Handébat 2022

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

A l’occasion des élections présidentielles, les associations LADAPT, CFPSAA, 100% Handinamique et APHPP organisent Handébat 2022. Les candidats ont été interrogés sur leurs propositions concrètes en matière de handicap et d’inclusion. Voici les réponses de Jean-Luc Mélenchon au questionnaire Handébat 2022.

ONU : convention internationale des droits des personnes handicapées

L’ONU exhorte la France, à la suite de son audition à l’été 2021, à fermer tous ses établissements médico-sociaux. 

  • Vous engagerez-vous à suivre ce cap ou vous semble-t-il excessif ?
  • Quelles réponses apporterez-vous aux milliers de familles qui, à bout, restent sans solution, parfois durant des années et doivent pour certaines arrêter de travailler pour garder leur enfant à la maison ?

Nous faisons nôtre le concept d’accessibilité universelle défendu par la convention internationale des droits des personnes handicapées de l’ONU. 

Nous ne sommes cependant pas favorables à la fermeture des établissements médico-sociaux à cette heure. En l’absence de solutions alternatives, ils sont aujourd’hui nécessaires. Il conviendra de renforcer les contrôles de ces établissements de façon à assurer la sécurité et la bonne prise en compte des personnes qui y sont accueillies. Il est également nécessaire, selon nous, de développer des solutions alternatives, de sorte que chaque personne ou famille ait le choix du mode de prise en charge. 

Pour cela, nous aurons notamment besoin de plus d’aides à domicile pour les personnes. Il faudra donc leur donner un statut et augmenter leur salaire. Dans les établissements et service d’aide par le travail, il sera nécessaire de donner au personnes le statut de salarié, d’appliquer le droit du travail, quand il est plus favorable que le statut actuellement en vigueur, ce qui inclut notamment le droit à la syndicalisation 

Pour les familles sans solutions, notre programme prévoit de recruter plus d’aides à domicile et 15 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH)

Citoyenneté

Les personnes handicapées peinent à accéder à la vie publique et à une citoyenne pleine et entière.

  • Comment changer la donne ?
  • Etes-vous favorable à l’instauration de quotas de personnes en situation de handicap sur les listes électorales, à l’image de ce qui existe pour d’autres publics (par exemple parité homme/femme) ?
  • Respecterez-vous le quota de 6 % de personnes handicapées dans votre gouvernement, vos cabinets, votre administration ?

La parité homme-femme est un cas particulier reconnu comme telle par le conseil constitutionnel. Le quota de 6% de personnes en situation de handicap s’applique aux entreprises privées de plus de 20 salariés, et non au gouvernement.

Nous respecterons la loi et la ferons respecter. 

Le handicap ne doit pas être un frein à l’engagement politique. Nous sommes d’ores et déjà particulièrement impliqués. Ainsi, notre programme pour l’élection présidentielle est accessible en versions braille et audio. Nos meetings sont accessibles en langue des signes et en vélotypie. Nous le généraliserons.

Ressources

  • Mettrez-vous en œuvre l’individualisation de l’AAH, soutenue par tous les partis d’opposition contre l’avis de la majorité ?
  • Par ailleurs, cette allocation à taux plein reste, avec 903 euros par mois, en dessous du seuil de pauvreté fixé en France à 1 102 euros en 2021. Comptez-vous l’augmenter à ce niveau pour son million de bénéficiaires ?

Nous mettrons en œuvre la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé. Elle est censée compenser le fait de ne pas pouvoir travailler : nous la porterons donc au niveau du SMIC, que nous revaloriserons à 1 400 euros.

Éducation

  • 4 000 AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) de plus promis à la rentrée 2022, est-ce suffisant ? Vous engagerez-vous à faire mieux et comment ?
  • L’école inclusive a-t-elle ses limites ou est-ce un cap non négociable, quelles que soient les difficultés pour la mettre en œuvre ?
  • Que proposez-vous pour faciliter la mobilité internationale des étudiants en situation de handicap ?

Les recrutements promis sont très nettement insuffisants. Il faut des recrutements de grande ampleur de façon à permettre à chaque enfant en difficulté de pouvoir bénéficier de l’aide dont il a besoin. Nous nous baserons sur les besoins et mettrons en place le recrutement de 15 000 AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) de plus pendant le mandat.

Nous baisserons à dix le nombre maximum d’élèves par classe en unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) et garantirons à chaque élève une place dans une structure ULIS, en ouvrant le nombre de structures nécessaires.

Nous formerons tous les personnels de l’éducation au handicap (y compris le personnel administratif et soignant) pour une meilleure prise en compte des besoins. 

