Sommaire

Notre constat : cinq années entre chômage et précarité

Les besoins sociaux sont immenses : la pauvreté ravage des villes entières, la bifurcation écologique n’est guère engagée, la France stagne sur plusieurs fronts technologiques et les qualifications ne s’élèvent plus. Le pays a besoin de travail humain. Pourtant, les politiques du gouvernement gaspillent des millions de bras et de cerveaux. Au lieu d’investir dans le travail, le « Président des riches » a favorisé les plus hauts revenus. Les 5 % les plus modestes, privé·es d’emploi à temps plein, se sont même appauvri·es. Alors que la crise du Covid-19 touchait le monde entier, les dividendes versées en France aux rentiers battaient impunément des records… tandis que les droits et la sécurité des travailleur·ses ont été dégradés par la réforme de l’assurance chômage. Pour Macron, la crise économique serait derrière nous, mais le nombre d’inscrit·es à Pôle emploi a doublé en dix ans ! Autour des chômeur·ses complet·es, soit trois millions d’individus, gravitent des millions de personnes précaires, qui naviguent d’un emploi à l’autre, contraints de passer des jours entiers sans revenu, à éplucher les petites annonces, naviguer d’une page Internet à une autre ou toquer aux portes des établissements. Les gens ne demandent qu’à travailler, mais on ne leur propose pas d’emplois dignes.

Contrairement ce qu’affirment certains – « il n’y a qu’à traverser la rue » – le chômage résulte directement d’une pénurie d’emplois, aux graves conséquences sociales. Chaque année, le chômage tue directement 14 000 personnes en France, plus de deux fois plus que les accidents de la route. À âge, métier et lieu de vie équivalents, les chômeur·ses ont une mortalité supérieure de 60 %. Les suicides sont trois fois plus fréquents, ainsi que les risques de cancer, d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, d’épisodes dépressifs et de consommations addictives pour tenir le choc. Si le chômage est une question économique, c’est aussi une question de santé publique. D’autant que lorsque les parents perdent leur emploi et connaissent ces difficultés, elles se reportent sur leurs enfants sous forme d’échecs scolaires et reproduisent les inégalités d’une génération à une autre. 

Pourtant, les chômeur·ses sont sans cesse culpabilisé·es. Un discours à la mode, porté notamment par Emmanuel Macron, après Nicolas Sarkozy et François Hollande, consiste à brandir la chimère des prétendus « emplois non pourvus » Ils agitent ces offres invisibles pour annoncer en grande pompe la résolution du chômage. Mais c’est ridicule : depuis 2017, 99 % des déclarations d’embauche donnent lieu à un recrutement. Le nombre d’emplois vacants, en réalité, est ridiculement faible. La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) l’évaluait à 264 000 postes en 2021, soit 1 pour 22 demandeur·ses d’emplois !

Un autre discours libéral cherche à contraindre les personnes privées d’emploi à la « recherche active » d’emploi. En situation de pénurie, c’est à la fois hypocrite et néfaste. Les chômeur·ses supposé·es ne pas chercher vigoureusement des emplois inexistants sont passibles de sanctions. Pourtant, ce sont celles et ceux qui recherchent le plus rapidement, intensément et frénétiquement… qui échouent et connaissent le burn-out. Si l’on veut améliorer les qualifications et la productivité de notre économie, il nous faudra prendre le temps de permettre des transitions sereines entre emplois et entre secteurs, plutôt que de pressurer les chômeur·ses pour les forcer à accepter le premier emploi venu, souvent précaire… et qui les amène à se réinscrire à Pôle emploi quelques semaines plus tard.

Aussi, les conseiller·ses Pôle emploi sont débordé·es, chacun·e étant chargé·e de suivre individuellement des centaines de personnes. Ils multiplient les rendez-vous extrêmement courts, voire perdent de vue des chômeur·ses, et doivent se contenter de contrôler l’intensité de la recherche d’emploi, ce qui est devenu absurde. Leur temps de travail est ainsi stérilisé, plutôt que de leur donner les moyens d’accompagner sérieusement les personnes ou prospecter les offres sur le marché. Les agent·es de Pôle emploi sont pourtant nombreux·ses à résister aux injonctions légales et managériales, qui leur intiment d’obliger les chômeur·ses à accepter des emplois moins qualifiés et moins bien payés que ceux qu’ils et elles occupaient auparavant. Les agent·es savent en effet que ce n’est pas par la déqualification que l’on relance un pays !

