Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Comment relancer la production de logement, notamment social ? Comment inciter les maires à se joindre à l’effort, après la suppression de la taxe d’habitation ?

Face à l’ampleur de la crise du logement, l’État doit organiser la mobilisation collective. Cela suppose d’abord de sa part un effort budgétaire massif. Nous fixons l’objectif de produire 200 000 nouveaux logements réellement sociaux (PLUS et PLAI) par an aux normes écologiques les plus ambitieuses, en augmentant les aides à la pierre. Cela représente un investissement de 15 milliards de l’État sur le mandat. Nous construirons également 15 000 logements étudiants par an, avec 3 milliards sur le quinquennat, ainsi que 20 000 logements en pension de famille par an. 

Cet effort financier important, ainsi que le rétablissement des moyens supprimés au bailleur, permettra aux bailleurs et communes de s’inscrire dans ce grand chantier d’intérêt national. Les préfets travailleront avec les communes et les bailleurs à la déclinaison par territoire de ce plan. 

Parallèlement, nous veillerons à l’application stricte de l’article 50 de la loi SRU et porteront l’objectif de 25 à 30 % de logements sociaux en zone tendue. Nous avons déjà déposé une proposition de loi « tendant à rendre effectif le droit au logement » dans ce sens : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2601_proposition-loi 

Envisagez-vous de simplifier les règles et normes qui régissent le secteur de la construction, et si oui de quelle manière ? Êtes-vous favorable à un moratoire sur les nouvelles règles dans le BTP ?

La première des responsabilités de tous les intervenants d’un chantier de construction est de le mener à bien sans désordre. Simplifier les règles ou normes ne réduira pas la complexité de la réalité des chantiers. De même, un moratoire sur de nouvelles règles serait dramatique et ne ferait qu’empêcher l’innovation. Il est important que des règles utiles et reconnues efficaces soient maintenues et que le secteur travaille à leur amélioration. 

En construction, « rien n’est interdit mais rien n’est permis ». Puisque les projets de construction sont tous financés par des crédits octroyés par des banques, celles-ci imposent que les constructions soient assurées en conséquence. Les assureurs imposent donc que seules des techniques jugées « courantes » soient mises en œuvre pour limiter leur risque. Libérer la construction de cette emprise des banques et des assurances permettra de développer et démocratiser les techniques d’écoconstruction : bois massif, terre crue, paille & fibres végétales.

De même, il faut mener les normes vers une obligation de résultats et non de moyens car cela responsabilise les artisans et favorise leur engagement et la passation des techniques et savoir-faire. Il faut également libérer les processus de normalisation des lobbys qui empêchent la normalisation des biosourcés.

La loi Climat et résilience a fixé le Zéro artificialisation nette comme principe à l’horizon 2050. Etes-vous pour ou contre ce principe et celui de la réduction par deux du rythme d’artificialisation dans les dix prochaines années ?

La « règle verte » est un principe central de notre programme, l’Avenir en commun. Elle impose de ne pas prélever ou produire davantage que ce que notre planète peut elle-même régénérer ou absorber. Elle commande de retrouver raison dans nos gestes urbains. Pour cela, notre politique sera celle de la zéro artificialisation nette, de la revalorisation des centre-ville et de la rénovation des villes en utilisant au mieux l’existant. 

L’adaptation climatique doit être planifiée : pour changer vite et garantir la réalisation de nos objectifs climatiques, essentiels pour toute l’humanité, il ne suffit pas de s’en remettre à la magie du marché. Il faut une mobilisation collective, et un État stratège qui impulse la dynamique. Il doit par exemple impulser la structuration et le développement de la filière de l’écoconstruction et des matériaux bioclimatiques, adapter dès maintenant les formations initiales et augmenter leur capacité d’accueil pour qualifier les centaines de milliers de travailleurs et travailleuses nécessaires, accompagner et former les architectes, les AMO, les artisans, les ouvriers actuels. Nous avons besoin pour cela d’instaurer un véritable protectionnisme écologique, quitte à désobéir aux règles européennes absurdes en la matière. 

Faut-il arrêter toute construction de zone commerciale en périphérie des villes ?