Nous développerons dès l’école primaire l’éducation à la lutte contre les discriminations vis-à-vis des personnes en situation de handicap. 

Nous permettrons l’apprentissage de la langue des signes à l’école. Dans l’enseignement supérieur, nous ajouterons une formation à l’inclusion des personnes en situation de handicap dans les licences, DUT et BTS.

Emploi

  • 500 000 personnes handicapées sont au chômage. Jugez-vous que « nul n’est inemployable » ? Si oui, faut-il viser l’emploi en milieu ordinaire ou renforcer les dispositifs spécifiques, type Esat ou entreprises adaptées ?
  • Trois mesures phare pour l’emploi des  personnes handicapées et comment comptez-vous les financer ?
  • N’êtes-vous pas inquiet sur l’avenir de l’AGEFIPH et du FIPHFP, d’abord à cause de leur budget en baisse mais aussi de la volonté actuelle de transférer aux entreprises et à leur bonne volonté (RSE) la compensation du handicap en emploi, qui se matérialise concrètement par la suppression des accords entreprise en 2024 ?

Nos propositions pour le droit à l’emploi des personnes en situation de handicap sont les suivantes : 

  • Mettre fin au désengagement financier de l’État via le retour à sa mission de traitement administratif des dossiers des travailleurs et pérenniser le financement de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap
  • Pourvoir chaque département d’un centre de préorientation, en relation avec la Maison départementale des personnes en situation de handicap, contribuant à l’orientation professionnelle des travailleurs confrontés à des situations de handicap
  • Favoriser l’emploi des travailleurs handicapés aux compétences reconnues, via l’embauche, si nécessaire, d’un salarié à temps équivalent en charge de leur accompagnement professionnel
  • Assurer la cohérence des actions du service public de l’emploi et des organismes de placement spécialisé pour dynamiser l’emploi des travailleurs, via un dispositif de pilotage incluant l’État et les fonctions publiques, le service public de l’emploi et le secteur médico-social, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) et les partenaires sociaux
  • Renforcer la formation professionnelle en développant l’alternance entre travail « dans les murs » et travail « hors les murs »
  • Réviser les procédés aboutissant à l’adaptation des postes de travail, avec une pleine et entière participation des institutions représentatives du personnel
  • Surveiller les licenciements masquant une discrimination à l’égard des personnes en situation de handicap ou un souhait de ne pas adapter le poste de travail
  • Améliorer les conditions de travail des personnes en établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) en :
    • Appliquant les textes les plus favorables entre le statut protecteur en ESAT, payé a minima au niveau du SMIC, et le statut de salarié·e issu du code du travail
    • Mettant des institutions représentatives du personnel et reconnaître le droit de grève
    • Mettant en place des réunions annuelles de proposition de formation et d’évolution professionnelle
    • Organisant le contrôle par l’État des lieux de travail en milieu protégé et lui transférer sa gestion en cas de défaillance

Accessibilité numérique

En dépit de la réglementation, de nombreux sites internet, y compris gouvernementaux, ne sont pas accessibles, faisant peser sur les personnes handicapées, pour certaines déjà isolées par les difficultés de déplacement, le poids supplémentaire de la fracture numérique. 

  • Acceptez-vous de durcir significativement les sanctions et de mettre en place une autorité de contrôle et de régulation à l’image de ce qui est en place pour le RGPD et la CNIL ?
  • Il en va de même pour le manque d’accessibilité des logiciels métiers qui constitue un frein majeur d’accès à l’emploi, quelles actions, comptez-vous déployer ?

Cela va dans le sens de l’accessibilité universelle que nous souhaitons mettre en place. Il convient de rendre obligatoire cette accessibilité pour tous : accessibilité sonore, facile à lire et à comprendre, LSF, en aidant les différentes collectivités et entreprises à sa mise en œuvre et en appliquant les sanctions aux contrevenants.

Choc de simplification

L’un des principaux credo du gouvernement actuel a été la simplification de l’accès aux droits des personnes handicapées avec, pour la première fois, un grand nombre d’attributions à vie (RQTH, PCH, CMI…) pour certains handicaps. 

  • Comptez-vous aller plus loin ?

Notre livret thématique dédié au handicap s’intitule : “Lever les obstacles à l’accès aux droits”. C’est donc un enjeu majeur pour nous. 

