Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.
Nous répondons ci-dessous aux questions de l’ADAGP aux candidats à l’élection présidentielle 2022
Quelles mesures entendez-vous prendre, dans votre programme, pour le secteur des arts visuels et, plus particulièrement pour assurer aux arts visuels les moyens de la création ?
Notre projet pour assurer aux arts visuels les moyens de la création commence
dans les écoles supérieures d’art. Nous défendons la nécessité d’harmoniser les statuts des enseignants, entre écoles nationales et territoriales. Le ministère de la Culture jouera pleinement son rôle de contrôle pour qu’elles bénéficient de moyens adéquats pour garantir la spécificité de leur enseignement ainsi que leur mission de recherche.
Si la crise sanitaire a exacerbé la situation de très nombreux artistes, nous ne pouvons que constater que leur précarité n’est pas arrivée avec elle. Cela fait plusieurs décennies que le ministère de la Culture et les différentes institutions n’ont pas joué leur rôle dans le domaine des arts plastiques. Le rapport Racine remis en janvier 2020 et les travaux réalisés par les syndicats et collectifs d’artistes ont démontré que leurs difficultés administratives, sociales, économiques sont d’ordre systémique. Ce système maintient une grande majorité d’entre eux dans une grande pauvreté. Beaucoup doivent conjuguer leur travail artistique avec un métier alimentaire. Tous sont confrontés aux aléas de revenus incertains.
C’est ainsi que, dès notre arrivée au pouvoir, nous lancerons l’organisation d’élections professionnelles pour les artistes-auteurs, avec les syndicats d’artistes-auteurs. Le dispositif électoral devra permettre une participation significative afin que ces élections soient bel et bien représentatives, en s’adaptant à la situation de ces professions, principalement exercées en indépendant.
Une fois élus, des concertations seront lancées avec ces représentants pour élaborer un régime social adapté et juste pour les artistes-auteurs.
Durant ces concertations seront donc étudiées toutes les possibilités de financement, dont celle d’un « domaine public commun » pour financer la création nouvelle, constitué d’une redevance sur les droits patrimoniaux des créateurs à partir de leur décès et d’une taxe sur les usages exclusivement commerciaux des oeuvres qui ne sont plus soumises à droits d’auteur. D’autres pistes sont envisageables, notamment posées par la Ligue des auteurs, le SNAP CGT et le collectif La Buse. Le SNAP propose par exemple une augmentation de quelques pourcents et une systématisation des cotisations patronales chez les auteurs pour le financer. Pour l’ouverture de ces droits au chômage, se baser sur une quantité de revenus à percevoir sur une durée donnée comme le proposent les organisations citées plus haut nous semble également être une piste à étudier. Ce nouveau régime, comme celui des intermittents du spectacle, serait rattaché au pot commun de l’UNEDIC.
Nous veillerons également à ce que l’ensemble des travailleurs discontinus puissent bénéficier des droits sociaux qui leur reviennent : congés maladie, congés maternité/paternite, formation, retraite. Cette couverture sociale du travail discontinu pourra concerner l’ensemble des professions culturelles et événementielles discontinues comme les installateurs d’œuvre d’art, les guides-conférenciers ou les extra de l’hôtellerie restauration, en s’adaptant aux spécificités de ces professions.
Durant ces négociations, les contours et les missions d’un Centre National des Artistes-Auteurs, outil demandé par de nombreuses organisations représentatives d’artistes-auteurs, sera également abordé pour construire avec les travailleurs concernés cet outil essentiel pour avoir de la visibilité sur ces professions, avoir un espace de concertation professionnelle et simplifier leurs tâches administratives. Il pourra notamment être également en charge de veiller à l’application du droit de présentation et de ses modalités d’application, ainsi que du 1% artistique dans les constructions publiques, que nous voulons étendre à l’ensemble des chantiers.
Enfin, en attendant la mise en place de ce nouveau régime, un dispositif de continuité de revenus d’urgence sera mis en place, comme ça a été le cas durant le début de la crise Covid, mais avec un fonctionnement simplifié, loin des démarches labyrinthiques que les artistes-auteurs ont dû réaliser pour percevoir les revenus des fonds de soutien covid.
Nous prévoyons également de porter le budget consacré aux arts et à la culture à 1% du PIB par an, ce qui entrainera une hausse d’un tiers du budget du ministère de la Culture, ainsi qu’une augmentation des moyens des missions sur le sujet dans les autres ministères, les collectivités territoriales ainsi que des Centres nationaux du cinéma, du livre et de la musique et de l’audiovisuel public.
