Terre de Liens

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

Terre de Liens est un mouvement citoyen reconnu d’utilité publique qui préserve les terres agricoles afin d’y développer des usages solidaires respectueux.

Votre analyse des problématiques et enjeux liés à la terre agricole en France

La libéralisation des marchés, la baisse des prix payés aux producteur·ices et la captation d’une grande partie de la valeur ajoutée par les firmes de l’amont et de l’aval engagent les agriculteurs et agricultrices dans une folle « course à la compétitivité ». La production agricole se concentre dans un nombre de plus en plus réduit d’exploitations. Plus de la moitié des exploitations et des emplois agricoles ont disparu en 25 ans – dont 100 000 exploitations au cours des 10 dernières années – et 200 000 exploitant·es supplémentaires partiront en retraite d’ici à 2030 !

Les plus grandes exploitations s’agrandissent encore davantage en acquérant les terres de celles et ceux qui ont été exclu·es. Le modèle agro-industriel a conduit au développement d’exploitations agricoles de plus en plus concentrées et spécialisées, intenses en capital, et de ce fait difficiles à transmettre. C’est d’autant plus vrai qu’en raison de la faiblesse du système de protection sociale dans le secteur agricole, ces exploitations constituent souvent le seul capital-retraite de leurs propriétaires.

La majorité des agriculteur·ices sont victimes de ce modèle. De nombreux jeunes renoncent à s’installer du fait de la difficulté d’accéder au foncier, du montant des investissements nécessaires, des perspectives incertaines de revenu et de l’absence de soutien public. Nous assistons à une situation absurde de « paysan·nes sans terres » sur notre territoire, alors que le chômage atteint des records.

La politique agricole commune (PAC) entretient ce système de concentration des terres agricoles : plus d’un tiers du budget annuel de la PAC est distribuée sous la forme d’« aides à l’hectare », indistinctement des revenus de l’exploitation, de son adaptation aux besoins du territoire, de sa qualité écologique ou de son intensité en travail. Ce système pousse à l’agrandissement, à la concentration des terres, et freine les installations. Les petites et moyennes exploitations et la transition agroécologique sont insuffisamment soutenues, quand elles ne sont pas purement et simplement laissées à l’abandon. Loin d’y remédier, le gouvernement Macron a pérennisé ce système et a même augmenté la part du budget consacrée à ces « aides à l’hectare ».

En France, le renoncement à la politique des structures et la faiblesse de la politique foncière favorisent aussi la concentration de la production. Dans le même temps, le foncier agricole est rongé par l’urbanisation et le modèle agro-industriel fondé sur les pesticides et les engrais chimiques dégrade les sols et conduit à un effondrement de la biodiversité, ce qui constitue une menace pour la sécurité alimentaire de long terme.

Face à ce modèle, de multiples initiatives d’agriculture paysanne de qualité, d’agriculture biologique et de circuits courts de proximité se développent. Elles montrent que d’autres formes d’agriculture tournées vers l’intérêt général sont possibles. Mais une agriculture duale avec, d’un côté, une grande agriculture productiviste censée être « compétitive » sur le marché mondial, et, de l’autre, une agriculture de niche, écologique et de qualité pour une minorité de consommateurs et de consommatrices plus favorisé·es ne peut exister durablement. En réalité, ces deux agricultures sont bien en compétition pour l’accès au foncier, aux marchés et aux subventions publiques. La première se développe en marginalisant la seconde.

Vos propositions et mesures concrètes pour mieux protéger la terre et pour en faciliter l’accès aux nouvelles générations agricoles ?

  1. Lutter contre l’artificialisation des terres agricoles

Nous mettrons en place un plan de protection généralisée du foncier agricole, forestier et naturel, s’inspirant de la Loi Littoral, en vue de mettre en oeuvre le « zéro artificialisation nette » des sols dès 2025.

Dans ce cadre, nous fixerons pour règle générale l’interdiction de l’artificialisation et de l’urbanisation des espaces agricoles et naturels ; des exceptions à cette règle générale pourront être décidées, sur proposition des collectivités locales ou de l’État, par les Commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) selon des critères cumulatifs précis et strictement limités justifiant une déclaration d’utilité publique ; ces critères seront : la nécessité d’infrastructures publiques ou de logement, l’impossibilité de réaliser les travaux sur les espaces urbains et l’impossibilité ou la non-pertinence de réaliser les travaux sur des terres peu fertiles.

  1. Garantir l’accès aux terres et limiter leur concentration

Nous lancerons une grande réforme agraire : l’accès au foncier, aussi bien à l’achat qu’à la location, doit être permis pour atteindre l’objectif d’installer au moins 300 000 nouveaux paysan·nes porteur·ses de projets agroécologiques pendant le mandat. 

L’accès à la terre doit être maîtrisé pour favoriser les petites installations qui répondent aux besoins alimentaires du territoire et aux impératifs de la bifurcation écologique, plutôt que le l’agriculture industrielle riche en pesticides.

Cela nécessite une politique de maîtrise foncière publique. Ainsi, nous créons partout en France des établissements publics fonciers ruraux (EPFR), qui remplacent les actuelles sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Leurs moyens sont renforcés pour pouvoir acquérir davantage de terres et avoir ainsi un véritable impact. Pour cela, une part des taxes locales leur sera affectée afin de les doter de ressources propres.

Les établissements fonciers conservent les terres aussi longtemps que nécessaire pour assurer qu’elles sont utilisées pour l’installation de projets agricoles vertueux pour l’environnement et le territoire. Ils usent de leur droit prioritaire de préemption pour limiter les agrandissements. Pour les transmissions, une surface maximale d’exploitation par type de production est fixée, au-delà de laquelle intervient l’établissement. La politique de préemption s’étend aux parts de société en cas de vente ou de cession, ou encore lors du démantèlement d’une société

Les établissements fonciers peuvent également acheter des terres agricoles afin d’y développer des espaces-tests et des régies publiques agricoles, notamment dans le cadre des projets alimentaires territoriaux (PAT). 

La composition des EPFR, ainsi que celle des commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA), consultées sur les autorisations d’exploiter, sont réformées pour intégrer davantage les représentant·es de la société civile, notamment les associations de consommateur·ices, de préservation de l’environnement ou de protection des animaux

  1. Soutenir l’installation des paysan.nes via la PAC et les politiques nationales

Nous proposons une révision en profondeur du Plan Stratégique National de la PAC, avec la mise en place de mesures soutenant directement l’installation de paysan.nes, telles que: 

  • Le triplement du budget consacré à l’installation des jeunes et des nouvelles et nouveaux agriculteur·ices (y compris au-delà de 40 ans)
  • La révision des critères d’attribution de la dotation d’installation pour favoriser les projets agroécologiques, la diversification des activités du territoire et la souveraineté alimentaire, les démarches collectives

Au niveau national, nous proposons de soutenir l’installation via:

  • Le renforcement des moyens des structures de développement agricole et d’accompagnement à l’installation comme les Organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR).
  • La revalorisation à hauteur de 100 % du SMIC les indemnités de formation professionnelle agricole pour stagiaires adultes engagés dans un projet d’installation agro-écologique.

Par ailleurs, notre programme contient un ensemble de mesures soutenant la transition vers une agriculture paysanne locale, écologique et rémunératrice, qui favoriseront in fine la préservation des terres agricoles, leur transmission et l’installation des agriculteurs. Pour plus de détails, voir notre livret agriculture et alimentation (https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/agriculture/) et notre plan Alimentation (https://melenchon2022.fr/plans/alimentation/