Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.
Nous répondons ci-dessous aux questions de l’Académie des technologies.
Transition énergétique et climat
Quelles sont vos priorités pour décarboner l’économie française à moindre coût ?
Notre objectif est d’atteindre la neutralité carbone en 2050, tant sur les émissions domestiques que les émissions importées (empreinte climatique nationale) avec une production d’énergie 100% renouvelable. Cela implique des transformations structurelles de l’ensemble des secteurs afin d’organiser la sortie des énergies fossiles. Notre programme s’appuie simultanément sur une amélioration de l’efficacité énergétique et sur un recours accru à la sobriété, en investissant 200 Mds€ sur le quinquennat en faveur du climat et de l’atténuation du changement climatique. Les transformations nécessaires ne peuvent se faire sans une planification, car les lois du marché se sont révélées incapables de répondre à l’enjeu climatique, et les gestes individuels comme les mesures incitatives ne suffisent pas.
Transports : Nous diminuerons les distances parcourues et augmenterons le report modal de la voiture et de l’avion vers des modes plus doux : le train et le vélo. Nous investirons massivement dans le transport ferroviaire (fret compris) et dans les transports en commun.
Bâtiment : Nous engagerons la rénovation thermique complète de 700 000 logements/an, aux normes basse consommation en commençant par les passoires thermiques ; remplacement des chauffages fioul/gaz. Les aides à la rénovation thermique seront augmentées et refondées : elles pourront monter jusqu’à 100% pour les ménages les plus pauvres, avec un taux d’appui global de 70%;
Énergie : Nous visons une baisse minimale de 40% de la consommation énergétique totale d’ici 2050 (hypothèse RTE). Cela suppose de supprimer les consommations inutiles, un usage sobre des matières premières non renouvelables et l’objectif du zéro déchet, d’améliorer l’efficacité énergétique et de développer des moyens de production bas carbone. Notre mix électrique suivra le scénario RTE M0 afin d’atteindre le 100% renouvelables d’ici 2050. Nous développerons massivement les énergies renouvelables nécessaires : éolien, solaire, thermique décarboné.
Agriculture & Alimentation : Nous privilégierons une agriculture bio s’appuyant sur des circuits courts, diversifiés et écologiques et soutiendrons une diminution des protéines carnées dans l’alimentation au profit de protéines végétales.
Industrie : Nous engagerons un plan de réindustrialisation afin de diminuer les émissions importées et électrifierons les industries et procédés dès que possible. Des droits de douane sur critères écologiques seront appliqués. Toute aide publique sera conditionnée à des critères environnementaux.
Parmi ces pistes souvent évoquées, quelles sont celles qui vous semblent les plus pertinentes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter le changement climatique ?
o ✅Inciter à la rénovation énergétique des bâtiments *
o ✅Inciter à l’installation de pompes à chaleur
o Inciter à l’installation de chauffe-eau électriques
o ✅Inciter à l’achat de véhicules électriques
o ✅Inciter à la sobriété énergétique, au recyclage, à l’achat d’objets plus durables*
o ✅Investir massivement dans les éoliennes et le photovoltaïque*
o ✅Investir massivement dans le renforcement du réseau électrique*
o Investir dans la filière nucléaire pour construire de nouveaux réacteurs
o Investir dans les réacteurs existants pour les prolonger en toute sûreté
o Investir dans la mise en œuvre des technologies de capture et stockage du carbone
o ✅Investir dans la recherche sur le stockage d’électricité
o Investir dans la recherche sur la fusion nucléaire
o Investir dans la filière hydrogène
o ✅Financer la décarbonation dans les pays du Sud, où les investissements sont beaucoup plus efficaces
o Maintenir la position volontariste de l’Europe sur la lutte contre le réchauffement climatique, même si les autres grandes régions concurrentes (USA, Chine) ne contribuent pas au niveau qui serait requis
o Renégocier les objectifs européens de réduction d’émission de gaz à effet de serre, si la Chine et les États-Unis ne font pas des efforts proportionnés
o Renégocier la contribution de la France aux objectifs européens maintenus de réduction d’émission de gaz à effet de serre, que certains jugent irréalistes et pénalisants pour nos entreprises et nos ménages, pour tenir compte de notre avancée par rapport à la majorité des pays européens
o ✅Mettre en place des mécanismes d’ajustement aux frontières de l’Union européenne qui fassent que nos entreprises ne soient pas pénalisées par rapport à celles de pays moins vertueux (ne taxant pas leurs émissions de gaz à effet de serre)*
Commentaire (indiquez les cinq mesures prioritaires parmi celles que vous avez sélectionnées) :
L’Avenir en Commun propose un programme complet d’atteinte de la neutralité carbone qui repose sur un large panel de mesures complémentaires, toutes nécessaires pour décarboner chacun des secteurs. Toutefois, s’il fallait choisir les mesures qui illustrent le mieux la logique de notre programme climatique, trois axes peuvent être mis en avant.