L’urbanisme commercial du XXe siècle a causé d’innombrables dégâts : destruction du commerce de centre-ville et centre-bourg, aggravation de la dépendance des communes rurales aux centres régionaux, asservissement de la vie culturelle aux activités commerciales qui y sont proposées. Nous vivons dans la « banlieue totale » dénoncée par Bernard Charbonneau, la conséquence immédiate d’avoir laissé l’aménagement du territoire au marché. 

Il faut arrêter la construction de zones commerciales en périphérie des villes. La plupart se vident et tombent en partie en ruine. Ce modèle est obsolète. Ces surfaces commerciales ne créent pas plus de consommation des ménages et détruisent des emplois de proximité.

En relocalisant notre économie avec un protectionnisme écologique, en créant des emplois non délocalisables, par exemple avec la bifurcation écologique de l’agriculture, en rétablissant le maillage des services publics, en rouvrant les lignes ferroviaires et gares du quotidien et en pénalisant le commerce numérique international, nous redynamiserons les bourgs et villages qui ont été abandonnés par les logiques actuelles.

Comptez-vous créer un grand ministère du Logement rassemblant la construction, la politique de la ville, l’architecture, la réglementation de l’existant (copropriétés, agents immobiliers) ?

L’architecture du gouvernement de l’Union populaire reflétera nos grandes priorités politiques, à l’image du ministère de la Production alimentaire. Incontestablement, mettre fin à la crise actuelle du logement en fait partie. 

Nous créerons un commissariat à l’aménagement, rattaché à ce ministère, conseillant et orientant les aménagements et l’urbanisme, dans le cadre de la planification écologique. Ce commissariat sera doté de capacités financières pour orienter les opérations en particulier en matière foncière en complément des établissements publics fonciers. Le commissariat et les établissements fonciers créeront des réserves et dissocieront le sol du bâti pour limiter la spéculation.

Comment voyez-vous le rôle des architectes dans le secteur de la construction et de la rénovation ? Qu’attendez-vous d’eux ?

Le corps des architectes a cela de particulier que sa déontologie lui commande de penser et d’agir en-dehors et au-delà des règles dès lors qu’il le considère nécessaire aux fins d’habiter mieux et plus écologique. Les architectes proposent au fil de leurs projets une infinie diversité de réponses à la même question fondamentale, qui sous-tend à chaque commande : habiter le monde et la société. Nous attendons d’eux un habitat de qualité pour l’usage des habitants et un urbanisme du bien vivre ensemble.

Nous attendons des architectes qu’ils se forment et qu’ils participent à la formation des entreprises du bâtiment à la construction et la rénovation écologique, en bannissant la greentech complexe. 

RENOVATION ÉNERGÉTIQUE

Le plan France Rénov lancé par le Gouvernement sera-t-il suffisant pour atteindre les objectifs de rénovation énergétique du parc de logements français ? Comptez-vous augmenter le budget de MaPrimerénov’, et/ou diminuer le taux de TVA sur les travaux de rénovation énergétique pour augmenter le nombre de rénovations ?

Le plan du gouvernement Macron est globalement très insuffisant au regard des objectifs pris à la suite de la COP 21. En effet, MaPrimRénov’ a conduit jusqu’à présent à un nombre insuffisant d’opérations et pour des améliorations partielles de l’efficacité énergétique, pour l’un la chaudière, pour l’autre les fenêtres, etc.

Nous engagerons une politique de rénovation énergétique globale des bâtiments à hauteur de 700 000 logements réhabilités. C’est une dépense estimée à 31 milliards d’euros dans notre plan d’investissements écologiques, avec un taux moyen de soutien public de 70 %, et allant jusqu’à 100 % pour les ménages les plus modestes. Ces rénovations seront des rénovations complètes, en donnant la priorité aux passoires thermiques et aux logements chauffés au gaz et au fioul. L’objectif est d’arriver à une rénovation complète du parc d’ici 2050.

Pour les propriétaires individuels, un guichet unique sera créé, englobant le montage technique et financier. Le prêt à taux zéro sera pérennisé pour tous et les opérations de rénovation seront subventionnées pour que les propriétaires aient un reste à charge zéro (sous critères de revenu).

Comptez-vous retoucher le calendrier d’interdiction à la location des logements mal isolés contenu dans la loi « Climat et résilience » ?

