Manifeste pour l’industrie

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

L’élaboration d’un nouveau modèle de développement centré sur une renaissance en France des activités industrielles, démarche que poursuit aujourd’hui l’Association du « Manifeste pour l’Industrie » a été initiée par la publication de deux textes : « Un Manifeste pour l’Industrie » et « Redonnons la priorité à l’industrie ».

Faire appel aux Français 

Industrie et financement

Le programme L’Avenir en commun est un programme de transition, de la société actuelle dominée par le capitalisme financier et l’idéologie néolibérale vers une société de l’entraide, visant à réaliser une forme d’harmonie entre les êtres humains, et entre les êtres humains et la nature. Cela implique donc de rompre avec le cadre économique actuel. En gouvernant à partir des besoins de la société, nous romprons avec les logiques actionnariales et parasitaires qui ont mis à mal l’appareil productif français, et avec les lubies de hauts-fonctionnaires et de patrons totalement ignorants des réalités de la production et notamment de l’industrie ; de la même façon, en gouvernant à partir des besoins, nous créerons des millions d’emplois, publics et privés, principalement dans des secteurs dont l’utilité sociale et écologique est très forte : métiers du lien et du soin, et bien sûr, métiers de la bifurcation écologique, notamment industriels. Mais nous sortirons également des cadres de pensée mortifère qui fétichisent la croissance pour la croissance à l’aide d’indicateurs dénués de sens, tels que le PIB : nous établirons de nouveaux indicateurs de progrès humain pour mettre l’économie au service des objectifs et des critères de bien-vivre (santé, éducation, etc.). 

L’industrie est un enjeu de démocratie. De quoi débattre, sur quoi décider, dans un pays incapable de produire ? Comment planifier, si rien n’est inventé, assemblé et élaboré dans le pays ? Et sans plan, que faire d’autre que subir les décisions prises par une poignée de grands monopoles, de GAFAM ou d’entreprises étrangères ? 

Il faut enlever l’industrie des mains des quelques technocrates comme la ministre actuelle, qui ne fait qu’accompagner le recul industriel avec hypocrisie, pour la rendre à la souveraineté populaire et à ceux qui font l’industrie au quotidien. Pour mener une véritable stratégie industrielle, il faut se demander ce qu’on veut produire, quel secteur on veut protéger, où il est nécessaire d’investir. Le gouvernement de l’Union populaire créera donc une Agence pour la relocalisation qui, rattachée au Conseil de la planification écologique, sera l’organe central de la réindustrialisation du pays. Elle sera chargée de recenser les filières industrielles indispensables à la souveraineté du pays et à la conduite de la bifurcation écologique, puis d’élaborer des plans de relocalisation pour chaque filière et production identifiées. 

Elle associe dans son travail l’ensemble des services de l’État et des organismes publics concernés, assurant la pleine cohérence de l’action de l’État en matière économique. Elle réunit ainsi les services des actuels ministères de l’Économie — Direction générale des entreprises en particulier —, de la Bifurcation écologique, du Travail, de la Défense, de l’INSEE, de l’ADEME, de la Banque de France, de la Banque publique d’investissement et de la Banque des territoires.

Elle s’appuie sur l’expertise d’économistes, de chercheur·ses, de spécialistes des questions industrielles, de syndicalistes, d’industriel·les, d’associations et ONG environnementales, de spécialistes des risques. Elle élabore avec les représentants des collectivités locales la stratégie d’aménagement économique et s’appuie sur le rôle essentiel des communes pour la mise en œuvre des investissements stratégiques.  

Elle associe également des citoyen·nes tiré·es au sort : la reconstruction industrielle est l’occasion pour le peuple de reprendre le contrôle sur la production, et de décider ce dont le pays a besoin.  

L’emploi industriel a reculé de manière dramatique : depuis 1989, notre industrie a perdu 31 % de ses emplois. Ce quinquennat ne fait pas exception : à rebours des vantardises répétées du gouvernement, près de 12 000 emplois ont été détruits dans l’industrie manufacturière pendant ce mandat. Notre politique volontariste pour relocaliser la production permettra de recréer de l’emploi industriel, mais également des emplois indirects dans les services à l’industrie notamment et induits dans le commerce de proximité par exemple.

Les gouvernements passés ont utilisé le tournant numérique et la dématérialisation pour diminuer davantage la qualité des services publics. Au contraire, nous mettrons la révolution numérique au service du développement humain, scientifique et démocratique. Ainsi, nous garantirons le droit à un accès minimal gratuit à Internet, et nous assurerons la  couverture numérique de tout le pays en fibre d’ici 2025. Nous garantirons également le maintien de guichets et de formulaires papier malgré la dématérialisation des services publics et la transformation numérique des administrations, et nous déploierons un service public de proximité pour accompagner les 20 % de Français en difficulté avec le numérique (“illectronisme”). Le numérique pose également de nombreuses questions en matière de libertés publiques : nous irons plus loin que le règlement européen de protection des données pour agir contre les discriminations entraînées par le traitement algorithmique des données personnelles, en dotant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de moyens de contrôle efficaces, et nous proposerons de constitutionnaliser le droit au chiffrement des données et des communications. Enfin, parce que le numérique est actuellement dominé par une poignée de géants transnationaux, il est indispensable de garantir la souveraineté numérique de la France. Nous passerons sous contrôle public les infrastructures du numérique et des télécommunications, tout en travaillant à réduire l’impact écologique du numérique (réglementations sur l’obsolescence programmée, politiques incitatives sur le low-code, indice carbone sur le Web…). Nous ferons repasser sous giron français Alcatel Submarine Networks. Nous créerons une agence publique des logiciels libres chargée de planifier leur développement stratégique domaine par domaine en identifiant les manques et en finançant les projets-clés, et nous garantirons l’hébergement des données des services publics français et des entreprises essentielles sur des serveurs de droit français situés en France. Enfin, nous renforcerons l’excellence française dans le virtuel, et créerons un centre national du jeu vidéo en développant également une filière publique de formation dans ce domaine.