Nos propositions en la matière sont les suivantes :

  • Assurer une prise en charge égalitaire sur tout le territoire en accordant aux Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) des moyens à la hauteur des besoins en fonction de critères objectifs
  • Créer des voies de recours spécifiques en cas de refus de prise en charge, organiser une refonte complète des dossiers de demandes et raccourcir les délais
  • Assurer un délai perpétuel de validité du dossier en cas de handicap non provisoire, seuls les cas avec aggravation de l’état de santé ou augmentation des besoins pourront faire l’objet de demandes complémentaires
  • Créer une cellule spéciale pour permettre aux personnes en situation de handicap dont la vie est en danger (maltraitance, harcèlement, mauvais traitements, situation familiale) de quitter leur domicile ou hébergement sous 24 heures. Elle organisera la mise à disposition de logements provisoires, les aides matérielles, humaines et techniques nécessaires, tant que la situation dangereuse se poursuivra 
  • Affirmer l’objectif de désinstitutionnalisation de la gestion du handicap et élaborer avec l’ensemble des acteurs (personnes concernées, professionnels et familles) une nouvelle représentation des personnes en situation de handicap
  • Revaloriser le montant de l’AAH au niveau du SMIC, désolidarisé des revenus du conjoint ou de la conjointe et revoir ses conditions d’attribution pour prendre en compte la situation réelle de la personne (restriction durable d’accès à l’emploi)
  • Pour la PCH, financer intégralement les besoins de compensation

Habitat inclusif

Au risque d’ébranler le système français du tout médico-social, l’habitat inclusif qui promeut la vie de la personne handicapée au cœur de la cité, fait aujourd’hui une percée. 

  • Comptez-vous encourager cette formule qui prône le vivre ensemble, même si cela suppose d’y investir des moyens supérieurs ? Y voyez-vous certaines limites ?

C’est à la personne de décider ce qu’elle veut faire de sa vie et de quelle façon elle souhaite vivre. Il convient donc de favoriser tout type de dispositif permettant l’accessibilité universelle et l’autonomie des personnes.

Il est essentiel qu’elle puisse avoir le choix et qu’elle puisse être accompagnée dans la réalisation de son projet de vie, ce qui ne remet pas en cause les dispositifs existants. 

Accessibilité du bâti

Les Ad’ap (agenda d’accessibilité programmé) ont fixé des échéances et des règles précises pour assurer l’accessibilité des ERP (établissements recevant du public). Or elles ne sont pas respectées car aucune sanction n’est encore tombée.

  • Vous engagez-vous à durcir le ton et comment ?
  • La Loi ELAN, ayant fait passer le nombre de logements accessibles de 100 à 20 %, suscite la colère des associations. Comptez-vous revenir sur ce principe ?

Il pourra s’agir de durcir le ton, mais il faudra surtout mettre les moyens nécessaires. Le plan d’investissement que nous prévoyons inclut un “plan zéro obstacle”, à hauteur 2,3 milliards d’euros par an.

Nous abrogerons la loi ELAN. Il faut des appartements accessibles pour tous. Les personnes en situation de handicap doivent être logées, mais aussi pouvoir rendre visite à leur famille et leur amis. Nous permettrons aux préfets de se substituer aux maires pour imposer les travaux et fermer les bâtiments privés ne respectant pas la loi

Santé

Au risque de mettre ce public en danger, l’accès aux soins des personnes handicapées reste un gros point noir, du fait de l’inaccessibilité des lieux de soins, du manque de formation du monde médical aux particularités du handicap et de reste à charge qu’elles ne peuvent assumer. 

  • Comment comptez-vous y remédier ?

Parmi nos propositions, nombre d’entre elles participeront de la remédiation à ce problème : 

  • Mettre en place des actions de sensibilisation pour lutter contre les discriminations, dans l’Éducation nationale dès la maternelle jusqu’au lycée, ainsi que dans l’enseignement supérieur et la formation professionnelle, en incluant l’intervention de personnes en situation de handicap
  • Atteindre l’accessibilité totale progressive des transports et espaces publics, dont les lieux de soins y compris pour les personnes déficientes visuelles : viser l’objectif « zéro obstacle »
  • Mettre en œuvre la prise en charge par la Sécurité sociale des frais de psychomotricien·ne, d’ergothérapeute, et de psychologue, et de tous les équipements nécessaires à la vie quotidienne.
  • Mettre en œuvre des plans cohérents et financés (Plan Polyhandicaps, Plan Autisme, Maladies rares…), de façon à adapter le mieux possible les prises en charge, les lieux d’accueil et les modalités de soins.
  • Quelle est la mesure emblématique dans le champ du handicap que vous voulez mettre en place ?

Nombre de nos mesures ont déjà été développées en réponse aux questions précédentes, nous les appliquerons. L’une d’entre elles s’impose particulièrement : la création d’un véritable service public d’accompagnement des élèves en situation de handicap, avec un nouveau corps de fonctionnaires et un service de 24h pour un temps plein.