Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Le Comité Laïcité et République est une association loi de 1901 qui promeut la laïcité dans le débat public en France. Ce questionnaire transmis aux candidats à l’élection présidentielle a été élaboré par plusieurs membres du Conseil d’Administration du comité : universitaires, militants et enseignants nous ont partagé leurs propositions qui s’articulent autour de trois objectifs :

Garantir l’application des lois relatives à la laïcité

L’application de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat, de la loi du 15 mars 2004 relative à l’interdiction de signes religieux ostensibles à l’école et de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République doit être strictement garantie. Vous engagez-vous à garantir l’application des lois rappelées ci-dessus ?


Je suis opposé à la loi du 24 août 2021 dite “séparatisme” que nous abrogerons. En effet, cette loi a rétréci les libertés associatives en facilitant leur dissolution administrative et via la création d’un absurde “contrat d’engagement républicain”. Ces dispositions en particulier n’ont rien à voir avec la laïcité. Celles qui concernent la neutralité des salariés d’entreprises privées remplissant une mission de service public sont inutiles puisque la jurisprudence garantissait déjà cette obligation de neutralité depuis plusieurs années – ce que je soutiens.

Envisagez-vous de proposer d’autres textes législatifs afin de renforcer l’arsenal existant ? Si oui, lesquels ?


L’Avenir en Commun, mon programme, prévoit notamment les dispositions
suivantes :

Par quels moyens et dispositifs envisagez-vous d’évaluer la bonne application des mesures que vous aurez décidées ?

Certaines de ces mesures relèvent du domaine législatif. Pour d’autres, le gouvernement donnera instruction aux préfets d’appliquer de façon renforcée l’interdiction des signes religieux sur les monuments publics par exemple (art.28 de la loi de 1905) ainsi que la tenue de réunions publiques dans des lieux de cultes (art. 25).

Ces lois doivent s’appliquer sur l’ensemble du territoire de la République. Un processus d’abrogation de toutes les dispositions et des statuts dérogatoires à la loi commune (notamment en Alsace, Moselle et dans les départements et territoires ultramarins) devra donc s’engager. Vous engagez-vous à entamer le processus d’abrogation des dispositions et statuts dérogatoires ?

Abroger le concordat d’Alsace-Moselle et les divers statuts spécifiques en vigueur dans les Outre-mer (L’avenir en commun, Chapitre 1, démocratie et institutions)

Par quels moyens et dispositifs envisagez-vous d’évaluer la bonne application des mesures que vous aurez décidées ?

Dispositif législatif abrogeant les statuts spécifiques pour application des dispositions de la loi de 1905, notamment en revenant sur les décrets Mandel, en application de l’esprit initial de la loi qui prévoyait en son article 43 l’extension à tout le territoire. Même chose pour les dispositions de la loi du 17 octobre 1917 lors du rattachement de l’Alsace-Lorraine à la France.

En ce qui concerne les dispositions concordataires relatives au droit local des cultes en vigueur en Alsace-Moselle, la suppression concerne seulement les privilèges publics dont bénéficient certains cultes ; les droits sociaux hérités du régime bismarckien, dont certains devraient d’ailleurs utilement inspirer le système français de protection sociale, ne sont absolument pas remis en cause. Dans la continuité, l’article 3 supprime les établissements publics locaux du culte d’Alsace-Moselle et institue des associations cultuelles dans ces départements, comme le prévoit la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. L’article 4 met un terme au recrutement de ministres du culte par l’État en Alsace-Moselle et organise la transition pour ceux qui sont en fonction, dans les conditions prévues par la loi du 9 décembre 1905 et mises en œuvre dans les autres départements lors de son entrée en vigueur.

Il s’agira aussi d’abroger l’ordonnance de Charles X du 27 août 1828, qui fait bénéficier le culte catholique d’un financement public en Guyane, et les décrets-lois qui s’appliquent dans les Outre-mer.

