Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Le collectif « Pour que vivent nos langues » représente les acteurs associatifs œuvrant pour la défense et le développement des langues territoriales en France, comprenant des acteurs du monde éducatif et culturel engagés dans la transmission de ces langues, dans tous les territoires concernés par cette pratique éducative : Alsace-Moselle, Bretagne, Catalogne, Corse, Flandre, Occitanie-Pays d’Oc, Pays Basque, Savoie.

1. Si vous êtes élu, proposerez-vous une révision de la Constitution en faveur des langues régionales ? Si oui, quelle(s) modification(s) proposerez-vous, et à quelle échéance ?

Nous sommes profondément attachés à l’article 2 de la Constitution actuelle faisant du français la langue de la République. Nous pensons que la primauté du français, y compris dans les services publics, notamment celui de l’éducation, permet de garantir l’unité nationale et l’accès à l’information. C’est un gage de l’égalité républicaine et de l’exercice des droits.

Comme vous le savez certainement, nous proposons dès notre arrivée au pouvoir le passage à la VIe République par la convocation d’une Assemblée constituante. Cet acte permettra au peuple souverain de rebattre les cartes du jeu démocratique et d’établir les nouvelles règles communes de notre nation. Ainsi, les partisans d’une révision constitutionnelle en faveur des langues régionales pourront librement faire des propositions en ce sens. A la fin, les citoyens trancheront quant à l’adoption ou non de la Constitution de la VIe République par référendum et décideront du statut constitutionnel des langues régionales.  

2. Si vous êtes élu, mettrez -vous en place un statut et des moyens spécifiques pour les langues  régionales dans l’enseignement ? 

Le multilinguisme est une forme de résistance à l’uniformisation de l’humanité. L’apprentissage et la pratique de plusieurs langues sont utiles pour mieux appréhender, et de différentes façons, le monde qui nous entoure. Aujourd’hui, la principale menace est l’hégémonie de l’anglais sur les autres langues. Il est nécessaire d’encourager et de donner la possibilité aux jeunes de ce pays, tout en laissant le libre choix, d’apprendre et de pratiquer des langues autres que l’anglais dans le système éducatif et donc les langues régionales. Des moyens humains et financiers seront mis en place pour encourager et concrétiser le multilinguisme dans chaque établissement scolaire.  

3. Quelle est votre position par rapport à cette reconnaissance ? Si vous y êtes favorable, quelles  mesures mettrez-vous en place pour y parvenir ? 

La reconnaissance d’un statut de co-officialité constituerait un recul de quasiment cinq siècles dans la construction de l’État moderne, par rapport à l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Cette ordonnance représente pourtant une avancée fondamentale dans l’égalité des Français devant la justice et le service public. Y renoncer conduirait à des situations ingérables pour les administrations et les collectivités locales, notamment du côté des ressources humaines, et à des divisions et incompréhensions entre administrés. Cela porterait atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français.

4. En complément de la modification de la Constitution en France, ferez-vous ratifier, dans le  respect des droits fondamentaux et sans clause interprétative, la Charte du Conseil de l’Europe  sur les langues régionales ou minoritaires de 1992, signée par la France mais toujours pas  ratifiée ? 

La Charte du Conseil de l’Europe  sur les langues régionales ou minoritaires de 1992, même si elle peut comporter des points intéressants, n’est pas adaptée pour notre pays. Elle s’adresse particulièrement aux pays de l’Est de l’Europe où des peuples minoritaires ont subi des campagnes que certains qualifient d’éradication culturelle, suite à des redécoupages territoriaux. Il ne faut pas confondre langue minoritaire et peuple minoritaire.  Il n’y a pas de peuple minoritaire en France. Il ne peut pas y en avoir. Car le peuple, en République, n’est décrit que par un seul critère : la citoyenneté et l’unité de la communauté légale qui en résulte. La France n’est d’ailleurs pas le seul pays à n’avoir pas ratifié cette charte malgré sa signature : l’Islande, le Portugal ou l’Italie font de même. 

Il faut également rappeler que la République protège les langues régionales. Tout un cadre législatif existe, commencé en 1951 avec la loi DEIXONNE et étoffé par la suite, pour autoriser et assurer l’enseignement des langues régionales de France dans l’enseignement public. Certaines épreuves du baccalauréat peuvent même se dérouler en langues régionales. La loi Toubon de 1994 a confirmé ce cadre légal. Ici, la Charte n’apporte strictement rien de plus à cette situation. La question posée est plutôt de savoir si les moyens de ces enseignements sont mis à disposition ou pas.

Sans oublier le fait que les langues régionales sont plus complexes qu’on pourrait le prétendre. Légitimer un breton institutionnel parmi les cinq existants, ou un créole parmi la multitude n’est en rien un gage d’intégration ou de reconnaissance mais bien un acte d’exclusion.

5. Ferez-vous respecter ces deux articles de loi pour que l’enseignement de la langue régionale  soit effectivement « favorisé » et « proposé » « à tous les élèves » dans les territoires  concernés?  Ferez-vous en sorte, avec les moyens nécessaires, que tous les rectorats et régions concernés  mettent en œuvre les conventions prévues par la loi pour le développement de cette offre  généralisée ?  

Comme indiqué dans la question 2, nous sommes attachés au principe du multilinguisme et souhaitons combattre l’hégémonie de l’anglais, y compris dans le système éducatif. Ainsi nous mettrons les moyens nécessaires pour que les futurs citoyens puissent suivre des enseignements dans d’autres langues, y compris régionales, tout au long de leur scolarité. Il est également primordial de garantir le libre choix de l’apprentissage des langues et donc de pouvoir proposer un large choix de langues étrangères et régionales, en fonction des académies, aux élèves. Les moyens humains et financiers devront donc être prévus et octroyés pour parvenir à cette ambition.  

6. Prendrez-vous les décisions nécessaires pour que les moyens financiers et humains en faveur  des langues dites régionales soient augmentés afin qu’ils soient plus en rapport avec leurs  besoins et les enjeux qu’elles représentent ?

L’article 75-1 de la Constitution indique que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Comme tout patrimoine, il est nécessaire de l’entretenir et de le protéger afin qu’il puisse être transmis de génération en génération. Les langues vivantes perdurent grâce à leurs locuteurs. Cela passe donc principalement par l’enseignement.