IACF – Institut des Avocats Conseils Fiscaux

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

L’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF) s’est donné pour mission de faire connaître et reconnaître le rôle essentiel de l’avocat conseil fiscal dans le domaine fiscal, tant auprès des contribuables que des pouvoirs publics.

FISCALITÉ DES ENTREPRISES 

L’impôt sur les sociétés s’établira en 2022 à 25%. Etes-vous en faveur de nouvelles évolutions de ce taux ? 

Le problème de l’IS ne tient pas tant dans son taux facial, que dans la façon dont son assiette est mitée par l’évitement et les nombreuses niches qui bénéficient en priorité aux plus grandes entreprises. Cela conduit à creuser les écarts de taux réel entre petites et grandes entreprises : 17,8% pour les grandes entreprises contre 23,7% pour les PME sur l’année 2015, d’après l’Institut des politiques publiques. La baisse des taux de 33,3% à 25% au cours du dernier quinquennat, sans avoir remédié aux défauts précités, est assurément un choix de politique économique que nous considérons comme mauvais. 

Nous sommes au contraire favorables à la refonte de l’impôt sur les sociétés pour établir l’égalité devant l’impôt entre entreprises, à travers une triple action :

  • Instaurer plus de progressivité en fonction des bénéfices réalisés, mais aussi selon leur usage, et favoriser l’investissement plutôt que la distribution de dividendes.
  • Clarifier l’assiette en supprimant certaines niches fiscales.
  • Empêcher l’évitement en instaurant un système d’impôt universel des entreprises et en renforçant la lutte contre la délinquance financière.

Quel type de fiscalité des entreprises envisagez-vous pour servir votre politique économique ? 

Voir réponse à la question 1.

FISCALITÉ EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE 

Pensez-vous que l’Union européenne joue un rôle positif en matière d’harmonisation fiscale ou pensez-vous a contrario que le rôle de la Commission et de la CJUE devrait être moins important ? Quel équilibre proposez-vous ? 

L’action de l’Union européenne est très limitée en matière d’harmonisation fiscale : les États conservent la compétence exclusive sur la fiscalité. L’Union européenne peut néanmoins harmoniser certaines  dispositions, « relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects », mais comme le dit clairement l’article 113 du TFUE, uniquement « dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence ».

Cet article démontre bien la nature actuelle de l’Union européenne : elle ignore les aspects sociaux et environnementaux pour se concentrer uniquement sur les questions de concurrence. Ainsi, le cadre européen ne permet pas (sauf dérogations négociées avant sa mise en place) d’appliquer un taux réduit à n’importe quel produit, et de nombreux produits de première nécessité sont encore exclus de la liste. 

Nous pensons que sur les questions fiscales, il est temps d’avancer sans les États qui bloquent. Par exemple, avoir recours à des coopérations renforcées, comme sur le dossier de la taxe sur les transactions financières. Et si de telles coopérations se retrouvent dans l’impasse, nous sommes prêts à avancer unilatéralement. 

Le pilier I prévoit une réallocation d’une partie des profits dans le pays des consommateurs, notamment pour les GAFAM. Le pilier II prévoit notamment un taux d’imposition minimale de 15%. Pensez-vous qu’il s’agisse d’un bon accord ? 

Le Conseil d’analyse économique estime que la réforme devrait rapporter 6 milliards d’euros à la France, alors que l’ampleur de l’évitement de l’impôt est au moins 10 fois plus élevée. Les recettes attendues demeurent donc dérisoires face à l’ampleur de la fraude fiscale, alors qu’un taux de 25 % rapporterait 26 milliards d’euros pour la France d’après l’Observatoire européen de la fiscalité. 

L’accord est donc extrêmement insuffisant, et porte un risque de nivellement de l’impôt par le bas dans certains pays. Nous partageons l’analyse de l’économiste Thomas Piketty : « En actant le fait que les multinationales pourront continuer de localiser à loisir leurs profits dans les paradis fiscaux, avec comme seule imposition un taux de 15%, le G7 officialise l’entrée dans un monde où les oligarques paient structurellement moins d’impôt que le reste de la population. »

La lutte contre la fraude fiscale, notamment internationale, a conduit à un empilement de dispositifs anti-abus. Êtes-vous en faveur d’une remise à plat et d’une harmonisation de ces dispositifs afin de permettre une plus grande lisibilité ?

L’empilement des dispositifs anti-abus est surtout dû à la défaillance de chacun d’entre eux à lutter efficacement contre la fraude fiscale, en raison du chantage mené par les paradis fiscaux, qui imposent aujourd’hui leurs taux aux autres pays en menaçant de ne pas rejoindre les accords. 

Les négociations actuelles menées dans le cadre de l’OCDE sont donc un échec. Nous lancerons avec les pays volontaires, nombreux à être victimes de ces pratiques frauduleuses, une conférence internationale de la lutte contre l’évasion fiscale sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU). Seront donc associés les pays en développement, et l’ensemble des pays volontaires. 

