Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.
Nous répondons ci-dessous aux questions de Actu-environnement.
Quel mix énergétique souhaitez-vous développer ? Quelle place accorderez-vous aux énergies renouvelables ?
Nous voulons atteindre 100 % d’énergies renouvelable d’ici 2050, dont les scenarii Négawatt et M0 de RTE montrent la faisabilité. Cela passe par le développement massif d’abord de l’éolien marin et du photovoltaïque, mais aussi de l’hydroélectricité, de la géothermie, ou encore de carburants alternatifs comme l’hydrogène vert. Nous investirons massivement dans les bioénergies thermiques décarbonées en faisant plus que doubler le fonds chaleur (+ 400 M€ / an), en augmentant la production de bois énergie de 50 % (sans sylviculture dédiée) et aurons recours au biogaz (méthanisation), sans consacrer de terres à la seule production d’énergies, conformément au scénario Afterres.
Nous refusons donc toute construction de nouveaux réacteurs nucléaires, planifions la fermeture progressive des réacteurs existants, ce qui maintiendra l’emploi des salariés pendant les décennies de démantèlement, tout en assurant leur reclassement aux qualifications maximales, notamment au sein du pôle public de l’énergie.
Quel modèle agricole souhaitez-vous développer ? Quelle place pour la biodiversité dans ce modèle ? Et comment organisez-vous le partage de la ressource en eau entre les différents usagers et le milieu naturel (recharge de nappe, zones humides, etc.) ?
Notre programme vise le passage d’une agriculture conventionnelle trop productiviste, polluante, dépendant d’importations (comme les tourteaux de tournesol ukrainiens, ce qui l’expose aux crises géopolitiques) et ne garantissant pas le bien-être animal à une agriculture paysanne et relocalisée, en donnant une importance forte à la conversion au bio.
Nous fermerons les fermes usines en aidant les paysans concernés à se reconvertir, interdiront immédiatement l’usage des pesticides les plus dangereux (glyphosate, néonicotinoïdes), limiterons le recours aux intrants chimiques et mettrons fin à l’emploi des engrais azotés.
Nous développerons davantage les circuits courts au travers d’un soutien accru aux projets alimentaires territoriaux (triplement du budget pour 160 millions d’euros annuels) et en privilégiant une agriculture à taille humaine par un doublement du paiement redistributif, un triplement de la dotation aux jeunes agriculteurs et la transformation des SAFER en établissements publics fonciers ruraux (EPFR), dont nous augmenterons le budget pour les rendre moins dépendants des recettes immédiates et les recentrer vers leur mission d’intérêt général.
Trois milliards et demi d’euros par an sont prévus pour rendre la cantine gratuite et 100% biologique et locale, avec une option végétarienne quotidienne, et ainsi soutenir le développement de cet agriculture et paysanne.
Notre programme propose une refonte complète des paiements de la Politique agricole commune (PAC) afin de privilégier une agriculture plus respectueuse de l’environnement et notamment l’agriculture biologique.
Cette refonte de la PAC s’accompagne par ailleurs de plusieurs mesures complémentaires :
- création d’une caisse de défaisance pour reprendre les dettes agricoles des paysans convertis au 100% bio
- plan d’aide à la transition pour sortir de l’élevage industriel (500 millions d’euros annuels)
- sortie du système actuel d’aides à l’hectare pour aller vers un système de contrats de transition agro-économique et de paiements pour services environnementaux et spécifiques (installation, projets territoriaux…)
- Plafonnement des aides aux plus grandes exploitations
- Renforcement des aides aux petites et moyennes exploitations en doublant le paiement redistributif et en le distribuant de façon progressive; permettre aux petites exploitations d’accéder à l’aide forfaitaire aux petites fermes
Nous triplerons le financement des mesures agro-environnementales et climatiques et renforcerons le financement des infrastructures agro-écologiques (haies, mares, bois, bandes fleuries…) favorables à la biodiversité, de l’agroforesterie ou des systèmes d’élevage herbagers tenant compte des limites de densité soutenables.
Au niveau de la biodiversité, nous nous fixons un objectif de non-régression quantitatif (en terme de population) et qualitatif (en terme de nombre d’espèces). Nous porterons une attention toute particulière aux Outre-mer, à commencer par la jungle guyanaise, dont la richesse en matière de biodiversité surpasse de loin celle de la France métropolitaine. Pour cela, outre les changements de pratique agricole indiqués au-dessus, nous voulons empêcher le changement d’affectation des terres, qui perturbe et détruit la biodiversité. Nous proposons les mesures suivantes :
- Lutter contre l’artificialisation des sols pour empêcher la disparition de surfaces agricoles utiles, en empêchant notamment la multiplication des entrepôts géants.
