Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.
Nous répondons ci-dessous aux questions du Quotidien du pharmacien.
Quel est votre positionnement sur les fondamentaux de l’officine ? (le maintien du monopole pharmaceutique, la détention du capital exclusivement par des docteurs en pharmacie, la vente en ligne de médicaments et l’assouplissement de la publicité)
Les officines de pharmacie doivent rester entre les mains des acteurs de soins primaires que sont les pharmaciens. Nous pensons que la profession de pharmacien doit choisir l’évolution vers celle d’un véritable acteur de santé publique aux côtés des autres professionnels de premiers recours en érigeant la prévention et l’éducation aux médicaments comme valeur fondamentale de leur exercice. Il faut, selon nous, que la profession résiste à l’appel d’une marchandisation à outrance de leur métier pour contrer par exemple la percée dans le domaine des acteurs de la grande distribution ou celle de la vente en ligne des médicaments. Les médicaments et dispositifs médicaux ne sont pas des produits comme les autres, ils nécessitent un conseil et doivent donc rester sous la surveillance et la distribution exclusive de professionnels de santé.
Nous nous opposons à un assouplissement de la publicité et à la vente en ligne de médicament qu’importe le comportement de pays voisins. Il sera ainsi nécessaire d’interdire toute publicité de médicaments et d’en finir avec les visiteurs médicaux (hospitaliers ou ambulatoires) en leur proposant une reconversion dans le public. L’information sur un médicament ne peut être claire et loyale que lorsqu’elle est dispensée par un professionnel indépendant de toutes industries ou groupements pharmaceutiques.
Notre conception du soin et de la santé est celle d’une indépendance vis-à-vis de ceux souhaitant influencer les décisions de chacun afin d’asseoir leur intérêt personnel et financier.
Comptez-vous pérenniser et étendre les rôles confiés aux pharmaciens pendant la pandémie, notamment dans le domaine de la prévention (dépistage, vaccination…), de l’accès aux soins et des missions de santé publique ?
Nous souhaitons que les rôles de chaque acteur de soin primaire puissent être définis de manière concertée. Les stratégies à adopter pour faire face aux besoins en santé de la population en découlent. Les tâches ou compétences en matière de santé publique doivent pouvoir être confiées à l’ensemble des professionnels de soins primaires si cela s’avère pertinent. Aujourd’hui en pleine pandémie de COVID-19, les pharmaciens ont été un des acteurs majeurs de la vaccination et du dépistage de la population, mais aussi bien souvent de conseils pour les patients. Il faudra continuer à les impliquer dans les stratégies nationales collectives de lutte contre les virus. Ainsi, nous impliquerons pleinement les pharmaciens dans un des grands plans nationaux que nous proposons de mettroe en œuvre une fois élu : celui de l’éradication de l’épidémie de VIH en France.
Sur le dossier de la désertification médicale : envisagez-vous une aide aux pharmaciens installés en zones sous dotées ?
Faire face à la désertification médicale sera un enjeu majeur des prochaines années. Nous souhaitons développer avant tout un véritable réseau de centre de santé pluridisciplinaire pour les soins primaires en lien avec les hôpitaux publics de proximité. Nous nous attèlerons de plus à rouvrir des services d’urgences, des maternités et des EHPAD publics afin d’assurer un service public de proximité à moins de 30 min de transport motorisé de chaque français.
La situation des pharmaciens en zone sous dense sera améliorée par le retour des services publics dans l’ensemble du territoire : service public de la petite enfance avec 500 000 places en crèches, construction et réouverture d’écoles, renforcement du maillage de transport (notamment ferroviaire), etc.
Pensez-vous restructurer l’organisation des soins et de la santé dans les territoires, notamment en réformant les ARS ?
Nous souhaitons rapprocher les citoyens de la politique d’organisation des soins et de la santé dans les territoires. Nous mettrons en œuvre une véritable démocratie sanitaire, démocratie qui a cruellement manqué en ces temps de pandémie. Par conséquent nous substituerons aux Agences régionales de santé (ARS) des Union départementales de santé (UDS) en coopération avec des Unités territoriales de santé (UTS). La cohérence sera ainsi rétablie puisque c’est à l’échelle départementale que se décident les politiques sociales et médico-sociales, et non à l’échelle régionale, beaucoup trop étendue et hétérogène. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) existantes ou en cours de création évolueront vers des UTS. Ces UTS comme les UDS prendront des décisions à l’échelle de leur territoire grâce à un collège composé de citoyennes et de citoyens (dont une partie pourra être tirée au sort), de représentants des professionnels de santé et de représentants des syndicats élus par la population, d’élus locaux, de représentants associatifs et de représentants de l’État et de l’Assurance maladie. Ceci permettra un diagnostic clair et précis des besoins en santé du territoire, tout en faisant entrer de la démocratie dans l’organisation sanitaire de notre pays.
