Union des Photographes Professionnels

Tout au long de la campagne, de nombreuses organisations (associations, syndicats, collectifs, etc) sollicitent Jean-Luc Mélenchon pour qu’il détaille ses propositions sur des enjeux qui les concernent. L’équipe du programme et les groupes thématiques répondent, pour chacune de ces demandes, en développant des points précis de notre programme l’Avenir en commun.

L’Union des Photographes Professionnels (UPP) est l’organisation professionnelle qui représente les photographes. Depuis plus de soixante-dix ans, elle a pour mission de promouvoir la profession, de veiller aux intérêts des photographes et de défendre leurs droits. Elle étudie toutes les questions sociales, économiques, juridiques ou autres intéressant le métier de photographe, et plus particulièrement les sujets liés aux droits d’auteur.

Les droits 

Pour obtenir la carte de presse délivrée par la CCIJP, un photojournaliste doit présenter la preuve que plus de la moitié de ses revenus sont issus des rémunérations par des éditeurs de presse. Parallèlement, les éditeurs de presse refusent trop souvent – en violation de la loi Cressard- de rémunérer leurs photojournalistes en piges salariales. De ce fait, d’une part le métier de photojournaliste se précarise, et d’autre part ces revenus issus de la presse ne peuvent être pris en compte pour permettre au photojournaliste de déposer son dossier de demande de carte de presse. Que prévoyez-vous pour pallier ce problème ? 

Pour lutter contre la précarisation des journalistes, et en particulier des photojournalistes pigistes, nous avons, par l’intermédiaire de notre groupe parlementaire à l’Assemblée nationale défendu plusieurs propositions précises à l’occasion des travaux parlementaires sur la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information. En particulier nous avons proposé de :

  • créer quatre tarifs socles, minimums pour les piges (presse écrite, radio, télévision, photojournalistes) par ailleurs annuellement revalorisés en fonction de l’évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance ; 
  • prévoir que les délais de paiement d’une pige ne peuvent en aucun cas être supérieurs à trente jours à compter de la date de réception par l’éditeur d’un titre de presse du travail commandé ; 
  • en cas de non paiement indu de pige : a) donner le droit – sur le modèle de ce qui existe en matière de lutte contre les discriminations (article L1134-2 du code du travail) – aux organisations syndicales représentatives de journalistes de pouvoir saisir la justice pour l’application du droit du travail ; b) créer une amende spécifique de 3 750 euros en cas de non paiement de la pige par un rédacteur en chef (article L. 7113-2 du code du travail)
  • encadrer les rémunérations de 1 à 20 au sein des entreprises comprenant des journalistes en prenant en compte la situation des pigistes

Ces propositions ont par ailleurs été élaborées après consultation notamment du SNJ et de collectifs spécifiques (Profession Pigiste, Tu piges, Paye ta pige). Elles devraient être à même de pouvoir encadrer le recours à la pige, contribuer à déprécariser, et garantir un meilleur accès à la carte de presse.

Dans le cadre de la diffusion des images des photojournalistes, les délais de paiements légaux ne sont pas respectés par les groupes de presse et les agences. Il existe un évident déséquilibre dans le rapport économique entre les photojournalistes et les éditeurs de presse. Qu’envisagez-vous, en tant que futur Président de la République et financeur de la presse par le biais des aides publiques de soutien, pour faire respecter ce droit essentiel à être rémunéré pour son travail dans les délais légaux ? 

Retrouvez notre proposition en la matière en réponse à la question précédente.

Quels outils pensez-vous mettre en place afin de favoriser la parité dans les nominations et les financements ainsi que pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles? 

Dans le domaine des arts et de la culture, nous lutterons de manière structurelle contre les discriminations et violences sexistes. Cette action sera menée main dans la main avec les associations qui portent ces sujets depuis de nombreuses années, avec elles nombre de pistes de solution. Cela commencera dès les structures de formation des travailleurs des arts et de la culture, et se perpétuera également dans des cadres de formations et de préventions spécifiques dans les lieux de travail. 

