Intercommunalités de France

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Nous répondons ci-dessous aux questions d’Intercommunalités de France.

ECONOMIE 

Industrie : Quelles mesures comptez-vous prendre en faveur de la réindustrialisation des territoires ? 

La bifurcation écologique nécessite des investissements massifs pour changer les modes de production, d’échange et de consommation. Ce quinquennat va être décisif. L’État doit organiser la mobilisation générale.

À travers le plan d’investissement de 200 milliards que nous proposons, nous lancerons des grands chantiers d’intérêt national dans les secteurs les plus polluants et pour les réseaux essentiels à une vie digne — transport, énergie, logement, agriculture… —, qui répondront à un double enjeu écologique et social.

Ces chantiers d’intérêt national seront créateurs d’emplois qualifiés et non délocalisables. Le protectionnisme écologique que nous proposons de mettre en œuvre garantira aux entreprises qui s’investissent dans la bifurcation de ne plus être écrasées par la concurrence déloyale. Nous créerons une Agence pour la relocalisation, rattachée au Conseil à la planification écologique. Elle sera chargée de recenser les secteurs industriels indispensables à la souveraineté nationale et à la bifurcation écologique et d’établir un plan de relocalisation et de reconquête industrielle pour chaque filière ou production stratégique identifiée. 

Impôts économiques : Faut-il réformer les impôts économiques locaux ?

Il faut réformer les impôts économiques locaux, inutilement affaiblis suite à la réforme coûteuse, anti-redistributive et inefficace du gouvernement. En effet, la CVAE, comporte un barème progressif pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 500 000€ (qui tient compte de la valeur ajoutée des entreprises, donc de leur activité économique). Le gain de la réforme de 2020 pour un coût de 10 Md€ est capté par les plus grandes entreprises (seul un tiers bénéficie aux PME et TPE), les secteurs polluants (industries extractive, production de gaz et d’électricité, finance), et les entreprises les moins touchées par la crise, pour un effet de relance nul (effet multiplicateur de 0,3 en 2021 d’après l’OFCE). De plus, rapportés aux aides publiques aux entreprises, les impôts économiques locaux ne pèsent pas particulièrement en France. Enfin, il n’existe aucun lien avéré entre une baisse aveugle des impôts économiques locaux et un gain de compétitivité. Il ne s’agit pas de défendre à tout prix le système fiscal actuel, qui devrait évoluer vers plus de progressivité et d’efficacité. Mais leur baisse va dans le sens de moins de justice et moins d’efficacité.

La fiscalité des entreprises doit être refondue dans son ensemble, de façon à la rendre plus progressive, plus lisible et d’en finir avec le système à trous actuels qui favorise uniquement les entreprises qui peuvent se payer les conseils d’avocats fiscalistes pour éviter à l’impôt. La fiscalité économique locale doit être également refondue pour contribuer à cet objectif.

Commerce : Quelle politique de revitalisation des centres-villes et d’aménagement commercial en périphérie encourager ?

Depuis les années 80, le développement anarchique de zones commerciales en périphérie a provoqué des disparitions de commerce de proximité et des destructions d’emplois massives. La fréquentation des commerces de centre-ville a encore baissé de 38 % depuis 2013. Ainsi, l’environnement social de nombreux centres-villes se dégrade, les terres agricoles et naturelles disparaissent, et les habitants sont de plus en plus dépendants de la voiture et vulnérables à l’évolution du prix des carburants.

Ce quinquennat a accéléré le mouvement, avec des mesures déloyales notamment au profit des multinationales du e-commerce. Notre objectif, au contraire, est la relocalisation. Nous interdirons la création de nouveaux entrepôts dédiés au stockage et à la vente à distance pour le e-commerce ou les dark stores et dark kitchens, mettrons en place une politique d’encadrement des loyers commerciaux et créerons une caisse de défaisance pour annuler les dettes asphyxiantes des commerces contractées pendant la crise sanitaire.

Emploi/formation : Quelles solutions envisagez-vous face aux difficultés de recrutement, en particulier sur les métiers industriels et dans les territoires ? 

Les besoins de qualification pour mener à bien la bifurcation écologique et sociale sont immenses. Il est indispensable de revaloriser les filières d’enseignement professionnel et à planifier leur développement sur le territoire en fonction des besoins. Nous créerons des centres polytechniques professionnels qui dispenseront des formations du niveau CAP au BTS, afin de mailler le territoire national d’établissements intégrant lycée et enseignement supérieur, et former les jeunes aux métiers d’avenir. Nous créerons 8 000 classes supplémentaires dans les lycées professionnels.