Dans le domaine de l’inter-professionnalité, prévoyez-vous une simplification de l’exercice coordonné et des incitations financières plus conséquentes ?
L’inter-professionnalité doit s’apprendre dès la formation initiale, la proximité des professionnels induite par la création de centre de santé pluridisciplinaire bien que facilitatrice n’est pas suffisante. Nous engagerons un plan massif de formation de l’ensemble des étudiants en santé en augmentant les moyens alloués aux universités notamment de médecine et pharmacie. Nous souhaitons ensuite que l’exercice coordonné des différents professionnels de santé puisse se faire dans un cadre simple et rapide à mettre en place. La coordination dans le domaine de la santé demandant du temps aux professionnels puisque s’agissant souvent de cas complexes, il nous semble pertinent de définir un niveau de rémunération adéquat pour ceux agissant dans l’intérêt du patient et de son parcours de soins.
Le déploiement du numérique en santé sera-t-il poursuivi sous votre mandat ? (mise en place de « mon espace santé », pérennisation de la téléconsultation, mise en œuvre du carnet vaccinal, de l’e-prescription….)
Le formidable outil que représente le numérique doit continuer à se déployer. Mais il faut le protéger des intérêts privés qui souhaiteraient accaparer les données personnelles de santé pour leurs seuls profits. Le numérique en santé doit servir le progrès humain, et non créer de nouvelles inégalités ou restreindre les libertés. Nous renforcerons les moyens de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour qu’elle puisse assurer un contrôle efficace de la protection des données personnelles notamment celle de santé. De la même façon, le numérique ne saurait être un prétexte à l’austérité. Nous maintiendrons systématiquement des guichets physiques et formulaire papier en parallèle de la dématérialisation, pour ceux qui le souhaitent ou ne peuvent le réaliser (illectronisme ou non raccordement au réseau).
Par ailleurs nous sanctuariserons les fichiers nationaux de l’assurance maladie afin de rendre impossible toute marchandisation des données de santé ou d’atteintes à la vie privée.
Nous souhaitons encadrer la pratique de la téléconsultation qui, bien que présentant des avantages, par exemple lors de pandémie, comprend des dérives potentielles, et déjà à l’œuvre. Ainsi nous interdirons la pratique d’une activité unique de téléconsultations ou de télé-expertise par certaines entreprises ou professionnels de santé. Nous affirmerons l’importance de l’humain dans une relation de soin en fixant des règles claires sur la pratique de la téléconsultation et la robotisation des échanges afin d’en limiter au maximum leurs usages hors circonstances exceptionnelles comme celle de la pandémie.
Que comptez-vous faire pour que la France joue à nouveau dans le concert des nations innovantes en matière de médicaments, d’essais cliniques, de R&D, d’investissements industriels et de relocalisation ?
Nous voulons créer un pôle public du médicament pour assurer notre indépendance et garantir la transparence à toutes les étapes du parcours du médicament. Comme vous le savez, cette mesure a déjà été portée à l’Assemblée nationale, à travers la proposition de loi du 7 avril 2020 de notre candidat Jean-Luc Mélenchon et du groupe parlementaire de la France Insoumise.
Ce pôle public du médicament aura pour principale mission, par exemple : d’assurer la relocalisation de la production de médicaments, principes actifs, réactifs et de dispositifs diagnostics, de garantir l’approvisionnement d’une réserve stratégique des médicaments dits « essentiels » ou encore de créer une unité de recherche (via des coopérations avec l’INSERM et le CNRS principalement) et de favoriser la création d’unités de recherches au sein des établissements publics.
En parallèle, nous rehausserons le niveau de l’investissement public dans la recherche française tout en créant un statut protecteur pour nos jeunes chercheurs et en renforçant les grands instituts de recherche public comme l’INSERM, le CNRS etc.. pour accomplir des recherches d’intérêt général.
Tout cela contribuera à modifier le rapport de force en faveur de l’intérêt général et de la puissance publique face aux multinationales que sont devenus les laboratoires pharmaceutiques.