Lundi 24 janvier, Geoffroy Roux de Bézieux présentait les propositions du Medef pour la présidentielle, en vue de l’audition des candidats prévue le 21 février. Nous les analysons ci-dessous en reprenant la structure du document.
Convergences avec l'AEC
- Soutenir la réindustrialisation des territoires en améliorant leur attractivité
- Utiliser la commande publique comme outil de souveraineté
- Développer l’offre de logements et permettre une meilleure mobilité des salariés
- Donner davantage de moyens humains et organisationnels à la justice prud’homale
Désaccords ou nuances avec l'AEC
- Créer un comité de réduction des dépenses publiques comprenant des chefs d’entreprises
- Porter le nombre d’alternants à 2 millions d’ici la fin de la mandature
- Relancer la production d’électricité nucléaire et refonder le marché européen de l’électricité
- Relever l’âge de départ en retraite et créer trois grands régimes (salariés, fonctionnaires, indépendants)
L’indispensable amélioration de la compétitivité
Réviser les critères de Maastricht en fonction de la situation de chaque pays de la zone euro
- La convergence porte surtout sur la nécessité de réviser les traités actuels, notamment pour le Medef car les critères de Maastricht ne sont plus applicables depuis l’explosion des dettes publiques.
- Toutefois, au-delà de cette nécessité partagée, les objectifs sont différents. En effet, pour le Medef, le taux de prélèvements obligatoires est jugé excessif et donc toute hausse doit être proscrite. Le remboursement de la dette doit se faire par baisse des dépenses publiques ou par hausse des recettes causée par la croissance.
- Dans l’AEC, il existe déjà une marge de manœuvre dans le cadre des traités concernant la dette publique (l’annulation de la dette détenue par la BCE/dette perpétuelle) et le coût de l’endettement public a baissé du fait de la baisse des taux d’intérêts. En révisant les traités actuels, il s’agit par exemple en termes de compétitivité non seulement de mettre en place un protectionnisme écologique, mais aussi de mettre fin à des concurrences néfastes socialement et écologiquement (travailleurs détachés et/ou importations massives).
Instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne sur les filières volontaires
- Le Medef endosse la taxe carbone aux frontières en projet au niveau européen, tout en y apportant quelques modifications : une baisse réaliste des quotas carbone (soit baisser moins vite que prévu) et commencer uniquement par les secteurs volontaires.
- Il y a donc bien ici une convergence avec le protectionnisme écologique, mais de manière encore frileuse. Dans l’AEC, la règle verte est une formidable opportunité d’innovations et de défis à relever pour les entreprises. Donc il faudra sûrement aller plus vite et plus fort.
- L’intérêt général humain ne peut être laissé au bon vouloir des “secteurs volontaires”. L’État jouera son rôle d’orientation de l’économie et de déclencheur de la bifurcation écologique en offrant un cadre clair (de long terme) et protecteur, via un protectionnisme écologique de haut niveau (au niveau vital) aux frontières françaises si nécessaires.
- L’Avenir en commun propose ainsi d’instaurer une taxe kilométrique aux frontières de la France pour dissuader les délocalisations et l’importation de produits trop éloignés et d’instaurer des droits de douane sur des critères écologiques (les émissions carbone et les pollutions, par exemple).
Créer un Conseil national de l’export pour une reconquête de l’exportation sur le modèle du Conseil national de l’industrie.
- Sur ce point, l’Avenir en commun ne partage pas le terme de reconquête ni l’objectif sans plus de précision de l’exportation. En effet, les exportations peuvent avoir leur utilité, mais il faut avoir indiqué pourquoi. Il s’agit de pouvoir importer les matériaux et productions qui ne sont pas encore produites sur le territoire national. Il s’agit donc plutôt d’exportations stratégiques par exemple ou d’exportations souveraines.
