Ordre des avocats de Lille

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Nous répondons ci-dessous aux questions de l’Ordre des avocats de Lille.

Question 1

Un nouveau palais de justice devrait voir le jour à Lille en 2024. Au vu d’un projet qui remonte à 5 ans, toujours en cours, la surface des locaux ordinaux et professionnels accordée aux avocats lillois (au nombre de 1 400 !) au sein de ce nouveau Palais serait (après avoir été fixé à 80 m2) limitée à 110m2 pour y accueillir le flux quotidien de tous les avocats lillois et extérieurs, leurs vestiaires, leurs 400 boîtes aux lettres, leur emplacement d’échanges entre audiences, leur emplacement de réflexion, avec bureau intramuros du Bâtonnier, de sa secrétaire, celui de deux ou trois membres du personnel de l’Ordre pour la gestion des incidents, permanences, aides juridictionnelles, etc…

Cette proposition sur la « base de ce qui se fait désormais et dans un souci économique » (sic !) est vraiment insensée: 110 m2 pour 1 400 avocats dans un édifice futur de plus de  24 000 m2 ! Autrement dit, la place octroyée aux avocats lillois équivaut à moins de 0,5% de la surface totale…

Que cela vous inspire-t-il ? Que faut-il faire selon vous si l’on sait que depuis 5 années maintenant l’Ordre se bat en vain pour obtenir a minima 300 à 400 m2, ce qui est encore inférieur à ce dont il dispose dans le vieux palais actuel…

À titre anecdotique ou pas, en 2017 nous posions la même question à tous les candidats à la présidence de la République et à plus de 90 députés et sénateur : unanimement, unanimement, et ce compris notre président de la République actuel, tous répondaient que les avocats, profession qui donne déjà beaucoup pour le fonctionnement du service public de la Justice et aux justiciables les plus défavorisés, méritaient d’évidence une surface de locaux appropriée et digne, et non un « pré carré » à la limite de la provocation et un peu insultant.

Chaque mètre carré que l’on vous accorde ou vous retire traduit la place que l’on entend vous attribuer dans l’institution judiciaire et son œuvre. Ainsi, la situation concrète de l’Ordre des Avocats de Lille, qui s’est présentée dans d’autres endroits, notamment à Paris, traduit une volonté de tenir à l’écart ceux-là même dont la fonction est d’empêcher de tourner en rond. Ce choix de tenir les avocats à l’écart doit être compris pour ce qu’il est : le symptôme d’une rationalité économique qui gangrène l’institution judiciaire – comme beaucoup d’autres services publics– jusqu’à l’en dénaturer. Ne nous trompons pas : il ne s’agit pas de dresser la magistrature contre l’avocature (et inversement) mais bien de regarder avec lucidité les dysfonctionnements systémiques, le cynisme budgétaire à courte vue, le mal-être dont tous ont à pâtir.

D’une « justice rendue au nom du peuple » à une justice mécanisée, les réformes successives entreprises au mépris du personnel de justice trahissent un triple manquement – un manquement à l’égard de ses personnels, contraints de faire toujours plus avec toujours moins ; un manquement à l’égard des justiciables et de leurs conseils ; un manquement à l’égard du pacte républicain dont la justice, quand elle est rendue effectivement, est la garantie au quotidien. La justice affronte un manque de moyens, humains, matériels, financiers qui jette ses personnels, ses auxiliaires, ses justiciables, dans une souffrance trop peu entendue. L’introduction de logiques de marché et de gestion privée, la recherche d’ « économies d’échelle » et d’une rentabilité exprimée sous une forme ou sous une autre, provoque la faillite des services publics. 

L’exemple des rénovations du palais de Justice de Lille, comme de tant d’autres, est à cet égard symptomatique. Au-delà du simple constat, c’est une alerte. La justice doit retrouver le sens de la mission de service public qui la fonde et dans laquelle puise l’égalité réelle de tous et de toutes devant la loi. Son financement doit être augmenté de manière significative, débarrassé du vocable ignominieux des coûts. Les professionnels du droit doivent retrouver la voix au chapitre et leur juste place dans les palais pour que, au plus près du terrain, là où s’exerce tous les jours la justice – et où se fabrique la paix sociale –, les besoins soient entendus et pleinement satisfaits.

Question 2 – Quelles sont, président de la République, les trois mesures prioritaires que vous prendriez rapidement en matière de Justice et de son fonctionnement déjà pour restaurer la confiance du justiciable, mais également celle des magistrats, des greffiers et naturellement des avocats ?

C’est dans cet esprit que nous soutenons l’idée que le service public de la Justice a besoin de réformes majeures, structurelles, qui sont attendues par l’ensemble des acteurs judiciaires et nécessaires pour les justiciables. Si nous partageons avec vous le sentiment que des réponses d’urgence doivent être apportées à une institution judiciaire en crise, il nous paraît néanmoins nécessaire de conduire des réformes de fond, seules à même de durablement résorber les causes de la situation présente et répondre aux enjeux d’un service public digne de ce nom.

Dans cet esprit, nos mesures prioritaires sont les suivantes (au nombre de quatre quoique le tribunal nous ait enjoint à faire court !) :

  1. Revaloriser l’aide juridictionnelle, dont les plafonds et seuils seront révisés pour en élargir les conditions d’accès, levant ainsi les obstacles socio-économiques qui pèsent sur les justiciables les plus pauvres en même temps qu’elles dévalorisent le travail des conseils.
  2. Engager un grand plan de formation et de recrutement de magistrats, de greffiers, de personnels administratif, avec l’ambition d’atteindre a minima la moyenne européenne au plus vite mais dans des délais compatibles avec l’exigence de qualité de la formation et du service rendu.
  3. Garantir l’accès au droit et l’accès au juge, d’une part en renforçant les budgets des Conseils départementaux de l’accès au droit et bureaux d’aide juridictionnelles et d’autre part en supprimant les dispositions restreignant le droit à un recours effectif en particulier dans les matières civile et prud’homale (suppression notamment du décret Magendie).
  4. Conforter les droits de la défense et la présomption d’innonce, notamment en renforçant les droits des personnes gardées à vue (accès au dossier complet, limitation à 72 heures dans tous les cas de placement, suppression de la retenue administrative pour les personnes “sans-papiers”, garantir l’accès à un avocat dès la première audition), en abrogeant les comparutions immédiates et en supprimant les box vitrés dans les salles d’audience.  

Question 3 – Notre magazine Avocats Grand Lille à paraître a pour ligne directrice : « que des bonnes et heureuses nouvelles ! ». Avez-vous quelque(s) bonne(s) nouvelle(s) à nous annoncer?

Trois bonnes nouvelles : 

  1. Notre Livret thématique “Pour une Justice au nom du peuple” est à paraître très prochainement.
  2. Nous nous engageons à vous l’adresser dès sa publication pour poursuivre cet échange.
  3. Nous espérons bien rebâtir le service public de la Justice avec vous dès le 24 avril prochain.