Notre action portera dans tous les pans des chaînes de création, à commencer par la parité dans les nominations qui ne nécessitent que de la volonté politique. Ensuite, notre plan de revalorisation des moyens accordés à la création aura parmi ces objectifs principaux de rattraper l’équité des moyens attribués. Il s’agira également de porter l’égalité dans la programmation des structures publiques, en conscience de l’équilibre d’intervention à respecter dans le cadre de la liberté de programmation, mais saura être coercitive si nécessaire.

Cette lutte est vaste et structurelle, et commence également par la question des représentations. Nous agirons pour permettre à la création d’être à l’image de la diversité qui compose la France d’aujourd’hui, ce qui passera par la commande publique notamment dans l’audiovisuel, mais aussi en agissant concrètement contre la concentration dans les industries culturelles et dans les médias. Enfin, c’est aussi dans la mémoire commune que cette diversité prendra place, par la valorisation du matrimoine et des cultures populaires trop longtemps invisibilisées.

Nous mettrons donc sur la table tous les moyens nécessaires pour mener cet objectif à bien. Cela prend enfin place dans une action qui dépasse les arts et la culture, dont vous pourrez retrouver les détails dans le livret Égalité Femme-Homme de l’Union populaire (https://melenchon2022.fr/livrets-thematiques/egalite-femmes-hommes/) ainsi que dans son plan pour mettre fin aux féminicides (https://melenchon2022.fr/plans/feminicides/).

Un outil est en train de se développer venant chambouler le monde digital. Ce changement de modèle économique vient aussi bouleverser la place de la photographie et celle du droit d’auteur. Avez-vous la volonté d’impliquer la loi française et de mettre les moyens nécessaires afin que juristes et professionnels soient aptes à générer une proposition réaliste vis à vis des GAFAM ? Comment pensez-vous impliquer la France dans la mise en place de ce contrat digital ? 

Nous faisons nous aussi le constat du bouleversement impliqué par les NFT, non seulement en termes de droits d’auteur mais également de risques de spéculation d’une part, et d’impact carbone d’autre part. Nous pensons que le déploiement actuel des NFT s’inscrit dans une logique purement marchande et consumériste de la culture, dont nous ne nous satisfaisons pas. C’est pourquoi nous souhaitons en effet légiférer sur les NFT pour couper court à ces effets négatifs. 

Le CPI dispose que chaque diffusion d’une photographie doit donner lieu à une rémunération proportionnelle à son utilisation. Comment envisagez-vous la rémunération proportionnelle des images diffusées sur internet, et leur protection contre la contrefaçon ? 

L’État doit en particulier travailler avec le secteur de la presse pour limiter l’utilisation abusive des mentions “DR” qui ne sauraient dispenser de la juste rémunération de leurs droits d’auteur. Un contrôle attentif des plateformes doit également être exercé, ce qui nécessite un renforcement des moyens publics dédiés à cet effet. La standardisation des balises de métadonnées pourrait aider à la mise en œuvre d’une juste rémunération.

L’Agessa, responsable du recouvrement des cotisations retraite des artistes auteurs a omis de prélever les cotisations à la retraite de base de l’ensemble des auteurs assujettis à son régime entre 1975 et 1999. Ces auteurs n’ont donc pas ouvert de droits à retraite sur cette période. Pour réparer ce manquement, dans quelles conditions envisagez-vous le rachat des trimestres par les auteurs ? Et comment pensez-vous améliorer le fonctionnement des organismes sociaux ? 

Nous connaissons la situation scandaleuse et désastreuse des retraites Agessa. Nous souhaitons qu’une discussion soit ouverte avec des représentant·es élu·es des artistes-auteurs sur leur protection sociale. Parmi les questions sur la table figurera ce sujet. La puissance publique devra venir garantir et soutenir les droits sociaux et un véritable statut des artistes-auteurs, comme elle le fait pour l’intermittence du spectacle.

Les conditions de travail 

Approuvez-vous les conclusions du rapport Racine et le cas échéant selon quelles modalités comptez-vous répondre à ses propositions ? 