- C’est pourquoi l’Avenir en commun prévoit la création d’une Agence pour la relocalisation qui recensera les filières à développer localement et établira des plans de relocalisation pour chacune d’entre elles.
Créer un comité de réduction des dépenses publiques comprenant des chefs d’entreprises
- Quelle est la pertinence de cet objectif ? Il s’agit plutôt de mieux allouer la dépense publique, par exemple en revenant sur des aides inutiles ou des organisations inefficaces comme la tarification à l’activité à l’hôpital. Ne va-t-il pas falloir augmenter les dépenses publiques en matière d’autonomie pour nos vieux, face au scandale de la gestion Orpéa, symbole de la gestion lucrative du secteur ?
- Par ailleurs, si le Medef pense que l’État n’est pas le plus compétent pour s’occuper des entreprises lucratives, il y a peu de chances pour que les chefs d’entreprise soient compétents en matière de chose publique.
Ramener les impôts de production à leur moyenne européenne (-35 milliards d’euros en 5 ans) et plafonner les impôts sur la production des entreprises à 2,8 % de la valeur ajoutée
- Si la part de ces impôts est plus élevée en France, les dépenses publiques à destination des entreprises (niches fiscales, exonérations de cotisations, taux de TVA réduits, crédits d’impôts ou encore d’aides à la création/implantation d’entreprise…) le sont aussi : 150 milliards d’euros par an, sans compter les 240 milliards d’aides exceptionnelles distribuées pendant la crise. La “pression fiscale” liée à ces impôts est donc largement à nuancer. Les 60 milliards d’euros d’allègements fiscaux et sociaux consentis aux entreprises depuis 2013 n’ont en effet pas amélioré la situation.
- Cela correspond à une vision étriquée de la compétitivité des entreprises et des territoires. Dans l’industrie, le coût horaire de la main d’œuvre est plus haut en Allemagne : c’est bien la compétitivité hors-coût que nous devons améliorer. D’ailleurs, même le Medef le reconnaît plus tard car il met en avant les services publics comme facteur d’attractivité (en dénonçant les déserts médicaux). Dès lors, il faut financer des “aménités” (recherche, enseignement professionnel et supérieur, pôles publics de l’énergie qui garantit un coût de l’énergie prévisible et bancaire qui diminue le coût du capital) et cela passe par une juste contribution des entreprises.
- Parmi les propositions de l’Avenir en commun sur le sujet : Conditionner toute aide d’État aux grandes entreprises à des objectifs sociaux, écologiques et fiscaux contraignants, et exiger le remboursement des aides en cas de non-respect des contreparties ; Refonder l’impôt sur les sociétés pour établir l’égalité devant l’impôt entre PME et grands groupes, instaurer un barème progressif en fonction des bénéfices réalisés et selon leur usage, et favoriser l’investissement plutôt que la distribution de dividendes ; Instaurer un impôt universel sur les entreprises (basant leur taxation sur l’activité effectivement réalisée en France)
Renforcer les pactes Dutreil pour alléger le coût fiscal de la transmission d’entreprise
- L’AEC propose d’augmenter la fiscalité sur les transmissions, notamment en prenant en compte les transmissions tout au long de la vie.
- L’héritage maximal fixé à 12 millions d’euros, permettra de dégager les sommes équivalentes au financement de la garantie d’autonomie pour les jeunes. Cela leur permettra de se concentrer sur leurs études et leur formation, ce qui améliorera la compétivité hors-coût des entreprises et de la France, notamment pour faire face aux défis de la bifurcation écologique, et de créer des débouchés grâce à la relance de la consommation.
Basculer les cotisations maladies et celles de la nouvelle branche dépendance vers la TVA ou la CSG
- Alors que le Medef prend part à la gestion de la branche maladie, il préfère transférer ses responsabilités à l’État en lui laissant le soin de financer la branche. Le basculement du financement vers des impôts, qui plus est injustes car non progressifs, et non plus des cotisations signeraient l’étatisation quasi intégrale du système de sécurité sociale.
