Société des agrégés

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Nous répondons ci-dessous aux questions de la société des agrégés.

Les objectifs premiers de l’enseignement 

« L’élève au centre du système éducatif », « Le savoir au centre du système éducatif » : ces deux formules, même si elles ne s’opposent pas, traduisent, par les conséquences qu’elles impliquent, deux conceptions différentes de l’enseignement. De quelle conception vous sentez-vous le plus proche et pourquoi ? Quels sont pour vous les objectifs premiers de l’enseignement ?

L’émancipation individuelle et collective est la boussole de notre projet éducatif. L’école vise à transmettre des savoirs, c’est une condition nécessaire à l’émancipation des individus, ce qui leur permet de s’affranchir véritablement des toutes les influences, de développer leur esprit critique et de parvenir à l’autonomie pour être libre. L’école vise aussi à donner une qualification, qui doit être reconnue et donner des droits.

Quelles mesures mettrez-vous en œuvre pour réconcilier l’école avec elle-même et améliorer le système éducatif ? Comment y rétablirez-vous l’autorité du maître et du savoir ? 

Il ne peut y avoir de véritable amélioration du système éducatif sans que ne lui soient donnés les moyens qui lui ont été enlevés de façon continuelle au cours des décennies passées, et tout particulièrement au cours du quinquennat qui est en train de se terminer. Les professeur·es doivent retrouver les moyens de faire leur travail correctement. C’est pourquoi nous proposons d’abaisser le nombre moyen d’élèves par classe à 19, en ciblant dans un premier temps les établissements qui relèvent de l’éducation prioritaire et les lycées d’enseignement professionnels. 

Comment remettre l’excellence au cœur de l’école ? Comment maintenir l’exigence et une saine émulation ?

L’excellence ne doit pas passer par l’élitisme et la sélection précoce, mais plutôt par la volonté de donner à tous les élèves, que nous considérons tous capables, l’opportunité de bénéficier d’un enseignement de qualité grâce à une école publique mieux dotée et plus égalitaire. Le passage progressif à 19 élèves par classe en moyenne en est un outil clé.

La restauration du cadre national des enseignements, programmes et diplômes (en particulier du baccalauréat) garantira par ailleurs le haut niveau de maîtrise disciplinaire et de qualifications des élèves. 

Comment garantirez-vous que tous les élèves, sans distinction d’origine ou de fortune, puissent accéder à un enseignement de qualité ? 

L’égalité passe tout d’abord par l’amélioration globale du système public, afin de rendre inutile le recours au privé, sous toutes ses formes (écoles privées, coaching pour l’orientation, officines de soutien scolaire…).

L’égalité passe aussi par une réelle gratuité. C’est pourquoi nous assurerons la gratuité des cantines, du transport, des sorties scolaires, des activités périscolaires, des manuels ainsi que des fournitures scolaires sans marques et des équipements requis dans la voie professionnelle.

La maîtrise du français et des mathématiques étant la condition essentielle pour acquérir les autres savoirs, quelles mesures prendrez-vous pour atteindre cet objectif ? Comment améliorer la position de la France dans les classements internationaux ? 

Il faut replacer les disciplines au cœur des apprentissages en rétablissant des horaires suffisants et fléchés, y compris pour des dédoublements, pour chacune d’entre elles. Les dispositifs d’aides aux élèves en difficulté doivent être restaurés et renforcés, notamment les RASED. Nous proposerons un soutien scolaire gratuit assuré par le service public.

Nous renforcerons aussi le droit à la scolarisation à 2 ans pour les familles qui le souhaitent.

Les classements internationaux nous apportent des informations qui peuvent être utiles mais ils ne doivent en aucun cas être notre boussole. C’est à nous même de définir nos objectifs éducatifs.

Quel rôle doit avoir, selon vous, le baccalauréat ? Examen de fin d’études ? Diplôme d’accès à l’enseignement supérieur ? Que pensez-vous de la part importante du contrôle continu introduite dans l’évaluation des élèves pour cet examen ? Maintiendrez-vous la réforme actuelle ?

Le baccalauréat doit retrouver son statut de premier diplôme de l’enseignement supérieur et donc garantir l’accès à une place dans l’enseignement supérieur. Le retour à un examen national, ponctuel et terminal en est une condition nécessaire. C’est pourquoi nous mettrons fin au contrôle continu pour retrouver des épreuves nationales et terminales. La réforme du lycée est source d’inégalités et de désorganisation, elle sera abrogée afin de ne plus contraindre les élèves à renoncer à des enseignements disciplinaires indispensables à leur formation intellectuelle et à leur poursuite d’études et de renouer avec une organisation fondée sur le groupe classe, avec une équipe pédagogique composée d’un·e seul·e enseignant·e par discipline et un emploi du temps cohérent.

Que pensez-vous des différentes formes de « discrimination positive » pour accéder à l’enseignement supérieur et aux grandes écoles (quotas, concours spécifiques, bonus pour les boursiers…) ?

Ces dispositifs visent à corriger de façon très imparfaite les inégalités de notre système éducatif. Il faut donner à tous les élèves la possibilité d’accéder à des filières exigeantes, pas seulement aux meilleurs, c’est donc la qualité globale de l’enseignement supérieur qui doit être visée. La pertinence de ces dispositifs doit être examinée au cas par cas mais plutôt que d’en renforcer la portée, il faut donner à l’enseignement supérieur, notamment aux universités, les moyens d’accueillir dignement tous les élèves. 

