Coordination SUD

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Nous répondons ci-dessous aux propositions de Coordination SUD, la coordination nationale de plus de 170 ONG françaises de solidarité internationale.

  1. Initier une programmation budgétaire de l’APD pour atteindre 0,7 % de la richesse nationale (RNB) dès 2025 avec maintien de cette même programmation au-delà pour assurer un renouvellement des ambitions à horizon 2030 : 

Lors des débats autour de la loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, le groupe parlementaire de la France insoumise à l’Assemblée Nationale a critiqué l’objectif de 0,55 % du RNB pour 2022 et l’absence de trajectoire budgétaire au-delà, et il a défendu l’objectif de 0,7 % du RNB pour 2025 au plus tard. Le programme l’Avenir en commun (AEC) propose d’atteindre cet objectif au plus tôt. 

La proposition inscrite dans l’Avenir en commun précise : « Consacrer 0,7 du revenu national brut à une aide publique au développement débarrassée du carcan néolibéral ». Comme le précise le livret international de l’AEC, consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’APD est nécessaire, mais insuffisant. Il est essentiel d’atteindre un objectif de cohérence de l’ensemble de l’action extérieure de la France avec ceux de l’APD. Comment prétendre aider à un développement endogène quand dans le même temps on maintient les accords commerciaux inégaux entre l’Union européenne et l’Afrique qui détruisent directement et indirectement les agricultures vivrières, et les accords de pêche communautaires qui détruisent la pêche artisanale ? Ou quand on refuse de lever les brevets sur les vaccins contre la Covid 19 alors que des unités de production existent en nombre suffisant dans les régions concernées ? 

Cet objectif de cohérence fait défaut à la loi d’août 2021, en dépit des améliorations qu’elle a apportées en donnant un cadre global à l’APD. Nous y remédierons, dans le sens de notre programme et des amendements que nous avons défendus en vain à l’Assemblée nationale. Car l’objectif ultime que l’on doit fixer à l’APD est sa disparition une fois garantie la souveraineté des peuples. Les relations entre pays distributeurs et pays bénéficiaires de l’APD sont structurellement asymétriques. Or la loi d’août 2021 a renforcé une conception de l’APD qui ne s’attaque pas aux causes de la pauvreté et des inégalités. 

  1. Renforcer la part de dons pour la porter à hauteur de 85% de l’APD. Les prêts représentent une proportion trop importante de l’APD française et ne sont pas appropriés au soutien des pays les plus pauvres et aux investissements indispensables dans les services sociaux de base : 

Nous serons particulièrement vigilants à ce que l’objectif des 0,7 % ne soit pas atteint par le biais d’artifices comptables, et à ce que l’APD ne soit plus prétexte à des montages financiers servant les intérêts de telle ou telle régime oligarchique, telle ou telle multinationale, telle ou telle banque. Le léger rééquilibrage du ratio prêt-don (65% de dons minimum) et vers les pays les plus pauvres, prévu dans la loi d’août 2021, est insuffisant et trompeur. 

La loi ne remet par exemple pas en cause clairement le mécanisme pernicieux des “Contrats de désendettement et développement » (C2D), qui déguise de fait des prêts en dons, et dont l’Agence française de développement (AFD) est devenue spécialiste depuis 2001 et la décision des pays donateurs d’effacer les dettes des États ayant rempli les conditions de l’initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE) du FMI et de la Banque mondiale. Nous mettrons fin à ces dispositifs cyniques et trompeurs, par exemple en recourant à l’annulation pure et simple des dettes odieuses.  

Plus profondément, pour répondre au souci de cohérence mentionné plus haut et rompre avec une approche bancaire de l’Aide au développement, il s’agira d’en transformer le principal outil, l’AFD, dont les pratiques sont trop souvent opaques et mues par des intérêts financiers, comme l’a rappelé Disclose. Nous réintégrerons donc au sein du Ministère des Affaires étrangères les moyens humains et matériels de la coopération technique, scientifique et culturelle transférés à l’AFD.

  1. Allouer 50% de l’APD aux pays les moins avancés et aux services sociaux de base qui sont à renforcer en priorité : 

Nous irons même plus loin. C’est le sens premier de l’APD que de pourvoir aux besoins essentiels dans les pays où ils font défaut, et non d’offrir des prétextes à des opérations économiques dans tel ou tel pays émergent. Cela rejoint l’impératif de suppression des artifices comptables et d’ augmentation de la part de la mission strictement dédiée à l’« aide publique au développement » dans l’enveloppe globale de l’APD, que nous avons défendue à l’Assemblée. 

  1. Allouer 85% des volumes d’APD ayant pour objectif principal ou significatif l’égalité femmes-hommes et 20% comme objectif principal afin que les projets soient sensibles aux besoins spécifiques des femmes, adolescentes et filles, en cohérence avec la diplomatie féministe : 

C’est un objectif cohérent avec le soutien à l’égalité homme-femme qui traverse l’ensemble de notre programme. Nous l’appliquerons. 

  1. Protéger et étendre l’espace humanitaire, via une diplomatie humanitaire active promouvant le respect du DIH et les principes humanitaires : 

La France a le devoir, via une diplomatie humanitaire, partout où cela est nécessaire, de défendre l’accès de l’aide humanitaire, par exemple (mais pas seulement) dans les zones de guerre, pour garantir la vie des populations. Conformément au DIH, cette diplomatie doit être universelle, indifférente aux appartenances religieuses, ethniques… des populations nécessitant une aide humanitaire, et dénuée de toute autre considération que la solidarité et l’intérêt général humain. Cette diplomatie pourra s’appuyer sur les grandes compétences du centre de crise du MAE, dont les moyens seront renforcés. 

  1. Favoriser un allègement des procédures pesant sur les organisations de solidarité nationale :

L’allègement de certaines procédures parfois absurdes (comme on l’ont montré les difficultés d’accès aux fonds d’ONG exemplaires… sous prétexte qu’elles exercent dans des pays où sévissent des organisations terroristes) est une nécessité, notamment pour alléger les frais de fonctionnement des ONG parfois alourdis par la redondance des procédures d’accès aux fonds. Les ONG ont besoin d’une stabilité financière et d’une possibilité de planification parfois rendues impossible par la logique néolibérale du financement uniquement sur projet et à très court terme. Pour autant, cet allègement ne devra en aucun cas concerner les procédures de vérification de l’usage des fonds. 

  1. 2 MDS d’euros à l’APD transitant par les Organisations de la Société civile (OSC) de solidarité internationale en 2027 : 

Le livret international de l’AEC précise bien que « nous déciderons de l’allocation de l’APD avec les sociétés civiles sur place, dans un objectif de renforcement des droits humains et des souverainetés populaires, et non de mise en dépendance néocoloniale ». De nombreux travaux, comme ceux de Pierre Olivier de Sardan pointant la « revanche des contextes », ou de Gilles Dorronsoro montrant les impasses d’une APD sous contrainte en Afghanistan, ont démontré la nécessité que l’APD soit beaucoup mieux articulée aux besoins, aspirations, pratiques, savoir-faire des acteurs locaux. C’est là une garantie de son efficacité. 

  1. 70 % de l’APD transitant par les OSC financent des projets à leur initiative. Ce financement est capital pour répondre aux enjeux sectoriels et transversaux de solidarité internationale comme le genre, les jeunesses, le climat et la protection de l’environnement. 

Cet objectif va de toute évidence de pair avec la réponse à la question 7. Précisons que, pour nous, ces projets devront toujours comporter un volet de développement endogène.