Collectif un sur cinq

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

1. Imprescriptibilité des crimes sexuels commis sur mineur.e.s. 

L’enjeu est moins le délai de prescription que de permettre aux procédures de se tenir dans des délais raisonnables. Cela suppose d’abord de recruter des effectifs de police et de gendarmerie pour avoir les moyens de mener les enquêtes (voir notre livret thématique dédié à la sécurité):

  • doubler les effectifs de police et de gendarmerie dédiés à la lutte contre la pédocriminalité au sein de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) et du centre lutte contre la criminalité numérique (C3N),
  • recruter 6 000 agent·es supplémentaires au sein de la police judiciaire et 3 300 au sein de la police technique et scientifique

La justice doit être aussi dotée de moyens suffisants pour raccourcir les délais et améliorer la qualité du traitement et du suivi judiciaire. La France est aujourd’hui très en dessous des pays comparables en dépense pour la justice par habitat ainsi qu’en nombre de magistrats. Nous engagerons un plan de recrutement de 65 000 personnels dans la justice (voir notre livret thématique dédié à la justice) pour permettre de raccourcir les délais et d’améliorer le traitement judiciaire.

Enfin, l’identification, l’écoute et la prise en charge des enfants victimes d’abus sexuels nécessitent une politique globale de formation et de sensibilisation de tou·tes les professionnel·les au contact avec les enfants. Pour prendre la pleine mesure de l’ampleur et de la gravité du phénomène, il faut que les moyens consacrés soient à la hauteur. 

Nous prévoyons un plan de formation continue obligatoire d’ampleur dédié à la lutte contre la pédocriminalité concernant les personnels de l’aide sociale à l’enfance, l’Éducation nationale, la police, la gendarmerie, la justice, et la santé, pour lesquels nous avons prévu d’investir 350 millions d’euros par an. Dans le même temps, la formation à cette question sera renforcée dans les formations initiales obligatoires de ces personnels.

2. Reconnaissance de l’amnésie traumatique. 

Les associations et chercheurs et chercheuses ont permis de mieux connaître et faire connaître le psychotraumatisme dont l’amnésie traumatique est une composante fréquente en cas de violences sexuelles dans l’enfance. Il est nécessaire de travailler de concert avec les professionnel·les et les collectifs afin de mieux cerner les enjeux et les mécanismes de l’amnésie traumatique. Il est important que les victimes ne subissent pas une double peine, et ne soient pas jugées par leurs proches ou les professionnel·les en charge de leur dossier.

Compte tenu des conséquences médico-psychologiques massives, tant d’un point de vue santé organique que psychologique, avec notamment l’enjeu des addictions, le plan de formation continue obligatoire que nous prévoyons intégrera cette dimension du psychotraumatisme, en particulier pour les personnels de la justice, la police, la gendarmerie et la protection de l’enfance. Les contenus des enseignements dans les cursus des études médicales et sociales intègreront cette dimension.

3. Éradication de toute référence au « syndrome d’aliénation parentale », pseudo théorie invalidée par la communauté scientifique, mais toujours appliquée en France. Radiation de liste des « experts » de tous professionnels inscrits sans formation spécialisée.

Parce que le « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) conduit bien souvent à invalider les révélations d’inceste, cette théorie va contre l’intérêt des victimes. Les fausses allégations concernent pourtant moins de 1 % des procédures judiciaires. En France aujourd’hui, au motif qu’un non-lieu ayant été prononcé pour insuffisance de preuve, le parent protecteur peut encore être accusé de mentir et donc d’être aliénant, avec le risque réel d’être poursuivie et condamnée pour non-représentation d’enfant. Le SAP est utilisé par certaines associations de pères dans le cadre de bataille juridique autour de la garde des enfants, mais aussi dans le cadre de dénonciation d’actes incestueux d’un parent sur l’enfant. 