En montrant notre volontarisme politique au plan national comme international, en prouvant que des solutions concrètes existent pour lutter contre ce fléau à l’échelle nationale, nous ferons précisément aboutir les négociations internationales.

FISCALITÉ DES MÉNAGES 

La moitié des ménages sont redevables de l’impôt sur le revenu. Souhaitez-vous que cet impôt soit étendu à l’ensemble des contribuables ?

Notre réforme de l’impôt sur le revenu va étendre sa portée à d’autres contribuables en créant 14 tranches plus adaptées à la faculté contributive de chacun contre 5 aujourd’hui. Combinée à une refonte de la CSG pour la rendre progressive, notre réforme conduira à alléger la fiscalité pour tous les contribuables qui perçoivent un revenu inférieur à 4000 euros par mois et renforcera l’impôt sur le haut de la distribution, notamment avec un taux d’imposition marginal de 90% pour la dernière tranche, au-delà de 400 000 euros.

Pensez-vous que la fiscalité des donations et des successions est adaptée aux défis économiques ? Êtes-vous globalement en faveur d’allègements ou d’augmentation de ces droits ? 

La fiscalité s’appliquant actuellement aux donations et aux successions est inadaptée aux défis économiques. Comme l’a révélé le Conseil d’analyse économique, alors que 50 % des individus héritent de moins de 70 000 € tout au long de leur vie, le top 1 % des héritiers reçoit en moyenne plus de 4,2 millions d’euros nets de droits et le top 0,1 % environ 13 millions d’euros. De plus, la corrélation intergénérationnelle du patrimoine est 2 fois supérieure à la corrélation intergénérationnelle des revenus du travail. 

Ces chiffres s’expliquent par l’inefficacité du système actuel : en dépit de taux théoriques plus élevés et d’un barème progressif, le système de taxation français est cependant mité par des dispositifs d’exonération nombreux, très généreux et focalisés sur les actifs majoritairement détenus par les plus riches. Ainsi, les 0,1% les plus riches dont l’héritage moyen est de 13 millions d’euros ne paie que 10% de droits de succession, alors que le taux marginal est de 45% au-delà de 1,8 million d’euros.

Nous proposons donc de :

  • Renforcer la progressivité du barème, avec notamment l’introduction d’une taux de 100% au-delà de 12 millions d’euros.
  • Taxer l’héritage perçu tout au long de la vie.
  • Supprimer certaines niches fiscales, mais conserver l’abattement unique ou encore le Pacte Dutreil. Une évolution du pacte Dutreil est par ailleurs souhaitable pour adapter les conditions de durée, qui en l’état sont trop courtes et favorisent l’évitement fiscal (revente au bout de 3 ans) ainsi que pour favoriser la reprise par les salariés sous forme de coopératives.
  • Instaurer un abattement de 120 000€. 

Notre réforme se traduira donc par une hausse d’impôt très concentrée sur le haut de la distribution, une baisse pour 99% des ménages.

Convient-il de restaurer l’ISF ?

Nous souhaitons réintroduire et renforcer l’ISF, en améliorant la progressivité de son barème et en incluant un volet climatique visant à taxer les patrimoines les plus polluants. Ce dernier prendra la forme d’un coefficient selon la nature plus ou moins polluante du patrimoine. Concrètement, le calcul s’appuiera sur une liste similaire à la taxonomie européenne, qui définit les champs d’activité qui atténuent le changement climatique. Le niveau de taxation dépendra de la proportion de ces activités « bénéfiques » dans le patrimoine. Par exemple, si un portefeuille d’actifs est composé à 100% d’activités atténuant le changement climatique, la personne qui le détient n’aura rien à débourser dans le volet climatique de son ISF.

PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX 

Faut-il augmenter les impôts pour financer la dépendance ?

Nous n’augmenterons pas les impôts pour financer la dépendance : l’étatisation du financement de la Sécurité sociale est délétère et repose sur des impôts injustes, qui remplacent les cotisations sous prétexte d’une course à la compétitivité qui a montré son inefficacité.

FISCALITÉ ENVIRONNEMENTALE 

Quelle politique fiscale proposez-vous en matière environnementale ?

Plusieurs mesures de fiscalité environnementale feront partie de notre réforme fiscale :

  • Supprimer plusieurs niches fiscales sur les énergies fossiles.
  • Volet “climatique” de l’ISF (voir ci-dessus)
  • Instaurer une taxe kilométrique aux frontières de la France pour dissuader les délocalisations et l’importation de produits trop éloignés, instaurer un bouclier douanier en faveur des productions locales à faible empreinte écologique et des droits de douane sur des critères écologiques (émissions carbone et pollutions).
  • Mettre fin aux subventions publiques aux énergies fossiles.
  • Punir les pollutions industrielles en appliquant strictement le principe pollueur-payeur.