L’attractivité du métier de professeur 

Tout le monde s’accorde pour constater que le métier de professeur n’est plus attractif : conditions de travail difficiles, manque de reconnaissance morale, matérielle et sociale, prise en compte insuffisante de la qualification et des compétences, absence de mobilité… Quelles mesures prendrez-vous prioritairement pour rendre plus attractive la carrière de tous les personnels d’enseignement, d’éducation et de direction et leur témoigner la considération qu’ils méritent ?

Nous proposons trois types de mesures :

  • un plan de pré-recrutement ouvert dès l’année de Terminale et en licence afin de favoriser l’accès des jeunes de tous les milieux sociaux aux métiers de l’Education nationale 
  • une meilleure reconnaissance des enseignants : revalorisation des traitements (augmentation immédiate de 15% pour rattraper le gel du point d’indice, à quoi s’ajoute une revalorisation des grilles indiciaires pour une augmentation de 15% supplémentaire) ; renforcement des garanties statutaires ; réaffirmation de la liberté pédagogique ; fin des dispositifs d’évaluation permanente ; fin de l’immixtion hiérarchique dans l’évaluation ; offrir des perspectives d’évolution de carrière (voir ci-dessous)
  • une amélioration des conditions d’enseignement, notamment par l’abaissement des effectifs

La nature des concours de recrutement

Quelles mesures prendrez-vous pour mieux garantir, dans le recrutement, la maîtrise des savoirs que les professeurs sont destinés à transmettre ? 

Les concours doivent permettre de sélectionner des candidats qui disposent d’une maîtrise des savoirs enseignés, préalable indispensable pour pouvoir exercer le métier d’enseignant. Les programmes des concours et les épreuves doivent donc être exigeants et correspondre aux différentes dimensions de ces savoirs. En mettant en place un pré-recrutement pour des étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement, et avec l’allocation d’autonomie, nous leur permettrons de se consacrer pleinement à leurs études et de renforcer leur maîtrise des contenus disciplinaires.

Maintiendrez-vous les épreuves dites professionnelles (non disciplinaires) aux concours externes du CRPE (professeurs des écoles) et du CAPES (professeurs de l’enseignement secondaire) ?

Avant toute chose, nous sommes opposés au projet néolibéral de Macron qui voudrait recruter toujours plus de contractuels, et réduire la place des concours dans le recrutement voire de les supprimer. 

Cette question ne peut être envisagée sans une réflexion plus globale sur la formation des enseignants et sur la place du concours dans le cursus. La formation des enseignants et les concours ont connu de nombreuses réformes au cours de la décennie passée. Avant d’opérer une nouvelle réforme, il apparaît important d’opérer un audit de la situation impliquant les syndicats, les associations de spécialistes et sociétés savantes, le réseau des INSPE, la Société des agrégés…

Contrairement à la tendance actuelle qui consiste à retarder les concours, nous pensons que ceux-ci doivent avoir lieu assez tôt dans la formation pour sécuriser les parcours et ne pas retarder l’entrée dans la Fonction publique. Dans cette optique, les épreuves de concours devront porter pour l’essentiel sur des contenus disciplinaires. La connaissance du système éducatif et d’éléments de philosophie, sociologie, psychologie de l’éducation comme de pédagogie et didactique des disciplines n’en reste pas moins nécessaire à acquérir également au cours de la formation. La capacité de transposition pédagogique des savoirs sera développée et évaluée en tout premier lieu au cours de la formation de Master et particulièrement pendant et à l’issue des stages dans les écoles. Elle sera déterminante, au même titre que la maîtrise des savoirs disciplinaires, pour la titularisation.. 

L’épreuve d’entretien, qui vise à mesurer la “motivation” des candidat·es, sera supprimée.

Vous engagez-vous à continuer de recruter les professeurs sous le statut de fonctionnaires ?

Le statut de fonctionnaire, plus précisément de fonctionnaire de la fonction publique d’Etat, est pour nous indissociable du métier de professeur. Aussi, nous engagerons un plan de formation et de titularisation immédiate des contractuels de l’éducation nationale.

Le rôle spécifique de l’agrégation et des professeurs agrégés 

Vous engagez-vous à attribuer aux professeurs agrégés des affectations et des missions conformes à leur qualification et à leur statut, qui précise qu’ « ils assurent leur service dans les classes préparatoires aux grandes écoles, dans les classes de lycée, dans des établissements de formation et, exceptionnellement, dans les classes de collège » et qu’ « ils peuvent également être affectés dans des établissements d’enseignement supérieur » ?

Seront maintenues les dispositions actuelles du système de mutation, qui attribuent une bonification aux agrégé·es demandant un lycée ainsi que la possibilité donnée aux agrégé·es d’être détachés dans l’enseignement supérieur.

Plus largement, tous les enseignant·es doivent pouvoir bénéficier de perspectives d’évolution de carrière. C’est pour cette raison que nous proposons de :

  • Doubler les postes ouverts à l’agrégation interne 
  • Assurer des horaires aménagés aux enseignant·es engagé·es dans la recherche ou préparant des concours
  • Offrir aux enseignant·es la possibilité de consacrer les deux dernières années de leur carrière au suivi des élèves en difficulté, à la coordination des projets de l’établissement et à la formation des enseignant·es stagiaires
  • Donner aux personnels qui le souhaitent le droit à obtenir un détachement dans d’autres métiers de la fonction publique
  • Rétablir les commissions paritaires pour garantir la défense des droits des personnels et une gestion transparente des carrières et des mutations
  • Création d’une agrégation pour les professeurs documentalistes