Oui, nous rendrons obligatoire l’obtention d’un niveau A ou B pour les logements privés avant 2050 et 2035 pour le parc public.

TRANSPORTS/COLLECTIVITES

Comment envisagez-vous d’accompagner le développement des métropoles ? Des villes moyennes ? Des territoires ruraux ? Quelle est votre vision de la cohésion des territoires ?

L’équilibre écologique est rompu, tant pour la ruralité que pour les villes. La disparition des terres sauvages, le grignotage à un rythme effréné des terres agricoles et l’épuisement des ressources menacent à la fois notre résilience climatique et notre résilience alimentaire. L’artificialisation du territoire par la construction et l’anthropisation de tous les milieux doivent cesser. Celà fait partie de l’application de la règle verte précédemment mentionnée : ne pas imposer au milieu terrestre plus qu’il ne peut contribuer à notre subsistance. 

Il convient de rompre avec la logique actuelle d’aménagement du territoire qui donne tout aux villes et vide les campagnes et les villages. En relocalisant notre économie avec le protectionnisme écologique, en créant des emplois non délocalisables, par exemple avec la bifurcation écologique de l’agriculture, en rétablissant le maillage des services publics, en rouvrant les lignes ferroviaires et gares du quotidien et en pénalisant le commerce numérique international, nous redynamiserons les bourgs et villages qui ont été abandonnés par les logiques actuelles.

Comment soutenir les investissements des collectivités locales ? Envisagez-vous une politique globale ou territorialisée ?

Le Conseil à la planification écologique assurera le caractère démocratique du processus de planification. La planification écologique doit en effet émaner des Français et des Françaises : c’est cette irruption citoyenne dans les débats qui permet de réfléchir ensemble et de définir collectivement les besoins.

Les communes en sont le premier échelon : à travers l’histoire de notre République, elles ont toujours tenu ce rôle de cellule de base de notre démocratie. C’est elles qui doivent constituer le premier lieu de l’irruption citoyenne. Elles seront associées aux deux bouts de la chaîne : de l’élaboration du plan, puisqu’elles organiseront les consultations citoyennes pour faire émerger les besoins et les priorités ; à la mise en œuvre effective des investissements climatiques.

La planification écologique conduira à des lois de planification incluant, secteur par secteur, les objectifs, les échéances et la programmation budgétaire. Un plan de 200 milliards d’euros sur le mandat sera consacré à la bifurcation écologique. Une partie importante de ces 200 milliards sera à la main des communes, qui en décideront en lien avec les préfets.

Comment financeriez-vous les investissements (dette, fiscalité, recours à des cofinancements avec le privé, sollicitations de fonds européens) ?

Nous avons détaillé le chiffrage de notre programme dans une émission dédiée

Le financement sera fait à la fois par l’impôt et l’emprunt. 

L’emprunt permet un investissement pour la population et l’économie (relocalisation, bifurcation écologique entre autres). Cet investissement porte une production et un bien être futur. L’argent mis sur la table par le “quoi qu’il en coûte” pendant la pandémie montre que l’on peut mobiliser des sommes très importantes. La BPI sera dotée d’une licence bancaire lui permettant de faire appel à des crédits de la BCE.

L’impôt retrouvera son rôle de redistribution vers le bien commun : arrêt de l’évasion fiscale des individus par l’impôt universel, lutte contre les paradis fiscaux y compris européens, imposition des multinationales à hauteur de leur activité réellement effectuée en France, rétablissement de l’ISF et suppression de la flat tax, etc.

De même, la hausse des minimas sociaux, du SMIC et des autres salaires créeront d’importantes recettes fiscales car les ménages modestes et les classes moyennes consomment rapidement ce qu’ils reçoivent. 

En matière d’infrastructures, souhaitez-vous poursuivre, voire faciliter et sécuriser, la réalisation de grands projets neufs ? Et quelle politique mettriez-vous en place pour remédier au sous-investissement dans les infrastructures existantes, dans leur entretien et leur modernisation (réseau routier, ferré, canalisations…) ?

Infrastructures, services publics, fleurons industriels ou technologiques, industries de souveraineté : combien de privatisations à vil prix, de partenariats abusifs, d’ouvriers au savoir-faire inestimable jetés dans la précarité ? Ces biens publics nous appartiennent à tous. Pour l’intérêt général, ils doivent être protégés par la loi. 

