Social CSE

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Nous répondons ci-dessous aux questions de Social CSE.

Quel regard portez-vous sur la réforme du droit du travail issue des ordonnances de septembre 2017 ?

La réforme est paradoxale : elle ne fait rien de ce qu’elle dit, et fait tout ce qu’elle tait. L’emploi s’est contracté dans les années qui ont suivi, le taux de précarité a augmenté et la pauvreté laborieuse s’est maintenue : échec total des effets présumés.

En revanche, les salariés y ont perdu de nombreux droits fondamentaux, pour les abandonner à un tête-à-tête déséquilibré avec l’employeur sur tous les plans : licenciements (le barème Macron plafonne les indemnités, possibilité pour l’employeur de ne plus préciser les motivations dans la lettre de licenciement…), santé au travail (suppression des CHSCT…), négociation collective (suppression des délégués du personnel), dialogue social (extension des possibilités de recourir au référendum ou aux négociations avec le CSE pour évincer les syndicats…), rémunération et temps de travail (accords de performance collective permettant de contraindre le salarié à accepter une baisse de sa rémunération, suppression des RTT ou augmentation de son temps de travail sans contreparties…), sécurité des contrats (possibilité de déréglementer l’usage des CDD par accord de branche), délai de prescription aux prud’hommes abaissé à 1 an pour les licenciements…

Sur la forme, la mise en œuvre de cette réforme relève de l’amateurisme. Vouloir gouverner par ordonnance avec des personnes issues de la société civile n’est en rien gage d’efficacité. La réforme illustre bien plutôt la nécessité de protéger les corps intermédiaires !

Il s’agit d’un brutal retour en arrière, vers un monde du travail que nous avons connu : celui du début du XXe siècle, lorsqu’il n’y avait que le marché entre le patron et son employé. De plus, ce type de réforme désorganise la vie des entreprises, dès lors que chacun tente de négocier un grand nombre de domaines auparavant du registre de la loi ou verrouillés par la branche : elle parvient à la fois à coûter de nombreuses heures de travail, créer de l’angoisse parmi les salariés et les empêcher de se projeter dans des projets à terme ! 

Quels atouts/inconvénients voyez-vous à l’instance CSE qui a remplacé CE,CHSCT et DP ?

Il n’y a qu’une chose à faire de cette réforme : trouver le texte, le rouler en boule et s’en débarrasser dans une corbeille à papier. C’est une réforme terrible, conduite par des ignares au profit d’incompétents. La fusion des IRP s’est faite sans augmentation des droits : nombre d’élus, crédits d’heures, accès à la formation et attributions en SST. En revanche, elle a supprimé les spécificités propres à chacune pour instituer des élus « intervenant sur tout mais spécialisés en rien » (proximité des DP, SST pour les CHSCT, et social/économique pour les CE). De surcroît, elle a réduit leurs droits et pouvoirs d’intervention. Aujourd’hui il y a unanimité à reconnaître que la suppression des CHSCT a été une catastrophe. Et ce, y compris du côté employeurs, nombreux à regretter la perte d’une institution utile et qui fonctionnait bien. Plus globalement, de nombreux employeurs se plaignent d’avoir perdu des interlocuteurs syndicaux à tous les niveaux, et doivent désormais piloter les entreprises à l’aveugle ! Le libéralisme sauvage désorganise l’économie et nuit donc à la production.

Quelles modifications (approfondissements/abrogations) votre candidat envisage-t-il ?

D’abord, se débarrasser de l’équipe qui a pu imaginer une telle réforme en les battant dans les urnes, et en intégrant au ministère du Travail des personnes compétentes, qui ont l’expérience de la négociation collective et le souci de l’intérêt public.

Ensuite, les CHSCT seront rétablis et disposeront d’un droit de veto contre les décisions qu’ils jugeront contraires à la préservation de la santé/sécurité des salarié·es. Ils pourront imposer la mise en place de mesures de sécurité et retirer un·e salarié·e de toute situation de danger grave et imminent. Leurs prérogatives seront élargies aux questions écologiques.

Les représentant·es des salarié·es disposeront d’au moins un tiers et jusqu’à la moitié des droits de vote dans les conseils de direction des entreprises face aux actionnaires, afin d’accéder aux informations, notamment comptables, et aux décisions stratégiques, ou s’opposer à des décisions dangereuses.

Les élu·es du CSE recevront un droit de veto suspensif sur les mesures de gestion prises par l’employeur (restructurations, licenciements, politique de rémunération…). Ils pourront provoquer un vote de défiance des salarié·es à l’égard des dirigeants d’entreprise ou des projets stratégiques. L’ensemble des frais engagés pour mener à bien leurs missions sera pris en charge par l’entreprise.