- Refonder les critères permettant le développement de nouvelles grandes et moyennes surfaces (GMS) pour les soumettre aux objectifs de zéro artificialisation nette des sols et de préservation des petits commerces, tout en prenant en compte les GMS déjà existantes
- Doubler le budget de l’Office national des forêts et reconstruire tout le secteur de la transformation du bois avec l’objectif de diversifier les essences et de développer les circuits courts, en mettant en place une formation professionnelle publique.
- Protection des forêts : fin des coupes rases, contrôle des exportations, nous encouragerons leur libre évolution et mettrons fin aux contrats de droit privé
- Lutter contre la déforestation importée en renégociant les accords commerciaux qui portent atteinte au climat et à la biodiversité
- Nous mettrons fin à la surpêche et promouvrons le respect des accords de pêche dans les zones internationales. Nous mettrons en place l’usage exclusif de la bande côtière des 12 milles nautiques aux pêcheurs artisans (navires de moins de 12 mètres) et accompagnerons les pêcheurs pour trouver des solutions afin d’éviter les prises accidentelles.
- interdiction des pratiques de chasse cruelles (déterrage, chasses à courre, combats de coq, spectacles incluant des animaux sauvages)
- nous mettrons en place des propositions touristiques de sensibilisation à la préservation de l’environnement, de la faune, de la flore présents en ruralité et développerons le tourisme rural et l’écotourisme
La restauration de la biodiversité passe aussi par un renforcement des moyens humains qui lui sont alloués. Nous augmenterons sensiblement les effectifs des agences publiques et des ministères (ONF, CEREMA, Agence biodiversité, MÉTÉO FRANCE) en lien avec ces enjeux (+900 millions d’euros par an).
Nous renforcerons les moyens de contrôle avec le renforcement des effectifs des inspecteurs de l’environnement et mettrons en place des défenseurs de la nature chargés de l’eau, l’air, la forêt, la végétalisation et la perméabilité des sols au niveau communal.
Il est également indispensable de refonder la politique de l’eau et de la doter d’un cadre national fort : des principes directeurs, un haut-commissariat, une organisation territoriale adéquate fondée sur la région et les bassins versants, une solidarité nationale et un financement repensé, des contre-pouvoirs institutionnels et citoyens. Ce cadre unifié permettra de construire une culture de l’eau au sein de l’État et dans les territoires et de s’atteler aux enjeux majeurs :
- La préservation et la reconstitution du cycle de l’eau, de la qualité écologique et chimique des masses d’eau
- La limitation du changement climatique et l’adaptation de nos territoires à ses effets
- Le déploiement et le renforcement de la gestion et de la distribution publique, locale et citoyenne
- Le renouvellement urgent du patrimoine de production et des canalisations
- L’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène pour toutes et tous
- La promotion du droit à l’eau et de sa gestion publique à l’international
Comment comptez-vous lutter contre l’artificialisation des sols ? Et comment pensez-vous accompagner les collectivités locales sur cet enjeu d’aménagement du territoire ?
La règle verte, inscrite dans la Constitution, sera opposable pour tout projet ayant comme conséquence une artificialisation de sols tels que des sols agricoles, des forêts, des zones humides.
Par ailleurs, nous augmenterons les effectifs et les dotations des services et des collectivités chargés de lutter contre l’artificialisation et de veiller à la mise en place d’un aménagement durable et respectueux de la nature. Ainsi, nous augmenterons les effectifs des services de l’État (900 millions d’euros pour revenir sur les suppressions de poste dans les opérateurs cruciaux de l’Etat vis-à-vis des enjeux environnementaux) et proposons les mesures suivantes :
- Lutter contre l’artificialisation des sols pour empêcher la disparition de surfaces agricoles utiles, en empêchant notamment la multiplication des entrepôts géants.
- Refonder les critères permettant le développement de nouvelles grandes et moyennes surfaces (GMS) pour les soumettre aux objectifs de zéro artificialisation nette des sols et de préservation des petits commerces, tout en prenant en compte les GMS déjà existantes
Comptez-vous modifier la fiscalité environnementale ? Pour encourager les comportements écologiquement vertueux et/ou taxer les comportements polluants ?