La réforme de l’assurance chômage menée à l’encontre de toutes les organisations syndicales incarne cette doctrine. Les personnes privées d’emploi paient le prix de la crise : des centaines de milliers de personnes perdent leur éligibilité, des millions perdent en indemnisation. Or, lorsqu’un·e chômeur·se passe de 1 200€ à 1 000€ d’indemnisation, il est prêt à travailler pour un niveau en dessous du SMIC, tirant vers le bas tous les emplois du pays.

Mythe : La précarité crée des emplois

En réalité, chaque législation favorable aux emplois précaires a dopé le chômage !

La précarisation du travail est en forte hausse : 8 embauches sur 10 sont réalisées en contrat à durée déterminée. Si un·e précaire sur deux obtenait un CDI au bout d’un an en 1982, aujourd’hui c’est seulement un·e sur cinq ! Conséquence de cette précarité, un million de personnes vivent sous le seuil de pauvreté alors qu’elles sont en emploi, et 400 000 retraité·es survivent grâce à un petit boulot. Une des raisons majeures en sont les temps partiels contraints, quasi exclusivement occupés par des femmes. Dans la France de Macron, un million et demi de personnes cumulent même deux emplois pour s’en sortir. Cette vision “jetable” des salarié·es dévalorise le travail, nie les métiers et les savoir-faire. Elle empêche de lancer de vrais projets, de se former ou de s’investir auprès des client·es et des usager·es.

Les 35 heures et la réduction du temps de travail sont remises en cause. Alors même que depuis un siècle, c’est la division par deux du temps de travail qui a permis de créer des emplois (350 000 lors des seules 35 heures en 2000-2002) en redistribuant les gains de productivité, le processus est aujourd’hui gelé. Ainsi, aujourd’hui, le temps de travail effectif se situe autour de 40 heures à temps plein (et il augmente !), alors que des millions de personnes sont privées d’emploi. Cette situation absurde s’explique par la défiscalisation des heures supplémentaires et la montée des dérogations au temps de travail entreprise par entreprise.

Le retardement de l’âge légal de départ à la retraite et l’allongement des durées de cotisation, de leur côté, ont conduit non seulement à la réduction des pensions obtenues, mais surtout à l’augmentation du chômage aux deux extrémités de la vie active. En effet, depuis la réforme Fillon de 2003, le taux d’emploi des seniors n’a que légèrement augmenté. Les entreprises continuent de se séparer de leurs salarié·es à 59 ans. La moitié des 55-60 ans sans emploi et sans retraite perçoivent des prestations sociales ou des pensions. Le recul de deux ans de l’âge de la retraite ne profite pas aux caisses de retraite mais a conduit à l’augmentation des dépenses des caisses chômage (de 600 millions d’euros par an) et invalidité (de 1,6 milliard par an). Il a en outre pour effet d’augmenter la précarité et le taux de chômage des jeunes, qui ne peuvent succéder à leurs anciens.

En parallèle, la financiarisation de l’économie a détruit toute perspective de production des entreprises. Verrouillé par les traités européens, le secteur public est un moteur bridé.

Depuis 30 ans, on observe une explosion de la part des profits dans la répartition de la valeur ajoutée aux dépens de la part des salaires, alors même que les investissements tendent à baisser. Dans les entreprises du CAC 40, 80 % des bénéfices sont reversés aux actionnaires alors qu’ils devraient être investis ! Cette ponction sur la production trouve son origine dans la déréglementation des marchés financiers et dans la montée en puissance des fonds d’investissement ; elle obère la possibilité de développer certaines activités.

Par ailleurs, l’absurde règle des 3 % de déficit empêche de relancer l’économie par la dépense publique, notamment via des dépenses d’investissements en infrastructures. Elle fait écho à la « Stratégie européenne pour l’emploi », mise en œuvre depuis 1997. L’Union européenne est en guerre contre l’assurance chômage. Elle considère que l’aide aux chômeur·ses est un « obstacle à l’intégration sur le marché du travail » et que les indemnisations sont des « contre-incitations à travailler ».