Nous partageons le constat du rapport Racine sur la situation sociale des artistes auteurs. Nous approuvons la double proposition d’organiser l’élection d’un conseil national pour les représenter, et de la création d’un statut professionnel qui doit sécuriser leurs revenus lorsque ceux-ci sont discontinus. Une négociation sera ouverte avec le conseil national, avec l’objectif d’un régime social aussi adapté et protecteur que l’est l’intermittence du spectacle.

Dans le cadre d’un contentieux en contrefaçon sur des photographies, la charge de prouver que les images sont bien originales et donc protégeables par le droit d’auteur repose sur l’auteur. Par défaut, une photo dont il est l’auteur est donc considérée comme non protégée par le droit d’auteur. En raison du déséquilibre économique entre auteur (le plus souvent un auteur seul) et diffuseur (le plus souvent des sociétés), cet état de droit rend bien souvent trop coûteux en temps et en moyens financiers l’engagement d’un contentieux en contrefaçon. Un renversement de la charge de la preuve a été proposé par le rapport relatif à la Preuve de l’originalité du CSPLA de décembre 2020. Envisagez-vous de suivre cette recommandation et de renverser la charge de la preuve de l’originalité d’une image ? 

Il s’agit d’une piste intéressante, dès lors que nous faisons comme vous le constat d’une asymétrie sans cesse plus grande entre artistes-auteurs et diffuseurs. Le régime social adapté pour les artistes-auteurs et la nouvelle politique de la création que nous porterons permettront de favoriser l’indépendance des artistes et équipes artistiques vis-à-vis des structures de diffusion. Cette proposition pourra pleinement faire partie de cette démarche. 

Véritable carte d’identité des images, et seul outil de suivi faible de leur utilisation, l’ensemble des métadonnées sont une source d’information essentielle pour les auteurs. Elles sont trop souvent supprimées par les éditeurs de presse dans le cadre de leurs publications en ligne, et de manière générale de beaucoup de diffuseurs, privant les photographes de revenus liés à ce canal de diffusion. Cette suppression porte atteinte à l’intégrité des images, elle est illégale. Envisagez-vous de contraindre les éditeurs de presse, et de manière générale tout diffuseur, à respecter les métadonnées, si besoin en conditionnant l’attribution des aides au respect de la législation sur ce sujet ? 

Oui, il nous semble souhaitable d’en faire une condition des aides à la presse directes comme indirectes (TVA), ce qui permettrait de toucher tous les titres de presse.

Les photographes auteurs, autrefois catégorisés par l’INSEE avec les autres auteurs en 9003 ont été récemment reclassés en 7420Z avec les photographes artisans. Ils sont les seuls auteurs à avoir quitté le code APE des auteurs. Envisagez-vous de les replacer à leur juste situation en leur permettant de réintégrer le code APE 9003 ? 

Cette évolution paradoxale mérite en effet certainement d’être ré-expertisée par l’INSEE.

Relations économiques 

Pour soutenir la photographie, le gouvernement a lancé une commande publique dédiée au photojournalisme. Avez-vous prévu des commandes publiques de photographies supplémentaires ? 

L’idée de commande publique est intéressante car elle permet d’alimenter les collections publiques, patrimoine de tous les citoyens, et d’encourager la création. Cette idée s’inscrit pleinement dans notre idée de relancer des « grands travaux » culturels quand nous prendrons le pouvoir.

La nouvelle politique de la création que nous porterons changera également le paradigme de la commande publique, aujourd’hui de plus en plus axée sur l’appel à projet et le soutien public ponctuel. Nous nous inscrirons au contraire dans une logique de conventions au long terme, de l’implantation et de l’itinérance des travailleurs de l’art afin stabiliser la création et de sortir celles et ceux qui la portent de la précarité et du court-termisme constant. Cela concerne donc également la photographie. 

Les plateformes de photographies présentes en France, dont la principale est Meero refusent de respecter le droit français. Elles refusent le statut de photographies originales (et donc la protection par le droit d’auteur) aux images prises par les photographes en expliquant que ceux-ci sont subordonnés à des instructions très précises de travail. Par ailleurs, elles nient l’existence d’un lien de subordination et donc la protection de ces photographes par le droit du travail salarié. Comment pensez-vous agir pour que ces plateformes tant mises en valeur par le gouvernement actuel respectent le droit français ? 