Nous engagerons un plan global de 200 milliards pour la bifurcation écologique, qui passera notamment par :

Ce plan aura un volet dédié à l’adaptation au changement climatique, en particulier :

Tous les projets ne se valent pas : des milliards d’euros sont engagés pour des grands projets inutiles et imposés alors que les financements pourraient être plus utiles ailleurs. 

Ainsi, nous réévaluerons certains projets pour mieux servir l’intérêt général. En matière de transports, par exemple, nous mettrons fin au projet du CDG-Express, une concession privée pour un train de riches à l’efficacité douteuse, nous abandonnerons définitivement le projet de terminal T4 à Roissy CDG, nous sommes pour l’arrêt de la construction des tunnels de Lyon à Turin, nous élaborerons un plan complet pour les lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) dont la construction ne doit pas se faire au détriment de la rénovation des lignes classiques parallèles. Nous réaliserons un audit pour évaluer le champ de pertinence des LGV Bordeaux-Toulouse et frontière espagnole, leur coût et leur financement par l’État.

ENERGIE

Quelle place souhaitez-vous accorder au nucléaire dans le mix énergétique ? Êtes-vous globalement favorable à cette source d’énergie ? Faut-il développer le parc de centrales et mieux entretenir l’existant ? Faut-il aller au bout du projet Iter ?

Le « tout nucléaire » est une impasse : minerai importé, fragilité technologique, risques d’accident, problème des déchets… Cette source d’énergie doit donc être abandonnée. Il sera mis un terme aux projets d’EPR et au projet CIGEO d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Pour autant, le parc nucléaire ne pourra fermer du jour au lendemain. Celui-ci doit être exploité dans des conditions optimales de sécurité jusqu’à la fermeture des centrales, ce qui implique notamment la limitation stricte du recours à la sous-traitance pour les activités ne pouvant être ré-internalisées. 

L’ensemble des travailleurs de la filière – y compris les sous-traitants – seront assuré·es de conserver leur emploi, avec un statut équivalent à celui des employés d’EDF, dans l’objectif d’assurer un haut niveau de compétence dans le démantèlement des centrales. Les ressources des communes qui en dépendent seront également maintenues. Enfin, pour permettre un débat public éclairé, les données sur l’enfouissement des déchets nucléaires depuis soixante ans seront rendues publiques afin d’informer sur les dangers sanitaires avérés ou éventuels.

Des scénarios montrent qu’une production de 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 est possible. C’est le cas du scénario négaWatt 2022 pour l’ensemble du secteur énergétique, incluant le remplacement des énergies fossiles actuellement utilisées dans différents secteurs par des énergies renouvelables. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) propose également un mix 100 % renouvelable pour le secteur électrique à horizon 2050. C’est également le cas de l’un des scénarios évalués par RTE.

Ces stratégies menant à une véritable bifurcation énergétique peuvent être déployées rapidement, dès lors qu’elles sont portées par une détermination politique. L’Avenir en commun affirme sa volonté de réaliser la nécessaire et urgente bifurcation énergétique et de s’en donner pleinement les moyens.

Comment voyez-vous le développement des énergies renouvelables, et vers laquelle d’entre elles pensez-vous qu’il faut investir en priorité (éolien terre/mer, photovoltaïque, biogaz…) ? Souhaitez-vous retoucher la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour réviser les objectifs de mix énergétique ?

Nous relèverons les ambitions climatiques de la France avec pour objectif une baisse de 65% des émissions en 2030 (au lieu de 40 % actuellement) et rendrons public un bilan annuel.

Dans le secteur de l’énergie, la sortie des énergies fossiles et du nucléaire sera rendue possible à horizon 2050 par plusieurs leviers, détaillés par le scénario négaWatt :

Atteindre le 100 % renouvelable est possible. Nous avons le potentiel et les compétences pour le faire. Planifier leur montée en puissance est la condition pour sortir du nucléaire et rompre avec la dépendance aux énergies fossiles. 