Du côté de la demande, les carnets de commandes vides s’expliquent par la compression salariale et l’atonie de la demande publique. La dépense publique n’a pas progressé depuis 2007, avec un seul léger sursaut lié à la pandémie en 2019. Alors que le moteur de la consommation évite à notre économie de sombrer dans la déflation, les salaires n’augmentent plus. Au même moment, la productivité et les dividendes augmentent. Pourtant, les carnets de commande peuvent être remplis, via une augmentation des salaires, en commençant par le SMIC, et le développement des filières répondant à nos besoins écologiques et sociaux.

Le libre-échange généralisé a torpillé notre industrie. Aujourd’hui, la moitié des délocalisations a lieu vers d’autres pays de l’Union européenne ! Des milliers d’emplois disparaissent ainsi, ou bien lorsque les usines partent s’installer ailleurs pour de la main d’œuvre moins chère, ou bien lorsqu’elles renoncent à créer des emplois en France pour mener leurs embauches ailleurs. Et la conséquence des délocalisations industrielles est évidente sur les services : disparition de sous-traitants et chute de la consommation, puisque les anciens consommateurs de services se retrouvent au chômage. La France est le pays européen qui investit le plus à l’étranger, avec des capitaux en fuite libre au détriment de l’activité nationale.

Le grand détournement des politiques d’emploi se fait à nos dépens et au profit des actionnaires. Alors que la France n’a plus de politique industrielle et que son budget est verrouillé au niveau européen, les gouvernements ont appliqué des politiques d’emploi coûteuses et inefficaces. La première des politiques pour l’emploi, depuis plus de deux décennies, consiste à arroser des pans entiers de l’économie, dont les profits sont déjà élevés, via des exonérations de cotisations sociales et des exemptions fiscales : effets d’aubaine parfaits ! Les « baisses de charges » constituent l’alpha et l’oméga de ces dispositifs concentrés sur le développement des bas salaires, lesquels sont liés à des emplois soi-disant « non qualifiés » alors que leur contenu a gagné en complexité et exige toujours plus de compétences. Avec le pacte de responsabilité, les sommes consacrées à la réduction du coût du travail représentent désormais 3 % du PIB. Leur efficacité n’est toujours pas démontrée. Une estimation basse fixe ce détournement de grande ampleur à 60 milliards d’euros, scandale d’État au profit de grandes féodalités économiques, aux effets très faibles en termes d’emploi.

Le chômage met la Sécurité sociale en déficit ? Faux !

On entend souvent parler d’un soi-disant « déficit » de l’Unédic. En réalité, celle-ci fait des miracles : les taux de cotisation n’ont pas bougé depuis une décennie, mais les gestionnaires sont censés couvrir un nombre toujours plus élevé de chômeur·ses ! Leur difficulté financière est donc provoquée par le refus du Medef et des gouvernements précédents d’augmenter les taux de cotisation à l’assurancechômage. De plus, plusieurs dispositifs vident les comptes de l’Unédic. D’abord, elle est obligée de consacrer chaque année 11 % de ses recettes aux frais de fonctionnement de Pôle emploi, soit 4 milliards d’euros l’année prochaine. En outre, face au désengagement financier de l’État, elle lève de l’argent en bourse auprès de prêteurs financiers (des hedge funds, spéculateurs ou banques privées, parfois destructeurs d’emplois !) qu’elle rembourse ensuite avec intérêts… tout cela aux frais des chômeur·ses. Chaque année, plusieurs centaines de millions d’euros disparaissent ainsi des caisses du chômage – de quoi indemniser des dizaines de milliers d’individus. En dépit de ces circonstances, l’Unédic prévoit à nouveau des excédents dès la fin d’année 2022. Il y a donc des marges de manœuvre financières pour protéger les chômeur·ses et les salarié·es.

Notre projet : travailler moins, travailler mieux, travailler toutes et tous 

Notre horizon est l’atteinte organisée et planifiée du plein emploi, pas la distribution de miettes d’emploi.

Il s’agit de doter les salarié·es d’un emploi stable et de conditions de travail décentes, libérant du temps pour prendre soin de soi, des siens et des autres. L’émancipation passe en outre par la conquête de nouveaux droits sociaux, afin d’asseoir, dans un avenir proche, le contrôle des travailleur·ses sur la production et la répartition des richesses, au bénéfice de la majorité. Notre projet vise à tirer collectivement les bénéfices de nos efforts : en permettant à chacun de contribuer au bien-être collectif par son travail tout en faisant en sorte que notre vie ne se consume pas dans l’emploi. Retrouver un travail, c’est aussi reconstruire des liens sociaux.