Premièrement, le programme promeut un renforcement accru de l’efficacité énergétique et de la sobriété, parfaitement illustré par la planification de la rénovation énergétique de l’ensemble du bâti pré-2000 en favorisant des rénovations complètes, comprenant la transformation du système de chauffage, avec un soutien conséquent pour les ménages les plus modestes. Nous inciterons fortement à la sobriété énergétique, au recyclage et à l’achat d’objets plus durables afin de diminuer notre empreinte énergétique et matérielle. La sobriété implique la remise en cause des organisations territoriales qui rendent la voiture indispensable, l’obsolescence programmée et la publicité qui crée de faux besoins.
Deuxièmement, nous anticipons un fort besoin d’électrification des consommations afin d’atteindre 55% de l’énergie finale d’origine électrique en 2050. Le choix du 100% ENR nous conduit à investir massivement dans les filières éolienne et photovoltaïque afin d’atteindre des rythmes de développement importants. Le développement des énergies intermittentes rend indispensable un investissement massif dans le renforcement du réseau électrique ainsi que dans la mise au point d’un bouquet de flexibilité efficace.
Enfin, la diminution de notre empreinte carbone passe aussi la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Ainsi, nous conduirons nos partenaires à décarboner leur production.
* : Mesure prioritaire
De quelle(s) position(s) vous sentez-vous le plus proche ?
o L’urgence est d’assurer l’augmentation des besoins en électricité bas-carbone au moindre coût
o ✅Développer de manière très volontariste les énergies renouvelables et l’efficience énergétique afin de sortir au plus tôt du nucléaire
o Développer de manière très volontariste les énergies renouvelables et l’efficience énergétique afin de sortir au plus tôt du nucléaire, mais cela ne suffira pas et il faudra restreindre fortement notre consommation
o Développer de manière très volontariste les énergies renouvelables et l’efficience énergétique afin de sortir au plus tôt du nucléaire, mais cela ne suffira pas et il faudra accepter de recourir largement au gaz, la moins polluante des énergies fossiles, pendant les périodes d’intermittence (manque de vent et de soleil)
o Développer de manière très volontariste les énergies renouvelables et l’efficience énergétique, mais cela ne suffira pas et il faudra conserver une part substantielle d’énergie nucléaire pour éviter le recours aux énergies fossiles, l’envolée des prix et la précarité énergétique
o Investir dans le nucléaire (tout en développant les énergies renouvelables), car c’est une énergie décarbonée et pilotable en fonction de la demande qui permet aux ménages et aux entreprises de bénéficier d’énergie à un prix abordable et peut contribuer à nos exportations
o Investir dans l’adaptation au changement, puisque nous ne maîtrisons pas ce que feront les autres pays
Commentaire : Notre programme énergétique vise à atteindre la neutralité carbone en 2050 en s’appuyant simultanément sur l’efficacité énergétique et la chasse aux consommations inutiles en promouvant la sobriété. Une électrification forte de nos consommations sera nécessaire et nous développerons pour cela un mix électrique 100% renouvelable en sortant du nucléaire à l’horizon 2050 en suivant le scénario RTE M0.