Renforcer les textes constitutionnels, législatifs ou réglementaires afin de garantir la laïcité et la neutralité dans la République

La République assure la liberté de conscience. La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » Ces deux principes, affirmés aux articles 1 et 2 de la loi du 9 décembre 1905, devront être inscrits dans la Constitution. Vous engagez-vous à faire inscrire ces deux principes dans la constitution ? Quelles sont les dispositions concrètes que vous pensez prendre pour cette inscription ? Et par quels moyens et dispositifs envisagez-vous d’évaluer la bonne application des mesures que vous aurez décidées ?

Le programme l’Avenir en commun propose de passer à une 6e République, dont la Constitution sera élaborée par une Assemblée constituante puis validée par référendum. Ainsi, je convoquerai un référendum (article 11) pour engager le processus constituant et décider des modalités de composition de l’Assemblée constituante : mode de scrutin, parité, tirage au sort et incompatibilités ; et des modalités de délibération : comités constituants et participation citoyenne. C’est donc le peuple français qui décidera du contenu de cette nouvelle constitution.

La 6e République et sa Constitution seront l’occasion de consacrer de nouveaux droits civils et collectifs mais aussi individuels, pour une nouvelle étape de l’émancipation humaine. Dans le cadre de l’Assemblée
constituante, nous défendrons donc l’inscription de principes fondamentaux pour l’émancipation humaine comme la laïcité. C’est l’Assemblée et le peuple qui décideront souverainement de son inscription ou non.

L’Union populaire défend la nécessité d’appliquer la loi de 1905 et de mettre en œuvre le caractère laïque de la République, pour l’instant déjà présent dans l’article premier de la constitution. L’Avenir en Commun, rappelle en effet que la laïcité est le principe qui garantit la liberté de conscience, l’égalité entre tous les citoyens et rend ainsi possible notre vie commune. Elle est indissociable de la souveraineté populaire. Nous devons la faire respecter et nous en tenir aux principes très clairs énoncés par la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État. La laïcité interdit l’ingérence des religions dans les affaires publiques. Elle ne peut être confondue avec un athéisme d’État ni prétendre organiser les religions. Elle ne doit jamais servir à montrer du doigt les croyants d’une religion, comme, dans la période récente, cela a été fait contre les musulmans.

À de nombreuses reprises, j’ai rappelé publiquement le caractère laïque de la République, me suis érigé contre l’intrusion du religieux dans la sphère politique. Je m’étais élevé comme sénateur contre la tentative de modification de la loi Falloux, j’avais dénoncé le statut de Chanoine de Latran, à l’encontre notamment des présidents Sarkozy, Hollande et Macron. En 2015, j’ai défendu les principes laïques et de la liberté d’expression lors d’un discours prononcé aux obsèques de Charb.

La loi de la République, notamment celle du 24 août 2021, précise qu’une stricte neutralité doit s’appliquer dans les différents services publics. Sont en particulier concernés les crèches, les établissements d’enseignement, les hôpitaux, les prisons, les établissements sportifs et plus généralement les administrations recevant du public. Ces principes sont destinés à lutter contre toute forme de discrimination et à assurer à tout citoyen une parfaite égalité de traitement dans l’accès aux services publics. Pour chaque type de services publics, un texte législatif ou réglementaire, fixera les dispositions concrètes pour la mise en œuvre de ces principes de neutralité. Vous engagez-vous à proposer des textes législatifs ou réglementaires, des dispositions concrètes pour assurer les principes de neutralité dans les services publics ?


L’Avenir en Commun prévoit de nouvelles mesures qui imposeront un plus strict respect de la neutralité de l’État, conformément à l’article 2 de la loi de 1905 :

Et par quels moyens et dispositifs envisagez-vous d’évaluer la bonne application des mesures que vous aurez décidées ?