Notre projet met l’accent sur quatre aspects centraux :

  • réduire le temps de travail
  • redistribuer les richesses et augmenter les salaires
  • sécuriser la vie
  • organiser la bifurcation écologique

Réduire le temps de travail

Grâce à l’augmentation continue de notre productivité, nous avons besoin de travailler moins pour produire autant. Mais rien n’est écrit : une partie de l’actionnariat et de la finance entendent conserver pour eux tous les gains de la dernière période. En effet, le temps de travail des salarié·es français·es n’a pas diminué depuis 2002. La dernière fois qu’ils ont obtenu une semaine de congés payés supplémentaire, c’était en 1982 ! La réduction du temps de travail est un progrès social et humain, afin de reposer le corps et l’esprit… ainsi que libérer des postes de travail pour les chômeur·ses.

Des salarié·es toujours plus productif·ves en France

Source : OCDE

Outre les créations d’emploi, la réduction du temps passé à travailler tout au long de la vie a permis d’améliorer les conditions de vie de chacun : un temps de travail hebdomadaire réduit pour conjuguer épanouissements professionnels et personnels, et activités civiques ou associatives ; les congés payés pour avoir du temps à soi, avec les siens et les autres ; une retraite effective pour faire ce que bon nous semble, et bien souvent rendre des services bénévolement à ses proches et à la société toute entière. 

La réduction du temps de travail dans la semaine et dans l’année est aussi un enjeu de planification écologique : il est urgent de réduire le nombre de trajets vers son lieu de travail et d’augmenter le temps individuel dédié à d’autres activités.

Finalement, la réduction du temps de travail a toujours rimé avec l’allongement de l’espérance de vie. Il ne s’agit pas seulement de limiter la vie au travail, mais surtout d’exister plus longtemps avec ses proches.

Redistribuer les richesses et augmenter les salaires

Il n’est pas acceptable de travailler et d’avoir du mal à boucler ses fins de mois. Le SMIC mensuel se situe à peine au-dessus du seuil de pauvreté. Il s’agit de payer le travail à son juste prix. Et encore, près de 2 millions de travailleur·ses (en établissement et service d’aide par le travail -ESAT-, en prison, en apprentissage, en service civique, etc.) ne touchent même pas le SMIC !

Pourtant, dans le contexte actuel, une hausse des salaires modestes et moyens permettrait une relance de l’activité par la consommation, et à terme par l’investissement, à son tour créateur d’emplois.

Certains brandissent contre ces politiques de relance salariale le spectre d’une dépendance à l’étranger : on achèterait des produits ailleurs, ce qui causerait un problème de balance commerciale. L’argument apparaît absurde, alors que la France atteint déjà, en pleine politique d’austérité salariale, son pire déficit commercial de l’histoire avec 85 milliards d’euros ! Les ménages n’importent que 14 % de leur consommation, alors que l’énergie représente la moitié du déficit commercial. Celui-ci est donc une affaire de bifurcation écologique et de développement d’énergies renouvelables souveraines. Par ailleurs, la politique commerciale sera stabilisée par l’introduction d’un protectionnisme solidaire (taxation des marchandises produites dans des conditions indignes ou transportées sur une distance exorbitante) et la stratégie de désobéissance aux traités européens.

Sécuriser la vie

L’emploi n’est pas qu’un nombre, c’est aussi un contenu. La révolution citoyenne que nous appelons de nos vœux conduira ainsi à revoir les fiches de poste et les exigences du travail, pour émanciper les salarié·es. En outre, des conditions de travail améliorées (en particulier une meilleure prévention des risques professionnels) améliorent la qualité de la production et augmentent la productivité.

Aujourd’hui, la souffrance physique et psychologique atteint toutes les branches d’activités, de la petite entreprise au grand groupe. Les cas les plus scandaleux ont été épinglés les dernières années : France Télécom, dont la justice a condamné les cadres dirigeants pour harcèlement moral institutionnel ayant conduit au suicide, mais aussi Peugeot, Sodexo ou EDF. Le management inhumain n’est plus un tabou, mais est progressivement reconnu comme un crime contre les salarié·es. Il faut continuer dans cette voie, pour mettre fin à la barbarie quotidienne et aux coûts sociaux gigantesques qu’elle entraîne – 13 milliards d’euros annuels pour la branche accidents et maladie professionnelle de la Sécurité sociale.