Nous entreprendrons une réforme en profondeur de la fiscalité environnementale, afin notamment de supprimer les niches fiscales défavorables à l’environnement. Le tableau suivant retrace les principales modifications de la fiscalité environnementale.
Enfin, concernant la fin des subventions aux énergies carbonées, nous supprimerons les avantages fiscaux sur le kérosène et progressivement le remboursement d’une fraction de taxe intérieure de consommation (TICPE) pour le transport de marchandises. Nous mettrons un terme aux garanties à l’export sur les projets d’exploitation d’hydrocarbure.
Comment pensez-vous réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs des transports ? Comment encouragez-vous les mobilités bas-carbone pour les personnes et les marchandises ?
Afin de décarboner les mobilités de moyenne et longue distance, notre objectif est double. Premièrement, nous proposons plusieurs mesures fortes pour augmenter le report modal de la voiture vers des modes de transport bas carbone :
- un plan de développement des transports en commun urbains, la suppression des avantages fiscaux sur les voitures de fonction et l’interdiction des SUV dans les villes de plus de 100 000 habitants (+2,5 milliards sur le mandat).
- un vaste plan d’investissements dans le train avec réouverture des lignes ferroviaires, gares et haltes du quotidien, augmentation du nombre de trains et des tarifs accessibles (+30 milliards sur le mandat).
- le développement du transport à la demande hors des zones denses de transport public (+ 1 milliard d’euros par an) et des usages partagés de la voiture
- les mobilités douces comme le vélo avec les infrastructures correspondantes et le développement des bornes de recharge pour véhicules électriques (+ 10 milliards sur le mandat)
- pour les véhicules automobiles restants (taxis, ambulances, artisans et commerçants, véhicules individuels…) le remplacement du thermique par le basculement vers l’électrique les hybrides gaz naturel et à hydrogène.
Nous souhaitons réduire les distances parcourues en luttant contre l’étalement urbain, en arrêtant les nouvelles zones commerciales hors des villes et en redynamisant les petites villes. Nous supprimons dès 2022 les liaisons aériennes sans correspondances internationales lorsqu’une alternative en train existe en moins de 4h de trajet.
Il sera mis fin aux avantages fiscaux du kérosène et nous supprimerons les subventions indirectes des low-cost. En matière de fret, nous développerons massivement le ferroutage (+332 millions d’euros par an) ainsi que le transport fluvial et imposerons une taxe kilométrique aux frontières dépendant de la distance parcourue.
Comment comptez-vous encourager la rénovation énergétique des logements en particulier des passoires thermiques et du bâti tertiaire ?
Notre objectif principal est la rénovation de 700 000 logements par an. Nous commencerons en priorité avec les 4,8 millions de passoires énergétiques et par les logements équipés de chauffage au fioul ou gaz. Pour atteindre cet objectif, un ensemble de mesures réglementaires et de dépenses importantes sont prévues.
Sur le plan réglementaire, nous instaurerons une obligation de rénovation complète en bâtiments basse consommation (BBC) pour tous les logements antérieurs à 2000 d’ici 2050 et une sortie du fioul/gaz, ainsi que le conditionnement de labels écologiques à des résultats énergétiques concrets et vérifiés. Ces travaux de rénovations seront menés conjointement avec le développement de l’éco-construction afin d’en réduire l’impact écologique. L’accompagnement administratif et financier se fera par la création d’un guichet unique pour la rénovation des logements.
Nous rendrons obligatoire la rénovation sans soutien public pour les 3,5% de ménages possédant plus de 5 logements, subordonné à un permis de louer. L’essentiel des dépenses passe ensuite par une subvention moyenne de 70% pour 96,5% des ménages estimée à 4,965 milliards d’euros par an (estimation dérivée d’une étude Ademe/Enertech), et la rénovation de l’ensemble du parc social d’ici 2050, soit 120 000 logements par an, pris en charge en intégralité par la collectivité pour un coût de 1,195 milliard par an. Nous privilégierons les rénovations complètes avec utilisation de matériaux biosourcés, comprenant le remplacement des chaudières au gaz et au fioul.
Par ailleurs, nous proposons la formation de l’ensemble des professionnels des filières pour l’obtention de la mention Reconnu Garant de l’Environnement (RGE) ainsi qu’une formation spécialisée (type qualisol/qualipac) pour un tiers des professionnels, ce qui représente des investissements respectifs de 191M et 143M d’euros annuels.
Quelle place accorderez-vous à la parole des citoyens dans l’élaboration de la politique environnementale ?