Technologies critiques pour notre indépendance
Pensez-vous qu’il faille développer un « cloud » européen pour que nos données personnelles et celles de nos entreprises ne puissent pas risquer d’être utilisées par des acteurs étrangers ?
L’Avenir en Commun propose de garantir l’hébergement des données des services publics français et des entreprises essentielles sur des serveurs de droit français situés en France.
En effet, le secteur du cloud en France est aujourd’hui dominé par une poignée d’entreprises, principalement américaines. Au-delà de la dépendance technologique, la sécurité des données est en cause en raison de l’extra-territorialité du droit américain.
La réponse doit être nationale, puis européenne. Ainsi, le développement d’un “cloud” européen, comme le projet Gaia-X, est intéressant même si nous souhaitons aller plus loin que celui-ci, en permettant au moins d’avoir une partie entièrement (physiquement et du point de vue légal) française. De plus, nous souhaitons une indépendance totale par rapport aux grandes entreprises non européennes (GAFAM et autres géants du numérique). Il faut imaginer d’autres formes de coopérations européennes qui garantissent la souveraineté numérique. Si cela n’est pas possible, nous nous attellerons à créer un cloud entièrement français.
Enfin, le logiciel est un enjeu majeur du cloud. Il doit être maîtrisé à tous les niveaux : infrastructure, plateformes, services. Le logiciel libre doit prendre une place centrale. Nous créerons une agence publique des logiciels libres, et généraliserons l’usage des logiciels libres dans les administrations publiques et l’Education nationale.
On dit souvent que la prochaine « pandémie » sera liée à un virus informatique. Quelles mesures pensez-vous prendre pour réduire la vulnérabilité des ménages français et des entreprises et assurer leur cybersécurité ?
Le risque cyber est régulièrement mis en avant comme risque majeur par le World Economic Forum (WEF) [source]. L’Avenir en commun comporte diverses propositions pour y répondre. Tout d’abord, nous constitutionnaliserons le droit au chiffrement des données et des communications. Dans l’administration et les services publics, nous généraliserons l’usage des logiciels libres, gages d’une meilleure sécurité. En matière de cyberdéfense, nous reprendrons les propositions du rapport Lachaud : recouvrer une souveraineté numérique, renforcer la résilience des acteurs nationaux, consolider une base industrielle et technique, élever la ressource humaine cyber et construire des conditions de cybersécurité collective. Enfin, les ruptures technologiques en matière d’espace et d’attaques cyber appellent un effort diplomatique particulier en faveur d’un droit international cyber.
Pensez-vous qu’il faille se garantir l’accès à certaines technologies ou à certains équipements ? Lesquels ? Faut-il le faire au niveau français ou européen ?
L’Avenir en commun propose une autonomie stratégique dans certaines filières afin de garantir l’indépendance de la France comme garantie de notre propre liberté en tant que peuple.
Tout d’abord, l’autonomie passe par notre capacité à garder les meilleurs cerveaux en France, afin de créer les conditions nécessaires à la maîtrise des technologies cruciales. Pour cela, nous proposons de :
- Bâtir un statut protecteur pour les jeunes chercheurs en titularisant tous les précaires et en proposant le recrutement de 30000 personnels.
- Revaloriser les métiers de la recherche avec une hausse de 15% des salaires et des crédits récurrents à la hauteur des enjeux.
- Renforcer les grands instituts publics de recherche (CNRS, Inserm, INRAE).
Nous participerons à l’émergence de revues scientifiques francophones en accès libre.
Nous créerons une Agence pour les relocalisations dépendant du Conseil à la planification écologique, chargée de recenser les secteurs industriels indispensables à la souveraineté nationale et à la bifurcation écologique, et d’établir un plan de relocalisation pour chaque filière ou production stratégique identifiée.