En cas d’absence de représentant·es élu·es dans l’entreprise (très petites entreprises ou absence de candidat·es), des délégués élu·es au niveau du département sur liste syndicale pourront se rendre dans ces entreprises pour y vérifier l’application des droits des salarié·es

Pour éviter la fraude aux seuils sociaux (les entreprises qui divisent leurs sites ou leurs activités pour rester en-dessous d’un certain nombre de salariés et donc éviter d’avoir des interlocuteurs syndicaux), nous imposerons la création de CSE communs entre établissements partageant une même direction de fait ou de droit.

Quelles sont vos pistes prioritaires pour insuffler une dynamique au dialogue social en entreprise ?

On a pu le constater ces 20 dernières années, la dérégulation du Code du travail ne favorise pas ce qu’on appelle le « dialogue social ». Les IRP ne se sentent plus impliquées et respectées, et les conflits durs du travail perdurent.

L’instauration d’un droit de veto des IRP contre toute mesure importante en matière économique, stratégique ou de SST imposera la mise en place d’un véritable « dialogue social » dans lequel les IRP devront être réellement consultées, respectées, et leurs avis pris en compte. De même avec l’instauration d’au moins un tiers et jusqu’à la moitié de représentants des salariés dans les conseils de direction des entreprises face aux actionnaires. Pour éviter tout blocage dans les prises de décision, un nouveau type de gouvernance prenant réellement en compte l’avis et l’intérêt des salariés devra s’établir – bref, dans l’entreprise comme ailleurs, la démocratie est la forme la plus efficace de coopération, qui évite qu’un capitaine d’industrie solitaire envoie dans le mur toute une industrie.

Le dialogue social en entreprise est aussi conditionné par les capacités et possibilités de dialogue social dans ses différents niveaux. Au niveau national, en assurant au paritarisme des conditions dignes de fonctionnement. Au niveau intermédiaire également, en préservant ce même paritarisme dans les organismes co-administrés et actuellement massivement étatisés (OPCO, CARSAT, Anact, etc.). Finalement, par le maintien d’un maximum de négociations collectives en présentiel, interdisant aux employeurs de se débrancher de Zoom ou vaquer à d’autres occupations pendant que les employés protestent dans le vide.

Avez-vous des projets particuliers au regard de la législation du travail (temps de travail, rémunérations, négociations obligatoires ou non, égalité professionnelle, etc…)

Nous rétablirons la hiérarchie des normes propres au « principe de faveur » tel qu’il existait auparavant : un accord collectif ne pourra plus déroger défavorablement à une norme qui lui est supérieure.

Nous fixerons un plafond de 5% de contrats précaires dans les grandes entreprises et 10% dans les PME.

Nous rétablirons immédiatement les 35h en relevant les taux de majoration des heures supplémentaires (+25% de 36h à 39h et +50% au-delà). Dans la foulée, nous abaisserons à 32h le temps de travail des métiers pénibles ou de nuit – occupés par des personnes qui sacrifient des années de vie ! Puis nous engagerons une négociation interprofessionnelle nationale pour élargir cette réduction du temps de travail avant de la transposer dans la loi. Cette réduction du temps de travail, créatrice d’emplois et favorable à l’élévation de la productivité (stagnante depuis 2002… c’est-à-dire la dernière réduction du temps de travail !) sera déclinée au long de l’année par une 6e semaine de congés payés et au long de la vie par le rétablissement de la retraite à 60 ans.

En matière d’égalité femmes/hommes, nous imposerons la publication annuelle des rémunérations anonymisées des salarié·es, en précisant leur qualification, leur genre, leur âge, leur ancienneté et leur nationalité. Cela permettra de mettre en évidence de manière objective les éventuelles discriminations. Les sanctions seront renforcées et nous imposerons le versement d’une prime d’égalité salariale de 10% à toutes les femmes par les entreprises incapables de prouver le respect de l’égalité de traitement.

Nous rétablirons la présomption légale de salariat pour tous les travailleur·ses de plateformes et auto-entrepreneurs en situation de forte dépendance économique avec un donneur d’ordre.

Nous donnerons aux inspecteurs du travail le pouvoir d’infliger immédiatement des amendes forfaitaires lors d’un constat d’infractions manifestes en entreprise (dépassement de la durée maximale du travail, non-respect du SMIC ou de la majoration des heures supplémentaires…), comme le fait la police sur la route par exemple.

Finalement, nous réformerons la médecine du travail pour atteindre l’objectif du rendez-vous annuel de suivi de santé, en l’élargissant aux chômeurs.