Des milliers d’emplois sont à la clé de cette bifurcation. Une étude de l’Ademe évalue le potentiel d’emplois créés à près d’un million. De son côté, l’économie de la mer, incluant le développement des énergies marines renouvelables, pourrait générer près de 600 000 emplois supplémentaires d’ici 2030. En effet, la France possède le deuxième domaine maritime mondial. Les énergies marines renouvelables sont donc une filière d’avenir, notamment pour assurer l’autonomie énergétique des Outre-mer. Les formations et les filières industrielles devront être structurées en conséquence. 

Le développement industriel sera assuré par la nationalisation de la branche énergies marines d’Alstom cédée à General Electric et la nationalisation de la branche éolienne offshore (au large des côtes) d’Areva cédée à Siemens. Des lycées de la mer seront implantés dans chaque département maritime. L’innovation est également clé. En effet, certaines technologies nécessitent d’investir dans la recherche et le développement pour devenir parfaitement matures. C’est notamment le cas de l’énergie thermique des mers ou houlomotrice. D’autres énergies doivent également être développées, telles l’hydroélectricité, la géothermie ou encore des carburants alternatifs tels l’hydrogène vert. 

VIE DES ENTREPRISES

Comment souhaitez-vous mieux prendre en compte la pénibilité dans certains métiers, comme ceux du BTP ?

Pour les métiers pénibles et le travail de nuit, les 32 heures deviendront immédiatement la norme. Au-delà, nous convoquerons une conférence nationale sur le partage du temps de travail et l’impact du progrès technologique.

Une forme importante de pénibilité dans le BTP, en réalité, de maltraitance des ouvriers, qui passe sous tous les radars, est leur exposition aux produits chimiques. Nous y répondrons en contribuant à ce que les matériaux écologiques deviennent la norme en construction. Nous intégrerons tous les cancérogènes reconnus par le Centre international de recherche sur le cancer dans les facteurs de maladie professionnelle et nous assurerons du suivi individuel et territorial des cancers professionnels et environnementaux (au moins 2,7 millions de salariés sont exposés à au moins un produit chimique cancérogène).

Quelle sera votre impulsion en matière d’encadrement du travail détaché (légal ou non), au vu de l’importance qu’il a prise en France, notamment dans le BTP ?

51 % du travail détaché en France a lieu dans le BTP ! Nous cesserons d’appliquer unilatéralement les normes incompatibles avec nos engagements écologiques et sociaux, telles que la directive sur le détachement des travailleurs, et améliorerons les conditions de travail des ouvriers : interdiction du travail détaché, augmentation des salaires, droit à la retraite anticipée.

Quels leviers pour améliorer l’attractivité des métiers manuels, comme ceux du BTP, dans un souhait de réindustrialisation de relocalisation, de travail des jeunes ?

La jeunesse du pays est la clé de la bifurcation écologique à opérer. D’immenses chantiers attendent les Françaises et les Français : la gestion de l’eau, le passage à 100 % d’énergies renouvelables, la souveraineté alimentaire, l’agriculture écologique et paysanne, l’isolation de tous les logements, pour ne citer qu’eux.

Il faut mettre en mouvement toutes les forces vives pour y répondre. Si l’objectif est la bifurcation écologique face au changement climatique, cela doit se traduire dans les offres de formation initiale et tout au long de la carrière : il faut créer les nouvelles filières dont nous avons besoin, adapter les filières actuelles, réfléchir partout sur la façon dont chaque métier va être modifié par ce changement profond de mode de production et de consommation.

Le gouvernement de l’Union populaire s’attellera pour cela à reconstruire le service public de l’enseignement et de la formation professionnels. Il associera les organisations syndicales des salariés et fonctionnaires, du patronat, des lycéens et des étudiants.

Notre gouvernement rétablira d’abord le cadre national des diplômes, c’est-à-dire un cadre national unique qui fixe les contenus d’enseignement correspondant à chaque diplôme. Ce contenu sera identique entre la voie scolaire et l’apprentissage et sanctionné par un examen terminal. Il prévoira des enseignements généraux et disciplinaires renforcés, permettant une qualification durable. Ces diplômes correspondront à des grades qui offrent des garanties salariales à travers les grilles de classification des conventions collectives.

Nous créerons des centres polytechniques professionnels. Ces centres associeront des formations publiques, du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au brevet de technicien supérieur (BTS) ou encore, lorsque cela est pertinent, des instituts universitaires technologiques (IUT) et licences professionnelles. Ils permettront la validation des acquis de l’expérience (VAE).