La bifurcation écologique de l’économie et les investissements massifs dans les services publics seront permis par la révolution fiscale, qui fera contribuer les plus riches à hauteur de ce qu’ils doivent, mais aussi en rompant avec la dépendance de l’Etat au financement sur les marchés financiers, gouvernés par le court-termisme et sensibles aux attaques spéculatives. Entre autres mesures destinées à refuser le chantage à la dette publique, nous construirons un pôle public bancaire, à partir de structures déjà tout ou partie sous contrôle public (Banque postale, CNP Assurances, Bpifrance…), mais aussi en socialisant certaines banques. D’autre part, la Banque de France accordera une licence bancaire globale à Bpifrance, afin qu’elle puisse se financer à taux zéro auprès de la BCE et soit éligible aux opérations de refinancement à taux négatifs. Le pôle public bancaire servira également de base à l’instauration d’un nouveau circuit du Trésor, notamment en convertissant une fraction des fonds en obligations du Trésor ; mais ce circuit du Trésor imposera également aux banques privées et aux compagnies d’assurance opérant en France des planchers de détention de dette souveraine française. Enfin, toujours dans l’optique de mobiliser davantage et mieux l’épargne privée, nous supprimerons les avantages fiscaux sur l’épargne française investie à l’étranger, notamment pour l’assurance-vie.

Pour mener à bien la relocalisation de la production, il faut donner les moyens à nos entreprises de produire en France. Cela passe notamment par des investissements publics et l’utilisation du levier de la commande publique. Nous mettrons en œuvre un plan d’investissement de 200 milliards d’euros pour la bifurcation écologique. Il comprend le développement des infrastructures de transports notamment et des fonds importants pour les industries de la bifurcation écologique. 20 milliards d’euros seront consacrés spécifiquement à la relocalisation de la production.

À cela s’ajoutent des prêts et facilités de financement aux conditions avantageuses accordés par le pôle public bancaire pour massifier les investissements. Parmi ses nombreux avantages, ce pôle public bancaire pourra notamment orienter l’épargne des ménages vers le financement des projets privés relevant de la bifurcation sociale et écologique, en favorisant tout particulièrement l’accès au crédit des TPE et PME : les conditions de prêt varieront selon l’adéquation des projets aux critères sociaux et écologiques déterminés par le Conseil à la planification écologique.

Concernant les Partenariats Publics-Privés (PPP), les retours d’expérience ont abondamment documenté l’incroyable gabegie d’argent public qu’ils constituent : par conséquent, nous décréterons d’urgence un moratoire sur les PPP, nous réaliserons un audit sur ceux qui ont encore cours et abrogerons les dispositions législatives les permettant.

Protection sociale

En matière de santé, il faut d’abord faire reculer l’influence des laboratoires pharmaceutiques et inverser le rapport de force en créant un pôle public du médicament, première brique d’un pôle public des industries de santé, pour s’assurer une indépendance et garantir la transparence à toutes les étapes du parcours du médicament et des produits de santé. Ses missions seront diverses, mais il sera notamment chargé d’assurer une relocalisation de la production de médicaments, principes actifs, réactifs, de dispositifs diagnostics et de matériels médicaux, et de garantir l’approvisionnement d’une réserve stratégique des médicaments « essentiels ». D’autre part, les entités chargées de la régulation et de la fixation du prix des médicaments seront réorganisées, et les conflits ou liens d’intérêts privés en seront exclus. En cas de nécessité impérieuse, l’utilisation de licences d’office permettra à ce pôle de nous fournir à prix coûtant les médicaments et produits de santé essentiels.

Nous instaurerons le « 100 % Sécu » en remboursant à 100 % tous les soins de santé prescrits (dont les soins et appareils dentaires, optiques et auditifs, et en faisant baisser les tarifs des lunettes et appareils auditifs), et en intégrant les mutuelles dans cette Sécurité sociale intégrale, dont les administrateurs seront élus par les assurés eux-mêmes. Nous mettrons fin à l’austérité qui dégrade les soins et leur remboursement : au lieu de l’hôpital-entreprise soumis à la politique du chiffre, nous reviendrons à un service public hospitalier de qualité : par conséquent, nous supprimerons l’ONDAM et la tarification à l’acte (plus exactement, la T2A sera réservée aux actes techniques, standardisés et programmés tandis que les spécialités ayant à traiter des maladies générales seront financées par une dotation globale; enfin, pour les soins palliatifs, nous reviendrons au prix de journée). Nous soumettrons à cotisations des revenus qui y échappent, par exemple les dividendes et rachats d’actions. 

Les instances territoriales chargées de traiter des politiques de santé seront refondues avec la création d’unités territoriales de santé (UTS) et d’union départementales de santé (UDS) qui se substitueront aux Agences régionales de santé (ARS) ayant démontré leur inefficacité au cours de la pandémie. Ces différentes instances auront en charge l’ensemble des secteurs de l’offre de soins : ville, hôpital, médico-social, hôpital, prévention.

Enfin, pour empêcher la marchandisation de nos données de santé et lutter contre l’ubérisation de la santé, nous suspendrons tout transfert de données sur le Health Data Hub, qui doit regrouper l’ensemble des données de santé de la population française et qui a été confié par le gouvernement Macron à Microsoft. Nous développerons un service public de prise de rendez-vous en ligne et d’hébergeur de données de santé, nous sanctuariserons les fichiers nationaux de l’Assurance maladie afin de rendre impossible toute marchandisation des données de santé ou atteinte à la vie privée. Nous réaffirmerons l’importance de l’humain dans une relation de soin en fixant des règles claires sur la pratique de la téléconsultation et la robotisation des échanges, afin d’en limiter au maximum leurs usages hors pandémie, et nous encadrerons davantage l’utilisation future des technologies de l’intelligence artificielle en santé : leurs algorithmes devront être transparents, explicités et consultables par tou·tes avec des tâches spécifiées et limitées.

Reconquérir une souveraineté industrielle et refonder l’Europe 

Planification écologique et industrielle

En premier lieu, nous souhaitons instaurer la règle verte : ne pas prélever sur la nature davantage que ce qu’elle peut reconstituer. Celle-ci implique de faire coïncider les rythmes de nos productions, de nos échanges et de nos consommations avec les rythmes de la nature elle-même. Cet objectif d’intérêt général nécessite une nouvelle organisation de l’économie : nous l’appelons planification écologique. Elle permet la réappropriation collective et démocratique du temps long, face au temps ultra-court imposé par le capitalisme financier. L’Etat sera donc réorganisé pour être mis au service de cette planification écologique, qui sera articulée entre l’échelle nationale de l’Etat et l’échelle locale de la commune. Ainsi, la relocalisation industrielle ne doit pas être séparée des objectifs d’intérêt général que la Nation se fixe : définie à partir des besoins, elle sera subordonnée à la planification écologique.