Pour mettre fin aux subventions déguisées, la reconnaissance d’utilité publique d’une association ou d’une fondation doit s’effectuer en conformité avec le principe de séparation des Églises et de l’État. Il faut interdire le financement de l’exercice d’un culte ou du soutien à l’exercice du culte par les fonds de dotation. Ainsi sera mis un terme au financement indirect des religions par l’exonération fiscale des dons.

Je rendrai impossible la manifestation d’une appartenance religieuse par toute personne investie d’une autorité publique dans l’exercice de ses fonctions. Il donne un fondement législatif à la jurisprudence constante (avis du Conseil d’État du 3 mai 2000, Dame Marteaux), et prépare la remise en cause du titre de Chanoine de Latran, dont la République n’a que faire.

Je ferai respecter la laïcité dans les établissements hospitaliers, conformément à l’obligation de continuité de service public, afin de combiner le principe de laïcité, qui garantit les droits fondamentaux des femmes et notamment celui du libre choix de disposer de leur corps, le principe de continuité du service public et la clause de conscience du praticien hospitalier. Il s’agit de garantir l’activité d’interruption volontaire de grossesse comme faisant partie des missions dont il faut impérativement assurer la prise en charge. Si l’Assemblée constituante l’adopte, le droit à l’avortement pourrait figurer dans la constitution comme nouveau droit fondamental humain.

Les entreprises privées sont confrontées à des atteintes en matière de laïcité et sont victimes d’actions de prosélytisme religieux, de tentations communautaristes ou de discriminations sexuées. Les textes régissant le monde du travail devront être complétés afin de permettre d’engager les principes de neutralité et d’égalité au sein des entreprises privées. Vous engagez-vous à faire compléter les textes pour relatifs aux principes de neutralité et d’égalité au sein des entreprises privées ?


L’esprit de la loi de 1905 qui garantit la laïcité repose sur la liberté de conscience, la liberté de culte, sous disposition d’ordre public, et la neutralité de l’État. Depuis la déclaration des droits de l’homme et du
citoyen, notamment les articles 10 et 11, la liberté d’opinion et d’expression, notamment en matière religieuse, est un principe fondamental de la République, repris notamment par la cour européenne
des droits de l’homme.

Par conséquent, si la neutralité s’impose aux agents publics, la liberté constitue la règle pour les citoyens. Dès lors toute disposition législative s’imposant au monde du travail, comme certaines dispositions de la loi travail dite El Khomri, constituent une atteinte à la liberté d’opinion dommageable. La loi n’a pas à séculariser le monde de l’entreprise, mais à faire respecter les garanties la séparation des ordres et la liberté d’expression. L’article 31 de la loi de 1905 proscrit toute atteinte et toute pression en ce qui concerne les options cultuelles des citoyens, elle doit être appliquée strictement.

Le droit à mourir dans la dignité constitue un droit fondamental au même titre que le droit à la liberté ou à l’égalité. Le dispositif législatif relatif à la fin de vie sera renforcé afin de garantir ce droit à mourir dans la dignité. Vous engagez-vous à faire renforcer les textes relatifs à la fin de vie ?


La liberté de choisir sa vie est un droit fondamental de tous les êtres humains. Nos lois doivent garantir ce droit. La 6e République, et sa Constitution, seront l’occasion de consacrer de nouveaux droits civils et collectifs mais aussi individuels, pour une nouvelle étape de l’émancipation humaine.

Et par quels moyens et dispositifs envisagez-vous d’évaluer la bonne application des mesures que vous aurez décidées ?

Le programme L’Avenir en commun prévoit d’ajouter dans la Constitution le droit à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le droit de mourir dans la dignité (y compris avec assistance) et l’accès garanti à des soins palliatifs.

Nous prévoyons aussi d’instaurer un grand service public funéraire laïque et gratuit pour permettre à chacun d’avoir droit à des obsèques dignes dans un cadre laïque.