- Ce financement serait injuste, mais pourrait également faire perdre des recettes à l’assurance-maladie, et donc à nos hôpitaux, puisque Macron permet depuis 2019 de ne pas compenser intégralement les réductions de cotisations.
- Enfin, l’affectation d’une fraction de CSG et de TVA supplémentaire diminuerait les ressources de l’État, qui chercherait à couper des dépenses qui bénéficient à tous pour compenser. Le Medef a d’ailleurs été largement servi pendant le mandat Macron, avec une baisse de 6 points du taux de cotisations maladies pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC.
La souveraineté comme outil pour doper la croissance
Reconquérir l’autonomie stratégique à l’échelle européenne sur les filières-clés
- Le Medef propose l’élaboration d’un “Livre blanc de la souveraineté économique qui fixe les priorités et les moyens pluriannuels”. Il s’agit donc de se réapproprier le temps long.
- Il propose aussi “d’accroître les financements [publics] des filières innovantes” “en mettant en place un modèle européen (a minima français) de DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency). Si l’AEC n’en parle pas en ces termes, on mettra d’abord en place une brique française avant une éventuelle mise en commun.
- Cette référence à DARPA est intéressante car cela permet de souligner que les innovations de rupture sont issues de la main bien visible de la puissance publique, DARPA étant à l’origine de l’émergence d’Internet et de la Silicon Valley. Cela pointe des convergences idéologiques, voire des imaginaires politiques. L’Avenir en commun prévoit la création d’une Agence pour la relocalisation qui recensera les filières à développer localement et établira des plans de relocalisation pour chacune d’entre elles.
Refonder la relation économique globale avec les GAFAM (accès aux données, fiscalité…)
- Le Medef propose de garantir l’accès des consommateurs à des services tiers et de mieux encadrer l’exploitation des données personnelles. En outre, le Medef propose “d’imposer une fiscalité plus conforme à la création de valeur, liée notamment à la localisation des activités”.
- L’AEC propose de garantir la neutralité du net et notamment de promouvoir les logiciels libres (via une agence publique). Pour refonder la relation, l’État doit au moins ne pas recourir aux GAFAM dans ses administrations. Concernant les données personnelles, il est nécessaire de les stocker sur le territoire français sur des serveurs de droits français pour mieux encadrer et surtout mieux protéger les Français. Pour ce faire, cela nécessite des investissements matériels importants à planifier (tout comme l’essor des logiciels libres).
- Enfin, l’AEC propose l’impôt sur les sociétés universel qui partage le principe de localisation des activités et propose de l’étendre à l’ensemble des activités économiques.
Utiliser la commande publique comme outil de souveraineté
- L’AEC va plus loin et selon une logique un peu différente dans l’utilisation de la main bien visible de l’État (et des collectivités). Il s’agit d’utiliser le levier de la commande publique pour enclencher la bifurcation écologique. La puissance publique privilégiera aussi selon des critères sociaux et environnementaux, ainsi que de localisation et de pays. Il ne faut pas oublier qu’une partie importante des délocalisations est interne à l’Union européenne, sans parler des délocalisations sur place via le recours aux travailleurs détachés.
- La pôle public bancaire permettra de diminuer le coût du capital pour les PME, et la réforme de l’impôts sur les sociétés leur apportera un soutien supplémentaire.
Soutenir la réindustrialisation des territoires en améliorant leur attractivité
- Le Medef, contrairement à ce qu’on pourrait attendre, met l’accent ici la lutte contre les déserts médicaux, la réflexion sur les stratégies logistiques avec un pilotage interministériel pour les investissements en matière de ferroutage et de transports fluvial. L’Avenir en commun prévoit de mobiliser tous les leviers pour combattre les déserts médicaux : recrutement de médecins publics, augmentation des moyens des facultés de médecine pour permettre une véritable suppression du numerus clausus, coopératives médicales, etc. Un grand plan de ferroutage est également inscrit parmi les mesures.