L’État doit donc, dans un premier temps, sortir les biens communs et les secteurs stratégiques des griffes du marché. Il se dotera ainsi des outils nécessaires à leur protection : des pôles publics, fondés sur des opérateurs déjà publics ou renationalisés. La liste de ces biens communs et services essentiels sera soumise à référendum, en faisant usage de l’article 11 de la Constitution : les citoyens peuvent choisir les biens communs et services essentiels qu’ils estiment nécessaires de collectiviser. Sur la base des résultats de ce référendum, le Conseil à la planification écologique pilote l’élaboration d’une loi de collectivisation, en associant l’ensemble des ministères concernés. Cette loi prévoit les modalités de protection et de gestion des biens communs et services essentiels que le peuple aura choisi de collectiviser : création de pôles publics, nationalisations d’entreprises, appui sur des coopératives, modes de gestion démocratiques, rôle donné aux salarié·es… En particulier, la loi propose la création d’un pôle public des transports et de la mobilité, outil indispensable dans un secteur aussi stratégique pour la bifurcation écologique, qui s’appuie sur l’opérateur public historique SNCF. Elle prévoit la renationalisation des autoroutes et aéroports stratégiques. Elle crée également un pôle public de l’énergie, atout indispensable au développement du 100 % renouvelables en 2050, constitué d’EDF et d’Engie renationalisés et en lien avec les coopératives locales.

Une Agence pour la relocalisation sera chargée de recenser les filières industrielles indispensables à la souveraineté du pays et à la conduite de la bifurcation écologique, y compris en matière de réduction des émissions importées. Sur la base des lois de planification ainsi adoptées par le Parlement, elle établit des plans de relocalisation par filière. Chaque filière nécessite en effet des objectifs et une méthode spécifiques. Par exemple, dans le cas d’une branche qui n’existe quasiment plus comme celle des substances pharmaceutiques de base et qui offre des marges faibles, l’intervention de l’État, via un pôle public du médicament, est nécessaire pour reconstruire la filière.  Des plans sont ainsi élaborés, par exemple, pour les semi-conducteurs, les médicaments, le recyclage des batteries, les aciers nécessaires aux énergies renouvelables, le bois ou encore le travail de l’aluminium.

Une circulaire sera rapidement publiée pour poursuivre fermement les atteintes au patrimoine industriel français faisant partie des « intérêts fondamentaux de la Nation », comme le prévoit le Code pénal dans ses articles L. 410-1 à L. 414-9, dissuadant les cessions d’entreprises stratégiques à des acquéreurs étrangers. Le ministère de l’Économie publiera un décret rendant effectives les peines de réquisition d’intérêt général pour les délocalisations ou fermetures d’activité. Nous refuserons les prises de contrôle par des capitaux étrangers d’entreprises stratégiques et élargirons le champ des secteurs concernés par le décret qui le permet. Nous augmenterons les moyens du SISSE pour prévenir les menaces de déstabilisation étrangères. Nous nous doterons des mécanismes de défense nécessaire face à l’instrumentalisation de l’extraterritorialité du droit pour déstabiliser nos industries, notamment par les États-Unis.

Stratégie européenne

Forts du mandat donné par le peuple français pour appliquer le programme L’Avenir en commun, et profitant de l’élan des derniers mois de la présidence française de l’UE, nous proposerons immédiatement aux États et peuples européens la négociation de nouveaux traités européens compatibles avec les urgences climatiques et sociales, permettant notamment aux Etats de retrouver leur souveraineté budgétaire, mais aussi monétaire (modification des statuts de la BCE, notamment pour qu’elle puisse prêter directement aux États et annuler la dette Covid, en faveur d’investissements massifs dans la bifurcation écologique et sociale). Nous proposerons également la mise en place de règles d’harmonisation sociale et écologique à l’intérieur de l’Union. En particulier, il faut en finir avec les paradis fiscaux au sein même de l’UE : nous exigerons de nos partenaires européens qu’ils respectent les recettes fiscales de leurs voisins et changent de modèle fiscal. Nous pouvons construire une coalition sur ce sujet pour peser ensemble au Conseil. Mais même un État seul n’est pas démuni : nous pouvons menacer de bloquer les rabais budgétaires dont bénéficient certains paradis fiscaux s’il le faut, ou décider, unilatéralement ou à plusieurs, de sanctionner les pays tricheurs. En parallèle, nous mettrons quoi qu’il arrive en place un impôt universel sur les ultra-riches français, et sur les multinationales qui ont une activité en France sans payer leur juste part d’impôt, GAFAM compris.

En ce qui concerne l’industrie en particulier, nous renégocierons les traités de libre-échange engageant l’Union européenne. La France coalisera des partenaires ayant intérêt à renégocier les traités de libre-échange pour faire émerger un rapport de force favorable et imposer le respect des normes écologiques et sociales pour les produits importés en France. En complément, nous défendons le renforcement et l’élargissement des standards européens pour fixer des normes ambitieuses aux produits qui entrent sur le territoire de l’Union. Nous ne pouvons pas accepter que des produits que nous interdisons pour nos agriculteurs ou nos industriels puissent être importés. Nous assumerons s’il le faut des décisions unilatérales en la matière qui, loin de pousser à la fermeture, permettent de créer de nouvelles coopérations hors du carcan des traités actuels, par exemple en donnant la priorité aux importations de certaines zones pour favoriser leur développement. 

La renégociation de l’union douanière est mise à l’ordre du jour pour permettre aux États membres de mettre en place des mesures de protection de leur production, et de négocier collectivement les filières que tel ou tel pays souhaite protéger. Nous ne prônons pas la guerre commerciale tous azimuts mais bien des protections négociées entre les différentes parties. Pour cela, les États doivent être souverains en matière commerciale.  La France défend la limitation de la liberté de circulation des capitaux : elle propose l’évolution des traités européens en la matière pour instaurer un dépôt de garantie à la Banque de France pour tout investissement étranger.

Protectionnisme écologique et solidaire

Le libre-échange débridé et irresponsable et sa conséquence, le grand déménagement du monde, sont un désastre social et écologique. Il est donc impératif de rééquilibrer nos échanges commerciaux internationaux : notre outil principal sera le protectionnisme écologique et solidaire. Il sera proposé aux partenaires européens mais appliqué d’ores et déjà aux frontières de la France. En effet, une conférence sur le protectionnisme écologique est immédiatement convoquée, sous l’égide du ministère de l’Économie, qui met en place rapidement des mesures antidumping d’urgence, première réponse à la concurrence déloyale. Il se fonde pour cela sur l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et la possibilité donnée par l’OMC d’intervenir contre le dumping lorsqu’il crée un dommage important à une branche de la production nationale. Puis la loi de finances rectificative soumise à l’été au Parlement instaure notamment une taxe kilométrique aux frontières de la France pour dissuader les délocalisations et l’importation de produits trop éloignés. Chaque produit entrant sur le territoire est taxé selon la distance kilométrique de son pays de production. Cette taxe est un point de départ vers une taxation plus fine du transport commercial international, qui prendra en compte l’ensemble du trajet des produits. Nous assumons de désobéir en urgence aux traités de l’Union européenne sur ces points et engagerons en parallèle des négociations pour les inclure au sein des politiques européennes.

