The Shift Project

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Philosophie du programme climatique de l’Avenir en commun 

Le dernier rapport du GIEC d’août 2021 est très clair sur les causes du réchauffement climatique, le niveau atteint et les effets très concrets qui se font ressentir dans tous les pays. C’est pourquoi nous maintenons la nécessité de respecter les accords de Paris pour limiter le réchauffement climatique au plus près des 1,5°C de hausse de température. Cette volonté va de pair avec la nécessité de respecter les limites planétaires que nous prenons en compte au travers de la règle verte : ne pas prélever davantage à la nature que ce qu’elle peut reconstituer ni produire de déchets plus que ce qu’elle ne peut supporter. Cette règle verte sera inscrite dans la Constitution. 

Nous relèverons donc l’objectif de diminutions des émissions en 2030 par rapport à 1990, actuellement fixé à 40 % pour la France et 55 % pour l’UE, à 65 %. Cet objectif est la seule voie possible car chaque tonne de CO2 compte. Pour cela, une diminution conséquente des consommations énergétiques et matérielles est nécessaire. C’est pourquoi nous mettons la sobriété au cœur de notre programme. Les scénarios Négawatt, Afterres, RTE et du PTEF ouvrent des voies intéressantes. Pour autant, cette sobriété ne doit pas se faire au détriment de la production et reproduction des conditions matérielles d’existence garantissant une vie digne à chacun. Certaines activités nocives et polluantes devront décroître tandis que d’autres, socialement et écologiquement utiles, devront croître.  

Cela ne peut se faire sans une planification écologique, car le marché et la concurrence se sont révélés incapables de répondre aux enjeux. Le système est incapable de s’autocorriger. Pire, il se nourrit de la catastrophe qu’il provoque.  Par ailleurs, les gestes individuels et les mesures incitatives ne suffisent pas. Comme le démontre une étude de Carbone4, les trois quarts de l’effort nécessaire incombent à l’État et au tissu économique. Cette planification doit donc être menée par un État stratège, coordinateur de la bifurcation écologique et sociale et de la mobilisation des forces vives dans tous les secteurs de la société, à travers un Conseil de la planification écologique. L’État animera le processus de planification écologique, déterminera sur cette base les grands objectifs, qui seront ensuite déclinés par les acteurs publics et privés, filière par filière. Les communes, échelon de base de la démocratie, seront le socle de la planification. 

En effet, elles savent gérer le “goutte à goutte” des investissements. 

La planification écologique permettra de fixer non seulement les objectifs, mais aussi les mesures législatives et réglementaires et les investissements à réaliser pour atteindre le plus vite possible l’objectif de réduction annuelle des émissions de 6 à 7%. Le critère comptable ne saurait être premier : ne pas agir coûtera plus cher aux finances publiques et à l’humanité toute entière. Notre stratégie de financement détaillée sera présentée lors de notre événement de chiffrage, le 12 mars prochain. 

Panorama des engagements sectoriels du programme 

S’adapter au système de la nature par la bifurcation écologique implique des transformations structurelles de l’ensemble des secteurs. Le programme l’Avenir en commun prévoit un plan d’investissement de 200 milliards à cet effet. Nous proposons pour chaque secteur des mesures qui agissent à la fois sur l’empreinte domestique et sur l’empreinte carbone importée. 

Pour le secteur des transports : afin de décarboner les mobilités de moyenne et longue distance, notre objectif est double. Premièrement, nous proposons plusieurs mesures fortes pour augmenter le report modal de la voiture vers des modes de transport bas carbone :  

  • un plan de développement des transports en commun urbains, la suppression des avantages fiscaux sur les voitures de fonction et l’interdiction des SUV dans les villes de plus de 100 000 habitants (+2,5 milliards sur le mandat). 
  • un vaste plan d’investissements dans le train avec réouverture des lignes ferroviaires, gares et haltes du quotidien,  augmentation du nombre de trains et des tarifs accessibles (+30 milliards sur le mandat). 
  • le développement du transport à la demande hors des zones denses de transport public (+ 1 Md€/an) et des usages partagés de la voiture 
  • les mobilités douces comme le vélo avec les infrastructures correspondantes et le développement des bornes de recharge pour véhicules électriques (+ 10 milliards sur le mandat)
  • pour les véhicules automobiles restants (taxis, ambulances, artisans et commerçants, véhicules individuels…) le remplacement du thermique par le basculement vers l’électrique (67 %), les hybrides gaz naturel (30 %) et à hydrogène (3 %) en 2050. 

Nous souhaitons réduire les distances parcourues en luttant contre l’étalement urbain, en arrêtant les nouvelles zones commerciales hors des villes et en redynamisant les petites villes. Nous supprimons dès 2022 les liaisons aériennes sans correspondances internationales lorsqu’une alternative en train existe en moins de 4h de trajet. Il sera mis fin aux avantages fiscaux du kérosène et nous supprimerons les subventions indirectes des low-cost. En matière de fret, nous développerons massivement le ferroutage (+332 M€/an) ainsi que le transport fluvial et imposerons une taxe kilométrique aux frontières dépendant de la distance parcourue. 