Pourtant, le plan interministériel de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes a, en août 2018, demandé au ministère de la Justice d’informer d’« informer sur le caractère médicalement infondé du SAP », relayée par une note d’information a été mise en ligne sur le site intranet de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la Justice. plan ,. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) a rendu un avis le 27 octobre 2021 préconisant la prohibition du recours au SAP.

En octobre 2021, nos députés au Parlement européen ont travaillé à l’adoption d’une résolution concernant le droit des enfants dans le cadre de violences intrafamiliales qui demande l’arrêt de recours au terme SAP par les professionnel·les de la santé, de la justice et de la protection de l’enfance notamment. Nous porterons l’application de cette résolution et sa transposition dans le droit français. Nous suivrons aussi les recommandations dans ce sens par le GREVIO du Conseil de l’Europe. 

Il faut désormais que la formation continue et initiale de l’ensemble des professionnel·les au contact des enfants puisse sensibiliser au caractère infondé du SAP et au risque de son utilisation fallacieux dans le cadre de situations de violences de tous types et de contrôle coercitif.

Les critères pour être nommé « expert·e » doivent par ailleurs être revus en prévoyant des vérifications et une formation adaptée. 

Enfin, le droit de visite et d’hébergement du parent mis en cause doit être plus systématiquement suspendu pendant le temps de l’enquête, évitant ainsi le parent gardien ne soit pas poursuivi pour le délit pénal de non-représentation de l’enfant. tg

4. Ré-examen de l’ensemble des dossiers de pédocriminalité classés sans suite par la Justice au nom de l’« absence de lésions génitales », de « conflit conjugal », de « séparation conflictuelle » et d’ « absence de parole de l’enfant ». 

Pour éviter qu’un non-lieu soit prononcé faute de preuve, et replace un enfant dans une famille dans laquelle il est en danger, le principe de précaution doit primer. Le non-lieu est trop souvent assimilé à « n’a pas eu lieu » alors que ce cela signifie bien souvent davantage « non jugeable », surtout dans le domaine des agressions sexuelles. Le principe de précaution doit conduire de ne pas prendre le risque de placer l’enfant en situation de danger. 

La parole de l’enfant doit pouvoir être entendue, écoutée, y compris quand l’affaire qui le concerne a été jugée. Il faut, d’une part, que l’accès à un avocat soit garanti à toutes et tous. Pour cela, nous doublerons le budget consacré à l’aide juridictionnelle notamment. D’autre part, les avocats doivent être formés à ces questions et à la prise en charge des enfants victimes. 

5. Suppression de l’amendement « Roméo et Juliette ». 6. Inversion de la charge de la preuve pour les crimes sexuels commis sur mineur.e.s. 

Il est prioritaire de stopper la correctionnalisation des viols, notamment commis sur des enfants. La relation sans consentement, donc notamment entre majeur et moins de 15 ans – 18 ans lorsqu’il y a une relation d’autorité, notamment dans le cas d’inceste, ou sur une personne vulnérable, notamment en situation de handicap – est un crime. Il faut rompre avec l’injonction faite aux victimes de prouver qu’elles n’étaient pas consentantes. Cela permettra également d’en finir avec l’exposition de l’intimité des victimes lors de procès, des arguments relatifs à la façon dont elles étaient habillées, leur consommation d’alcool, ou encore des conversations. La loi Schiappa n’a rien réglé, au contraire. Les propos du ministre Dupont-Moretti parlant d’« inceste consenti » ou le projet d’instaurer une « atteinte sexuelle avec pénétration » pour les moins de 15 ans ont au contraire été des moments douloureux 

7. Création d’un organisme de contrôle de l’ensemble des institutions en lien avec l’enfance (Education Nationale, ASE, milieux éducatif et sportif…)

La lutte contre la pédocriminalité doit faire l’objet d’un pilotage interministériel, impliquant notamment la Justice, l’Intérieur, la Santé, l’Éducation nationale et le Sport. Cette problématique doit être prise en charge collectivement. Cela signifie notamment, d’une part, la généralisation de formations obligatoires pour les personnes en contact avec des enfants, l’organisation de campagnes de prévention et de sensibilisation, la mise à disposition d’outils permettant de les guider et de réagir. D’autre part, cela suppose également de renforcer les moyens de l’ensemble des services qui agissent pour contrôler, enquêter et prendre en charge les victimes. 