L’ensemble de nos mesures en faveur de l’enseignement professionnel est disponible à l’adresse suivante dans notre livret thématique “Éducation” : https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/ecole/

ENVIRONNEMENT- AMÉNAGEMENT

Financement de la transition: Quelles évolutions envisagez-vous dans les modes de financement de la transition écologique et énergétique ?

La planification écologique suppose de rompre avec l’appauvrissement organisé de l’État et de lui donner à nouveau les moyens de jouer son rôle de stratégie et de pilotage. Un Conseil à la planification écologique sera chargé de piloter l’élaboration du plan, à l’appui duquel viendra un plan d’investissements de 200 milliards.

Nous sortirons de la logique actuelle de recours aux appels à projets comme principal moyen d’attribution des financements aux collectivités pour construire avec elles les projets s’inscrivant dans cette planification, en y affectant les moyens nécessaires.

ZAN : Etes-vous pour ou contre l’objectif de zéro artificialisation nette des sols ?

Le programme L’Avenir en commun pose comme objectif prioritaire la lutte contre l’artificialisation des sols pour empêcher la disparition de surfaces agricoles utiles et de terres naturelles.

La stratégie gouvernementale actuelle manque d’ambition. Pour rompre avec la dynamique actuelle, il faut renforcer le contrôle et les règles sur l’autorisation de nouvelles zones commerciales, assujettir les entrepôts de vente en ligne à la taxe sur les surfaces commerciales par exemple. Il faut aussi augmenter les moyens dédiés à la maîtrise foncière publique.

Habitat : Les collectivités territoriales doivent-elles prendre plus de place dans les politiques de l’habitat ?

Le problème n’est pas tant celui de l’échelon d’action publique que du manque de moyens, toutes administrations comprises. L’enjeu est que l’État joue son rôle de stratège en fixant, dans le cadre de la planification écologique, des grands objectifs mobilisateurs et programme les moyens nécessaires. 

Nous proposons ainsi d’atteindre l’objectif de zéro sans-abri par le doublement des places d’accueil et l’interdiction des expulsions sans relogement public. Nous proposons également de créer 200 000 nouveaux logements publics par an, et dans le privé, d’encadrer les loyers partout et de mettre en place une garantie universelle des loyers. Enfin, nous augmenterons le soutien public pour rénover 700 000 logements par an, en commençant par les mal isolés.

COHÉSION

Formation et jeunesse : Quelles mesures comptez-vous prendre pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes dans leur territoire ?

Pour garantir à chaque jeune un emploi à l’issue de sa formation et répondre aux besoins sociaux non pourvus, nous engagerons la création de 300 000 « emplois spécifiques jeunes » d’une durée de cinq ans, dans le secteur public et non marchand. La garantie d’autonomie permettra à chaque jeune dès 18 ans, et dès 16 ans dans l’enseignement professionnel, d’avoir au moins 1063 euros par mois, à condition de se détacher du foyer fiscal de ses parents : cela permettra de diminuer le taux d’étudiants salariés et donc l’échec. L’augmentation des moyens dans l’Éducation nationale et l’enseignement supérieur contribuera aussi à cet objectif. 

Enfin, l’économie profitera globalement de notre politique de relance de l’emploi par un choc de demande aux deux bouts de la chaîne : la relance de la consommation populaire par la hausse des revenus, et un investissement public de 200 milliards au service de la bifurcation écologique.

Cohésion territoriale : Quelles sont vos priorités pour la cohésion des territoires ?

L’enjeu pour nous est d’assurer l’égalité entre les citoyens. Chacun doit avoir, quel que soit son lieu de résidence, les mêmes droits et accès à tous les services. Cela passe notamment par les propositions suivantes :

  • Reconstruire le maillage de transports en commun et de services publics, notamment dans les départements ruraux, les quartiers populaires et les Outre-mer, afin de garantir une distance maximale (de quinze à trente minutes, en voiture ou en transport collectif) entre tout lieu d’habitation et les services publics essentiels ;
  • Engager une politique de logement ambitieuse (voir réponse à la question 7); 
  • Lutter contre les déserts médicaux (voir réponse à la question 10);
  • Réaffirmer le rôle du département comme échelle pertinente pour organiser un maillage équilibré du territoire en services publics essentiels à la population ;
  • Favoriser l’installation d’entreprises, d’artisans, de commerçants par la mise en place d’aides spécifiques ;
  • Soutenir le tissu associatif local en maintenant les subventions, en généralisant les conventions pluriannuelles et en sortant de la logique des appels à projets ;
  • Renforcer les dotations de l’État pour les territoires et régions en retard de développement économique et social.
  • Renforcer la péréquation horizontale.