Pour le secteur de l’énergie : nous visons à la fois une baisse minimale de 40 % de la consommation énergétique totale d’ici 2050 (scénario RTE) et la sortie des énergies fossiles. Cela impose de supprimer les consommations inutiles (ex : panneaux publicitaires numériques), d’améliorer l’efficacité énergétique et d’électrifier les consommations grâce à un mix 100 % ENR. Nous rendrons gratuites les premières quantités indispensables d’énergie, et appliquerons une tarification progressive pénalisant les mésusages.  

Nous investirons pour atteindre un mix électrique 100 % renouvelable d’ici 2050, dont les scénarios M0 de RTE et Négawatt montrent la faisabilité, composé principalement en 2050 de 36% de photovoltaïque, 31% d’éolien marin et 21% de terrestre. Le choix de sortir du nucléaire est guidé, entre autres, par l’absence de solution viable pour les déchets HAVL, ainsi que les conséquences potentiellement désastreuses d’un éventuel accident.  

L’innovation est clé pour atteindre le 100% renouvelables. En effet, certaines technologies nécessitent d’investir dans la recherche et le développement pour devenir parfaitement matures. C’est notamment le cas de l’énergie thermique des mers ou houlomotrice. D’autres énergies doivent également être développées, telles l’hydroélectricité, la géothermie ou encore des carburants alternatifs tels l’hydrogène vert. Les énergies marines renouvelables sont une filière d’avenir. Nous investirons aussi dans les bioénergies en doublant le fonds chaleur (+ 350 M), en augmentant la production de bois énergie de 50 % (sans sylviculture dédiée) et aurons recours au biogaz (méthanisation), sans consacrer de terres à la seule production d’énergies, conformément au scénario Afterres.  

Pour le secteur du logement : Nous souhaitons atteindre très rapidement le rythme de 700 000 logements rénovés par an (+ 6,2 Mds€/an) en rénovant en priorité les 4,8 M de passoires énergétiques en 20 ans. Nous privilégierons les rénovations complètes avec utilisation de matériaux biosourcés, comprenant le remplacement des chaudières au gaz et au fioul, et mettrons en place un guichet unique public. La formation des professionnels est pour nous une priorité (350 M€/an). Nous conditionnerons l’obtention de labels écologiques à des résultats énergétiques concrets et vérifiés pour les bâtiments neufs comme pour les rénovations. 

Pour le secteur de l’agriculture et de l’alimentation : la sobriété passe aussi par une diminution de la part des protéines carnées au profit de protéines végétales. Nous interdirons les fermes-usines et favoriserons la conversion vers le bio, notamment en reprenant les dettes des paysans concernés. 

Afin de limiter l’empreinte carbone du secteur agro-alimentaire, nous privilégierons une agriculture à taille humaine s’appuyant sur des circuits courts. Nous triplerons les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) de la PAC et doublerons les versements de l’écorégime pour les exploitations bio, en réorientant les crédits du paiement de base. Au total, c’est 1,1 Md€ que nous investirons annuellement dans le passage à l’agriculture biologique, jalon important d’une bifurcation écologique de l’agriculture réussie, et qui offre un certain nombre d’indices en faveur d’un impact positif pour le climat. Nous imposerons le respect des normes françaises pour les produits importés. Nous porterons progressivement l’alimentation dans la restauration collective à 100 % biologique et locale et rendrons gratuites les cantines scolaires (+3,56 Mds€/an). 

Pour le secteur de l’industrie, qui représente 18% des émissions, nous engagerons un plan de reconstruction industrielle pour mettre fin à la dépendance de la France dans les domaines stratégiques (semi-conducteurs, médicaments, etc.) et pour soutenir la bifurcation écologique (recyclage des batteries, aciers nécessaires aux énergies renouvelables, aluminium, etc.). Cette relocalisation est indispensable pour diminuer l’empreinte carbone importée et nous donner les moyens de mener à bien la bifurcation écologique. 4 milliards d’euros par an abonderont ce plan et la décarbonation des process industriels.  

Pour les entreprises, la tenue d’une comptabilité carbone pour les émissions directes et indirectes, certifiée par un organisme public agréé sera obligatoire, en premier lieu pour les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES) – énergie, transport, bâtiment, industrie lourde.  Selon la taille des entreprises, elle sera accompagnée de la définition d’une trajectoire de réduction des émissions de GES. Une attention particulière sera portée à l’électrification et à la décarbonation des procédés carbonés partout où cela est possible. Des droits de douane sur critères écologiques pourront être appliqués et toute aide publique sera conditionnée à des critères sociaux et environnementaux.  