La forme la plus brutale de souffrance est l’accident du travail. Chaque année, un·e salarié·e sur dix en est victime – un·e ouvrier·e sur six ! Parmi eux, plus de 700 meurent, uniquement pour avoir fait leur métier. Et la situation se dégrade : les enquêtes Conditions de travail menées par le ministère du Travail soulignent une augmentation des accidents en quinze ans. Si la plupart n’entraînent pas de conséquences visibles, ils s’accumulent sur le corps et se rappellent souvent aux salarié·es une fois arrivée la retraite, lorsque des gestes deviennent impossibles ou que des douleurs resurgissent. 

L’emploi, de plus en plus dangereux

Source : OCDE

Pourtant, nombre de médias culpabilisent les travailleur·ses qui protestent. Les voilà dépeint·es comme des égoïstes ou corporatistes, alors qu’ils et elles s’efforcent d’éviter que leur situation ne s’étende à d’autres ! Parfois même, on compare leur situation avec celle d’autres peuples plus démunis ou entreprises moins favorisées… pour inviter les deux côtés à se taire, plutôt que de s’unir.

La citoyenneté d’entreprise est une exigence, car le monde du travail est composé d’individus hautement qualifiés, qui ont une connaissance précise et pointue de leur activité. Il leur est d’autant plus intolérable d’être commandés par des ignorants, des gestionnaires ou des financiers qui ignorent tout d’une journée de travail normale et des conditions nécessaires pour réaliser les missions.

Relancer écologiquement l’activité socialement utile

Afin que la relance salariale soit aussi bénéfique que possible, l’offre de biens et de services doit être socialement et écologiquement vertueuse. Notre projet vise en particulier à enclencher la nécessaire bifurcation écologique de la production et de la consommation, via l’investissement public, par exemple dans les énergies renouvelables, les transports publics, l’agriculture biologique ou l’économie de la mer. Le développement des secteurs concernés permettra non seulement de répondre aux nouvelles demandes sans contradiction avec nos exigences écologiques et sociales, mais il contribuera directement à notre marche vers le plein emploi. Pour assurer son plein développement, il importe de le protéger de la concurrence internationale par des taxes protectionnistes.

D’autres secteurs doivent croître pour nous permettre de vivre et de travailler dans de meilleures conditions. Nécessaire d’un point de vue humaniste, le développement de logements sociaux permettra de réduire les dépenses de logement des ménages et de créer des emplois. Nous relancerons nombre de services publics, dont la qualité ne se maintient aujourd’hui autant que possible que grâce au dévouement des fonctionnaires, qu’ils et elles soient enseignant·es, soignant·es ou garant·es de la sûreté publique. Les cris d’alerte répétés témoignent de la nécessité d’une telle relance.

Améliorer la qualité de nos services publics et les conditions de travail de nos fonctionnaires doit se conjuguer avec l’essor de nouveaux services dont les besoins se font sentir, notamment aux deux extrêmes de la vie : petite enfance et dépendance, symboles d’une vie placée sous le signe de l’émancipation.

Un plan d’investissement de 200 milliards d’euros sera donc mis en œuvre. Le taux d’investissement public a atteint un taux historiquement bas depuis la Libération, sombrant sous les 3,5 % du PIB. En cause notamment la cure d’austérité imposée aux collectivités locales, puis les politiques de traitement du Covid-19, dont les incertitudes et retournements ont entraîné un effondrement de 8 milliards d’euros supplémentaires. Un tel plan est donc nécessaire pour sortir notre pays de la spirale déflationniste et combattre le chômage de masse.

En effet, le rendement de l’investissement public est rapidement positif. 1 euro investi engendre des revenus privés (salaires, commandes aux entreprises) déclenchant un cycle vertueux qui relance l’activité. C’est l’effet multiplicateur. Le FMI suggère depuis 2014 que pour un euro investi en période d’atonie économique, l’activité augmente de trois euros à terme. À plus long terme, l’investissement public, en améliorant les infrastructures disponibles pour le secteur privé, augmente la productivité de ce dernier et les capacités productives de la nation.