Cette hausse des moyens prendra place au sein d’une nouvelle politique de la création artistique qui sortira des logiques d’appel à projet et reverra à la hausse les moyens consacrés à la création dans tous les domaines. C’est notamment le cas dans la commande publique, en redotant les artistes et équipes indépendantes afin de leur donner les moyens de leur indépendance vis-à-vis des structures de diffusion. Cette nouvelle politique favorisera également les conventionnements pluriannuels sur des projets de recherche et de création, notamment en accompagnant l’ancrage sur des lieux de vie, plutôt que le saupoudrage projet par projet. Il va également de soi que l’ensemble de cette commande publique sera rémunérée à sa juste valeur, et non pas au rabais comme c’est malheureusement trop souvent le cas.
Pour favoriser l’accès aux arts visuels ?
La fréquentation des arts ne peut concrètement s’ancrer dans les pratiques que si l’État joue pleinement son rôle pour assurer une véritable éducation artistique et culturelle, dispositif dans lequel l’artiste a une place importante.
Nous professionnaliserons et revaloriserons la place de l’éducation artistique tout au long de la scolarité, dans les temps intrascolaires, périscolaires et extrascolaires pour assurer un parcours croisant découverte, pratique et connaissance. En abrogeant les réformes Blanquer dans l’éducation, nous donnerons aux enseignements artistiques la place qu’ils méritent dans la constitution des personnes et des citoyens, à la fois dans l’importance de ces enseignements dans les cursus, mais également les moyens qui leur seront alloués. Pour cela, nous réorienterons le budget du Pass Culture dans l’éducation artistique et culturelle à l’école, notamment pour rendre l’ensemble des sorties et activités culturelles gratuites pour toutes et tous. Cette place de l’éducation artistique et culturelle se déclinera dans ses trois piliers essentiels : enseignements sur l’art et développement d’un regard critique, contacts avec les œuvres et les artistes et pratique artistique.
Cette éducation artistique et culturelle du quotidien se déclinera ensuite tout au long de la vie. Nous soutiendrons son développement dans l’enseignement supérieur, dans les entreprises (via les CSE), dans les lieux de soin et dédiés au grand âge, jusqu’aux lieux de privations de liberté. Pour cela, nous mettrons en place un grand plan de formation et de recrutement via des emplois aidés dans les métiers de la médiation et de l’accompagnement culturel, tout niveau de diplôme confondu, en lien avec les organismes d’éducation populaire. Il permettra d’assurer la présence dans les structures artistiques et culturelles ainsi que de développer des postes dans le socio-culturel liés aux lieux de vie.
Nous encouragerons et soutiendrons également la coopération des médiations culturelles entre les lieux de vie, les structures (FRAC, centre d’art, écoles supérieures d’art…) et les associations pour développer des écosystèmes des arts et de la culture. Dans cet écosystème, les artothèques auront une place que nous souhaitons de plus en plus importante.
Nous étendrons également la gratuité dans tous les musées en commençant par le dimanche, garantirons une tarification abordable dans les structures publiques et encadrerons les tarifs abusifs de l’offre privée.
Pour accentuer le rayonnement international de la scène artistique française ?
Nous souhaitons mettre en place une géopolitique de la coopération, non alignée, non impérialiste et émancipatrice. La circulation des oeuvres et des artistes français y aura une place cruciale, tout comme la valorisation de l’approche de l’exception culturelle que nous tendrons à faire se développer partout dans le monde.
Pour cela, nous nous appuierons notamment sur le monde francophone pour construire une francophonie des peuples, dans des réseaux de coopérations et de circulations internationales. Cela prendra notamment la forme d’un travail pour la mise en place d’un visa privilégié au sein de l’espace francophone, dont les artistes pourront profiter, et d’un appui à ces dynamiques de partages. Nous travaillerons également à développer des programmes d’échanges internationaux type Erasmus pour les étudiants dans l’espace francophone, qui permettra une hybridité des savoirs et créations, pour les étudiants français dans leurs découvertes à l’étranger, tout comme pour les lieux de savoir et étudiants étrangers dans leur découverte des savoirs et créations françaises.
Nous renforcerons également le réseau des instituts et alliances françaises à l’étranger, gravement déstructuré et affaibli depuis plus de trois quinquennats afin qu’ils puissent être les relais de la création française à travers le monde, à travers la programmation, la valorisation des travaux artistiques français et l’organisation de rencontres et d’échanges avec les artistes français et étrangers.