En complément des mesures d’urgence – antidumping et taxe kilométrique –, nous instaurons des droits de douane sur des critères écologiques et sociaux établis par l’Agence pour la relocalisation

À l’échelle européenne, ces mesures s’appuient sur le cadre renégocié de l’union douanière. Tant que les négociations n’aboutissent pas, la mesure est mise en place au niveau national en désobéissant aux traités, à travers la réinscription dans le Code des douanes des modalités de notre politique commerciale. Au niveau international, la France s’appuie sur l’article XX du GATT qui prévoit des exceptions « nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux » ou « se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables ».  Afin d’impulser une dynamique internationale pour sortir du libre-échange généralisé et respecter les objectifs climatiques, le gouvernement entame une discussion avec les pays volontaires pour négocier une dérogation pour cause de « circonstances exceptionnelles » prévue par l’article IX alinéa 3 de l’Accord instituant l’OMC : l’urgence climatique, plus grand défi que l’humanité n’ait jamais eu à affronter, correspond évidemment à ce cas. La concertation avec les autres pays ouvre des perspectives plus ambitieuses que celle de la concurrence sauvage généralisée. Nous mettrons ainsi un terme au dumping et à la concurrence déloyale. Nous négocierons collectivement les filières que tel ou tel pays souhaite protéger : la France ne se coupe pas du monde mais prend acte de l’échec du libre-échange et propose à ses partenaires de s’adapter dès maintenant à cette nouvelle donne par la concertation, plutôt que d’attendre des guerres commerciales terribles.

Transition écologique 

Notre programme l’Avenir en commun est traversé de part en part par les enjeux environnementaux – le climat et la biodiversité. Son but : construire une société d’entraide visant l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. Pour y parvenir, il faut aller à la racine du problème. Tous les défis écologiques s’enracinent dans la question sociale. Ainsi, au point de départ de la crise écologique se trouve une prédation humaine croissante. Celle-ci est démultipliée par un modèle économique à la frénésie productiviste sans limite : le capitalisme financiarisé. Ce système est incapable de se corriger. Pire, il se nourrit de la catastrophe qu’il provoque. 

Il faut donc faire coïncider les rythmes de nos productions, de nos échanges et de nos consommations avec les rythmes de la nature elle-même. Cela doit permettre de garantir les conditions collectives et individuelles d’existence. Notre but est double : ne pas dépasser les limites planétaires et offrir à chacun les moyens d’une vie digne. Pour ce faire, il est nécessaire de fixer des objectifs, développer des filières et anticiper les métiers dont nous avons besoin.

Dès lors, l’outil pour lequel nous optons est celui de la planification écologique. Les gestes individuels et les mesures incitatives ne suffisent pas. Comme le démontre une étude de Carbone 4, les trois quarts de l’effort nécessaire incombent à la collectivité et au tissu économique. Cette planification doit donc être menée par un État stratège, coordinateur de la bifurcation écologique et sociale et de la mobilisation des forces vives dans tous les secteurs de la société, à travers un Conseil de la planification écologique. L’État animera le processus de planification écologique, déterminera sur cette base les grands objectifs, qui seront ensuite déclinés par les acteurs publics et privés, en partant de la commune pour les uns, filière par filière pour les autres. 

Nous relèverons l’objectif de diminution des émissions en 2030 par rapport à 1990, actuellement fixé à 40 % pour la France et 55 % pour l’UE, à 65 %. Cet objectif, certes ambitieux, est la seule voie possible car chaque tonne de CO2 compte. Pour cela, une diminution conséquente des consommations énergétiques et matérielles est nécessaire. C’est pourquoi nous mettons la sobriété au cœur de notre programme. Les scénarios Négawatt, Afterres, RTE et du PTEF ouvrent des voies intéressantes. Pour autant, cette sobriété ne doit pas se faire au détriment de la production et reproduction des conditions matérielles d’existence garantissant une vie digne à chacun. Certaines activités nocives et polluantes devront décroître tandis que d’autres, socialement et écologiquement utiles, devront croître. Par ailleurs, nous confirmons la nécessité d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. 

De plus, la diminution des empreintes importées est au cœur de notre programme. Entre 1995 et 2019, les émissions importées ont augmenté de près de 80%. Le Haut conseil pour le climat (HCC) recommande dans son rapport « Maîtriser l’empreinte carbone de la France » de viser une diminution de 65% des émissions importées à l’horizon 2050 et nous nous en tenons à leur expertise. Notre programme pour lutter contre les émissions importées s’appuie notamment sur une maîtrise du contenu écologique des importations et une réindustrialisation pour relocaliser des activités stratégiques. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) est associée à toutes les étapes de la mise en œuvre, pour que la reconstruction industrielle et agricole se fonde sur des processus respectueux de l’environnement. L’ADEME veillera à l’efficacité énergétique, au recours aux énergies renouvelables et à l’efficacité matière (recourir à moins de ressources et plus de matières recyclées) dans tous les maillons de l’activité industrielle : énergie, matières premières, utilités, procédés, rejets, etc.

Pour atteindre l’ensemble de ces objectifs, nous prendrons une série de mesures dans différents secteurs : transports, énergie, agriculture, bâtiments, industrie, déchets, émissions importées. 

Énergie

Face à la raréfaction croissante des énergies fossiles et à l’urgence climatique, la bifurcation de notre modèle énergétique s’impose. Pour cela, nous misons sur 3 leviers : la sobriété, l’efficacité énergétique et le 100 % renouvelables, ainsi que sur un instrument : la planification écologique. 

La sobriété passe, en premier lieu, par la lutte contre le gaspillage et les consommations inutiles telles que les panneaux publicitaires numériques, l’illumination des enseignes ou l’éclairage public à outrance. Sur la question du logement, la baisse de la consommation d’énergie nécessite un vaste plan de rénovation à hauteur de 700 000 logements par an en mettant la priorité sur les 4,8 millions de passoires thermiques. D’ici 2050, l’objectif est la rénovation complète en bâtiments en basse consommation pour tous les logements antérieurs à 2000. Pour cela, sera créé un véritable guichet unique et les aides à la rénovation seront dégressives en fonction du revenu des ménages. Si la rénovation du parc social sera assurée totalement par la collectivité, la rénovation des 25 % des logements détenus par 3,5 % des ménages sera à la charge des propriétaires. Par ailleurs, la rénovation thermique illustre la question clé de la formation professionnelle et des compétences pour atteindre nos objectifs. C’est pourquoi l’Avenir en commun comprend un plan spécifique pour la formation professionnelle des professionnels du secteur. 