La formation et l’accès à l’emploi pour répondre aux besoins de l’économie
Réintroduire massivement l’enseignement mathématique, scientifique et technologique, rapprocher l’enseignement et les entreprises, augmenter de 30 % en 5 ans le nombre d’ingénieurs diplômés
- Le Medef alerte sur les mathématiques et semble avoir été rapidement entendu. Convergence sur l’échec de la réforme Blanquer du baccalauréat. L’AEC partage la nécessité de bras et de têtes bien formées, mais en donnant une direction et en n’oubliant les techniciens.
- Le rapprochement de l’enseignement et des entreprises apparaît en revanche comme une ligne rouge.
- Parmi les propositions de l’Avenir en commun : Créer des centres polytechniques professionnels ; Structurer les filières professionnelles qui répondent aux besoins en main-d’œuvre de la bifurcation écologique ; Rétablir l’encadrement de la création de centres de formation d’apprentis (CFA) sous l’autorité des régions ; Interdire les diplômes privés professionnels ; Rétablir le baccalauréat professionnel en quatre ans et y renforcer les enseignements généraux
Développer l’entreprenariat et faire converger le statut des micro-entrepreneurs vers l’entreprise
- L’Avenir en commun encourage l’entreprenariat : le pôle public bancaire aidera les jeunes entreprises à lancer lorsque le projet est bénéfique à la société sans que l’exigence de rentabilité soit aussi forte qu’avec les financeurs habituels.
- Pour autant, le développement massif du micro-entreprenariat (plus de 630 000 nouvelles immatriculations en 2021) doit être encadré. En effet, ce statut va souvent de pair avec des activités peu rémunérées offrant une protection sociale très dégradée. Surtout, c’est une société de concurrence déloyale par l’évitement des cotisations qui grandit sous nos yeux. Une société ou les cuisines fantômes remplacent les restaurants, et où des micro-entrepreneurs payés à la tâche remplacent des salariés pérennes.
- Parmi les propositions de l’Avenir en commun : Développer les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) afin de lutter contre le statut d’autoentrepreneur et de développer des formes de travail en commun ; Requalifier les travailleurs des plateformes numériques (Uber, Deliveroo…) et tous les salariés faussement considérés comme indépendants en contrat de travail salarié
Porter le nombre d’alternants à 2 millions d’ici la fin de la mandature
- Le nombre de contrats d’apprentissage a explosé ces dernières années pour atteindre 698 000 nouveaux contrats dans le secteur privé en 2021. Ce dynamisme s’explique par des subventions massives du Gouvernement, de minimum 5000 euros par signature de contrat.
- Pourtant, l’apprentissage n’est pas la bonne solution pour qualifier les jeunes et créer des emplois. 71% des contrats se trouvaient dans les services, contre seulement 15% dans l’industrie. Il bénéficie de plus en plus à un public diplômé de l’enseignement supérieur, laissant les jeunes les moins intégrés dans le marché du travail sur le carreau.
- L’enseignement professionnel public permet l’acquisition de compétences plus durables et plus adaptables, et aboutit à un diplôme, alors qu’un tiers des contrats d’apprentissage sont rompus avant leur terme et donc avant l’obtention du diplôme préparé. La formation professionnelle ne doit pas être organisée selon les besoins immédiats du patronat mais par un enseignement professionnel public de qualité, à la fois professionnalisant et humaniste.