Notre programme met un accent particulier sur la souveraineté numérique en proposant une maîtrise publique et démocratique d’Internet. Nous passerons sous contrôle public les infrastructures du numérique et des télécommunications essentielles. Nous créerons une agence publique des logiciels libres chargée de planifier leur développement stratégique domaine par domaine, en identifiant les manques et en finançant les projets clés. Comme indiqué en B1, la maîtrise de nos données est primordiale, afin d’assurer la souveraineté sur nos données, notamment dans le domaine médical. Une industrie française de construction de microprocesseurs sera établie. Enfin, nous créerons la mission nationale de maîtrise de l’intelligence artificielle afin de développer une expertise nationale forte sur cet enjeu crucial.
L’Avenir en commun prévoit un plan de reconstruction industrielle, en s’attelant en particulier à développer les filières indispensables dans les domaines stratégiques (semi-conducteurs, médicaments, etc.) et pour soutenir la bifurcation écologique (recyclage des batteries, aciers nécessaires aux énergies renouvelables, aluminium, etc.).
Dans le domaine de la santé, nous créerons un pôle public du médicament qui devra assurer une relocalisation de la production de médicaments et garantir l’approvisionnement d’une réserve stratégique.
Lesquelles de ces technologies et équipements vous semblent justifier un financement public prioritaire ?
o Les routeurs et autres équipements des réseaux de communications fixes et mobiles
o ✅Les centres de données
o ✅Les satellites et l’accès à l’espace*
o La maîtrise des technologies d’intelligence artificielle, d’apprentissage automatique (machine learning) et d’exploitation des données massives (big data)
o Le calcul à haute performance (supercalculateurs)
o Les capteurs et ordinateurs quantiques
o ✅Les semi-conducteurs (dont la pénurie a fortement perturbé l’industrie automobile)
o ✅Les panneaux photovoltaïques
o Les nouveaux réacteurs nucléaires (SMR, surgénérateurs)
o ✅Les matériaux nécessaires aux transitions énergétiques et numériques*
o Les biotechnologies
o Le génie génétique
o ✅La fabrication en France ou en Europe des principes actifs des médicaments critiques*
o Les véhicules électriques et leurs équipements clef (batteries, moteurs…)
o Autres ?
o Aucune de ces technologies : laissons l’initiative aux entreprises qui savent mieux identifier les besoins et développer des solutions que les pouvoirs publics !
Commentaire (indiquez les trois mesures prioritaires parmi celles que vous avez sélectionnées) :
- Les satellites et l’accès à l’espace
L’espace ne doit pas être abandonné aux marchands, ni être militarisé par les grandes puissances. Dès lors, diverses mesures s’imposent qui nécessiteront des financements publics. Nous reviendrons sur la privatisation d’Arianespace et protégerons la filière de lancement de satellites. Nous renforcerons les moyens du Centre national d’études spatiales (Cnes). Nous doterons enfin la France des moyens de neutralisation des actions hostiles menées contre elle depuis l’espace. Par ailleurs, nous proposerons un nouveau traité international de non-appropriation des ressources spatiales et de démilitarisation de l’espace.
- Les matériaux nécessaires aux transitions énergétiques et numériques
Le plan de reconstruction industrielle mettra fin à la dépendance de la France dans des domaines stratégiques, notamment les semi-conducteurs, et soutiendra la bifurcation écologique : recyclage des batteries, les aciers nécessaires aux énergies renouvelables, production d’aluminium, etc. À l’international, nous défendrons la gestion des pôles Arctique et Antarctique comme des biens communs de l’humanité, protégés du pillage de leurs ressources sous-marines tels les minerais ou les hydrocarbures.
- La fabrication en France ou en Europe des principes actifs des médicaments critiques
La récente crise sanitaire a soulevé de manière brutale l’enjeu d’être indépendant pour certains médicaments et équipements de base. Cette souveraineté en matière sanitaire passera aussi par un développement des capacités à fabriquer nous-mêmes les principes actifs des médicaments critiques au sein d’un pôle public du médicament. Nous interdirons le dépôt de brevets sur les médicaments et les équipements nécessaires à une réponse sanitaire urgente, et rendrons obligatoire le partage de connaissances en vue d’une production massive et équitablement répartie des biens médicaux de première nécessité.
