Fédération Solidaires Sud emploi

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Nous répondons ci-dessous aux questions de la Fédération Solidaires Sud emploi.

En termes d’indemnisation des privé.e.s d’emploi, quelle est votre vision politique? Quelles  actions comptez-vous mener ? 

Le chômage tue 14 000 personnes par an, à cause des maladies cardiovasculaires, du stress, de la dépression, du manque de sommeil. Les chômeur·ses ne sont pas les responsables du chômage, mais en sont les principales victimes ! L’assurance chômage doit donc les protéger : à la fois en raison de leur vulnérabilité spécifique, qui s’étend à leurs proches notamment en bas âge, mais aussi pour protéger l’ensemble du salariat face au dumping et à la précarité. A chaque recul de l’asurance-chômage, tous·tes les salarié·es du pays voient leur salaire gelé. Ils ont donc toutes et tous intérêt à rehausser les protections du chômage, pour permettre aux concerné·es de cibler un emploi de qualité sans tirer personne vers le bas, et tarir le gisement d’emplois à bas prix. Nous faisons les propositions suivantes : 

  • Abroger la réforme Macron  et indemniser les chômeur·ses en fonction de leurs derniers salaires grâce à une assurance calculée à partir du premier jour de travail, sans délai de carence et versée de manière automatique
  • Élargir la médecine du travail aux chômeur·ses dès le premier jour de la fin de contrat
  • Supprimer l’obligation d’accepter une soi-disant “offre raisonnable d’emploi”
  • Cesser la radiation des chômeur·ses à la première absence à un rendez-vous et en finir avec la logique de radiation au moindre prétexte pour faire baisser artificiellement les chiffres du chômage
  • Rétablir un régime d’assurance chômage spécifique pour les intermittent·es de l’emploi et les intérimaires permettant de leur assurer une meilleure couverture chômage entre deux périodes d’emploi

Comment comptez-vous renforcer Pôle emploi pour lutter contre la sélectivité du marché du  travail ? 50% des demandeurs d’emploi inscrits travaillent mais sur des emplois précaires. Quelle sera votre  politique de l’emploi pour éradiquer cette précarité galopante ? 

Pôle emploi est un opérateur d’indemnisation et de placement, qui couvre les assuré·es et leur soumet des offres d’emploi disponibles. Les agent·es n’y ont aucune prise sur la qualité des offres, a fortiori depuis les politiques de transparence qui ont connecté les bases de Pôle emploi à tous les jobboards ou plateformes privées, dont une proportion conséquente d’annonces sont illégales ou non-renseignées. Bien sûr, les conseiller·es font de leur mieux pour préserver les chômeur·ses des pires offres, mais c’est à la source qu’il faut agir, justement pour permettre aux agent·es de retrouver une fonction de conseil stimulant et d’orientation sur le marché du travail, plutôt que de parcourir des listes incessantes d’emplois dégradés. Nous modifierons donc largement la structure des offres d’emploi avec les mesures suivantes : 

  • Instaurer un quota maximal de contrats précaires dans les entreprises : 10 % pour les petites et moyennes entreprises (PME), 5 % pour les grandes entreprises
  • Élever le SMIC net à 1400€
  • Rétablir les 35 heures hebdomadaires et, en même temps, accompagner la requalification des temps partiels en temps plein
  • Abroger les ordonnances Pénicaud et la loi El Khomri, et rétablir le “principe de faveur” : un accord d’entreprise doit être plus favorable qu’un accord de branche, lui-même plus favorable que la loi
  • Requalifier en contrat de travail salarié les travailleur·ses de plateformes numériques (Uber, Deliveroo…) et tou·tes les salarié·es faussement considéré·es comme indépendant·es 
  • Encadrer la sous-traitance en garantissant par la loi la responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants et en la limitant à un seul niveau.
  • Organiser une conférence sociale pour revaloriser en matière de salaires, de conditions de travail et de parcours professionnels les métiers occupés majoritairement par des femmes dans les secteurs du soin, du lien et du contact.
  • Assurer la continuité des droits personnels (à la formation, aux congés, à l’ancienneté…), hors du contrat de travail, et les transférer d’un contrat à l’autre.