- Parmi les propositions de l’Avenir en commun : Augmenter le nombre de classes et de lycées professionnels et agricoles publics ; Créer des centres polytechniques professionnels ; Rétablir l’encadrement de la création de centres de formation d’apprentis (CFA) sous l’autorité des régions ; Réserver la taxe d’apprentissage aux établissements publics ; Protéger les cursus courts dans l’enseignement supérieur et encourager la poursuite d’études après un bac professionnel ou technologique (BTS, DUT, licences professionnelles…) ; Rétablir le baccalauréat professionnel en quatre ans et y renforcer les enseignements généraux
Mettre en place des contrats régionalisés entre Pôle emploi et ses partenaires locaux
- Le Medef appuie sa recommandation sur l’exemple de la SNCF qui a ainsi pu “revitaliser son offre TER”. In fine, cela a favorisé l’ouverture à la concurrence.
- La compétence du service public d’emploi est prévue pour rester au niveau national pour éviter une influence plus importante des acteurs économiques locaux, notamment sur l’offre de formation.
- L’Avenir en commun propose plutôt de créer une garantie d’emploi : tout chômeur de longue durée pourra se voir proposer d’être embauchée au moins au SMIC – revalorisé – dans un secteur d’urgence.
Instaurer une codécision entre salariés et employeurs sur le CPF et rééquilibrer France Compétences
- Mis en place en 2015, le Compte personnel de formation (CPF) décharge l’entreprise du financement de la formation professionnelle, en le faisant reposer davantage sur des financements extérieurs. La réforme de 2018, en alimentant le CPF en euros plutôt qu’en heures de formation, réduit les capacités de formation. Compte tenu du coût moyen d’une heure de formation (31 euros), le CPF aurait dû être alimenté à hauteur d’au moins 750 euros par an pour assurer le maintien des droits pré-existants.
- Mais le plancher prévu par le gouvernement n’est que de 500 euros par an : une réduction de 50 % des droits à la formation, dans de nombreux cas. Après avoir déchargé le patronat de la responsabilité du financement et réduit les droits à la formation des salariés, il faudrait désormais que le CPF assure un droit de regard au patronat sur la formation des salariés, d’après le Medef. Cela constituerait une grave atteinte aux droits des salariés et ne ferait que renforcer les inégalités du dispositif, déjà largement capté par les cadres des grandes entreprises.
- Quant au “rééquilibrage” de France compétences : le patronat y est déjà largement représenté. Nous nous étions opposés à la création de cette instance, qui se contente de labelliser une multitude d’acteurs privés. Le fait que 97 % des organismes de formation soient à but lucratif pose pourtant un problème de taille pour la qualité et l’efficience de la formation.
- L’Avenir en commun propose plutôt d’établir une sécurité sociale professionnelle. À côté de la maladie, des accidents ou du chômage, elle couvrira un nouveau risque : celui de la carrière. La sécurité sociale professionnelle maintiendra les droits des travailleurs tout au long de la vie, y compris hors du contrat de travail, en les liant à la personne – comme la carte Vitale garantit la continuité du droit à la santé. Cette sécurité sociale professionnelle rendra le travail indépendant du capital. Les travailleurs pourront choisir librement leur domaine de formation et élever leurs qualifications.
Une relation constructive au travail
Donner davantage de moyens humains et organisationnels à la justice prud’homale
- Le Medef propose d’adapter la réparation des conseilleurs prud’hommaux sur le territoire et de renforcer leur formation de ces conseillers. Le Medef demande aussi d’augmenter les moyens humains et matériels, qui “doit passer par un effort substantiel du ministère de la Justice en termes de rattrapage budgétaire”.
Refonder la gouvernance et le financement de l’assurance-chômage autour d’un régime de solidarité et d’un complément assurantiel, et supprimer le bonus-malus sur les contrats courts
- Aujourd’hui, les salariés ne cotisent plus pour le chômage. Les recettes de l’assurance chômage sont donc de plus en plus assurées par un transfert d’impôts de l’État. Le Medef veut aller plus loin, en entérinant la fin du système assurantiel fondé sur la cotisation, où les travailleurs et les employeurs financent une assurance contre le risque du chômage, au profit d’un système de solidarité où des financements de l’État permettent de verser une prestation sociale pour le chômage. Ce système est injuste car il fait reposer le financement sur des impôts qui pèsent avant tout sur les plus modestes (CSG ou TVA).