* : Mesure prioritaire
Beaucoup d’innovations françaises sont valorisées par des groupes étrangers car nos start ups ont du mal à trouver en France des financements leur permettant de se développer à grande échelle. Pensez-vous qu’il s’agit d’un problème important et si oui que proposez-vous pour le pallier ?
Nous sommes conscients des difficultés que peuvent rencontrer les TPE et PME pour trouver des financements. En l’état actuel des choses, le système fiscal favorise les grandes entreprises et le versement de dividendes aux actionnaires. Dans le cadre de la bifurcation écologique, nous nous poserons en véritable Etat stratège de la planification, en investissant massivement dans les programmes de recherche et dans un plan de relocalisation industrielle. De plus, nous proposons la création d’un pôle public bancaire dans le but de favoriser l’accès à l’emprunt aux TPE PME . Nous modifierons l’impôt sur les sociétés en le rendant progressif et en l’appuyant sur les bénéfices plutôt que le chiffre d’affaires. De plus, nous créerons une caisse de péréquation inter entreprise qui mutualisera la contribution sociale, les grands groupes cotisant au profit des petits établissements.
Place de la technologie dans l’enseignement et la formation
La France manque de décideurs maîtrisant les enjeux de la technologie : est-ce votre avis ? est-ce un problème important ? et si oui comment pensez-vous y remédier ?
Longtemps, seuls les parcours littéraires étaient valorisés dans l’espace public. Désormais, la culture scientifique constitue la voie royale dans l’enseignement supérieur, mais demeure à la porte du monde politique. En outre, elle est souvent largement abstraite et déconnectée des processus technologiques effectifs. Aucune de ces situations n’est glorieuse : il faut diversifier au maximum les connaissances du personnel politique et administratif du pays, ce qui implique aujourd’hui effectivement d’élever les qualifications technologiques.
Cette culture doit être une partie intégrante de la culture commune, et considérée comme ayant la même dignité que les autres formes de culture. D’ailleurs, elle va avec : toute manipulation d’une machine pose des questions philosophiques cruciales quant à ses effets et sa fonction ; à l’inverse, toute réflexion philosophique peut déboucher sur des résultats pratiques et de nouveaux outils. Nous proposons donc de renforcer la culture manuelle et technique en proposant à tous les niveaux du système scolaire un enseignement polytechnique associant théorie et pratique.
Le doctorat est un moment d’acquisition des savoirs scientifiques et de connaissances des communautés qui le produisent. Nous proposons que le doctorat soit reconnu dans les conventions collectives, que les financements soient augmentés, la propriété intellectuelle garantie (notamment en situation de CIFRE) que plus de docteurs soient recrutés dans la haute fonction publique.
L’enseignement des technologies n’est pas une priorité dans notre système éducatif : faut il changer cela, et si oui comment ?
Les filières de l’enseignement professionnel et technologique ont été dévastées par les précédentes réformes alors qu’elles sont indispensables à l’élévation du niveau de qualification nécessaire à la bifurcation écologique. Nous en ferons des voies d’excellence en rétablissant le bac professionnel en 4 ans et le CAP en 3 ans et en refondant la voie technologique afin d’offrir une palette diversifiée de spécialisations de haut niveau.
Nous créerons des centres polytechniques professionnels intégrant lycée et enseignement supérieur.
Nous augmenterons la capacité d’accueil de la voie professionnelle et agricole en créant 8 000 places supplémentaires dans les lycées professionnels, en construisant des lycées dotés d’équipements de qualité, en augmentant les moyens humains et matériels des lycées agricoles, en ouvrant des lycées maritimes dans tous les départements du littoral.
Pour faciliter la scolarité des lycéens de la voie professionnelle et la rendre attractive, nous proposeront une garantie d’autonomie au-dessus du seuil de pauvreté (1063 euros pour une personne seule détachée du foyer fiscal de ses parents) et en ouvrant des places d’internat gratuites pour les lycéens de la voie professionnelle.