L’accent sera également mis sur l’éco-construction avec une utilisation accrue des matériaux bioclimatiques (bois/terre/paille), le remplacement des chaudières à gaz et à fioul et sur la conditionnalité de l’obtention de labels écologiques à des résultats énergétiques concrets et vérifiés tant pour le neuf que pour le rénovation. 

Sur la question de notre mix électrique, nous nous appuyons sur les scénarios Negawatt et M0 de RTE qui font l’hypothèse d’une sortie totale des énergies fossiles et nucléaires. En effet, nous considérons que l’énergie nucléaire ne saurait être une solution à terme en raison de la gestion des déchets et du problème de sûreté qu’elle soulève. Notre mix électrique serait donc essentiellement composé de photovoltaïque, d’éolien marin et d’hydraulique. Même si l’électricité aura une part croissante dans le mix énergétique et que nous visons une baisse minimale de 40 % de la consommation totale d’ici 2050 (SNBC), le 100 % renouvelable passera également par les bioénergies et notamment par le bois énergie ou le biogaz, la géothermie ou des carburants alternatifs tels que l’hydrogène vert. À ce titre, l’innovation aura aussi une importance clé pour atteindre nos objectifs de décarbonation. Les recherches dans les énergies marines seront aussi encouragées. D’autre part, il va s’en dire que le déploiement sur le territoire des différentes sources d’énergies renouvelables doit être au maximum adapté aux conditions météorologiques et géographiques.

Sur le plan institutionnel, la planification se traduira par la création d’un pôle public de l’énergie avec notamment la nationalisation d’EDF et Engie. Nous mettrons aussi fin à la libéralisation du marché de l’électricité et de gaz dont l’échec est aujourd’hui patent et stopperons la privatisation des barrages hydrauliques. Les niches polluantes seront également abolies tout comme les subventions aux énergies fossiles, et ce, y compris à l’étranger.

Enfin, la bifurcation écologique allant de pair avec une plus grande justice sociale, notre programme prévoit, comme sur la question de l’eau, de rendre gratuites les premières quantités d’électricité indispensables à une vie digne et de mettre en place une tarification progressive de l’énergie.

Agriculture – Alimentation

L’urgence climatique, environnementale et sanitaire (zoonoses) nous presse de ramener notre système agricole et alimentaire dans les limites planétaires. La souffrance animale massive et banalisée qui est la règle dans les élevages intensifs où les animaux sont traités comme des marchandises est inacceptable. C’est pourquoi nous planifierons une révolution agroécologique de nos méthodes de production, relocaliserons les productions sur les territoires, stopperons l’artificialisation des terres et sortirons de l’élevage intensif, en accompagnant les agriculteur·ices dans la transition.

Nous fixons ainsi le cap d’une agriculture 100 % biologique au plus tard en 2050. Nous interdirons immédiatement les pesticides les plus dangereux pour la santé humaine et pour l’environnement, notamment les néonicotinoïdes, le glyphosate et les fongicides SDHI. À l’horizon 2030, nous fixons pour objectif d’atteindre au moins une réduction de l’utilisation des engrais et des pesticides chimiques de synthèse de 50 % (y compris par leur taxation croissante au cours du temps via la redevance sur les pollutions diffuses et sur l’utilisation des intrants). Nous planifierons également l’augmentation des surfaces en infrastructures agroécologiques et nous interdirons tous les OGM, y compris les « OGM cachés » (variétés rendues tolérantes aux herbicides issues de mutagenèse in vitro…) et les nouvelles techniques génomiques (NBT). Nous soutiendrons le développement des surfaces en légumineuses, notamment à travers les aides couplées, le soutien à l’agriculture biologique et grâce au triplement du budget des projets alimentaires territoriaux qui contribueront à mieux structurer la filière. Les objectifs européens de la stratégie de la Ferme à la Table constitueront, en tout état de cause, un minimum.

Nous fixons pour objectif de sortir de l’élevage intensif aussi vite que possible et au plus tard en 2027. Nous interdirons les fermes-usines, en commençant par interdire immédiatement l’installation, l’agrandissement ou la réunion d’exploitations agricoles d’élevage dont les productions sont supérieures aux seuils correspondant aux catégorie A et E de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Nous redéfinirons des normes d’élevage compatibles avec la protection des animaux et le respect des limites planétaires : accès à l’air libre obligatoire, pâturage, densité, surface minimale, réduction des cheptels, fin des souches à croissance rapide, objectif d’autonomie alimentaire, interdiction de l’élevage en cages à horizon 2025, du broyage ou gazage des poussins et canetons, de l’ablation de la queue, épointage des becs, meulage des dents…

Ces objectifs ne vont pas sans réduction de la consommation de protéines animales : nous fixons un objectif de réduction de la consommation moyenne de protéines animales de 50 %. Une option végétarienne quotidienne sera proposée dans la restauration collective ainsi qu’un menu végétarien hebdomadaire pour tous les usagers.

Pour préserver les terres agricoles, nous mettrons en place un plan de protection généralisée du foncier agricole, forestier et naturel, s’inspirant de la Loi Littoral, en vue de mettre en oeuvre le « zéro artificialisation nette » des sols dès 2025.

Nous accompagnerons les agriculteurs dans cette transition en leur garantissant des prix plancher qui seront nécessairement supérieurs aux coûts de production. Nous faciliterons les installations en réformant l’accès au foncier (réforme des SAFER/CDOA, comprenant une réforme de la gouvernance, un renforcement des capacités de portage foncier et le conditionnement des nouvelles autorisations d’exploiter lors d’un projet d’installation, d’agrandissement par location, d’achat de terres ou de transferts de parts d’une société à une surface maximale d’exploitation par actif et par type de production). En outre, nous appliquerons l’ensemble de nos normes de production aux produits importés, y compris au sein de l’UE : par exemple, l’interdiction du glyphosate ou l’interdiction de l’élevage en cages s’appliquera également aux produits importés.