- De plus, ce modèle simplifie l’austérité budgétaire pour l’État qui peut demander plus facilement des économies dans la mesure où il devient le principal financeur. Enfin, le bonus-malus sur les contrats courts ne va pas assez loi : il ne concerne qu’une poignée de secteurs et ne dissuade pas suffisamment les entreprises qui abusent des contrats courts.
- Parmi les propositions de l’Avenir en commun : Refuser la réforme Macron et indemniser les chômeurs en fonction de leurs derniers salaires grâce à une assurance calculée à partir du premier jour de travail ; Instaurer un quota maximal de contrats précaires dans les entreprises : 10 % pour les petites et moyennes entreprises (PME), 5 % pour les grandes entreprises.
Parachever les ordonnances de 2017, en élargissant les sujets entrant dans le dialogue paritaire, sans intervention de l’État
- Au contraire de l’élargissement du champ des négociations possibles dans les entreprises (entendre qui prévaut sur le droit), il faut revenir dessus.
- Contre-propositions de l’Avenir en commun : Abroger les ordonnances Pénicaud et la loi El Khomri, et rétablir le « principe de faveur » : un accord d’entreprise doit être plus favorable qu’un accord de branche, lui-même plus favorable que la loi ; Encadrer la sous-traitance en garantissant par la loi la responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants et en la limitant à un seul niveau.
Développer les Comptes Épargne Temps monétisés pour optimiser le temps de travail
- En plus de la promotion des forfaits-jours, ce dispositif vise expliciter à accroitre la durée du travail et leur pouvoir d’achat en déplafonnant la limite légale actuelle (seules les 5 semaines de congés payées sont sanctuarisées) et en défiscalisant la monétisation des RTT.
- L’Avenir en commun propose plutôt de rétablir immédiatement la durée légale hebdomadaire à 35 heures (en majorant les heures supplémentaires, cotisations incluses, à 25 % pour les 4 premières et 50 % au-delà), passer aux 32 heures dans les métiers pénibles ou de nuit, et favoriser leur généralisation par la négociation collective.
Un capitalisme décarboné, créateur d’opportunités
Inciter financièrement les ETI/PME/TPE à mesurer leur impact carbone pour mieux le réduire
- Le Medef propose ici d’intégrer les dépenses relatives à ces activités de mesure et de comptabilité vertes au calcul du crédit impôt innovation.
- L’Avenir en commun propose plutôt d’obliger les entreprises à mettre en œuvre une comptabilité carbone pour les émissions directes et indirectes certifiée par un organisme public agréé en commençant par les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES) – énergie, transport, bâtiment, industrie lourde – puis selon la taille des entreprises, accompagnée d’une trajectoire de baisse de leurs émissions.
Relancer la production d’électricité nucléaire et refonder le marché européen de l’électricité
- Le Medef propose de ne négliger aucune source d’énergie tout en indiquant “notre mix électrique répondra à nos besoins d’abord grâce à l’électricité nucléaire”. Le Medef fait mine de s’appuyer sur les scénarios RTE, mais ceux-ci comportent 3 scénarios sur 6 sans création de nouvelles capacités nucléaires dont 1 à 100% ENR dès 2050. Pour Négawatt, c’est 2045.
- Afin de bénéficier d’un prix stable et compétitif de l’énergie, le Medef propose “réformer la régulation du marché de l’électricité, pérenniser l’accès régulé à la compétitivité du parc nucléaire existant, développer les contrats à long terme.” Soit des réformettes à la marge, avec néanmoins une convergence sur le constat de l’échec de la mise en concurrence d’un marché européen de l’électricité pour fournir un prix stable et bas.