Enfin, nous encouragerons le développement des Centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) afin d’accroître le partage des connaissances avec les citoyens et citoyennes.
Les mathématiques sont essentielles pour la technologie et pour un nombre croissant d’activités humaines : comment proposez-vous de remédier à la baisse observée du niveau des élèves ?
Les mathématiques constituent un langage conceptuel, qui matérialise des processus et des structures. Leur forme la plus raffinée est intégrée à un vaste panel de matériaux ou de procédés, tandis que leur forme la plus ordinaire est mobilisée au quotidien par des milliards de personnes qui tentent d’appréhender le profit de leur entreprise ou la hausse de salaire qu’ils peuvent exiger.
Les mathématiques sont donc indispensables à la formation intellectuelle et leur enseignement a été particulièrement mis à mal par la réforme du lycée général : aujourd’hui, seule une faible part des élèves poursuivent cet enseignement au-delà de la Seconde. Nous reviendrons sur cette réforme en proposant une organisation du lycée qui n’oblige pas les élèves à renoncer à des enseignements indispensables.
C’est aussi le métier d’enseignant qui doit être plus attractif afin de mettre fin à la crise du recrutement qui touche particulièrement les mathématiques ; pour cela, nous mettrons en place un pré-recrutement et nous revaloriserons les salaires.
Que proposez-vous pour attirer plus de femmes vers les filières scientifiques et technologiques ?
Les filles doivent se sentir légitimes à poursuivre les études de leur choix. Pour cela, il faut lutter contre les stéréotypes et les discriminations. Cela passe par des programmes scolaires qui mettent davantage en avant la place que les femmes ont occupée dans les découvertes scientifiques et dans les techniques, en ayant souvent un rôle important mais qui a largement été invisibilisé.
Il faut aussi développer les réseaux des centres d’information et d’orientation, en s’appuyant sur l’expertise des Psy-EN, qui peuvent accompagner les filles pour qu’elles aient des perspectives et des aspirations plus larges.
Le formation des enseignants doit par ailleurs intégrer une solide formation à la lutte contre les discriminations et à la sociologie de l’éducation, notamment les travaux qui traitent des différences de scolarité des filles et des garçons ; cette formation est indispensable pour que les pratiques ne renforcent pas les stéréotypes mais au contraire permettent de les déconstruire.
Place de la technologie dans la société
Les enquêtes de l’Académie des technologies montrent que les Français sont de plus en plus méfiants vis-à-vis des technologies et des experts : est-ce un problème important ? et si oui comment pensez-vous y remédier ?
Oui la méfiance des citoyens vis-à-vis des institutions scientifiques et des nouvelles technologies est un problème important. Nous souhaitons traiter ce problème à la racine. Une première cause est que ces nouvelles technologies sont souvent développées non pas pour le bien commun, mais pour augmenter les profits des multinationales. C’est le cas des OGMs qui ont surtout permis la marchandisation du vivant. La seconde cause est que les scientifiques qui ont travaillé sur ces technologies ont de plus en plus de conflits d’intérêt économique avec les entreprises qui font du profit avec. C’est le cas de l’industrie pharmaceutique et de nombreux médecins.
La planification écologique que nous mettrons en place induira des recherches finalisées et la production de nouvelles technologies ayant pour but la préservation des écosystèmes et la justice sociale et non la maximisation du profit de quelques grands groupes. La création de pôles publics de l’énergie et du médicament redonnera confiance aux citoyens quant aux objectifs des nouvelles technologies développées.
Pour garantir l’indépendance des scientifiques, nous recruterons massivement des fonctionnaires (un plan pluriannuelle de 30 000 emplois) dont le statut garantit leur indépendances vis-à-vis de tous les lobbys et pouvoirs politiques ou économiques. Nous limiterons aussi l’intervention directe des entreprises dans les Conseils d’Administration des universités ou des EPSTs
Que pensez-vous du principe de précaution, selon lequel « l’éventualité d’un dommage susceptible d’affecter la santé ou l’environnement de manière grave et irréversible appelle, malgré l’absence de certitudes scientifiques sur les risques encourus, la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et l’adoption de mesures provisoires et proportionnées au dommage envisagé ? Faut-il le reformuler, en restreindre ou en élargir l’usage ?