Les licenciements économiques seront interdits si l’entreprise a distribué des dividendes, des stock-options ou des actions gratuites. Nous mettrons fin à l’impunité des employeurs en cas de licenciements abusifs, en permettant au conseil des prud’hommes de réintégrer les salarié·es avec versement des rémunérations manquantes, sans barème maximal.

Quelle vision avez-vous du contrôle de la recherche d’emploi et de la mission  de Pôle emploi ? Dans votre programme, qu’allez-vous mettre en place pour recentrer les missions de Pôle emploi au service des usagers-ères ? 

Le discours libéral repose sur l’imaginaire contradictoire : d’un côté, les chômeur·ses seraient naturellement paresseux ; de l’autre, ils ne seraient motivés que par l’argent. Double erreur, puisqu’un grand nombre de chômeur·ses reprennent une offre à bas salaire en dépit de pertes financières à la fin du mois, et que chaque diminution des allocations pousse plutôt vers le découragement et l’inactivité. 

Contraindre les personnes privées d’emploi à la « recherche active » d’emploi est à la fois hypocrite et néfaste : les chômeur·ses supposé·es ne pas chercher vigoureusement des emplois inexistants sont passibles de sanctions. Pourtant, ce sont celles et ceux qui recherchent le plus rapidement, intensément et frénétiquement… qui échouent et connaissent le burn-out. Tous les pays qui ont renforcé le contrôle de la recherche d’emploi aboutissent à une même situation, à savoir qu’une partie des chômeur·ses se désinscrit et sombre dans l’inactivité pour échapper aux angoisses et aux surveillances bureaucratiques, tandis qu’une autre partie panique et accepte des emplois précaires de mauvaise qualité, qui les conduit à se réinscrire au bout de quelques mois une fois le contrat expiré.

A l’inverse, les populations qui parviennent à revenir à l’emploi partagent souvent trois caractéristiques : une recherche contrôlée, qui prend plusieurs heures par jour sans envahir l’existence ; un investissement dans d’autres cadres, notamment associatif, qui permet d’être valorisé ; un détachement émotionnel vis-à-vis des candidatures, qui évite de s’effondrer moralement face à des échecs successif. Il faut observer les recherches d’emploi réussies pour développer un accompagnement approprié.

Par ailleurs, les conseiller·ses Pôle emploi sont débordé·es, chacun·e étant chargé·e de suivre individuellement des centaines de personnes. Ils multiplient les rendez-vous extrêmement courts, voire perdent de vue des chômeur·ses, et doivent se contenter de contrôler l’intensité de la recherche d’emploi, ce qui est devenu absurde. Leur temps de travail est ainsi stérilisé, plutôt que de leur donner les moyens d’accompagner sérieusement les personnes ou prospecter les offres sur le marché. Les agent·es de Pôle emploi sont pourtant nombreux·ses à résister aux injonctions légales et managériales, qui leur intiment d’obliger les chômeur·ses à accepter des emplois moins qualifiés et moins bien payés que ceux qu’ils et elles occupaient auparavant. Les agent·es savent en effet que ce n’est pas par la déqualification que l’on relance un pays !

Les différentes mesures évoquées en réponse aux deux questions précédentes permettront de remettre les agent·es de Pôle emploi au service des usager·es, notamment en transformant les équipes CRE/DAC en véritables unités d’accompagnement vers l’emploi, plutôt qu’en émetteurs de questionnaires tétanisants.

Quelle est votre conception du service public de l’emploi ? 

Le service public d’emploi est au cœur d’une relation triangulaire avec les employeurs et les usagers. Il n’est pas au service des premiers contre les seconds : il doit accompagner la réalisation des vœux des deux parties, lorsqu’ils sont possibles sans contrainte.

Garantie de tout le salariat, le service public d’emploi n’est pas pour nous qu’une interface de circulation d’un poste à l’autre, mais une institution de défense du travail, qui fixe les critères minimaux de dignité humaine. Premièrement, en indemnisant les personnes en proportion redistributive de leurs derniers salaires, pour assurer une survie hors du marché du travail, le temps de développer un projet de retour sur celui-ci. Deuxièmement, en informant les usagers de leurs droits et des conditions effectives d’activité, pour les empêcher de jouer malgré eux un rôle de dumping. Troisièmement, en contrôlant l’état des offres diffusées et en surveillant ainsi la conformité légale du marché du travail.