Nous soutiendrons également les agriculteurs dans la transition agro-écologique par une transformation radicale de la Politique agricole commune : nous engagerons la sortie du système actuel d’aides à l’hectare pour aller vers un système de contrats de transition agro-écologique et de paiements pour services environnementaux et spécifiques (installation, projets territoriaux…) à l’actif. A court terme, nous doublerons le budget réservé à l’agriculture biologique (en le portant à 1,1 milliard d’euros par an, répartis à parts égales entre les aides à la conversion et les éco-régimes), nous triplerons le budget réservé aux mesures agro-environnementales et climatiques (le portant à 780 millions/an), nous doublerons le budget consacré au paiement redistributif (1,35 milliards), nous triplerons le budget réservé à l’installation en le fléchant sur les projets agro-écologiques et contribuant à l’autonomie alimentaire des territoires (450 millions) et nous maintiendrons le budget réservé aux indemnités compensatrices de handicap naturel (voir Plan alimentation pour le détail financier concernant la PAC).

En dehors du soutien fourni à travers le budget de la PAC, une aide à la transition pour les éleveurs industriels se convertissant à l’élevage paysan ou aux cultures végétales sera également budgétée en loi de finance (500 millions d’euros). Nous créerons aussi une caisse de défaisance pour reprendre la dette agricole de celles et ceux qui s’engagent, au travers d’un contrat de transition, à passer au 100 % bio.

Nous soutiendrons également la transition agro-écologique en agissant sur la demande, par le renforcement du pouvoir d’achat (SMIC à 1400 € net – ce qui tirera l’ensemble des salaires jusqu’à 2 000 euros vers le haut, soit 56 % des Français·es -, retraite minimale à 1400 € net, garantie d’autonomie à 1063 € net, dégel du point d’indice des fonctionnaires, gratuité des cantines scolaires, blocage des prix de produits de première nécessité, notamment en s’inspirant du bouclier qualité-prix en vigueur dans les outre-mer… ). Nous porterons l’alimentation dans la restauration collective à 100 % biologique et locale. 

Nous expérimenterons une garantie universelle d’accès à des aliments choisis, premier jalon d’une sécurité sociale de l’alimentation. Il s’agit de permettre à chacune et à chacun d’accéder à des aliments, notamment des fruits et légumes, de saison et bio, dans des magasins de proximité publics ou associatifs. Ces magasins de proximité se fournissent auprès d’un réseau de producteurs locaux et bio qui choisissent de s’engager dans cette démarche : ils leur garantissent ainsi des débouchés stables et des prix rémunérateurs. Le paiement dans l’ensemble de ces magasins se fait par une carte par foyer, valable dans tous les magasins. Ces cartes peuvent notamment être rechargées par les Centres communaux d’action sociale (CCAS) et tous les autres services sociaux pour pouvoir y intégrer leurs aides alimentaires. 

Mobilité

Permettre aux personnes et aux biens de se déplacer est indispensable au fonctionnement de notre pays. Pourtant, à l’heure du dérèglement climatique, le secteur des transports pèse pour 31 % des émissions de gaz à effet de serre et c’est le seul pour lequel les émissions continuent d’augmenter. Il est confronté à la double contrainte de relier toujours mieux les individus et de réduire toujours plus son empreinte environnementale.

Quant au transport de marchandises, ce sera l’heure de la grande bifurcation : la priorité sera donnée aux alternatives au tout routier, grâce au fret ferroviaire et fluvial. 

Convaincus que la seule électrification du parc automobile sera une tendance trop lente et trop faible pour répondre au besoin, nous entendons mener une politique de long terme pour limiter le recours à l’usage de la voiture individuelle. Des investissements planifiés et coordonnés iront dans les transports du quotidien pour limiter l’usage de la voiture individuelle : la priorité doit aller à la réduction des impacts négatifs sur la santé et à la sobriété énergétique, surtout à l’heure du réchauffement climatique. Pour cela, nous proposons notamment :

  • Un plan de développement et de rénovation des lignes ferroviaires (30 milliards sur le mandat)
  • Un plan d’investissement dans le développement des transports en commun en agglomération (2,5 milliards sur le mandat), le covoiturage, l’autopartage et le transport à la demande (1 milliard) dans les bassins de vie afin que chaque personne ait une solution à moins de 15 minutes de chez soi et réduire ainsi l’autosolisme.
  • Un plan vélo financé pour le développement des infrastructures, des pistes cyclables, garages à vélo et/ou arceaux à vélo dans les lieux de travail, les logements mais aussi devant les services publics et commerces de proximité (10 milliards). Ce plan intégrera également l’apprentissage du vélo systématique en école élémentaire, en lien avec les associations, et un soutien à l’organisation d’une filière de production et de réparation “made in France” du vélo.
  • Le forfait mobilité durable sera rendu obligatoire et versé aux salarié·es – notamment pour le vélo –, avec la possibilité de le coupler avec les abonnements de trains. Ses modalités de versement seront simplifiées et adaptées au télétravail. Nous portons l’idée que les dispositifs se doivent d’être universels quel que soit le lieu de résidence, nous ne comptons pas faire varier le montant du FMD sur la seule base de la commune de résidence.
  • Nous encadrerons strictement la publicité automobile, en particulier pour les SUV et les 4×4.

Déchets

La diminution de notre empreinte matérielle passe par l’allongement de la durée de vie des objets du quotidien et par la réduction des déchets. Aussi pour en finir avec l’obsolescence programmée nous allongerons les durées de garantie. Nous rendrons obligatoire l’écoconception des produits afin de limiter l’utilisation de ressources non renouvelables. Nous généraliserons au plus vite l’indice de durabilité des produits, rendrons obligatoire la disponibilité de pièces de rechange et empêcherons la mise sur le marché de celles qui auraient un score de durabilité insuffisant. Nous développerons le secteur de la réparation et du réemploi, en commençant par annuler le décret du 30 décembre 2021 qui divise par deux le montant alloué au fonds de réparation, et nous mettrons en place des formations pour certains métiers (notamment électricité, électronique, bâtiment, textile) pour donner une seconde vie aux objets (+750 M€/an). 

Nous interdirons immédiatement les plastiques à usage unique à l’exception des instruments médicaux et chirurgicaux. Nous développerons également la consigne pour réemploi planifiée, avec des emballages standardisés et un plan de développement d’infrastructures adaptées (centres de lavage…) sur le territoire.

Nous améliorerons aussi le tri des déchets en rendant obligatoire la collecte séparée des déchets alimentaires et des déchets verts (biodéchets) dès 2025 (+223M€/an). Nous assurerons une desserte de l’ensemble des habitants par un service de ramassage performant.

Dans l’ensemble des secteurs (bâtiments, transports, énergie, agriculture, zéro déchet, etc.), nous mobiliserons le levier de la commande publique pour développer les secteurs et les filières nécessaires à la mise en œuvre de la bifurcation écologique.