- L’Avenir en commun propose le 100% énergies renouvelables et la sortie du nucléaire dès 2045 selon le scénario négaWatt qui implique de la sobriété énergétique – terme absent du document du Medef.
La croissance au service de la cohésion sociale grâce à la solidarité, l’inclusion et l’intégration
Développer l’intéressement et la participation, notamment en pérennisant la prime PEPA et en défiscalisant les actions gratuites pour les entreprises de taille moyenne
- 98 % des profits 2020 du CAC 40 ont été reversés aux actionnaires l’année suivante sous forme de dividendes ou de rachats d’actions. Pourtant, c’est à l’État que le Medef demande d’augmenter le pouvoir des Français. Le développement des niches fiscales sur l’intéressement, la participation, les actions et les primes coûte déjà plus de 2 milliards d’euros à l’État. Ainsi, l’argent distribué aux salariés vient en partie de leurs impôts !
- Ce n’est pas à l’État de payer les salariés du privé pour que les grands groupes puissent continuer d’engraisser les actionnaires : les entreprises doivent utiliser leurs profits pour augmenter les salaires et l’investissement productif plutôt que pour nourrir la sphère financière spéculative.
- Parmi les propositions de l’Avenir en commun : Porter immédiatement le SMIC mensuel à 1 400 euros net ; Organiser une conférence sociale pour revaloriser en matière de salaires, de conditions de travail et de parcours professionnels les métiers occupés majoritairement par des femmes dans les secteurs du soin, du lien et du contact ; Plafonner les versements de dividendes aux actionnaires en limitant la part des bénéfices qui leur est distribuée à la part versée aux employés ; Moduler l’impôt sur les sociétés selon l’usage des bénéfices pour encourager l’investissement en France et pénaliser le versement de dividendes
Relever l’âge de départ en retraite et créer trois grands régimes (salariés, fonctionnaires, indépendants)
- 25% des plus pauvres sont déjà morts à l’âge de la retraite. Reculer l’âge légal de départ est une mesure injuste, d’autant plus que le système n’a pas de problème de financement : comme le montrent les projections du Conseil d’orientation des retraites, la part des dépenses de retraites dans le PIB va diminuer progressivement vers 13% ou 12% selon les hypothèses, contre 13,5 % aujourd’hui.
- Une telle mesure serait de tout manière inefficace. L’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) a montré que les effets budgétaires positifs et négatifs d’un report de l’âge de la retraite tendent à s’annuler.
- Au lieu de monter les retraités les uns contre les autres et condamner les travailleurs les moins bien lotis à ne pas pouvoir en profiter, l’AEC propose de renforcer le système actuel de solidarité et de garantir une retraite digne à tous, dès 60 ans à taux plein pour 40 annuités de cotisations.
Plafonner les revenus de solidarité pour chaque foyer fiscal
- Le Medef propose que les revenus de solidarité soient associés à un accompagnement vers l’emploi (alors qu’il refuse tout conditionnement des aides publiques), ainsi que leur plafonnement, pour que les revenus de remplacement n’excèdent les revenus du travail.
- Le Medef fait ici une erreur d’analyse car les minima sociaux permettent rarement de dépasser le seuil de pauvreté, soit la satisfaction minimale des besoins élémentaires. Plutôt qu’un plafond, l’AEC propose un plancher de sécurité avec la garantie d’autonomie, de sorte que personne ne vive sous le seuil de pauvreté.
Mettre la prévention au cœur du système de santé et favoriser la coopération entre secteur public et privé
- L’Avenir en commun partage l’accent mis par le Medef sur la prévention.
- En revanche, l’heure n’est pas à la « coopération entre secteur public et secteur privé”. Au niveau des financements, les complémentaires santé ont des frais de gestion faramineux comparés à ceux de la sécurité sociale. A l’hôpital, le privé prend les patients les plus rentables et laisse au public les plus difficiles et chers à traiter.