8. Obligation pour toutes ces institutions avant toute embauche de consulter le fichier FIJAIS. Inclusion dans le FIJAIS de toutes personnes incriminées par loi quelque soit la durée de condamnation, y compris celles condamnées à du sursis. Responsabilité pénale engagée pour les institutions qui n’en tiendraient pas compte.

Nous rendrons systématique la consultation du FIJAIS au recrutement de tout professionnel en responsabilité d’enfants (incluant le milieu sportif et associatif). En cas de condamnation pour pédocriminalité, il sera vérifié la présence d’enfants dans l’entourage du condamné, y compris selon le travail de son ou sa partenaire (assistant·e maternel·le, assistant·e familial·e…). 

De plus, nous ferons inscrire toute condamnation pour pédocriminalité au FIJAIS, même pour les peines courtes.

9. Prise en charge financière par l’État des psychothérapies pour les mineurs abusés. Menées par des spécialistes réellement formés. Reconnaissance par les assurances des viols sur mineurs et incestes comme « accident de vie ». 

La prise en charge du psychotraumatisme est vitale, et nous nous y engageons. Les adultes ayant été agressés dans l’enfance peuvent bénéficier d’une prise en charge de nombreux soins au titre d’une affection longue durée. Le besoin se fait particulièrement ressentir au sein des foyers de l’aide sociale à l’enfance. Concernant les structures mêmes, il faut multiplier les options pour avoir différentes alternatives : centre de résilience, petite structure sans enfant auteur d’agression, etc. 

Le secteur de la psychiatrie, et particulièrement la pédopsychiatrie, est particulièrement en difficulté après des décennies d’austérité. Les CMP ont un besoin urgent de moyens humains, matériels et financiers. Aujourd’hui, les délais d’attente peuvent aller jusqu’à plus de six mois pour une prise en charge en CMP : c’est inacceptable. 

Notre livret thématique consacré à la santé propose de faire de la santé mentale une des priorités du prochain quinquennat, en mettant en place un plan national de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie avec le renforcement de ses moyens financiers et humains dans les services hospitaliers et extra-hospitaliers, la simplification des parcours de soins en santé mentale et l’augmentation du temps alloué à la psychiatrie dans les formations aux métiers du soin. Il propose également de mieux prendre en charge les victimes de traumatismes et de violences dans l’enfance, afin de prévenir les nombreuses conséquences du psychotraumatisme (souffrance psychique, addictions, maladies chroniques, etc.)

10. Création d’un cours dès la maternelle, puis tout au long du cursus scolaire : droits et prévention des violences (sensibilisation et débats en classe autour du harcèlement, du 

consentement, de la pédocriminalité, de l’inceste, des violences éducatives, des violences numériques…) animés par des professionnels formés, et non pas par des associations. 

En effet, dépistage et prévention doivent avoir lieu dès la maternelle (et même en crèche) : 21 % des victimes mineures ont moins de 5 ans. Il est essentiel, tout au long du parcours scolaire, de déployer des enseignements adaptés pour garantir les droits des enfants : respect du consentement, connaissance de son corps, prévention du harcèlement, prévention sur les usages du numérique… 

Cela suppose, d’une part, la formation continue obligatoire de tous les personnels en contact avec les enfants, notamment les enseignant·es ; et, d’autre part, l’intervention de professionnel·les formé·es en appui des enseignant·es et auprès des enfants. Nous proposons notamment le recrutement de 6 000 médecins, infirmier·es, psychologues scolaires et assistant·es sociaux dans l’Éducation nationale.