Nous rétablirons le baccalauréat professionnel en quatre ans et les CAP en trois ans, comme jusqu’en 2011 et conformément à l’extension de l’instruction obligatoire à 18 ans. 

Nous garantirons le droit à la formation pour toutes et tous, quelle que soit son origine sociale, géographique, ses moyens financiers ou son expérience scolaire.

Ce droit passera d’abord par la généralisation de la gratuité réelle : gratuité réelle de l’enseignement professionnel (équipements, matériel et fournitures compris) et gratuité des formations professionnelles publiques pour les non-diplômé·es et les personnes sans emploi notamment.

Ce droit passera aussi  par une garantie d’autonomie versée à tous les jeunes dès 18 ans, et dès 16 ans dans l’enseignement professionnel, d’un montant de 1 063 euros par mois, dès lors qu’ils sont détachés du foyer fiscal de leur parent. Cette garantie d’autonomie permettra aux jeunes de suivre leur scolarité sans devoir prendre un emploi à côté, une réalité qui aujourd’hui concerne particulièrement l’enseignement professionnel et qui est un des premiers facteurs d’échec ou d’abandon.

Dans le secteur du bâtiment, souhaitez-vous continuer à favoriser et soutenir la construction bois, comme cela a été fait durant ce dernier quinquennat ? Dans ce contexte, envisagez-vous de retoucher la réglementation environnementale 2020, qui favorise les matériaux biosourcés ?

Les annonces se sont multipliées pendant son quinquennat mais sans aucun effet concret. En 2008, le Grenelle de l’Environnement a fixé un objectif ambitieux : – 38 % de GES liés au bâtiment d’ici 2020. Échec cuisant : actuellement, le secteur du bâtiment n’a jamais été aussi émetteur en France, responsable de 30 % des émissions de GES. En octobre 2020 une note de France Stratégie l’attribue à un déficit de rénovation énergétique. L’idéal est d’atteindre le BBC (80kWh consommé par m²/an) mais la moyenne française se situe actuellement à 240, et presque 20 % des logements (5 millions) consomment plus de 330.

Il est possible de passer de 33 000 logements rénovés (bâtiment basse consommation, BBC) actuellement à près de 800 000 en 2030 par l’obligation progressive et conditionnelle, la formation, et surtout la coordination pour éviter le saupoudrage de subventions. De la sorte, la consommation du parc tertiaire pourrait baisser de 60 % d’ici 2050, générant plusieurs milliards d’euros d’économie par an (l’énergie représente une dépense globale de plus de 170 milliards d’euros).

Quelles sont vos propositions envers les grandes entreprises (impôts de production…) et envers les plus petites (statut et protection sociale des indépendants, simplification administrative…) ?

C’est avant tout le carnet de commandes, et non l’état du droit du travail ou la fiscalité qui dicte la politique d’embauches d’une entreprise. 

Pour remplir leur carnet de commandes, nous déclencherons un choc de demande aux deux bouts de la chaîne. 

D’un côté, en relançant la consommation populaire. Nous le ferons par la création d’emplois dans le secteur public, l’augmentation des salaires, le partage du temps de travail et la lutte contre la précarité. Si chacune et chacun dispose d’un revenu suffisant pour consommer ce dont il a besoin, ce sont des rentrées supplémentaires pour les entreprises. On instaure ainsi un cercle vertueux qui entraînera des créations d’emplois. 

De l’autre, en relançant l’activité par l’investissement dans la bifurcation écologique. L’État fixera une direction en planifiant la transformation de notre modèle de production. Une telle transformation impose des investissements massifs. Nous lancerons un plan de 200 milliards d’euros d’investissements écologiquement et socialement utiles, qui rempliront les carnets de commande des entreprises pour des années, leur donneront de la visibilité et leur permettront à la fois d’investir et d’embaucher.

En parallèle, nous mettrons en œuvre un protectionnisme écologique et solidaire qui protégera nos industries et PME de la concurrence déloyale due au dumping social et fiscal, de même que l’impôt universel sur les entreprises. 