Pour les déchets : la diminution de notre empreinte matérielle passe par l’allongement de la durée de vie des objets du quotidien et par la réduction des déchets. Aussi, pour en finir avec l’obsolescence programmée, nous allongerons les durées de garantie. Nous rendrons obligatoire l’écoconception des produits afin de limiter l’utilisation de ressources non renouvelables. Nous généraliserons au plus vite l’indice de durabilité des produits, rendrons obligatoire la disponibilité de pièces de rechange et empêcherons la mise sur le marché de celles qui auraient un score de durabilité insuffisant. 

Nous développerons le secteur de la réparation et du réemploi, avec la mise en place de formations pour certains métiers (notamment électricité, électronique, bâtiment, textile) pour donner une seconde vie aux objets (+750 M€/an). Nous interdirons immédiatement les plastiques à usage unique. 

Investir dès aujourd’hui dans l’adaptation au changement climatique

Les conséquences du changement climatique sont d’ores et déjà visibles et se feront sentir de plus en plus au cours des années qui viennent. Nous donnerons les moyens humains et financiers à l’État et ses opérateurs publics (comme le Cerema, l’Office national des forêts, l’Office français de la biodiversité ou Météo France) pour mener à bien leur rôle de planification et d’adaptation (+ 883 M€/an) et nous renforcerons leurs capacités de contrôle. L’eau étant un enjeu central, les agences de l’eau joueront un rôle déterminant dans la gestion de l’eau. Nous renforcerons leurs moyens (+332 M€/an). 

En matière d’adaptation des infrastructures, nous investirons près 2 Mds€/an pour lancer un vaste plan de renouvellement des canalisations, et de façon urgente en Outre-mer. En complément, nous lancerons un plan spécifique d’adaptation climatique d’1 milliard sur le mandat, qui comprendra notamment un fonds d’aide à la relocalisation des constructions menacées par les inondations et la montée des mers et la pérennisation des crédits du programme “Avenir montagne”, qui seront réorientés vers l’adaptation climatique.  

Nous lancerons un vaste plan de diagnostic et d’entretien des ouvrages d’art (3 Mds € sur le mandat). Nous inciterons à la végétalisation des villes et nous interdirons les projets qui ont pour conséquence la disparition de zones humides ou l’artificialisation de terres agricoles ou forestières.  

Les terres agricoles ainsi que les forêts et zones humides jouent un rôle-clé dans la résilience face au changement climatique et en matière de puits de carbone. Nous augmenterons sensiblement le budget de l’ONF (+220 M€/an) et reconstruirons tout le secteur de la transformation du bois avec l’objectif de diversifier les essences et de développer les circuits courts, en mettant en place une formation professionnelle publique. La diversification des essences sera favorisée pour rendre les forêts résilientes, les coupes rases seront interdites et les exportations encadrées. Nous interdirons les pesticides qui polluent les sols et les cours d’eau et participent au réchauffement climatique. 

Action à l’échelle européenne et internationale 

Dans les instances multinationales et bilatérales, la France promouvra systématiquement une diplomatie écologique altermondialiste au service de la lutte contre le changement climatique. Il sera mis fin aux accords commerciaux internationaux dont les conséquences affectent le climat et la biodiversité. Il faut créer du droit là où il n’y en a pas, ou peu. Des accords contraignants sont nécessaires. Nous soutiendrons entre autres la création d’un tribunal international de justice climatique et environnementale (demande de la Bolivie, 2009), d’un traité de non-prolifération des énergies carbonées ou encore d’un traité pour contraindre les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement (demande de l’Equateur, 2014). Nous relancerons le codéveloppement et la coopération et agirons contre les conséquences des bouleversements climatiques par des transferts de technologies et de l’aide financière et matérielle. 

À l’échelle européenne, nous défendrons le droit pour les États privilégier les circuits-courts, de venir en aide à des entreprises ou de créer des monopoles publics dans des secteurs stratégiques, et en particulier ceux requérant l’indispensable planification écologique. Cela suppose une politique de désobéissance vis-à-vis des points des traités de nous permettant pas d’appliquer notre programme. Nous appliquerons systématiquement le principe de non-régression écologique et sociale : aucune norme européenne ne peut s’appliquer si elle est moins ambitieuse qu’une norme nationale sur le plan social ou écologique. Ainsi, nous militerons pour la mise en place de règles d’harmonisation sociale et écologique à l’intérieur de l’Union. Nous mettrons en place un protectionnisme écologique afin de relocaliser la production essentielle en France et de réduire notre empreinte carbone importée.

Ainsi, l’action climatique et la préservation du seul écosystème compatible avec la vie humaine  sont au cœur même de notre programme. Les principes de planification et de “règle verte” visent à tenir compte des limites planétaires et de la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cela  s’inscrit dans une philosophie plus large d’un nouveau rapport au vivant : l’Harmonie entre les humains et avec la nature.