Nous voyons bien avec notamment le scandale du prion à l’INRAE où deux salariés sont morts de la maladie de Creutzfeldt-Jakob suite à des problèmes de manipulation en laboratoire, que la question du principe de précaution est toujours d’actualité. Il ne faut pas néanmoins que ce principe soit trop largement étendu. Souvent on a pas de certitudes scientifiques définitives, mais si on applique le principe c’est qu’on a des doutes. La meilleure solution est donc de mener des recherches pour lever ces doutes. L’existence du principe de précaution, tel qu’il est formulé, est donc un bon moyen pour stimuler les recherches sur le sujet.
En présence d’une pandémie, lorsqu’on dispose d’un vaccin ne semblant pas présenter de risque notable et capable de limiter fortement la circulation de l’agent infectieux et sa dangerosité pour les personnes vaccinées, pensez-vous qu’il faille :
o Rendre la vaccination obligatoire, afin de préserver le système de santé et l’accès aux soins de la population, y compris de ceux qui souffrent d’autres pathologies ?
o Laisser à chacun la liberté de choix, mais imposer de sévères restrictions à la possibilité pour les non-vaccinés de fréquenter des lieux où ils peuvent s’infecter et infecter les autres ?
o Laisser à chacun la liberté de choix, mais n’accepter les non-vaccinés dans le système de soins que lorsque les malades vaccinés souffrant d’autres pathologies ont été traités en priorité ?
o ✅Redimensionner, quoi qu’il en coûte, l’offre de soin pour accueillir tout le monde sans négliger les pathologies ordinaires en situation de crise ?
o Autre
Commentaire : Nous savons depuis longtemps que la consommation de tabac induit des risques de cancers notamment du poumon. Nous n’avons jamais refusé des patients atteints de ces cancers dans les hôpitaux au prétexte qu’ils prendraient la place d’autres patients non fumeurs. Ce débat induit par l’austérité budgétaire et la fermeture des lits d’hôpitaux est obscène et amoral.
Face aux risques de pandémie, il faut une stratégie d’ensemble qui vise à (1) réduire les risques en évitant l’élevage intensif et la déforestation, deux sources des zoonoses, (2) diminuer la propagation du virus avec des gestes barrières et une société du roulement qui minimise les contacts, (3) produire et diffuser massivement les vaccins et traitements passés sous licence d’office et inciter à la vaccination par des campagnes d’explication, (4) augmenter l’offre de soins avec des plus de lits d’hôpitaux et des centre de santé pluridisciplinaires publics. L’existence d’un pôle public du médicament permettrait de mettre en œuvre ces politiques et de recouvrer la confiance des citoyens dans les médicaments et les vaccins.
Les technologies soulèvent des questions éthiques. Quelles sont celles qui vous préoccupent le plus ? Comment proposez-vous de les traiter ? Faut-il interdire certaines recherches ? Dans quels domaines ?
Globalement, la recherche fondamentale doit pouvoir assez largement se déployer exceptée dans les domaines où des principes éthiques forts sont en jeu, par exemple quand le vivant est manipulé (transhumanisme, souffrance animale…). Par contre, il faut maintenir le principe de précaution et éviter des transferts trop rapides des technologies avant que la recherche finalisée ait pu évaluer leur innocuité.
La méthode des plantes « éditées » qui est proche des OGMs posent des problèmes similaires aux OGM quant à la marchandisation du vivant. Le génome est modifié sans insertion d’éléments étranger, notamment en utilisant la technologie CRISPR-Cas9. Heureusement, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a décidé en 2018 de ranger les plantes « éditées » dans la catégorie des OGM, ce qui limite le risque de leur usage pour marchandiser le vivant. Mais de nombreux lobbys tentent de revenir là dessus.
Y a-t-il un point qui vous a semblé trop négligé dans ce questionnaire et que vous souhaiteriez aborder ?
Non