Les petites entreprises ont été particulièrement mises en difficulté par la pandémie. Nous reporterons de deux ans l’échéance de remboursement des prêts garantis par l’État, pour éviter tout problème de trésorerie. Nous créerons une caisse de défaisance pour reprendre les dettes privées asphyxiantes des TPE/PME contractées pendant la pandémie.

Nous n’hésiterons pas à désobéir aux règles européennes absurdes qui interdisent de privilégier les PME locales dans les marchés publics. 

Nous rendrons progressif l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices pour rétablir l’égalité devant l’impôt entre PME et grands groupes, et le modulerons selon la part des bénéfices versée à l’investissement, pour l’encourager plutôt que les dividendes. Nous créerons une caisse de péréquation interentreprises financée grâce à un barème progressif pour mutualiser la contribution sociale entre petites et grandes entreprises

Nous créerons un pôle public bancaire, à partir de la socialisation de banques généralistes, qui permettra aux TPE notamment d’accéder au crédit sur des critères sociaux et écologiques. 

Que proposez-vous pour lutter contre les difficultés d’approvisionnement en matériaux de construction ?

L’exemple de la filière bois concentre tous les maux que nous identifions et la méthode avec laquelle nous allons y remédier. Bien que la France soit dotée du premier massif forestier d’Europe, nous sommes les premiers importateurs de produits en bois. Entre l’arbre et la chaise, toute la filière s’est écroulée sous le coup de la concurrence libre et non faussée. Rétablir cette filière nécessite de sortir du modèle du libre-échange dérégulé — ce que nous ferons via le protectionnisme écologique — et permet de créer de l’emploi local dans les régions rurales. Il faudra donc convertir les infrastructures déjà existantes pour les rendre compatibles avec la planification écologique, en gardant l’ensemble du personnel, qui sera associé au processus.

Par ailleurs, le gaspillage des ressources doit impérativement reculer. Le secteur de la construction est le premier producteur de déchets en France. Une utilisation plus efficiente des ressources est nécessaire, ainsi que l’augmentation de la part de matériaux biosourcés et recyclés dans la construction. Cela permettra de réduire les besoins en matériaux, de diversifier les types de matériaux et donc de limiter les difficultés d’approvisionnement.

Le secteur du BTP est en pleine transition numérique, notamment grâce à la maquette numérique. Mais de nombreuses TPE-PME ont du mal à passer le cap. Que souhaitez-vous faire pour les aider à se numériser et améliorer ainsi leur productivité ?

La conversion de secteurs industriels aux nouvelles technologies doit être planifiée : on ne peut laisser le chaos du marché régner et faire que les petites entreprises soient une nouvelle fois abandonnées. Il faut que l’État, les branches professionnelles et les chercheurs définissent ensemble les qualifications nécessaires aux métiers de demain, plutôt que de raisonner sans cesse à courte vue. La qualification des travailleurs est indispensable pour qu’ils puissent faire face aux changements dans les modes de production. 

Il faut anticiper les besoins de formation initiale par secteur, mais aussi de formation continue des salarié·es. C’est le rôle de l’État que d’organiser ce processus, en dialogue avec l’ensemble des acteurs. Les formations autour des logiciels et de l’utilisation du BIM (Building Information Modeling) seront donc développées. Les employeurs, eux, doivent contribuer davantage à la formation continue de leurs salariés. Leur contribution n’a cessé de diminuer ces dernières décennies : cela va contre leur intérêt de moyen terme. 

Quel message souhaitez-vous transmettre aux professionnels de la filière du cadre de vie (construction, BTP, architecture, immobilier) ? Pensez-vous à des mesures spécifiques, concernant le secteur et non citées ici sur lesquelles vous voudriez insister ?

Il est nécessaire, pour atténuer le changement climatique et s’adapter aux effets de ce changement, de faire bifurquer le secteur de la construction vers des matériaux biologiques crus, alors que ce secteur est aujourd’hui basé sur le recours aux énergies fossiles et

aux matériaux polluants. À cette fin, le groupe parlementaire de la France insoumise a déposé une proposition de loi qui vise à amplifier l’usage du bois, de la terre crue et de la paille en construction et rénovation des bâtiments, dans la commande publique et privée. Elle constitue la première brique issue d’un travail législatif collectif ayant occasionné 100 auditions et 700 contributions.

La proposition de loi intégrale est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.