Santé : Comment lutter contre la désertification médicale ?

Pour favoriser l’installation des professionnels de santé, médicaux ou paramédicaux, il faut avant tout améliorer leurs conditions d’exercice en partant de ce qui fonctionne : les structures d’exercice regroupé et coordonné, pluri-professionnelles et la médecine salariée sont aujourd’hui plébiscités. 

Nous proposons donc de mailler le territoire de centres de santé pluri-professionnels, avec des professionnels salariés, de créer massivement des postes d’infirmier de pratique avancée, de développer de nouvelles antennes universitaires dans les territoires les plus touchés par la désertification. Pour leur permettre de rester, il faut aussi rétablir plus globalement un maillage équilibré en services publics.

RELATIONS ETAT-COLLECTIVITÉS

Décentralisation : La décentralisation doit-elle être approfondie ?

Nous prônons avant tout la réaffirmation du triptyque communes-départements-État. 

Pour organiser démocratiquement l’indispensable bifurcation écologique, il nous faut un État stratège, organisateur de la mobilisation écologique et sociale dans tous les secteurs de la société. Pour nous, État et collectivités ne forment qu’un seul bloc, au service du même intérêt général. Nous redonnerons aux services déconcentrés de l’Etat les moyens financiers et humains pour que l’État et les collectivités fassent ensemble. 

L’apport des collectivités est indispensable, parce qu’elles sont le lien direct avec les habitants. Celui de l’État l’est aussi pour assurer l’égalité entre les citoyens, et donc entre collectivités, pour donner un cap et des objectifs communs. L’État doit donc redévelopper une ingénierie publique à l’appui des collectivités, plutôt que d’organiser leur mise en concurrence à coup d’appels à projets détachés des besoins réels des populations.

Fiscalité : À vos yeux que faudrait-il améliorer concernant la fiscalité locale ?

Nous souhaitons renforcer la progressivité du système fiscal dans son ensemble, donc de la fiscalité locale. Nous proposons par exemple de refonder la taxe foncière, qui est actuellement très injuste puisqu’elle s’appuie sur la base des valeurs locatives du bien, qui n’ont pas été révisées depuis les années 1970. Ainsi, une personne habitant un appartement dans une barre d’immeubles construite dans les années 1970 a souvent une base locative plus importante qu’un petit pavillon adjacent, dont la valeur marchande est pourtant bien supérieure. Surtout, l’assiette de la taxe foncière ne prend pas en compte l’ensemble des biens possédés par un individu, ni ses dettes, ce qui pénalise les ménages les plus pauvres mais aussi les plus jeunes. La taxe foncière représente donc jusqu’à 10 % du patrimoine des ménages ayant acheté en s’endettant, contre à peine 0,01 % du patrimoine d’un investisseur immobilier possédant plus d’une dizaine de biens… Pour faire cesser cette injustice, nous réformerons le mode calcul de la taxe foncière. L’assiette sera composée de l’ensemble du patrimoine – immobilier comme financier – et les dettes seront déduites. Le barème sera rendu progressif. Les collectivités conserveront le pouvoir de taux, mais celui-ci sera encadré 

Finances publiques : Qu’apporterait selon vous aux collectivités territoriales, une loi de financement qui leur serait dédiée ?

Une loi de financement spécifique n’apporte rien de particulier si elle ne sert qu’à acter la pénurie de moyens et en conséquence l’incapacité des collectivités à exercer leurs missions à la hauteur des besoins sociaux. L’enjeu est surtout que l’État donne une direction, et que cette direction soit élaborée démocratiquement, à partir des communes. Ainsi les collectivités pourront se projeter sur le long terme aux services d’objectifs partagés et en ayant l’assurance de disposer pour cela d’une mobilisation de fonds publics à la hauteur.