Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.
Le Vent du Changement est le mouvement des citoyens qui se forment pour œuvrer à la reconstruction écologique et sociale du pays. Dans le prolongement du média Le Vent Se Lève, il offre un espace de formation, organise des événements et mène des campagnes citoyennes partout dans le pays. Il nous interroge sur notre regard sur leur proposition de « garantie à l’emploi vert ».
Proposez-vous pour le prochain mandat une mesure du type garantie à l’emploi ?
Dès l’apparition de l’emploi, séparé du travail, s’est posée la question de sa distribution. Autant le travail appartient à chacun, qui produit, œuvre et invente au quotidien, autant l’emploi est subordonné à la volonté d’un employeur, et donc à l’intérêt lucratif qu’il voit dans la force de travail humaine. Pourtant, l’emploi est la condition d’une existence digne dans nos sociétés, à la fois en termes matériels (revenu continu et prévisible) et symbolique (reconnaissance sociale de la part d’autrui, rencontre de tiers hors de son domicile). Dès lors, la dignité humaine se retrouve tributaire de taux de profit prévisionnels et bornée par l’imaginaire patronal.
C’est pourquoi toutes les révolutions de notre pays ont exigé le droit à l’emploi. Des cahiers de doléances révolutionnaires à la Commission du Luxembourg de 1848, l’histoire de France est traversée de luttes, parfois violentes et sanglantes, pour l’accès garanti à un emploi. Mais ce vœu a désormais quitté le statut d’ambition révolutionnaire, pour être aussi porté par des économistes étasuniens de tradition keynésienne ou favorables à la MMT, ainsi que défendu par de nombreux experts de l’Organisation internationale du travail.
On retrouve le principe de droit à l’emploi dans plusieurs dispositifs au-delà de nos frontières – il ne s’agit plus que d’une utopie politique. Bien sûr, la Work Projects Administration de Roosevelt avait posé des jalons en 1935 ; mais le plan argentin Jefes de Hogar, la garantie indienne de Mahatma Gandhi ou dans une moindre mesure Territoires zéro chômeur de longue durée en France s’efforcent de concrétiser l’objectif de droit à l’emploi, distribuant des emplois à tout volontaire éligible. Ils proclament une vérité anthropologique : aucun être humain n’est inemployable et inutile au groupe.
Nous nous positionnons dans la continuité de cette longue histoire du mouvement ouvrier, syndical et des chômeurs français, soucieux d’autoriser tout individu à contribuer par son travail à l’intérêt collectif ! Aussi, nous établirons une garantie d’emploi pour les chômeurs et chômeuses de longue durée.
La garantie à l’emploi peut prendre différentes formes et recouvrir différents périmètres. Si vous envisagez de mettre en place une garantie d’emploi, quelles en sont les modalités ? Quel salaire pour les personnes ainsi embauchées ? Quel est le public concerné ? Par quels moyens seront créés ces emplois (financements, pilotage, etc.) ? Comment seront définis les besoins d’emplois de chaque territoire ?
Sur la stricte base du volontariat, la garantie d’emploi offrira aux chômeur·ses de longue durée (donc les inscrit·es à Pôle emploi depuis plus de 12 mois) le souhaitant un emploi d’utilité publique, rémunéré au moins au niveau du SMIC (et potentiellement au-delà, suivant les qualifications et les droits ouverts à l’assurance-chômage).
Au niveau local seront créés des comités pour la garantie d’emploi (à la même échelle que les agences Pôle emploi). Ils seront composés de représentant·es des chômeur·ses de longue durée, des syndicats, des services déconcentrés de l’État concernés par l’emploi, des associations de chômeur·ses, d’acteurs économiques comme les branches professionnelles, les chambres du commerces et de l’industrie, les chambres des métiers et de l’artisanat, d’acteurs de l’insertion comme les structures locales de l’insertion par l’activité économique, les missions locales ou les plans locaux pour l’insertion et l’emploi, ainsi que de représentant·es des collectivités territoriales.
Ces comités organisent et font connaître la garantie d’emploi sur leur territoire, afin d’impulser et d’accompagner la création de collectifs locaux pour l’emploi. Ces collectifs locaux sont fondamentaux. D’abord, car c’est au niveau local que peut se faire l’évaluation des travaux utiles non réalisés. Mais surtout, la création de tels collectifs permet d’intégrer directement les personnes éligibles, pour les associer à toutes les étapes de la formulation d’un projet de création d’emplois.
Pôle emploi, les services sociaux départementaux et des CCAS, ainsi que les autres structures en contact avec les chômeur·ses de longue durée, informent les personnes éligibles et les encouragent à rejoindre les collectifs locaux. Ils les orientent vers les structures les plus adaptées à leurs projets et besoins : insertion par l’activité économique, dont les moyens sont par ailleurs fortement renforcés, ou garantie d’emploi notamment.
Une fois les emplois à créer identifiés, les collectifs locaux déposent un projet de création d’emplois qui doit être validé par les comités de la garantie emploi. Les comités s’assurent que les emplois à créer n’entrent pas en concurrence avec des missions de service public, d’où l’importance de la participation des syndicats. Une fois le projet validé, les collectifs locaux créent des organisations à but d’emploi, sous forme d’associations, coopératives ou entreprises, qui embauchent les chômeurs de longue durée. Les emplois sont à temps choisi de 20 à 35 heures, sans mobilité contrainte et rémunérés au moins au SMIC.
Le coût net oscille dans une fourchette de 1 à 2, suivant le taux d’acceptation des populations ciblées, et suivant le nombre de chômeurs de longue durée encore dans cette situation après un plan de relance écologique.
Considérant :
– un SMIC à 1400€ net avec cotisations à 15% du brut
– 2,7 millions de DEFM de longue durée (dont 1 million non-indemnisés)
– un coût unitaire par emploi entre 10 000€ (DARES) et 7 300€ (ATD Quart Monde)
– des économies de cotisations sociales (13,9 milliards d’euros), de recettes de TVA (13% pour inclure la propension moyenne à consommer, soit 5,9 milliards) et de non-versement d’allocations chômage (soit 12,5 milliards) :
– en faisant l’hypothèse (maximaliste) d’un taux d’acceptation d’environ 2/3 du public concerné,
Nous concluons à une estimation de 18 milliards la dépense publique réelle, auxquels nous ajoutons 30 millions d’euros de frais de gestion et d’administration de 400 postes dédiés.