 Pour concrétiser l’intermédiation, le service public de l’emploi dispose de trois modes d’action :

  • accompagner les usagers privés d’emploi et précaires dans la réalisation de leur projet professionnel et recherche d’emploi
  • accompagner les entreprises dans leur projet de recrutement et en les aidant quand cela est nécessaire à revoir leurs critères de sélection
  • et le troisième, juguler le chômage en partant des inscrits de longue durée, grâce à une nouvelle mission attribuée au service public de l’emploi : la garantie d’emploi. Il s’agira de proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite un emploi utile à la transition écologique ou répondant à des besoins sociaux. Financés par l’État, ces emplois seront en cohérence avec les qualifications, le parcours professionnel et les souhaits de la personne.

Comment comptez-vous revaloriser les missions des conseillèr.es de Pôle emploi auprès des  usager.es ? Par quel moyen envisagez-vous de faciliter l’accès aux droits pour tou.tes ? 

Le service public de l’emploi a un rôle central dans notre projet. A titre d’exemple, la bifurcation écologique que nous mettrons en place permettra la création de centaines de milliers d’emplois ; des personnes qu’il faudra majoritairement accompagner dans leur projet. Nous reverrons le maillage du territoire des services publics afin qu’aucun usager ne soit à plus de 30 minutes des services publics essentielles : pôle emploi sera concerné. Le versement automatisé de l’indemnisation-chômage limitera une partie importante des demandes quotidiennes motivées par le volet indemnisation, et libérera un temps précieux pour l’accompagnement des autres publics. Les effectifs seront aussi revus à la hausse, avec de véritables contrats plutôt que des services civiques… condamnés à s’inscrire à Pôle emploi une fois le contrat expiré. En outre, le logiciel ROME sera actualisé, notamment dans le domaine des métiers de l’écologie.

Les services à distance doivent être un plus pour les usagers, mais en aucun cas remplacer les services rendus sur site. Les chômeurs et les entreprises doivent pouvoir être reçus à leur demande sans que leur soit imposé une interaction à distance. 

Ce tout-numérique est la cause d’un non-recours aux droits important, d’environ 30% des usagers, découragés par les dispositifs informatiques ou téléphoniques. Nous le combattrons en revoyant les modalités de réception et d’inscription du public à Pôle emploi. Dans une moindre mesure, ces difficultés concernent les conseillers également, dont les infrastructures numériques sont rocambolesques, composées de couches de logiciels incompatibles les uns avec les autres, qui provoquent les plus grandes difficultés dans le travail et multiplient le temps nécessaire à la moindre action.

Alors qu’un nouvel accord Qualité de vie au travail vient d’être signée par 3 OS sur 10, ce  dernier ne prévoit rien pour l’amélioration des conditions de travail du Personnel de pôle emploi, si vous êtes  élu.e quelles seront vos propositions en la matière ? 

Depuis de nombreuses années et plus particulièrement sous ce dernier quinquennat, les agent·es et les missions des services publics ont été particulièrement malmenés. 

Plusieurs points nous paraissent important en ce qui concerne Pôle emploi:

  • Une augmentation des effectifs afin de diminuer la charge de travail qui pèse sur les épaules des agent·es en charge de l’accompagnement et de l’indemnisation
  • La limitation à 5% des effectifs en CDD telle que le prévoyait initialement le CCN et le passage en CDI de tous les personnels précaires qui le souhaitent
  • Une planification des actions à mener afin d’éviter l’empilement des plans à mener, qui engendre aujourd’hui parmi les agent·es de Pôle emploi une perte de sens au travail
  • La reconnaissance de l’expertise des agent·es de Pôle emploi par une revalorisation des grilles (pour les agent·es privés et publics) et une augmentation de la valeur du point d’indice et du point de la convention collective
  • Des liens plus étroits avec le Médiateur pour développer une activité préventive