Nos propositions : le plein emploi

Établir la garantie d’emploi

Face au chômage, la collectivité doit intervenir et proposer à toutes et tous de prendre la part du travail qui est nécessaire. Pendant la crise du Covid-19, le chômage partiel a été utilisé en masse afin de protéger l’emploi. Au plus fort de la crise, 8,1 millions de salarié·es étaient concerné·es, soit 44 % des salarié·es du privé ! Pour garder les emplois, l’État a donc subventionné des milliards d’heures. Une expérience inédite ? Pas vraiment. Dans l’histoire et dans le monde, de multiples expériences ont été tentées aux États-Unis dans les années 30, en Argentine, en Inde, et même en France avec les Territoires Zéro Chômeur Longue Durée. Ces expériences ont toutes le même but : préserver et garantir l’emploi.

Il est absurde que certains individus soient indemnisés pour courir après des emplois inexistants, plutôt que d’être directement embauchés. La garantie d’emploi est donc une mesure à mettre en place de manière large et pérenne. Elle change ainsi les rapports entre employeurs et employé·es. Elle renforce le pouvoir de négociation des salarié·es. Elle exerce une pression à la hausse sur les salaires. Elle est une alternative au chômage. Elle facilite la transition des salarié·es face aux bouleversements des grands équilibres industriels. Son coût est limité par rapport aux diverses mesures en place qui ont démontré leurs limites comme le CICE. 

Ainsi, tout·e chômeur·se de longue durée se verra proposer un emploi utile à la bifurcation écologique ou à l’action sociale (les secteurs d’urgence), en lien avec ses qualifications et sur la base du volontariat. Nous proposons ainsi de : 

  • Créer une garantie d’emploi : tout·e chômeur·se de longue durée pourra se voir proposer d’être embauché·e au moins au SMIC – revalorisé – dans un secteur utile

Partager le temps de travail

Le partage du travail, et donc la réduction de sa durée au cours de la journée, de la semaine et de la vie, est d’autant plus réalisable que la productivité des travailleur·es s’élève sans cesse. Il s’agit donc de remettre en mouvement la dynamique historique de réduction du temps de travail, en lieu et place de l’ajustement par le chômage et les profits. C’est pourquoi nous proposons de :

  • Mettre en place les 35 heures effectives, contre le détournement actuel par la braderie des heures supplémentaires. Pour ce faire, il faut rétablir immédiatement la durée légale hebdomadaire à 35 heures (en majorant les heures supplémentaires, cotisations incluses, à 25 % pour les 4 premières et 50 % au-delà). Il sera ensuite nécessaire de revenir sur les conditions autorisant l’annualisation du temps de travail et le forfait-jour. Les négociations de branche devront préciser les conditions de l’aménagement du temps de travail, nécessaire pour réorganiser la production, compte tenu des plages horaires libérées, afin de rendre possible de nouvelles embauches
  • Généraliser une sixième semaine de congés payés
  • Abaisser l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans et réduire à 40 le nombre d’annuités requises pour obtenir une retraite à taux plein, qui ne saurait être inférieure au SMIC. Financée par l’égalité salariale femmes-hommes, par l’extension de l’assiette des cotisations aux revenus financiers et à l’intéressement ainsi que par l’accroissement du nombre d’actifs cotisant, elle implique aussi une hausse de 0,25 point de la cotisation interprofessionnelle
  • Passer immédiatement aux 32 heures dans les métiers pénibles ou de nuit et favoriser leur généralisation par la négociation collective
  • Favoriser le passage à la semaine de 4 jours par la négociation collective, en convoquant une conférence nationale sur le partage du temps de travail et l’impact du progrès technologique. Ce mouvement de réduction du temps de travail au service de la création d’emplois pourra être encouragé par des incitations ciblées et la constitution de bureaux des temps dans les collectivités
  • Remettre en cause les autorisations de travail le dimanche, en finir avec la flexibilisation, l’annualisation contrainte, l’intensification et les horaires fractionnés

Des grands chantiers créateurs d’emplois

Face au changement climatique, nous assumons de planifier la bifurcation écologique. C’est une urgence pour l’ensemble de l’humanité. Si cette urgence ne mobilise pas sérieusement le gouvernement actuel, c’est qu’elle exige de contester aux actionnaires et aux banques privées la direction de l’économie, notamment en créant des centaines de milliers d’emplois dans des secteurs où la rentabilité prévisionnelle n’atteint pas forcément deux chiffres. Ce tournant majeur ne peut donc être engagé que par la puissance publique, responsable devant le peuple.