- L’Avenir en commun propose plutôt de reconstruire le service public hospitalier et instaurer le « 100 % Sécu » en remboursant à 100 % les soins de santé prescrits et en intégrant les mutuelles dans la Sécurité sociale.
La croissance au service de la dynamique des territoires
Développer l’offre de logements
- Le Medef propose de construire 500 000 logements par an sur tous les segments du marché (abordables, intermédiaires et libres) afin de faire baisser les coûts du logement et faciliter la mobilité. Le Medef propose aussi de préserver Action logement.
- En revanche, le Medef propose de réduire la pression fiscale sur l’immobilier (taxe foncière, droits de mutation et impôts sur la fortune immobilière). Plutôt que de chercher à toujours baisser les prélèvements fiscaux, l’Avenir en commun propose de mieux répartir l’effort de contribution en fonction des moyens, c’est-à-dire en jouant sur la progressivité, mais aussi sur l’assiette. C’est pourquoi l’AEC propose de compléter l’IFI par le rétablissement d’un ISF (assiette) dont le barême sera renforcé. Concernant la taxe foncière, il s’agit de refonder la taxe foncière pour la rendre progressive et que chacun paie à hauteur de son patrimoine total réel. Sur les droits de mutation, l’AEC propose d’imposer les hautes transactions immobilières par une taxe progressive pour financer la lutte contre le logement indigne.
- Concernant le logement, l’AEC met plus l’action sur la production de logements sociaux (200 000 logements publics/an) ainsi que d’améliorer le confort des logements à facture constante ou de faire baisser la facture et donc le coût du logement en proposant de refaire l’isolation d’au moins 700 000 logements par an.
Permettre une meilleure mobilité des salariés
- Pour la meilleure mobilité des salariés, la mesure mise en avant par le MEDEF est de “développer les infrastructures de transport et les services de proximité”. C’est très vague. Mais on peut y voir une convergence avec l’AEC avec la nécessité de développer les infrastructures de transport en commun et du ferroviaire, ainsi que le redéploiement des services publics de proximité . Par exemple, comme le propose l’Avenir en commun, réouvrir des services d’urgence, des maternités et des EHPAD publics assurant un service de santé public de proximité à moins de trente minutes de chaque Français.
- En lien avec l’essor du télétravail, le Medef préconise de continuer à soutenir le renouveau des villes petites et moyennes et le rayonnement des périphéries, en développant les services d’accès aux soins, l’éducation, l’offre sportive et culturelle, la couverture numérique du territoire. L’AEC privilégie l’idée de maillage des services publics de proximité.
Contribuer à la dynamique des territoires par une gouvernance et une fiscalité clarifiée, associant davantage les entreprises
- Le Medef revient à des propositions classiques (et ses obsessions de comptables), mais qui entrent en contradiction avec le point précédent : il faut “évaluer le coût réel des services locaux”, plutôt que la seule dépense par habitant et ainsi “mettre en place des indicateurs de performance lié à la maîtrise de ces coûts” [des services publics locaux], afin in fine de “baisser les impôts locaux”.
- En outre concernant la fiscalité, le Medef propose d’aller vers la fin des financements croisés coûteux et complexes. C’est vague : les différentes exonérations fiscales et compétences décentralisées ont pu donner lieu à un emmêlement des financements peu compréhensibles. Toutefois, cette proposition peut sous-entendre la fin du système de péréquation entre collectivités qui permettent aux communes de faire preuve de solidarité entre elles, en reversant une partie des recettes des communes les plus aisées vers les plus pauvres.
- Le Medef propose aussi de simplifier la gouvernance en simplifiant l’exercice des compétences avec une autorité organisatrice de référence par compétence. L’AEC propose de simplifier en revenant au triptyque commune-département-État pour mettre fin à la superposition d’échelons technocratiques qui éloigne les citoyens des prises de décision. Associer davantage les citoyens est la priorité de l’AEC, plutôt que les entreprises.
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