Promouvoir la laïcité et la neutralité

L’école de la République constitue le lieu essentiel pour l’éveil des futurs citoyens jouissant d’une totale liberté de conscience et bénéficiant des principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Pour que l’Ecole puisse jouer pleinement son rôle émancipateur, il convient que l’ensemble des enseignants, mais aussi, tous les agents de l’Education nationale puissent suivre une formation solide aux principes de laïcité, définie par un référentiel national, et contrôlée, préalable à leur entrée en fonction. Vous engagez-vous à ce que tous les agents de l’Education nationale suivent une formation aux principes de laïcité ?


En sus de la formation des personnels à la laïcité et à sa mise en œuvre pratique, L’Avenir en Commun réaffirme le principe de laïcité qui implique de ne favoriser aucun culte au sein de l’enseignement public. En outre, conformément à la Constitution et au code de l’éducation, qui dispose que : « L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État », la puissance publique doit assurer un enseignement public gratuit et laïque sur l’ensemble du territoire de la République française. Il est inacceptable qu’il existe aujourd’hui plus de 500 communes sans école publique en France, un chiffre qui a augmenté de 11 % en dix ans.

Il faudra également abroger le statut scolaire particulier de l’Alsace-Moselle. Les cours de religion sont ainsi supprimés, et les CAPES de religion, créés par voie réglementaire, disparaîtront de facto.

Les règles de neutralité à l’école, notamment concernant le port de signes religieux ostensibles, pour les élèves, le personnel enseignant et tout bénévole assurant une mission de service public, seront affirmées et feront l’objet d’une large diffusion à destination des parents d’élèves et seront rappelées aux enseignants et aux chefs d’établissement. Vous engagez-vous à diffuser largement les règles de neutralité à l’école ?

Je propose de respecter la législation actuelle. La neutralité s’imposera donc au agents de l’éducation nationale comme au élèves, conformément à la loi de 2004. En revanche, cette neutralité ne s’applique pas aux adultes bénévoles, notamment parents d’élèves accompagnant ponctuels.

Les mêmes règles de neutralité doivent s’imposer à l’université. Vous engagez-vous à garantir les règles de neutralité à l’université ?

La neutralité ne s’entend pas de la même manière à l’Université où les usagers sont adultes et majeurs, et disposent de la liberté d’opinion et d’expression garanties par les articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. La neutralité des agents s’impose, sauf en ce qui concerne la liberté académique des enseignants chercheurs. l’État doit garantir la liberté de la recherche.

Le partage de la langue est le creuset du bien commun et d’une véritable communauté d’intérêts civiques. Ainsi la laïcité sera d’autant mieux acceptée que le langage qui la définit sera maîtrisé par tous. Si l’Ecole est le lieu privilégié de son
apprentissage, on ne saurait négliger le rôle fondamental des intervenants de terrain, associations d’alphabétisation et de soutien scolaire, éducateurs, auprès de ceux qui se trouvent hors du champ de l’Ecole. Vous engagez-vous à apporter un soutien effectif à ces acteurs de terrain ?

Notamment par la fin des déserts scolaires. L’Avenir en commun prévoit ainsi de :

L’école publique sera renforcée, notamment par l’abolition des privilèges de l’enseignement privé (abroger la loi Carle, interdire les subventions extralégales des collectivités territoriales)

Nous voulons également éradiquer l’illettrisme, qui touche encore plus de 2,5 millions de Français dans l’Hexagone et davantage encore dans les Outre-mer. Pour cela, nous proposons de :

La Journée de la Laïcité, le 9 décembre, doit constituer un moment important pour tous les citoyens. Le gouvernement doit proposer et mettre en œuvre des actions et évènements, aptes à rappeler à tous les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité qui régissent notre société, en particulier à l’école et dans les lieux publics. Vous engagez-vous à faire du 9 décembre un moment important pour tous
les citoyens ? Quelles sont les dispositions concrètes que vous pensez prendre sur ce point ?


Faire du 9 décembre une journée nationale de promotion de la laïcité.