératifs de réduction de la pauvreté et des inégalités, d’éducation, de souveraineté dans tous les domaines essentiels de la vie d’une nation.

Nous dénoncerons donc les accords commerciaux inégaux entre l’Union européenne et l’Afrique, qui détruisent les agricultures vivrières, et les accords de pêche communautaires qui détruisent la pêche artisanale.

Êtes-vous prêt(e) à prendre des décisions pour apporter des réponses adéquates à la question des migrants climatiques ? Si oui, lesquelles ?

La mondialisation néolibérale favorise désindustrialisation, crise écologique, pandémies, chômage, immigration forcée. 

Il est urgent d’inverser la tendance : se projeter dans le long terme et de penser aux besoins des populations dans le Nord comme celles du Sud. 

La lutte contre les effets du changement climatique sera au cœur des coopérations que nous proposerons dans notre action extérieure, notamment en Afrique. Cela passe par rendre possible, en annulant par exemple les accords commerciaux inégaux, la généralisation de l’agroécologie sur le continent, et toutes autres initiatives permettant d’en finir avec l’érosion des sols aggravée par le réchauffement climatique. Cela passe aussi par la mise en place, chez nous, d’un protectionnisme solidaire imposant que tout bien importé en France ait été produit dans le respect de normes sociales et écologiques exigeantes. 

Quelles mesures prévoyez-vous, par voie parlementaire et/ou par décret de l’Exécutif que vous dirigeriez, pour mettre en œuvre en France et en Europe les recommandations de la Résolution sus- mentionnée ?

La lutte contre les discriminations est au cœur de notre programme. C’est peut-être l’occasion de rappeler que notre programme est détaillé, disponible gratuitement sur internet, comporte 694 propositions. Il est complété par des nombreux livrets et plans couvrant une cinquantaine de publications thématiques qui approfondissent le programme. Les droits des personnes quelles que soient leur condition sociale, leur couleur de paix, leur appartenance religieux ou leur orientation sexuelle sont protégés. Nous avons les instruments juridiques et nous allons appliquer la loi, toute la loi pour assurer la protection, le respect et la dignité de tous et toutes. A cet égard, Jean-Luc Mélenchon a notamment déjà pris publiquement position à plusieurs reprises pour faire cesser les contrôles au faciès.

Êtes-vous prêt(e) à prendre des mesures de soutien à ce travail de mémoire qui restituera toute l’histoire, la vraie histoire de la France, au bénéfice de tous ses citoyens ? Si oui, lesquelles ?

La France n’est pas une nation ethnique. Un·e Français·e sur cinq est immigré·e ou enfant d’immigré·e, et au moins 10 % de la population a un·e ancêtre immigré·e dans les deux générations antérieures. Sont français·es, et donc égaux en droits, toutes celles et ceux qui adhèrent au principe « Liberté, Égalité et Fraternité » : la France résulte de cette créolisation, de ce mélange toujours renouvelé, où chaque être humain s’enrichit de sa relation à l’autre.

La France, telle qu’on la connaît aujourd’hui, est une nation au sens politique du terme. Elle est fille de la Révolution de 1789. L’un de ses inspirateurs, le visionnaire qui a résumé en trois mots (Liberté Égalité Fraternité) l’idéal républicain déclarait que « tous les Français, c’est-à-dire tous les hommes nés et domiciliés en France, ou naturalisés, doivent jouir de la plénitude et de l’égalité des droits du citoyen et sont admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle des vertus et des talents. »

Le gouvernement de l’Union Populaire se donne pour mission de combattre les inégalités et de lutter contre les discriminations. Comme le stipule notre programme, L’Avenir en commun, l’émancipation individuelle et collective est la boussole de notre projet éducatif.

Émanciper, c’est instruire. Seule richesse qui augmente pour chacun·e quand on la partage entre tou·tes, le savoir, en grandissant l’individu, grandit la société dans laquelle il vit. 

Émanciper, c’est qualifier. La qualification est la garantie d’une maîtrise professionnelle durable parce que susceptible de s’enrichir et d’évoluer. Reconnue par les conventions collectives, elle est source de droits sociaux. Face aux défis qui découlent de la crise écologique, l’élévation générale du niveau de qualification au service de la bifurcation écologique est une priorité absolue pour le pays.

Émanciper, c’est affranchir l’individu de toute influence, développer l’esprit critique, parvenir à l’autonomie pour être libre.

Un exemple de ce que cela implique pour nous. Nous ne croyons pas que le souvenir de l’abolition de l’esclavage soit une affaire qui ne concerne que des « parties » de la population. C’est une avancée majeure qui change la société et bénéficie à tous. C’est pourquoi les députés de la France insoumise ont proposé qu’un jour férié national soit dédié à la commémoration de l’abolition : jusqu’à présent seul les outre-mer la célèbrent et cet état de fait est choquant.  Le 4 février 2022 Jean-Luc Mélenchon s’est incliné et a prononcé un hommage devant la tombe de René Levasseur, député de la Convention défenseur de l’abolition de l’esclavage le 4 février 1794. Dans ce cimetière manceau, une heure durant, Jean-Luc Mélenchon a réuni Robespierre et l’esclave marron Martial, Étienne Marcel le rebelle parisien du XIVe siècle, et le héros Louis Delgrès, les révoltes des esclaves de Saint-Domingue et les jacqueries paysannes du Moyen-Âge. Cette ambition de faire France de tout bois, Jean-Luc Mélenchon l’a portée partout, dans ce cimetière manceau comme en Guyane, en Martinique, à La Réunion ou à Ouagadougou où il est allé apprendre auprès des proches et des camarades qui vont vivre les idéaux de Thomas Sankara, penseur et acteur politique africain qui nous inspire le plus. Il nous faut continuer de labourer le champ ouvert par Sankara. Il nous faut oser inventer ensemble l’avenir.