Artificialisation / changement d’utilisation des terres :

Afin d’empêcher le changement d’affectation des terres, qui perturbe et détruit la biodiversité, nous proposons les mesures suivantes : 

  • Lutter contre l’artificialisation des sols pour empêcher la disparition de surfaces agricoles utiles, en empêchant notamment la multiplication des entrepôts géants.
  • Refonder les critères permettant le développement de nouvelles grandes et moyennes surfaces (GMS) pour les soumettre aux objectifs de zéro artificialisation nette des sols et de préservation des petits commerces, tout en prenant en compte les GMS déjà existantes

Nous portons également une série de mesures concernant les forêts, et que nous avons détaillé dans la partie suivant dédiée aux forêts, ou encore dans notre livret sur les forêts : https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/foret/  

Investissements 

Evaluation du coût économique et social des mesures 

Pour mettre en place les mesures que nous portons, nous lancerons un plan d’investissement de 200 milliards d’euros sur le quinquennat. Nous y ajoutons 6 milliards par an de dépenses courantes (renforcement des moyens des opérateurs de la bifurcation, cantines 100 % bio, caisse de défaisance pour les agriculteurs convertis au bio, etc). Concernant le financement de nos mesures, il est possible de consulter l’analyse d’I4CE, et les réponses à leurs questions sur le sujet.

Les financements publics consacrés au climat bénéficieront à la grande majorité des ménages, et en particulier aux plus modestes. Cela s’illustre notamment dans la rénovation thermique : l’appui de l’État sera dégressif selon le niveau de vie des ménages avec un taux global d’appui de 70 % allant de 100 % pour le premier décile à 0 % pour le dernier, en excluant de l’aide les 3,5 % des ménages possédant 25 % des logements. L’effort financier de la bifurcation écologique ne doit pas peser sur les classes moyennes et populaires, mais bien davantage sur les plus riches, dont le mode de vie est par ailleurs plus polluant comme l’a encore montré la dernière étude d’Oxfam. La tarification progressive de l’énergie, avec la gratuité des quantités nécessaires à la vie et la taxation des mésusages somptuaires, redistribuera ainsi immédiatement la charge de la transition.

Plusieurs de nos plans d’investissements bénéficieront d’abord aux ménages les plus pauvres : développement massif des transports en commun, passage à une agriculture biologique et locale de qualité avec un accès facilité aux fruits et légumes de base. 

Certains secteurs seront probablement impactés en matière d’emploi : nucléaire, construction, publicité. Pour chacun des secteurs, nous prévoyons un plan d’accompagnement exhaustif des salariés concernés afin de faciliter leur reconversion dans les nouveaux secteurs porteurs de la transition : énergies, agriculture, déchets, service public de la réparation et du réemploi. 

Notre stratégie de financement

Les financements publics représentent un levier privilégié d’action en matière climatique. En effet, le secteur privé a montré son incapacité à diriger de lui-même les financements vers la bifurcation écologique et continue à préférer les profits à court-terme. En plus de permettre un ciblage efficace, les financements publics ont une force d’entraînement sur le privé. Celui-ci aura un rôle clé dans le financement, mais les décisions collectives et le futur de l’espèce humaine ne seront plus livrés à l’arbitraire du marché : la création du Conseil à la planification écologique orientera le secteur privé dans la direction de la bifurcation écologique. 

Une réponse à la hauteur des enjeux climatiques passe inévitablement par des dépenses significatives. Nous l’assumons, mais nous savons comment financer ces investissements. D’abord par une fiscalité écologique qui taxe les surprofits des entreprises polluantes et les pratiques déraisonnables des ménages les plus riches : rétablissement de l’ISF avec un volet climatique sur les actifs polluants, suppression de niches fiscales défavorables au climat, taxe kilométrique aux frontières, etc. 

Surtout, nous refonderons le système fiscal pour mettre en place une vraie progressivité, qui permettra de dégager des recettes fiscales substantielles en baissant l’imposition de la grande majorité des Français : réforme des droits de successions pour les rendre plus progressifs avec une tranche de 100% au-delà de 12 millions d’euros, impôt sur le revenu à 14 tranches, impôt universel, notamment pour les entreprises, fin du quotient conjugal, etc. Nous irons chercher les masses d’argent qui échappent à l’État en luttant véritablement contre l’évasion fiscale et en supprimant les niches fiscales injustes socialement. 

Les investissements écologiques seront source de créations d’emplois et de recettes fiscales supplémentaires qui financeront une partie des investissements. Le chiffrage détaillé du programme, avec les impacts sur la création d’emploi et les recettes fiscales induites, a été présenté le 12 mars. 

Concernant l’Union européenne, nous cesserons d’appliquer unilatéralement les normes incompatibles avec nos engagements écologiques et sociaux, telles que la directive sur le détachement des travailleurs, les règles budgétaires, les règles de la concurrence et la libre circulation des capitaux.

Anticiper, organiser 

Entreprises et finances 

Pour parvenir à un plan écologique et démocratique qui articule l’ensemble des thématiques concernées et combine l’intervention des différents niveaux de territoires, nous mettrons en œuvre de nouveaux droits aux travailleur·ses au travers des institutions représentatives du personnel incluant le rétablissement des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), pour leur permettre de définir les modalités de transformation des outils de production et les besoins de formation et d’investissements correspondants

De plus, les différents secteurs seront mobilisés au cours du processus de planification. Le Conseil à la planification écologique est doté de commissions thématiques par secteur, qui rassemblent les acteurs et actrices organisé·es de la société : les branches professionnelles et les syndicats de chacune de ces branches ; les organisations non gouvernementales (ONG) ; les associations (de consommateur·rices, d’usager·es, environnementales..) ; des chercheur·ses issu·es de toutes les disciplines concernées ; les représentants des collectivités territoriales ; et de citoyen·nes tiré·es au sort. Des représentant·es des différentes directions centrales, des opérateurs de l’État (Météo-France, Office national des forêts [ONF], Office français de la biodiversité [OFB], Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement [Cerema], agences de l’eau…), de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), de la Banque de France notamment viennent en appui dans ces commissions thématiques.

La planification écologique comprendra un caractère fortement incitatif pour les entreprises privées du secteur marchand, notamment avec : 

  • La modulation de l’accès aux moyens publics (aides et subventions, accès au crédit) en fonction du respect de critères de responsabilité sociale et environnementale 
  • L’obligation pour les entreprises de mettre en œuvre une comptabilité carbone pour les émissions directes et indirectes certifiée par un organisme public agréé en commençant par les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES) – énergie, transport, bâtiment, industrie lourde – puis selon la taille des entreprises, accompagnée d’une trajectoire de baisse de leurs émissions
  • L’élargissement et la protection des droits d’intervention des institutions représentatives du personnel au sein des entreprises (rétablissement des CHSCT et des comités d’entreprise) et des délégué·es syndicaux·les
  • Des réquisitions d’intérêt général contre toute tentative de délocalisation d’entreprises stratégiques contraire aux intérêts fondamentaux de la Nation

Nous proposons une série de mesures sur l’augmentation des salaires et la réduction des inégalités dans les entreprises. 