Nous engagerons un plan global de rénovation de nos infrastructures pour les adapter au changement climatique :

  • Lancer un plan de dépollution de la Méditerranée et de nos façades maritimes et fonds marins
  • Rénover l’intégralité des réseaux d’eau et d’assainissement pour limiter les fuites 
  • Lancer des grands travaux de rénovation des voies ferrées et de réouverture des lignes et gares fermées dans les trente dernières années
  • Investir dans l’efficacité et la sobriété énergétiques, ainsi que dans les projets énergétiques innovants comme les énergies marines renouvelables
  • Accélérer la modernisation du réseau de lignes à haute tension et leur enfouissement
  • Réaliser un diagnostic national des ouvrages d’art (ponts, viaducs, digues, barrages) et les consolider
  • Reconstituer de manière durable nos capacités productives de bois et les fixer au plus près des massifs forestiers : sciage, menuiserie, production de panneaux, cartons et pâtes à papier
  • Développer une filière d’écoconstruction en matériaux biosourcés (dont bois, terre, paille)

Citoyen·nes dans l’entreprise

Les emplois doivent être protégés, afin de sécuriser les personnes. Nous mènerons donc une bataille sur trois fronts : pour la qualité des emplois, la citoyenneté dans l’entreprise et l’interdiction des licenciements boursiers ou injustifiés. Nos propositions visent à rééquilibrer les conditions de la négociation collective, dans les entreprises et les branches. 

Pour que les négociations aient du sens, il faut réaffirmer les droits non-négociables d’une part, comme celui d’obtenir un salaire décent, et créer des cadres propices à une discussion réelle de l’autre. Aussi restaurerons-nous le « principe de faveur » comme règle générale : un accord d’entreprise doit être plus favorable qu’un accord de branche, lui-même plus favorable que la loi. Dès lors, nous proposons de :

  • Porter immédiatement le SMIC à 1 400 euros net et rattraper le gel du point d’indice des fonctionnaires depuis 2010
  • Punir sévèrement le non-respect de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes
  • Créer dans l’entreprise une commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes
  • Organiser une conférence sociale pour revaloriser en matière de salaires, de conditions de travail et de parcours professionnels les métiers occupés majoritairement par des femmes dans les secteurs du soin, du lien et du contact
  • Imposer un écart maximum de 1 à 20 entre le plus petit et le plus haut salaire de chaque entreprise


Au niveau de l’entreprise, les droits individuels et collectifs seront élargis. Les droits des salarié·es à poser leurs congés ou à partager les congés parentaux seront renforcés. L’avis des instances représentatives du personnel sera requis pour toute décision stratégique, et celles-ci disposeront d’un droit de veto suspensif en cas de fermeture, de délocalisation ou de licenciement. Les salarié·es pourront exprimer un vote de défiance à l’égard des dirigeants d’entreprises ou des projets stratégiques. Toute contre-proposition des salarié·es sera obligatoirement examinée, et un soutien public juridique et financier sera garanti aux travailleur·ses désireux·ses de reprendre leur activité en coopérative. 

Un emploi stable pour chacun·e

La précarisation et la pulvérisation des statuts sociaux pèsent de plus en plus fortement sur les salarié·es. Nous pouvons apporter une stabilité dans l’emploi.

  • Instaurer un quota maximal de contrats précaires dans les entreprises : 10 % pour les petites et moyennes entreprises (PME), 5 % pour les grandes entreprises
  • Abroger les ordonnances Pénicaud et la loi El Khomri, et rétablir le “principe de faveur” : un accord d’entreprise doit être plus favorable qu’un accord de branche, lui-même plus favorable que la loi
  • Requalifier en contrat de travail salarié les travailleur·ses de plateformes numériques (Uber, Deliveroo…) et tou·tes les salarié·es faussement considéré·es comme indépendant·es 
  • Titulariser les précaires des trois fonctions publiques
  • Encadrer la sous-traitance en garantissant par la loi la responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants et en la limitant à un seul niveau.

Les licenciements seront interdits si l’entreprise a distribué des dividendes, des stock-options ou des actions gratuites. Nous mettrons fin à l’impunité des employeurs en cas de licenciements abusifs, en permettant au conseil des prud’hommes de réintégrer les salarié·es avec versement des rémunérations manquantes, sans barème maximal.

Rétablir une assurance chômage protectrice

Le chômage tue 14 000 personnes par an, à cause du stress, de la dépression, du manque de sommeil. Les chômeur·ses ne sont pas les responsables du chômage, ils et elles en sont les principales victimes ! L’assurance chômage doit les protéger.