Dans le cadre de la planification écologique que nous mettrons en place, la participation de tous les citoyens à l’élaboration du plan sera garantie par l’organisation d’un processus démocratique large, pour aboutir à un projet considéré comme réaliste et légitime par la population. Ce sera le rôle du Conseil à la planification écologique que nous mettrons en place et qui sera chargé d’animer le processus de consultations décentralisées à travers le pays. Les communes en sont le premier échelon car ce sont elles qui constituent le premier lieu de l’irruption citoyenne. Partout, elles auront la responsabilité d’organiser des débats citoyens. Ces débats sont ouverts à toutes et tous. Des assemblées citoyennes seront tirées au sort dans chaque département. Nous consulterons les organisations secteur par secteur avec les branches professionnelles, syndicats, associations, ONG, laboratoires de recherche. Notre plan d’action consacré à la planification écologique précise ce processus en détails.
Quelle place et périmètre d’action confierez-vous au ministère en charge des enjeux environnementaux ?
Dans notre vision de l’action publique, la planification écologique est première. C’est elle qui doit guider la bifurcation écologique de nos modes de production, de consommation et d’échange. Dès lors, la place de la question environnementale est centrale et le sera dans la composition du gouvernement.
Au-delà des affichages symboliques, nous renforcerons concrètement les moyens du ministère et de l’ensemble des opérateurs de la bifurcation écologique (ONF, Cerema, Météo-France, OFB…) avec une augmentation du budget de 900 M€ / an permettant de revenir sur les couples immenses réalisées pendant les quinquennats précédents et de les développer encore davantage, tant ils sont décisifs dans l’immense chantier qu’il faut amorcer.
Souhaitez-vous encadrer davantage l’industrie en ce qui concerne la prévention et la gestion des risques technologiques ? Quelle politique proposez-vous pour mieux prévenir les risques sanitaires ?
Tout d’abord, nous proposons de renforcer les normes environnementales en vigueur, en commençant par revenir sur les affaiblissements des normes environnementales effectués sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Avec l’Union populaire, l’État et les collectivités disposeront des moyens financiers nécessaires pour appliquer le triptyque « surveiller, contrôler, sanctionner », et réguler face au libre marché.
Par ailleurs, nous gérons les risques industriels grâce à la création d’une autorité de sûreté indépendante des risques industriels. Nous augmenterons le nombre d’inspecteurs des Installations classés pour la protection de l’environnement (ICPE). Nous augmenterons également le seuil de l’amende maximale pour les ICPE à 500 000 euros, qui est de 15 000 euros actuellement.
Le renforcement des moyens humains dédiés à la prévention des risques et aux contrôles des sites classés Seveso est un combat qui a été porté par le groupe parlementaire de la France insoumise durant ce mandat, particulièrement contre les suppressions de postes au sein du ministère de l’Environnement et de ses opérateurs, alors que ces derniers contribuent à la prévention des risques sanitaires. À titre d’exemple, nous renforcerons les moyens, notamment humains, de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS).
Enfin, nous arrêterons les activités dangereuses pour la santé et l’environnement, comme les engrais à base de nitrate d’ammonium, tout en planifiant la reconversion des travailleurs de ces secteurs vers des secteurs d’activités nécessaires à la bifurcation écologique (énergie, assainissement et gestion des déchets).
Nous ferons du du plan national santé environnement (PNSE) un moyen d’éradiquer les maladies chroniques liées à la malbouffe et à l’exposition aux pollutions, notamment dans le cadre professionnel (pesticides, radioactivité, amiante, produits chimiques), en :
- Réévaluant l’ensemble des substances chimiques utilisées sur le territoire français.
Nous refuserons les OGM et bannirons les pesticides nuisibles avec l’interdiction immédiate des plus dangereux (glyphosate, néonicotinoïdes, etc.)
- Réglementant de manière bien plus stricte les pratiques de l’industrie agroalimentaire et restreindre davantage les seuils maximums de sel, de graisses et de sucres.
- Donnant une place prépondérante à la santé environnementale dans les formations des études de santé
- Intensifiant la lutte contre la consommation de tabac et d’alcool, premiers facteurs de mortalité prématurée.
Enfin, prévenir les risques sanitaires suppose également de changer radicalement de modèle agricole pour aller vers une agriculture écologique et paysanne. La cruauté infligée aux animaux par notre modèle agricole productiviste et le retour des grandes pandémies comme le Covid-19 sont liés. Pour cela, nous interdirons notamment les fermes-usines.