Nous voulons légiférer pour mettre un coup d’arrêt à l’uberisation du travail. Pour ce faire, nous renverserons la présomption d’indépendance en présomption de salariat. Nous soumettrons les plateformes professionnelles concernées à un agrément administratif et construirons des plateformes publiques.

Place de la photographie en France 

Quelle sera la place réservée à la photographie dans le futur gouvernement au sein du Ministère de la Culture et du secrétariat d’État aux PME ? 

Nous sommes conscients du vide laissé dans les politiques publiques par la suppression de la délégation à la photographie. Veiller à ce que le sujet soit suivi de façon transversale et cohérente au ministère de la Culture sera une priorité. 

Pour ce faire, et sans présupposer à ce stade la bonne solution d’organisation administrative, nous comptons en tout état de cause sur le renforcement des moyens humains et techniques du ministère, après 20 ans d’austérité désastreuse.

Centre national de la photographie 

Existant de 1982 à 2004, fusionné au sein du Jeu de Paume, le centre national de la photographie n’existe plus comme entité indépendante. Envisagez-vous de le réhabiliter ? 

Notre nouvelle politique de la création aura pour objectif de porter une attention particulière et volontariste aux disciplines jusqu’à présent trop peu appuyée par la puissance publique. La photographie en fait selon nous partie, et la piste d’un centre national de la photographie indépendant pourra donc être étudiée en ce sens. 

La France est le pays qui a consacré la naissance du droit d’auteur. Elle revendique son statut de protectrice des arts et des auteurs. Comment envisagez-vous l’éducation des jeunes à la valeur des œuvres d’art en général et au respect du droits d’auteur en particulier, dans un contexte où la circulation des images est hors de contrôle ? 

La création est une éternelle réappropriation. L’histoire nous en donne de nombreux exemples. Le droit d’auteur fait aussi partie de notre histoire, comme vous l’indiquez justement. 

Il convient dans un souci d’éducation d’informer et de former les jeunes aux ressources inépuisables de la création mais aussi à ses limites. L’éducation artistique à l’image, à la photographie, à l’audiovisuel est essentielle. Nous pensons que des dispositifs de qualité comme “culture(s) de demain” proposés par LE BAL doivent être amplifiés.

Nous voulons professionnaliser et revaloriser la place de l’éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité, dans les temps scolaires, périscolaires et extra-scolaires. Pour cela nous lancerons un plan de formation et de recrutement dans les métiers de l’accompagnement culturel et de la médiation culturelle de proximité en lien avec les associations d’éducation populaire. 

Cela permettra de faire de l’éducation artistique et culturelle le fer de lance du service public des arts et de la culture, par une place pleinement revalorisée à l’école, ainsi qu’une action qui se prolongera à l’université, en entreprise (via les CSE), dans les lieux de soin, les lieux pour le grand âge jusqu’aux lieux de privation de liberté. Cette action se déploiera toujours dans les trois piliers essentiels de l’EAC : enseignement sur les œuvres et développement du regard critique, contact avec les œuvres et les artistes et pratique artistique. 

Le plan indépendant du gouvernement prévoit une prestation chômage pour les entrepreneurs. Les artistes interprètes bénéficient quant à eux aujourd’hui du statut de l’intermittence. Pour protéger les artistes auteurs, et soutenir leur activité de création, envisagez-vous pour eux une protection similaire ? 

Absolument. C’est le sens de notre proposition mentionnée ci-dessus sur les élections professionnelles chez les artistes-auteurs, la création d’un Centre national des Artistes-auteurs et la négociation, dans ce cadre, d’un régime social sécurisant les carrières et les revenus de ces derniers comme l’intermittence permet de le fait pour les artistes et techniciens du spectacle. Notre action aura également pour but de garantir aux artistes-auteurs et à l’ensemble des travailleurs de l’art l’accès aux droits sociaux inhérents à l’activité professionnelle : congés maternité/paternité, médecine du travail, droits au chômage, à la formation, retraite, etc.