La prévention et la sensibilisation doit aussi concerner les auteurs potentiels. La nécessaire prévention auprès des enfants ne doit pas conduire à une culpabilisation de ne pas avoir refusé, d’avoir laissé faire.

11. Application de l’article 227-24 du Code Pénal pour protéger les mineur.e.s des contenus pornographiques numériques. Obligation pour tous les fournisseurs d’accès de transmettre à la justice les adresses IP des cyber-pedocriminels hébergés dans leurs « clouds ». Création au sein de la police nationale d’une véritable cellule de veille et de traque uniquement dédiée à la cyber-pédocriminalité, dotée de véritables moyens humains et technologiques, à l’instar des USA ou du Royaume-Uni.

Il faut démultiplier les moyens de police et de gendarmerie pour lutter contre la pédocriminalité et la cyberpédopornographie. Nos mesures en la matière : 

• créer des groupes régionaux de gendarmes et policiers spécialisés dans la pédocriminalité, choisis après enquête, et pourvus de moyens suffisants (techniques, informatiques) et d’accompagnement psychologique, pour enfin cesser la sélection des délits qui pourront faire l’objet d’enquêtes et poursuivre massivement 

• Quadrupler les effectifs du Centre national d’analyse des images de pédopornographie (CNAIP). 

Il faut également lever le secret bancaire concernant les transactions financières de la pédopornographie et trafic d’êtres humains et prévoir des sanctions contre les les banques et les fournisseurs d’accès à internet qui refusent de coopérer avec les investigations (fournir les adresses IP des cybercriminels qu’ils hébergent dans leurs clouds). 

12. Reconnaissance et application effective du droit à un avocat et/ou à un « tiers digne de confiance » choisie par l’enfant victime à chacune des étapes judiciaires auxquelles il peut être confronté. Enregistrement audio et vidéo de toutes ces étapes. Ne plus imposer de « visites médiatisées » aux enfant ayant révélés des situations d’inceste, à moins que le parent soupçonné ne justifie d’un réel suivi psychothérapeutique individuel. 

L’accès à la justice pour toutes et tous, et notamment les enfants, est pour nous une priorité. Pour cela, nous doublerons l’aide juridictionnelle, recruterons massivement dans la justice et prévoirons des formations continues obligatoires pour les personnels de la justice ainsi que pour les avocats intervenant dans ces domaines. La connaissance du psychotraumatisme, la reconnaissance des droits des enfants, permet aussi de se positionner contre une obligation de visites médiatisées quand ce n’est pas dans l’intérêt de l’enfant, qui doit pouvoir par ailleurs faire reconnaître son point de vue.

Il s’agit aussi de décloisonner la justice des enfants et la justice aux affaires familiales, afin que des violences conjugales, par exemple,, sur lesquelles une enquête est ouverte soient prises en compte dans la décision relative au mode d’hébergement de l’enfant. 

Parmi nos nombreuses propositions concernant la protection de l’enfance, nous retrouvons en effet l’enregistrement par vidéo systématique pour éviter répétition de la relatation des faits dans des salles dédiées, avec des intervenants formés, ainsi qu’ouvrir la possibilité pour l’enfant de témoigner par télétransmission lors du procès de son agresseur, ou bien d’être représenté par des experts qui auront recueilli sa parole et la transmettront à l’audience à la place de l’enfant. 

13. Interdiction pour les auteurs de violences sexuelles sur mineur.e.s. de faire effacer d’internet les articles médiatiques les concernant. 

L’urgence, à notre sens, est de renforcer les Centres ressources pour les Intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS) pour constituer sur tout le territoire un dispositif d’accueil, d’écoute et d’aide pour les adultes auteurs, potentiellement auteurs, ou qui en ressentent le besoin, d’autant plus quand ce sont des victimes d’agressions sexuelles dans l’enfance.