  • Nous porterons immédiatement le SMIC mensuel à 1400 euros nets.
  • Nous punirons sévèrement le non-respect de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. 
  • Nous fixerons un salaire maximal autorisé pour limiter l’écart de 1 à 20 entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut dans une entreprise
  • Nous modulerons l’impôt sur les sociétés selon l’usage des bénéfices pour encourager l’investissement en France et pénaliser le versement de dividendes.
  • Nous plafonnerons également les versements de dividendes aux actionnaires en limitant la part des bénéfices qui leur est distribuée à la part versée aux employés
  • Nous supprimerons la flat taxe et nous imposerons les revenus du capital comme ceux du travail.  

Nous proposons de mettre au pas la finance, notamment en instaurant une taxe réelle sur les transactions financières et en séparant les banques d’affaires et de détail. Nous souhaitons également identifier et interdire les produits dérivés purement spéculatifs, et limiter les effets de leviers et les rendements actionnariaux exorbitants. Nous limiterons aussi les LBO (rachat d’une entreprise par une société qui recourt à l’emprunt) aux seules procédures de reprise des entreprises par les salariés. Nous interdirons également les parachutes dorés et les retraites chapeaux, tout comme l’utilisation de stock-options comme modalité de rémunération. 

Pour aller plus loin, le livret sur les banques détaille nos propositions : https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/banques/ 

Il faut en finir avec la mise en concurrence des territoires. Au contraire, nous développerons des pôles territoriaux s’inscrivant dans le cadre des plans de relocalisation afin de développer les filières industrielles. Ainsi, les pôles de compétitivité passeront sous le contrôle de l’Agence pour la relocalisation pour : 

  • atteindre les objectifs fixés par les plans de relocalisation 
  • développer les outils industriels et de R&D collectifs (développement d’unités de production communes, de laboratoires, etc.) 
  • constituer des patrimoines territoriaux non délocalisables, en veillant à un développement équilibré des territoires 

Accompagnement des agriculteur·ices

Comme précisé dans la partie dédiée à l’alimentation ci-dessus, nous planifierons une révolution agroécologique de nos méthodes de production, relocaliserons les productions sur les territoires, tout en accompagnant les agriculteur·ices dans la transition. Une série de mesures permet en effet d’accompagner les agricultur.ices vers des pratiques agroécologiques : 

  • Transformation de la politique agricole commune (voir ci-dessus pour le détail) 
  • Aide à la transition pour les éleveurs industriels se convertissant à l’élevage paysan ou aux cultures végétales sera également budgétée en loi de finance (500 millions d’euros). 
  • Création d’une caisse de défaisance pour reprendre la dette agricole de celles et ceux qui s’engagent, au travers d’un contrat de transition, à passer au 100 % bio.

Pour produire local et bio, nous triplerons le budget des projets alimentaires territoriaux (PAT), c’est-à-dire sur des projets élaborés de manière collective avec les collectivités, paysannes et paysans, artisan·es et citoyen·nes pour adapter la production alimentaire locale aux besoins d’un territoire donné. Les projets alimentaires territoriaux seront le support pour développer partout les outils nécessaires à l’adaptation de la production alimentaire aux besoins locaux et aux exigences écologiques (magasins de producteur·rices, ateliers de transformation, abattoirs…) ainsi que la mise en œuvre de la garantie universelle d’accès à des aliments choisis. 

Foncier agricole 

Nous lancerons une grande réforme agraire : l’accès au foncier, aussi bien à l’achat qu’à la location, doit être permis pour atteindre l’objectif d’installer au moins 300 000 nouveaux paysan·nes porteur·ses de projets agroécologiques pendant le mandat. 

L’accès à la terre doit être maîtrisé pour favoriser les petites installations qui répondent aux besoins alimentaires du territoire et aux impératifs de la bifurcation écologique, plutôt que le l’agriculture industrielle riche en pesticides.

Cela nécessite une politique de maîtrise foncière publique. Ainsi, nous créons partout en France des établissements publics fonciers ruraux (EPFR), qui remplacent les actuelles sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Leurs moyens sont renforcés pour pouvoir acquérir davantage de terres et avoir ainsi un véritable impact. 

Les établissements fonciers conservent les terres aussi longtemps que nécessaire pour assurer qu’elles sont utilisées pour l’installation de projets agricoles vertueux pour l’environnement et le territoire. Ils usent de leur droit prioritaire de préemption pour limiter les agrandissements. Pour les transmissions, une surface maximale d’exploitation par type de production est fixée, au-delà de laquelle intervient l’établissement. 

Les établissements fonciers peuvent également acheter des terres agricoles afin d’y développer des espaces-tests et des régies publiques agricoles, notamment dans le cadre des projets alimentaires territoriaux (PAT). 

La composition des EPFR, ainsi que celle des commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA), consultées sur les autorisations d’exploiter, sont réformées pour intégrer davantage les représentant·es de la société civile.

Comme indiqué dans la partie transition écologique ci-dessus, nous expérimenterons une garantie universelle d’accès à des aliments choisis, premier jalon d’une sécurité sociale de l’alimentation. Il s’agit de permettre à chacune et à chacun d’accéder à des aliments, notamment des fruits et légumes, de saison et bio, dans des magasins de proximité publics ou associatifs. Ces magasins de proximité se fournissent auprès d’un réseau de producteurs locaux et bio qui choisissent de s’engager dans cette démarche : ils leur garantissent ainsi des débouchés stables et des prix rémunérateurs. Le paiement dans l’ensemble de ces magasins se fait par une carte par foyer, valable dans tous les magasins. Ces cartes peuvent notamment être rechargées par les Centres communaux d’action sociale (CCAS) et tous les autres services sociaux pour pouvoir y intégrer leurs aides alimentaires. 

Dans un contexte de prix agricoles plus rémunérateurs grâce à l’encadrement des marges des intermédiaires, nous engagerons la sortie du système actuel d’aides à l’hectare pour aller vers un système de contrats de transition agro-écologique et de paiements pour services environnementaux et spécifiques (installation, projets territoriaux…) à l’actif·ve.