  • Refuser la réforme Macron : indemniser les chômeur·ses en fonction de leurs derniers salaires grâce à une assurance calculée à partir du premier jour de travail, sans délai de carence
  • Élargir la médecine du travail aux chômeur·ses dès le premier jour de la fin de contrat
  • Supprimer l’obligation d’accepter une soi-disant “offre raisonnable d’emploi
  • Cesser la radiation des chômeur·ses à la première absence à un rendez-vous et en finir avec la logique de radiation au moindre prétexte pour faire baisser artificiellement les chiffres du chômage
  • Rétablir un régime d’assurance chômage spécifique pour les intermittent·es de l’emploi et les intérimaires permettant de leur assurer une meilleure couverture chômage entre deux périodes d’emploi

Une sécurité sociale professionnelle

Comme la carte Vitale garantit la continuité du droit à la santé, la sécurité sociale professionnelle maintiendra les droits des travailleur·ses tout au long de la vie, y compris hors du contrat de travail. À côté de la maladie, des accidents ou du chômage, elle couvrira un nouveau risque : celui de la carrière. Les travailleur·ses pourront choisir librement leur domaine de formation et élever leurs qualifications. Cette sécurité sociale professionnelle rendra le travail indépendant du capital. Nous inventerons les nouvelles manières de travailler au 21e siècle.

  • Assurer la continuité des droits personnels (à la formation, aux congés, à l’ancienneté…) hors du contrat de travail, et les transférer d’un contrat à l’autre
  • Garantir le maintien du revenu en cas de reconversion ou de formation
  • Donner à chaque salarié·e le droit à 36 heures de formation par an, librement utilisables dans le domaine de son choix
  • Intégrer les périodes de stages et d’apprentissage dans la sécurité sociale professionnelle (ancienneté, congés, formation)

En finir avec la souffrance au travail

Chaque année, on déplore des milliers de mort·es au travail ou à cause du travail. À côté, des millions de personnes sont marquées par leurs conditions de travail : douleurs physiques à cause des charges et postures, souffrances morales et psychiques.

Le progrès social et humain exige d’éradiquer la souffrance socialement organisée :

  • Reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle et avancer dans la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux risques psychosociaux
  • Doubler les effectifs de l’inspection du travail et augmenter les moyens des services prévention des risques professionnels dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat)
  • Renforcer la médecine du travail, en l’intégrant au service public de la santé, en restaurant la visite médicale obligatoire à l’embauche par le médecin du travail lui-même et les visites annuelles dans la carrière, y compris durant les périodes de chômage
  • Restaurer les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans les entreprises d’au moins dix salarié·es, augmenter leurs moyens et rendre leurs avis contraignants
  • Inscrire tous les produits cancérogènes pointés par le Centre international de Recherche sur le Cancer dans les facteurs de maladies professionnelles, dont les pesticides, et augmenter le nombre de tableaux de maladies professionnelles
  • Faire du nombre d’accidents du travail un critère de sélection dans l’accès aux marchés publics et rendre public ces recensements (y compris l’identité des donneurs d’ordre) pour inciter au mieux-disant
  • Rendre effectif le droit à la déconnexion et encadrer le télétravail

Garantir une retraite digne

La réforme des retraites voulue par Macron a marqué l’histoire avec une des grèves les plus longues du pays. Son projet est bien de nous faire travailler toujours plus longtemps sans garantie de niveau de pension. Pourtant, pour vivre plus longtemps dans des conditions dignes et en bonne santé, il faut pouvoir s’arrêter de travailler suffisamment tôt. C’est une mesure de justice à l’égard des plus défavorisé·es qui ont une espérance de vie nettement inférieure par rapport aux plus aisés.

  • Restaurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein pour 40 annuités de cotisations
  • Porter a minima au niveau du SMIC – revalorisé – toutes les pensions pour une carrière complète, et le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté
  • Prendre en compte le revenu de solidarité active (RSA) pour valider des trimestres en vue de la retraite
  • Augmenter de 0,25 point par an durant le quinquennat le taux de cotisation vieillesse et soumettre à cotisation les revenus d’intéressement, de participation, d’épargne salariale, ainsi que les revenus financiers des entreprises
  • Indexer le montant des retraites sur les salaires
  • Interdire au Fonds de réserve pour les retraites d’investir dans des secteurs polluants

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